La maison d’Antraigues, j’ai eu la chance d’y être invité par Jean Ferrat lui-même en 79, grâce à Gérard Meys, son producteur et compagnon d’Isabelle Aubret, qui sont des amis de longue date.
En 1991 sortant son album « Dans la jungle et dans le zoo » il ne voulait faire qu’une télévision : celle de Michel Drucker et que trois médias : le Dauphiné, la Montagne et… Evasion Mag car il avait appris par Gérard que j’étais mi-ardéchois, mi-varois. C’est ainsi que nous passâmes la journée à écouter chacune des chansons de ce nouveau disque dont il nous expliquait la naissance et que tout se termina par un repas à la Remise. Inutile de dire la joie que nous avons eue de partager ce moment avec cet immense artiste.
Une fois disparu, je continuais à venir voir Colette, sa femme, avec qui je fis un reportage lorsqu’elle ouvrit ce lieu qu’est la Maison Ferrat, en souvenir de lui.
D’année en année, j’ai continué à venir saluer Colette qui s’affaiblissait, jusqu’à ce 9 mai où elle a rejoint son homme, à l’âge de 88 ans.
Il y a longtemps que je n’étais plus entré dans ce lieu du souvenir, cette année, je m’y décidai et c’est avec un merveilleux sourire que m’y accueillit Anja Wissman, chargée de mission dans ce qui n’est pas un musée mais où des centaines de gens font la queue pour retrouver avec nostalgie, le poète-chanteur qui nous a offert tant de belles chansons.
« Anja, quel est votre rôle dans cette maison ?
Je suis chargée de mission depuis une dizaine d’années mais le lieu est géré par une association, la directrice étant Valérie, la nièce de Colette qu’elle a élevée comme sa fille. La Maison Ferrat existe depuis le 13 mai 2013. On a d’ailleurs fêté ses dix ans l’an dernier.
Expliquez-moi ce qui s’y passe…
Lorsque Colette a créé cette maison, c’était pour offrir un lieu vivant qui ne soit pas seulement un musée statique mais pour qu’il s’y passe des choses. Durant ces années, nous avons accueilli des concerts, proposé des expositions dont celles de Pignon Ernest Pignon qui nous a offert ce magnifique portrait de Jean Ferrat, on a organisé des conférences, nombre de soirées sur la place, des projections, tous les ans nous organisons le Printemps des Poètes. Quant à l’exposition consacrée à Ferrat, on essaie de la renouveler, de ne pas toujours montrer la même chose, nous accueillons de jeunes artistes de l’Ardèche, des expos temporaires en été.
Et il y a ce festival Jean Ferrat qui vient d’avoir lieu du 17 au 21 juillet
Ce festival a été créé avant la Maison Ferrat en 2011. Au départ c’était la Mairie qui avait initié ce festival puis une association a pris le relais pour le faire perdurer.
Ce sont toujours des concerts autour de Ferrat ?
Au début c’était pour lui rendre hommage. Puis ça s’est élargi au niveau de la durée. D’une journée, nous sommes passés à quatre. Le fil rouge reste bien entendu Ferrat, son esprit, on reste fidèle à ses engagements, on y invite des artistes pas forcément de la chanson française classique, on s’est ouvert à d’autres styles de musiques, le rap, le slam, on a fait aussi un peu de rock mais le point commun au niveau de ces artistes c’est que ça reste 100% francophone ancré dans la personnalité et les idées de Ferrat.
Dans ce lieu je reconnais du mobilier que j’avais vu chez Jean…
Lorsqu’il est décédé, il y avait énormément de gens qui erraient dans le village à la recherche de sa maison et du coup, il y avait besoin d’un lieu et c’est pour cela que Colette a eu cette idée de cette place symbolique où on pouvait le voir jouer aux boules. Le lieu, qui était un bar-restaurant – où d’ailleurs Philippe Noiret et Jean-Louis Trintignant venaient lorsqu’ils tournaient le film de Robert Enrico « Le secret » (On le voit d’ailleurs dans le film) – était en vente. Et Colette y a installé des meubles, le piano, sa guitare…
La maison a-t-elle été vendue ?
Non, elle est toujours dans la famille.
Que faisait Jean de ses journées ?
Il continuait à écrire, il passait beaucoup de temps à répondre au courrier qu’il recevait, on a des archives incroyables. Pour lui, c’était important de garder ce contact avec son public, il jouait aux cartes, aux boules avec ses amis, il allait à la pêche.
Est-ce que des artistes connus sont venus jouer ?
Oui, justement nous avons accueilli Jean-Louis Trintignant avec un spectacle libertain, Daniel Auteuil, Arthur H, Francesca Solleville avec qui on a fêté ses 90 ans, son ami Ernest Pignon Ernest, qu’on a accueilli deux fois pour des expositions…
Vous disiez que ce lieu était un bar mais il fut aussi, je crois, un lieu historique ?
Oui, le comédien Gabriel Monnet, né au Cheylard, était un grand résistant, il a inauguré la Maison de la Culture de Bourges en montant une pièce de Pierre Halet « La provocation » sur l’incendie du Reichstag. Pierre Halet, connaissant Jean Ferrat, lui a demandé d’en écrire la musique. Gaby Monnet connaissant Alexandre Calder et Jean Saussac, qui était décorateur de théâtre, leur a demandé d’en faire les décors. Tout ce petit monde s’est donc retrouvé à Bourges puis à Antraigues et c’est grâce à eux que, tous installés dans le village, celui-ci a commencé à être connu artistiquement ».
Il est évident que Ferrat installé, le monde artistique s’est développé autour de lui et aujourd’hui, lorsque vous venez à Antraigues, prenez votre mal en patience pour trouver une place pour vous garer. Mais, armé decourage, vous ne regretterez pas de découvrir la Maison Ferrat mais aussi ce petit village ardéchois tellement beau et vous pourrez vous rendre compte que Ferrat avait raison de dire que la montagne était belle !
Jacques Brachet
La Maison Ferrat – Place de la Résistance – Antraigues sur Volane – 04 75 94 73 49