
Nicolas Folmer est un musicien de jazz reconnu, trompettiste, pianiste et chanteur… entre autres et « La Vague classique » a eu l’excellente idée de l’inviter pour une soirée dans ce cadre superbe qu’est la Villa Simone. Concert intitulé « Michel Legrand Story », qui sera toute la soirée accompagné du chant des cigales !
Accompagné de trois pointures, Tony Sgro, basse, Luc Fenoli, Guitare, Jérôme Achet, batterie, il nous a offert un Michel Legrand revu et corrigé où l’on reconnait toujours la pâte du compositeur, même dans la voix de Nicolas, plus basse mais dont les intonations sont similaires.
Des « Demoiselles de Rochefort » aux « Dons Juans » de Nougaro, en passant par des chansons moins connues comme « Les enfants qui pleurent » « How do you keep the music play », « Quand ça balance » ou « La belle au bois dormant » du même Nougaro, ou encore « Les moulins de mon cœur » joué en accéléré, ce ne sont que des envolée jazzy menées par quatre virtuoses, Nicolas, lui, passant du piano à la trompette, de la trompette à la voix lorsque ce n’est pas les trois à la fois !
Et comme bouquet final, « Un été 42 » joué en duo à la trompette avec Luc Fenoli… Un moment de grâce
Du grand, du beau jazz, à la fois maîtrisé et d’une grande originalité.
Quelle belle soirée !
Dans l’après-midi Nicolas Folmer m’accordait un moment d’entretien, moment magique avec un musicien hors pair à la carrière foisonnante.
« Nicolas, par quoi tout a commencé : musique ? Jazz ?
J’ai débuté dans un grand orchestre de jazz… J’avais 11 ans !
Ça a été formateur car j’étais avec des gens qui étaient plus âgés que moi. Ça a aussi été une aventure humaine qui a révélé chez moi l’envie de connaître et aimer cette musique.
Vous étiez une famille de musiciens ?
Pas spécialement mais mes parents m’emmenaient aux concerts et je m’y suis intéressé. Quant à ce jazz band dans lequel j’ai commencé à jouer, il m’a ouvert les oreilles ! J’ai commencé à jouer avec des copains et tout est parti de là.
Par la suite avez-vous fait des études musicales ?
Oui, j’ai fait le Conservatoire de Paris où j’ai étudié la trompette et la composition où j’ai plus tard enseigné de 2013 à 2016. Sorti de là j’ai eu un prix de perfectionnement au conservatoire, classique et jazz et tout de suite après j’ai commencé à jouer.
Du jazz seulement ?
J’ai fait un peu de classique mais c’était surtout la musique de jazz et « ses cousines » comme la musique latine où j’ai beaucoup joué avec des musiciens latino-américains, ce qui a beaucoup complété la formation de jazz que je suivais.
Vous avez travaillé avec beaucoup de grands musiciens comme Manu Katché, Herbie Hancock, Richard Galliano, André Ceccarelli… Michel Legrand, c’est arrivé comment ?
Il m’a u jour appelé pour remplacer au pied levé un musicien de son orchestre. Il avait entendu parler de moi. La rencontre s’est très bien passée, on a eu un flash spontané. Dès le premier soir, on a eu du plaisir à jouer ensemble et on a eu l’idée de faire un disque. C’est ainsi qu’est né notre premier album ensemble. C’était en 2009. Après ça, il m’a invité à nouveau dans son orchestre.
Il est décédé en 2020 et en 2022 j’ai fait un album-hommage un peu différent du premier puisqu’il n’était plus là, avec une relecture de ses musiques, différentes de ce qu’on avait fait ensemble.
Vous connaissiez bien sa musique ?
Oui mais surtout ses musiques de films. Lorsqu’on a enregistré ensemble, je venais d’avoir les Victoires de la Musique et j’avais envie de faire un disque de standards mais pas de standards de Broadway car tout le monde le faisait et au moment où je commençais à réfléchir aux musiques que je voulais enregistrer, au moment où je me posais ces questions-là, Michel m’appelle et je me rends compte qu’il a fait de nombreux standards français. Lui était heureux que des musiciens plus jeunes reprennent ses musiques, avec tout le côté improvisations virtuoses qu’il y a dans le jazz. C’est comme ça que ça s’est fait.
Et pour ce second album hommage, le choix des musiques c’est fait comment ?
Dans ce disque, je chante aussi, ce que je ne faisais pas dans le premier opus et il y a à la fois le côté cinéma et chanson, et jazz bien sûr. Il y a un orchestre à cordes, un big band. Je venais de faire un hommage à Miles Davis et, sur le même principe, je croise son univers avec le mien, je ne rejoue pas sa musique texto mais je fais une relecture personnelle en mélangeant nos deux univers. Par contre, j’ai beaucoup tenu compte des beaux textes des chansons, en français, en anglais, notamment du couple Bergman avec qui il a beaucoup travaillé, des chansons de Nougaro dont les paroles sont magnifiques, ce qui rajoute une émotion.
Vous êtes trompettiste et pianiste, chanteur, compositeur, arrangeur, accompagnateur, chef d’orchestre … Que n’avez-vous pas fait ?
(Il rit) Oh, j’ai fait beaucoup de choses, c’est vrai. J’ai aussi travaillé avec des chanteurs comme Diana Krall, Nana Mouskouri, Henri Salvador, Nathalie Cole, Dee Dee Bridgwater, Claude Nougaro, Charles Aznavour… J’ai tourné avec Dee Dee Bridgewater pendant trois ans dans le monde entier, avec André Ceccarelli d’ailleurs. Une magnifique expérience. J’ai fait un album avec Nana Mouskouri. Elle avait fait un album avec Quincy Jones dans les années 60 et elle a voulu refaire un album avec des musiciens de jazz dans le même esprit.
Ces artistes, c’est vous qui allez les chercher ?
Non, en général ce sont eux qui me choisissent et mon travail est divers, Avec Nana j’étais invité comme soliste, avec Aznavour, c’est Yvan Cassar qui avait fait appel à moi, J’ai retravaillé avec lui pour Nougaro. J’étais plus dans le jazz que dans la variété mais souvent les chanteurs aiment « s’encanailler » avec des musiciens de jazz ! J’ai aussi fait des séances pour Laszlo Schiffrin, Nathalie Cole. C’est vrai, je faisais le job mais ce n’est pas ce qui m’éclatait le plus.
Qu’est-ce qui vous éclatait le plus ?
Ce que je voulais, c’était affirmer une pâte sonore personnalisée. Ce qui m’intéresse, c’est de participer en un morceau en tant que soliste, d’emmener une improvisation qui va transcender ce morceau. C’est ce qui me plaît vraiment.
Vous êtes également compositeur. Pour qui avez-vous écrit ?
Pour moi d’abord ! J’ai sorti vingt albums personnels, mais j’ai fait pas mal de musiques pour l’image, des pubs, des séries pour Netflix, HPO. J’ai écrit des musiques pour des orchestres, notamment un big band que j’ai dirigé pendant treize ans avec un saxophoniste nommé Pierre Bertand avec qui on a fait dix albums. Le batteur était… André Ceccarelli.
Vous faites donc une carrière internationale !
Oui, même si je me suis un peu calmé. Je vis à Toulon depuis sept ans, j’ai vécu à Paris vingt et quelques années. Et je ne regrette pas d’être venu ici ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon & Kylian Markowiak