Dans le cadre de la Fête du Livre 2014 à Toulon

Elle apparaît descendant l’escalier du fond de scène, en longue robe bleu-nuit, parée de toute sa beauté, et vient lentement s’installer derrière le micro devant ses trois musiciens qui s’arrêtent de jouer. Alors, a capella, sa voix profonde de contralto emplit la salle de son chant profond et poignant, longue plainte du fado qui vous couvre de frissons, puis les musiciens entrent dans la danse ; nous voilà conquis corps et âme pour une heure et demie de ce fado qui chante le fatum, le sens tragique de la vie, mais aussi, l’espoir, l’amour, les plaisirs et les tourments de Lisbonne, l’exil, la nostalgie de ce qui a ou n’a pas été, c’est à dire la « saudade ».
Carla Pires possède ce don unique de la présence, elle est là, on ne voit qu’elle, fragile et forte à la fois, comme sa voix et sa musique. Elle bouge à peine, humble, tendre, et élégante, mais le moindre geste de la main, du visage, d’une épaule, souligne les mots qu’elle chante avec un engagement total, une sincérité qui emporte, même si on ne comprend pas le portugais. Cette voix grave, puissante ou caressante, cascadant à travers les sentiments, cette voix qui porte sa musique s’insinue en nous dans l’émotion universelle des sentiments humains.
Carla Pires chante un fado ancré dans la tradition qui vient d’Amalia Rodrigues, à laquelle elle rendra un hommage poignant au cours du concert. Son répertoire puise donc dans cette tradition, mais aussi dans ses propres compositions et dans celles de fadistes d’aujourd’hui. Selon l’habitude du fado elle réécrit des musiques sur des paroles anciennes, ou mets des paroles nouvelles sur des musiques anciennes, ou encore met en musique des poèmes, offrant ainsi un programme en constante évolution, tout en restant dans le chant profond du fado.
Rappelons que Carla Pires a commencé à chanter en 1993, qu’elle est devenue une des stars du fado au Portugal, qu’elle est aussi comédienne, et qu’en 2000, elle obtint un rôle dans  la plus grande comédie musicale jamais réalisée au Portugal, « Amalia ». Elle interprétera ce rôle d’Amalia Rodrigues pendant quatre ans.

Elle était accompagnée par Ricardo Parreira à la guitare portugaise, Francisco Gaspar à la guitare basse et Nelson Aleixo à la guitare classique, excellent trio classique du fado : trois musiciens qui buvaient des yeux la chanteuse dans une connivence musicale et physique qui participait pour beaucoup à la force émotionnelle de ce concert. Concert applaudit longuement par le public sous le charme et le choc.
Serge Baudot
Son dernier disque: Rota das Paixoès (OCA O32) (www.ocarina-music.pt)