Nous sommes en 88/89.
Il y a déjà quelques décennies que je suis journaliste et si j’ai fait quelques papiers sur des spectacles de Charles Aznanour, je n’ai jamais pu le rencontrer pour une interview. Difficile à approcher, mes seules rencontrs se font grâce à Eddie Barclay dont je fais souvent parie de l’équipe et que je croise au Midem à Cannes où à la Rose d’Or d’Antibes, où encore chez lui à Ramatuelle à la villa de Bonne Terrasse lors de ses fameuses soirées blanches. Mais ce sont toujours de brèves rencontres. Je me souviens, lors de la sortie de sa première bio, qu’il m’avait dit : « C’est marrant, je n’ai écrit qu’un livre mais je le collectionne… dans toutes les langues ! »
Mais c’était toujours entre quelques « fonds de champagne » comme Barclay aimait à le dire, que nous buvions avec entre autres, des invités comme Patricia Carli et son mari Léo Missir qui faisaient partie de mes amis.
Voici donc qu’il est programmé au Zénith de Toulon et je décide de tenter ma chance auprès de son producteur Lévon Sayan. Je téléphone à son bureau et je me présente à une femme qui répond au téléphone.
Qu’elle n’est pas ma surprise d’entendre une voix que je crois reconnaître avec un accent italien qui me rappelle quelqu’un :
« Jacques Brrrrachet de Toulon ? Mais c’est Rrrrosy ! »
Rosy étant la cousine de Dalida, devenue pendant des années sa secrétaire particulière, j’ai travaillé avec elle jusqu’à la disparition de mon amie qui était aussi mon idole. Après le décès de celle-ci, Rosy travaillai donc pour Charles Aznavour.
Heureux et émus de nous retrouver, il lui fut facile de m’organiser une entrevue avec Charles.
C’est ainsi que nous nous rencontrions au Zénith où nous restâmes quelque deux heures à parler de lui et… de Dalida qui avait aussi été son amie.
L’entretien fut on ne peut plus cordial, nous le terminâmes avec une bouteille de vin qui, c’était une tradition qu’à chaque concert où il passait, on lui offrait.
Il me demanda de lui envoyer mon papier et de ce jour, à chacun de ses passages dans le Midi, nous nous retrouvions.
A cette époque, je fréquentais Paulette Raimu, fille du grand comédien, qui avait installé son musée à Cogolin, et l’on avait projeté de créer, à l’instar des César, les Raimu d’honneur. Hélas elle disparut mais nous le montâmes avec Isabelle, sa fille Je me chargeais des invitations.
M’ayant donné son portable, j’osais appeler Charles pour lui proposer de lui remettre ce Raimu. Chose qu’il accepta tout de suite tant il était admirateur de de l’illustre toulonnais. Evidemment, devant alors venir de Suisse, je lui dit que nous prenions tous ses frais en charge. Ce à quoi il me répondit :
« Il n’en est pas question, je suis trop honoré, sans compter que j’ai une maison dans le coin ».
Il me proposa même de venir présenter son dernier film « Pondichery, dernier comptoir des Indes » et me demanda s’il pouvait inviter le jeune acteur qui jouait avec lui, Frédéric Gorny. On ne pouvait pas le lui refuser !
Il arriva donc à Cogolin, accompagné par son ami Jo de Salernes, présenta le film, alla faire un tour au Musée puis dans Cogolin où, les gens le connaissant, il fut d’une patience et d’une grande gentillesse.
Le soir, avec les autres lauréats que j’avais invité : Laurent Malet, Isabelle Carré, Hélène Vincent, Isabelle Renaud, Philippe Caubère, Alexandre Thibault, Catherine Rouvel, ce n’est pas moi qui lui remis le trophée mais… ses amis Maritie et Gilbert Carpentier, en vacances chez eux à la Londe, à qui je remis aussi un Raimu d’honneur.
Ce fut une belle fête.
Plus tard nous devions nous retrouver au festival de Ramatuelle, avec les Carpentier, notre amieAnnie Cordy et bien sûr Jean-Claude Brialy, puis au festival de Cannes où il m’invita pour découvrir le film d’Atom Egoyan « Ararat » ou encore à la fête du livre de Toulon où il ne vint que quelques heures mais où il m’accorda une interview.
De ce jour de son passage au Zénith, nos rencontres furent aussi nombreuses que toujours amicales.
Ca méritait bien que je prenne la plume pour lui rendre hommage, lui qui aurait eu cent ans ce 22 mai 2024.
Lors de notre dernière rencontre il me disait :
« Je suis aujourd’hui satisfait de ma vie. Les seuls regrets que j’ai, ce sont les gens que j’aime et qui ont disparu : mes parents, mes amis. J’en ai encore beaucoup, heureusement. Quant à vieillir, il n’en est pas question. Je conçois de prendre de l’âge, comme un bon vieux Bordeaux qui se bonifie, devient léger, aérien…
Vieillir ? Connais pas. En fait, je suis un joyeux primaire ! »
Jacques Brachet