Francis HUSTER : Deux pigeons et… Molière !

Deux artistes ringards, Michel Leeb et Francis Huster…
Rassurez-vous, c’est « pour de rire » car ils sont tous les eux réunis par Michel qui a signé la pièce « Les pigeons » qu’ils ont emmenée dans toute la France, dans des salles pleines et dont la dernière se passait … A Toulon, au Palais Neptune !
Il était temps que je rejoigne mon ami Francis pour en parler et parler aussi de ses toujours multiples projets car ce comédien polychrone a toujours deux fers au feu. Et là, c’est pire !
C’est confortablement installés sur le divan du décor que le volubile Francis, me raconte la pièce et me parle de ses multiples projets… pour plusieurs années !
Marié avec son art, il passe du théâtre au cinéma ou à la télé avec une soif de jouer, de créer, soif incessante et il me le prouve encore une fois.


« D’abord, parlons de cette pièce, Francis…
Je termine donc ce soir à Toulon. C’est la dernière après 250 représentations. Nous avons fait une tournée incroyable avec des salles de 1200/1400 places, pleines partout en France, en Belgique, en Suisse et tu vas voir ce soir le public qui marche à fond la caisse. En première partie, on voit deux comédiens ringards qui viennent passer un casting pour un film. Arrive la metteuse en scène (Chloé Lambert) puis un quatrième comédien (Philippe Dieu) l’auteur de la pièce et là tout explose, c’est l’hystérie… C’est la première pièce de Michel qui jouera à la rentrée la nouvelle pièce de Philippe Claudel avec qui il avait joué la précédente pièce avec Pierre Arditi.
Comment es-tu venu à cette pièce ?
Je dois dire qu’au départ j’ai fait cette pièce en remplacement de Pierre Arditi pour qui il avait écrit la pièce. Mais Pierre avait déjà acté pour une autre pièce de Samuel Benchetrit avec Muriel Robin. Michel m’a appelé, fait lire la pièce et m’a proposé d’en faire une captation. On l’a faite, le producteur Pascal Legros a demandé à Jean-Louis Benoit de mettre en scène. A la captation on s’est rendu compte qu’on pouvait en faire quelque chose de différent. On l’a affichée au Théâtre des Nouveautés, ça a marché, on est parti en tournée et la dernière représentation sera pour Ramatuelle le 10 août.
Quel effet ça te fait de jouer un artiste ringard, toi qui a toujours autant de succès ? C’est un rôle de composition ?
(Il rit) Je vais aller plus loin que toi : C’est un rôle de… décomposition ! En fait il y a un double rôle puisque dans la première partie on est censé être Michel Leeb et Francis Huster en train de jouer mais personne ne le sait. Tu le découvres dans la seconde partie. Les deux comédiens ont foutu le camp et ce sont les personnages avec le metteur en scène… Mais je ne t’en dis pas plus.
Ce qui m’a surtout plu, c’est que c’est que je prépare quelque chose de tellement grave, lourd pour une série télé, qu’avant j’avais besoin de respirer un peu. Ça n’était pas prévu. Je préparais cette série incroyable depuis des années, décalée à cause du Covid et comme alors j’étais libre, j’ai dit : « pourquoi pas ? »

Besoin de respirer ? Toi ? Voilà une chose incroyable !
Je suis, comme tout le monde, tellement effondré par ce qui se passe partout dans le monde que j’ai le sentiment, qu’il faut absolument qu’on continue notre métier, soit avec des sujets forts, ou bien il faut faire oublier aux gens les drames qui se passent en les faisant rire. On ne peut pas être entre les deux.
Alors, ce gros projet ?
Je ne peux pas vraiment en parler mais ce que je peux te dire, c’est que c’est pour TF1 où je ne suis plus revenu depuis ma mort dans la série « Ici tout commence ». J’y étais venu pour booster le départ de la série mais ça ne pouvait être pour moi que trois mois de tournage parce que j’avais d’autres choses. Du coup ce grand retour sur TF1 sera tourné début 2025.
Et entretemps ?
Depuis quelques mois, des projets se sont accumulés. Un film qui sera tourné cet été au moment des Jeux Olympiques avec un célébrissime metteur en scène… dont je ne peux encore parler. Quant au théâtre… J’ai six projets !
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Trois projets concernant Molière, Shakespeare, Fellini où je serai seuil en scène avec un pianiste. Les trois autres projets sont, une nouvelle version de « Témoin à charge » d’Agatha Christie, qui s’intitulera « Meurtre sans assassin ». Cette œuvre est tombée dans le domaine public Je l’ai réécrite à ma façon. Le cinquième, une grande pièce de Jean Giraudoux « La guerre de Troie n’aura pas lieu », nouvelle version que j’avais déjà adaptée bien après Jouvet et que je projetterai au XXIème siècle. La sixième pièce, la plus délicate, c’est le premier acte  d’un grand classique que je proposerai de cinq fois différentes.

Pourquoi ?
Pour montrer au public, aux jeunes, qu’on peut vraiment se permettre – et c’est la vérité du théâtre – de considérer que la pièce, le texte, n’appartiennent plus à l’auteur. On ne peut pas envisager qu’il y ait une seule façon de l’interpréter.
De quelle pièce tu partiras ?
De « Don Juan » ou du « Misanthrope ». La pièce sera jouée de cinq façons différentes par les trois mêmes comédiens.
Et pour rester sur Molière, depuis quatre siècles, il est monté à 99% par des hommes qui ont tous détourné l’œuvre de Molière. Jamais à l’école on ne nous a dit que tous ses héros sont des ordures. Ça veut dire que depuis quatre siècles les metteurs en scène ont fait de ces hommes des héros. Mais dans toutes les pièces, toutes les femmes résistent, combattent font le dénouement de la pièce, dénoncent et réussissent. Toutes les servantes gueulent, résistent, au risque de tous les châtiments. Maintenant qu’il y a des metteurs en scène femmes, toute l’œuvre de Molière va changer.
Si aujourd’hui tu prenais un Molière et que tu le projettes dans ces pays de dictature, qu’est-ce qu’on lui ferait ? Il faut qu’aujourd’hui les jeunes sachent qu’il faut monter Molière comme ça.
Mais dans combien de temps comptes-tu réaliser tous ces projets ?
Dans les deux ans à venir, trois par an, en fonction de mes tournages de cette série exceptionnelle dont je t’ai parlé. Car il y a cinq mois de tournage.

Où en es-tu de ton combat pour faire entrer Molière au Panthéon ?
Il y entrera, il n’y a aucun problème. Sur le vote qu’on a réalisé au Figaro, sur 77.000 votants, 77% de pour… Ce qui est fou c’est que 400 ans après, on ne sait pas ce qu’est un acteur. On considère que quiconque a de la mémoire peut être acteur. Aucun acteur n’est au Panthéon, alors que des gens comme Gabin, Marais, Barrault, Vilar, Jouvet, qui ont fait la guerre, qui ont risqué leur vie, ne méritent-ils pas d’être au Panthéon. Ils ont fait la gloire du répertoire français.
Pour aller plus loin, on peut compter les comédiens qui ont une rue. Certains ont une ruelle. Il n’y a pas de place Gérard Philipe, à Avignon il n’y a pas de place Jean Vilar alors que c’est lui qui en a fait ce qu’est la ville. La rue Molière à Paris est une rue cachée près de l’Opéra parce qu’il y habitait alors qu’elle devrait être devant la Comédie Française. Tu as vu le square Guitry à Paris, la place Raimu à Toulon ? Incroyable.
On considère qu’être acteur est du divertissement.
Mais ne t’en fais pas… Il y aura une rue Mbappé !!! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon