Nous avions deux hommes : Claude Lelouch et Clovis Cornillac. Le troisième homme… est une femme : Alexandra Lamy !
Venue, avec le réalisateur Edouard Bourgeon présenter en avant-première leur film « La promesse verte », La direction du Six N’Etoiles, Noémie Dumas en tête, a décidé qu’une femme serait la marraine de la troisième salle. Et tout cela s’est fait dans la joie, la bonne humeur et un brin de folie.
Nous avions pu voir le film le matin en projection où Alexandra est d’une force dramatique intense et l’on retrouvait, après une rencontre presse en toute intimité la comédienne, accompagnée de son réalisateur, une femme pétillante, lumineuse et pleine d’humour heureuse qu’on lui ait offert sa première salle de cinéma.
C’est accompagnée de nombre d’élus, d’invités et de Jean-Sébastien Vialatte, maire de Six-Fours que le champagne coula. Le maire dit sa joie qu’elle ait accepté d’être l’une des marraines de ce cinéma, son plaisir aussi de voir le succès non démenti de ces quatre salles, succès qui invite à penser à une… cinquième salle ! L’idée d’installer ce cinéma en cœur de ville et à proximité des spectateurs, fait que son succès va grandissant.
Le film
Quant à Alexandra, qu’on a souvent vue dans des comédies pétillantes, elle porte là sur ses épaules un drame à la fois humain, écologique et politique : la déforestation des forêts d’Indonésie afin d’exploiter l’huile de palme.
Martin (Félix Moati), étudiant qui fait une thèse sur ce sujet, y part pour enregistrer des preuves… Ce qui ne plait pas à beaucoup de gens qui en font fortune. Un complot est monté contre lui, on cache de la drogue dans son sac, il est arrêté et suite à un procès bidon, le voici condamné à mort.
Sa mère, Carole (Alexandra Lamy), qui vit à Paris, va monter au créneau et tout faire pour qu’il sorte de ce cauchemar. La route sera longue car elle va avoir à se battre contre les exploitants d’huile de palme, la police indonésienne, les milices, et les gouvernements, dont la France, qui profitent tous de cette industrie.
Mais ce que femme veut…
Félix Moati, qui a une déjà belle carrière débutée par « LOL » en 2009 y est son fils, beau, émouvant, ne sachant comment il va finir. Quant à Alexandra Lamy, elle est prodigieuse dans ce rôle de femme blessée qui va devenir une lionne pour défendre son « petit ».
Le film est violent, comme ce qui se passe dans ce pays et Edouard Bergeon signe là un film d’une force et d’une intensité inouïes, qui dénonce ce qui se passe vraiment, non seulement en Indonésie mais partout dans le monde, pour le profit, soutenu hélas par nombre de pays qui y trouvent leur compte au passage. Un drame humain, un drame écologique qui met le doigt sur ce que va devenir l’univers si l’on n’y prend garde.
Un film coup de poing, tout à la fois fiction, docu et thriller mené de main de maître par de superbes comédiens.
La rencontre
C’est encore autour de ces petits bonbons multicolores et ces petites fraises (contiennent-ils de l’huile de palme ??) que nous retrouvons donc ce duo magnifique et volubile.
« D’où est parti ce scénario, Edouard ?
D’une manif d’agriculteurs. Dans mon film « Au nom de la terre », je racontai mon père, l’histoire que j’ai vécu à la ferme car je suis fils et petit-fils d’agriculteurs, très ancré dans ma terre et j’ai déjà produit quelques docs comme « Les fils de la terre », « Ferme à vendre », « Du miel et des hommes » et mon premier film de fiction « Au nom de la terre ». Je suis en train de terminer un doc intitulé « « Les femmes de la terre » qui fera l’objet d’une soirée sur France 2 le 27 février. Le sujet étant le combat des femmes qui sont passées de statut d’invisibilité à, aujourd’hui, actrices de la transition écologique.
Et le sujet du film donc ?
Des gens comme mon père avaient été encouragés à faire dans la culture du colza pour le transformer en diesel. Aujourd’hui on importe de l’huile de palme de Malaisie ou d’Indonésie qu’on retrouve un peu partout. Et pour cela, on tue le poumon de la vie, on déforeste, on brûle des villages. Le film est dans l’actualité et je pense qu’il y est pour un bon moment. Je pars donc de cette histoire qui résonne en moi. Etant journaliste et grand reporter, je suis allé au Brésil, en Argentine et j’avais déjà vu cette déforestation. A partir de là, très vite, je tombe sur un scénario dont l’héroïne est une femme.
Et cette femme…
(Rire d’Alexandra) Elle est là !
Comment y êtes-vous arrivée ?
Ce que j’ai aimé dans ce film est qu’au départ, Carole est madame tout le monde et qu’elle va devenir une héroïne. De plus, le scénario était très documenté et ça, c’est très agréable. C’est un sujet très important que le journaliste qu’est Edouard a réussi à en faire un film de fiction, très riche, très juste car tout est vrai.
J’aime aussi ce personnage pour tout un tas de raisons, entre autres parce qu’elle est l’œil du spectateur.
Le spectateur est comme elle, tout de suite en train de découvrir ce qui se passe là-bas. Pour moi comme nombre d’entre nous, l’huile de palme s’arrête à Nutella. Et en fait, on se rend compte qu’elle est partout.
Le personnage aurait aussi pu être un père à la recherche de son fils…
Alexandra : Le fait est qu’elle soit une maman, ça veut dire aussi un sentiment d’impuissance. Comment se retrouver face à un lobbying industriel énorme devant lequel elle ne peut se battre qu’avec ses moyens ? C’est une mère avant tout, c’est viscéral et c’est d’autant plus fort car avec un homme il y aurait eu plus de violence. Elle est à la fois naïve, impuissante et cassée par tout ce qui se passe.
Le fils, Martin, a aussi un grand rôle…
Edouard : Il représente la jeunesse militante qui a beaucoup plus conscience de l’écologie aujourd’hui, qui se bat jusqu’au sacrifice.
Y aurait-il un peu de vous, Edouard ?
Bien sûr, ça me raconte un peu quelque part, pour aller témoigner jusqu’au bout du monde. Mais j’avais envie de raconter une femme au quotidien qui va devenir malgré elle une héroïne, prête à déplacer des montagnes pour aller sauver son fils. Je reste toujours à la hauteur de Carole, écrasée sous le poids de la République, dans un monde de diplomatie, du lobbying. Elle se pose plein de questions : Qui est en face d’elle ? Quel pouvoir a vraiment chacun ? La mène-t-on en bateau ? Peut-elle faire confiance ?
Alexandra : Au milieu de tout ça, elle est bien obligée de faire confiance car elle doit sauver son fils à n’importe quel prix. Une mère est prête à tout, même à l’humiliation totale et à prendre tous les risques. Mais si elle arrive à le sauver elle sait qu’il continuera le combat car on ne peut pas faire taire la jeunesse.
Edouard, n’avez-vous pas eu des problèmes pour tourner en Indonésie et même en France ?
D’abord nous avons tourné en Thaïlande et on a la chance de vivre en démocratie où l’on a encore la liberté d’expression. Nous avons aussi tourné au Quai d’Orsay où nous avons rencontré des gens qui nous ont aidés.
Alexandra : Nous sommes des artistes et l’art permet de pouvoir débattre autour d’une projection. C’est important car on peut en parler avec le public, on a un vrai échange. L’art permet ça, il permet de gagner du temps, de voir mieux les choses et les comprendre et c’est mieux qu’une leçon qu’on pourrait nous donner. Ça permet une réflexion. Dans les pays où il n’y a pas de culture, c’est catastrophique. Nous sommes tous des « consom’acteurs » ! Si tout le monde prend conscience de ça, on est capable d’aller très loin et de faire changer les choses.
Edouard, le choix des comédiens qui entourent Alexandra est parfait : Félix Moati, Julia Chen, Sofian Khammen, David Chin, Antoine Bertrand, Philippe Torreton…
Alexandra est une actrice populaire, dans le bon sens du terme. Il fallait autour d’elle un casting cohérent, tout en nuances car les personnages sont assez ambivalents car pour la plupart, on ne sait jamais quel jeu ils jouent. Avec eux, ça a été une belle aventure, même si les conditions de chaleur et d’humidité ont été quelquefois difficiles à supporter. En février, il fait très chaud en Thaïlande !
Alexandra, vous avez joué presque sans maquillage. Pour une actrice est-ce difficile ?
Pas du tout car c’est le rôle qui veut ça. Que ce soit dans les forêts ou même à Paris ou aux Sables d’Olonne, ce n’est pas sa priorité d’être bien maquillée, bien coiffée. C’est même très loin de sa priorité car elle vit un drame. J’ai joué un rôle où le personnage avait un cancer et là, on était dans un autre monde. Avec la chimio, la femme essaie d’avoir un visage présentable, par des perruques et des maquillages et c’est compréhensible. Mais là, elle n’a qu’une idée en tête, c’est sauver son fils et lorsqu’elle se lève le matin, elle ne pense pas à son physique. Elle pense à son fils.
Vous avez eu une année chargée : quatre films et une série, comédienne, productrice, réalisatrice
Oui, j’ai fait « Alibi.com 2 », « La chambre des merveilles », « Zoch et Tenu », je termine « Louise Violet » qui se passe en 1889 et je joue une ancienne communarde qui part au fin fond de la France pour enseigner… Nous sommes encore dans le monde rural. J’ai aussi un peu produit « La promesse verte ». Et j’ai tourné une série « Killer Coaster » avec ma fille, Chloé Jouannet et ma sœur, Audrey Lamy. Et j’ai d’autres projets !
Et vous Edouard ?
Je continue dans le cinéma agricole et je voudrais réaliser un grand récit assez positif, une grande fresque sur la vie à la campagne mais pas comme on l’idéalise ou on la fantasme, mais dans la réalité.
Mais je ne lâche pas le documentaire ».
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon