Perrine MANSUY – Murmures – Piano solo – EM23/1 (Inouïes distributions)- 12 Titres.
Pour son quinzième album depuis Maneggio en 2000, la voici pour la première fois en piano solo, sauf trois morceaux avec la présence d’un compagnon des premiers jours, Jean-Luc Difraya, très minimaliste à la batterie et aux percussions, qui sait s’insérer subtilement dans ces chants d’amour.
Dès les premières notes l’âme est prise dans les filets de la pianiste. Un son clair, un toucher soyeux, des attaques nettes, une précision à tous les niveaux, une main gauche chatoyante qui fait un tapis à la mélodie, par exemple « Murmures #1 » ; c’est le son Perrine Mansuy.C’est une musique qui vient de l’intérieur, apaisée, qui vous murmure à l’oreille des choses tendres. « Depuis toujours, des paroles murmurées près de moi me plongent instantanément dans une état de transe, comme si j’entrais en vibration », nous confie-t-elle sur la pochette.
« First light in muskota » qui ouvre le disque, sur un tempo très lent, qui laisse respirer les notes, nous met tout de suite dans l’ambiance de ces murmures-rêveries, ce qui n’exclut pas la force d’expression.
J’ai retrouvé dans ce disque les mêmes impressions, les mêmes sentiments, les mêmes aurores diaphanes, que dans le disque du retour à la musique, donc à la vie, de Keith Jarrett, « The Melody at Night, with you ».
Musique fragile et forte à la fois. Tous les thèmes sont des compositions de la pianiste, sauf trois « Murmures » entièrement improvisés.
L’art du piano solo en jazz est un art difficile, surtout quand on ne bombarde pas la musique d’une multitude de notes. Perrine Mansuy y réussit merveilleusement.
HOT HOUSE – The Complete Jazz at Massey Hall Recordings, Toronto 15 mai 1953– 2 CD
Réédition 2023 Craft Recordings.
Saluons la réédition de ce disque monument, qui est un sommet de l’histoire du jazz avec quelques-uns des plus grands créateurs du Bebop, de ceux qui ont contribué à faire l’histoire du jazz : Charlie Parker (as), Dizzy Gillespie (tp), Bud Powell (p), Charles Mingus (b), Max Roach (dm).
Le déferlement du feu de l’enfer et du souffle de dieu. Body and Soul. Et le tout dans une extrême complexité, technique, rythmique et harmonique. Et presque tout improvisé. Le Quintet s’exprime sur des grands standards: Salt Peanuts, Hot House, A Night in Tunisia… simples prétextes à des envolées bouquet final de feux d’artifice.
On n’a jamais retrouvé le son et la technique d’alto de Charlie Parker (peut-être Cannonball Adderley ?) si chaleureux, si prenant, si envoûtant, d’une urgence enflammée, comme si sa vie en dépendait. Bien sûr certains aujourd’hui ont une plus grande virtuosité que ces gars-là, due à l’évolution de la facture des instruments; mais la musique ce n’est pas que de la technique et des notes. Chez ces boppers chaque note est une bombe qui vous explose au cœur et à la tête.
Pour la petite histoire, l’ingénieur du son était tellement bourré qu’il a oublié d’ouvrir le micro de la contrebasse. Pris d’une rage folle Mingus s’enferma dans le studio et réenregistra toute la partie de basse, et on n’y entend que du feu. Ces deux disques sont un sommet de la musique. Ils devraient trôner à la place d’honneur de toute discothèque, d’amateurs de jazz, ou tout simplement de musique
Christina ROSMINI– Inti – (Couleurs d’orange – l’Autre Distribution CD0233317) – 14 titres.
Christina fait preuve de grandes ambitions. Elle se place d’entrée sous la protection d’Inti, une force divine reconnue par les peuples andins. Elle prétend exprimer « …ses indignations, ses rêves, ses espoirs…Un album photos des nombreux pays qu’elle a visités… Un voyage dans le temps…etc ». De plus chaque chanson dispose d’un texte qui l’explicite, et ça c’est bien on a les paroles. Bigre ! Et la musique dans tout ça.
Christina Rosmini chante et joue de la guitare et de nombreuses percussions. Elle est accompagnée par Bruno Caviglia à la guitare, Sébastien Debard à l’accordéon, au bandonéon et autres claviers, Xavier Sanchez, à la batterie et au cajòn, Bernard Menu à la basse ; plus quelques invités (voir la pochette).
Eh bien surprise ! On a affaire à une grande chanteuse, parolière, et compositrice. La voix juvénile, sensuelle et charmeuse s’appuie sur les mots, avec souvent des remontées délicieuses en fin de phrase, les mélodies sont belles et originales, savamment entourées par le groupe, sans esbroufes, sur des rythmes variés. Et chose rare aujourd’hui : une diction parfaite
Voilà un disque qui sort des sempiternelles aventures plus ou moins amoureuses et autres niaiseries intimes.
Christina Rosmini écrit bien, ses textes sont de véritables poèmes : sens des images, du rythme, des sonorités, et expression des sentiments divers. Tous les morceaux sont à citer tant la diversité des inspirations donne envie de tout écouter, et de remettre le disque. Pas étonnant toutes ces qualités, elle se revendique la nièce de Brassens ( cf.Tío Brassens).
Parmi les perles : « Tant de fleurs », un chachacha qui jouent avec malice sur les ambiguïtés sexuelles des termes musicaux, avec un hommage à Django. « Le Konnakol du bon vieux temps » basé sur les konnakols, des duels de percussions vocales contre les tablas. Le tout avec une facilité déconcertante.
Une grande voix de la chanson, de France et d’ailleurs, et un fabuleux voyage en musiques.
Serge baudot