Nous nous étions brièvement rencontrés au Théâtre Galli de Sanary où nous avions rendez-vous pour une interview. Mais les aléas ont fait que, son arrivée retardée nous a empêchés de la faire.
Nous nous étions vus après le spectacle et m’avait fait une promesse : « Lors de mon prochain passage dans la région, on fera l’interview ».
Le temps a passé, le Covid aussi et pourtant, voici Jeanfi durant deux jours à Toulon où il teste son nouveau spectacle au Colbert : « Tombé du ciel ».
Il a tenu sa promesse et nous voilà réunis à son hôtel pour cette interview promise, barbu et toujours aussi simple, souriant, volubile.
« Jeanfi, parlons donc de ce nouveau spectacle !
Je suis très heureux de revenir tout seul sur scène, même si j’ai adoré jouer au théâtre avec Stéphane Plaza et Valérie Mairesse. Là, je me retrouve « moi » !
Ça te manquait ?
Oui, je l’avoue. Dans le premier spectacle, on venait de me découvrir, les gens venaient voir qui j’étais. Ce nouveau spectacle est plus en profondeur. Aujourd’hui j’ai 50 ans…
Déjà ? On dirait un ado !
(Il rit) Je les aurai dans dix jours ! Bien sûr, comme dans le premier spectacle, je parle de ma vie, de mon arrivée dans le show biz, de ce qui a changé pour moi mais aussi pour mes parents, de mes moments de solitude, de la vieillesse, de mes déboires médicaux…
Ça n’est pas très gai tout ça !
Mais c’est dit avec humour et il y a des choses plus drôles comme ma relation avec mon animal et d’être devenu tout ce que je ne voulais pas devenir.
C’est-à-dire ?
Que je suis devenu un vieux pédé avec sa chatte !!!
Enfin, je parle plus de moi. Au premier spectacle les gens découvraient l’ancien steward devenu artiste. Je parle plus de ma mère, de mon enfance. J’ai été élevé chez les bonnes sœurs de Ste Thérèse d’Avila parce que mes parents voulaient que j’aie une bonne éducation. Je parle de mes croyances, de mes superstitions qui me pourrissent la vie. Etre superstitieux c’est très contraignant, surtout lorsqu’on est comédien. Je suis capable de faire le tour de la ville pour ne pas passer sous une échelle !
Rassure-moi : ta chatte n’est pas noire ?
Ah non ! Sinon je l’aurais assassinée !
Ta mère est toujours très présente…
Oui, aussi bien dans ma vie que dans mon spectacle. Elle était déjà très contente de m’accompagner dans mes voyages lorsque l’étais steward et aujourd’hui elle est très heureuse de connaître le monde des paillettes. Être assise à côté de Marie Laforêt lors de mon Olympia ça l’a remplie de joie !
Dans ce nouveau spectacle, il est encore question de vol !
« Tombé du ciel », ça veut dire que, depuis sept ans, je me suis amarré au sol. Pour moi le ciel a un côté providentiel. J’aime à dire que le ciel m’a connu avant la terre. Je suis tombé du ciel pour raconter mes histoires du plancher des vaches. J’arrive des nuages. Le ciel reste important dans ma vie.
C’est ton second ou troisième spectacle ?
C’est le second mais le premier a changé de nom en cours de route.
Pourquoi ?
Parce que « Au sol et en vol », c’était lorsque je démarrais. C’était une version « amateur », Et puis, étant plus connu, j’ai changé, adapté des choses… J’ai trouvé que « Jeanfi décolle » était plus adapté à ce qu’était devenu le spectacle. Et ce que j’étais devenu.
Depuis quand aimes-tu faire rire les gens ?
Depuis toujours ! Très jeune ma mère m’a appris l’humour, la dérision. Dans l’avion, durant dix à quinze heures de vol, pour passer le temps, j’aimais faire rire les passagers. Mes collègues me disaient que j’avais un don, de faire du théâtre. Mais au départ, je n’étais pas persuadé que ce que je racontais dans les avions pouvait intéresser et faire rire les gens au sol.
Et alors ?
Alors c’est une copine qui m’a inscrit dans un concours, « Le Printemps du Rire » à Toulouse. Je suis arrivé finaliste, je n’ai pas gagné mais ça m’a donné l’envie d’écrire, mais en dilettante, sans jamais penser en faire un métier.
Mais écrire était quand même dans l’idée de jouer ?
Non, c’était d’abord pour le plaisir, faire rire les copains mais aussi bien sûr, monter sur scène sans jamais penser pouvoir en vivre un jour. C’est un milieu où il n’y a pas de garantie de succès. Les places sont chères. En plus, j’étais très bien à Air France, c’était un métier que j’adorais, j’avais une bonne situation, je gagnais bien ma vie. Je ne me voyais pas tout remettre en cause.
Ce sont les hasards de la vie, l’importance que les choses ont prises. J’ai dû choisir. Et j’ai choisi d’entrer dans le grand bain !
Tout a suivi : la télé, le théâtre, le cinéma… De belles rencontres…
Oui, j’ai fait de très belles rencontres, de Dany Boon à Stéphane Plaza en passant par tous les gens que j’ai pu connaître aux « Grosses Têtes » ou à la télé.
Tu as beaucoup de projets ?
Oui, j’ai envie d’essayer plein de choses. Par contre, je suis mono-tâches : je ne sais pas faire plusieurs choses à la fois. Donc, aujourd’hui c’est ce nouveau spectacle, cette tournée-test, Paris puis une grande tournée. Il n’y a pas de place dans ma tête pour faire plusieurs choses à la fois !
Tu es un vrai ch’ti donc il était évident que tu rencontres Dany Boon ?
Oui, je suis de Maubeuge ! Quant à Dany, c’est Laurent Ruquier qui me l’a présenté aux « Grosses têtes ». Il préparait un film, « La chtite » famille », le contact s’est bien passé et aussitôt il m’a proposé un rôle dans son film… Il l’a rajouté pour moi, il a fait un essai… Et il a gardé la scène !
Et le théâtre, avec entre autre Stéphane Plaza pour la pièce « Un couple magique ».
Grâce encore à Laurent Ruquier qui a écrit la pièce. Ça a été très dense et couronné de succès puisqu’on a rempli des Zéniths. 293 représentations sur un an de tournée ! C’était énorme… et épuisant ! Surtout que les producteurs ne se rendent pas compte de ce qu’ils nous font endurer, un jour à Marseille, le lendemain à Nantes, pour revenir à Toulon ou à Colmar. Il n’y a pas de logique. Heureusement qu’on s’aimait et qu’on s’entendait bien !
Alors, cette mini-tournée ?
Une tournée de rodage en quelque sorte. C’est un spectacle que j’ai écrit et que je teste avec le public. Je vois comment il réagit, ce qui lui plaît ou pas. Du fait de jouer dans de petites salles, j’ai un rapport direct avec lui, je parle avec lui. Ça me donne des fulgurances, c’est créatif. Chaque soir je filme le spectacle. Le lendemain matin je le visionne, je corrige, je rajoute, j’enlève, je réécris. La matière est posée mais je construis de jour en jour. J’ai déjà changé plein de choses, le spectacle a déjà beaucoup bougé. Ce qui me touche c’est que les gens m’écoutent, me parlent. De descends dans la salle. Il me semble qu’aujourd’hui je fais partie de la famille, une famille qui s’agrandit. Il y a aussi une certaine pression car ce n’est pas parce que ça a marché une fois que ça va encore marcher.
Y a-t-il des gens qui t’ont marqué dans ce métier ?
Il y en a beaucoup comme par exemple Pierre Bénichou qui m’a beaucoup impressionné. On a eu du mal au départ à s’apprivoiser car on venait de deux milieux différents. Mais j’ai eu la chance de rencontrer des gens que j’admirais lorsque j’étais plus jeune. Jamais alors je n’aurais pensé à les rencontrer, travailler avec eux. Muriel Rubin avec qui j’ai collaboré, jamais je n’aurais pensé que ça puisse arriver un jour. Mais je suis resté ce gamin admiratif qui se dit aujourd’hui : « Tu te rends compte avec qui tu parles ? »
Tu as aussi écrit un livre « Le carnet de vol de Jeanfi »
Oui mais c’est surtout, comme son nom l’indique, des anecdotes que j’ai vécu durant mes voyages.
Y aura-t-il une suite ?
Je ne pense pas. S’il y a une prochaine fois, ce sera plutôt une sorte de biographie, mon parcours, mes rêves, ce qui s’est passé dans ma vie…
Il y a donc bientôt Paris ?
Oui, ce sera au Point-Virgule, à partir du 18 janvier, dans la grande salle. C’est là que tout a commencé. Pour moi ça a un côté affectif car je me sens bien dans cette salle. Il y a aussi un côté familial. C’est un peu comme à la maison. C’est pour quatre mois, quatre fois par semaine. Et puis il y aura la tournée avec de grandes salles de 1550 à 3000 personnes. » Et l’on a déjà rendez-vous sur la tournée !
En attendant, il a du taf notre « vieux » comédien et dans dix jours… Joyeux anniversaire au quinquagénaire !!!
Jacques Brachet
Photos Alain Lafon