Mélusine Marvel est une star française qui a ses coups de cœur, ses coups de gueule, ses caprices mais qui sait que, vieillissante, il va falloir qu’elle se batte avec la profession, avec la caméra pour rester ce qu’elle est. Elle est au tournant de sa carrière et de sa vie et elle sait que ce rôle de Desdémone dans ce film italien, adaptation d’Othello, sera sa gloire ou sa perte.
On va donc la suivre dans les dédales de sa carrière, de ses doutes, de ses joies, de ses crises de nerfs, la boisson, le sexe, auxquels elle se raccroche pour pouvoir dire qu’elle existe encore.
Très beau portrait de femme par une femme qui connait tous ces sentiments dans ce métier qui ne fait pas de cadeau.
Le roman s’intitule « La grille du palazzetto » (Ed l’Archipel
L’auteure est Macha Méril, lumineuse comédienne, auteure pleine de finesse et d’humour, même si dans ce roman, elle se consacre plus à l’état d’âme d’une comédienne qui sent que sa jeunesse fout le camp.
En plus de ce portrait, elle nous fait entrer dans les coulisses d’un tournage, ce qu’elle connaît bien, et nous guide dans une Venise belle et mystérieuse qu’elle a l’air de connaître aussi.
Avec Macha, c’est une histoire d’amitié qui ne date pas d’hier, puisque voici des décennies qu’on se rencontre, qu’on se parle, qu’on s’écrit, qu’on se téléphone et tout est prétexte à ce qu’on se retrouve. Du coup, ce roman est une aubaine.
Macha, tu nous parles de choses que tu connais par cœur : , les comédiens, le tournage d’un vu de l’intérieur et Venise… vu de l’extérieur !
(Elle rit) Il n’y avait personne que moi pour parler de tout cela : le métier d’actrice, mais aussi l’ambiance d’un tournage et de tous les métiers que le spectateur ne voit jamais : les techniciens, producteurs, agents et autres métiers de l’ombre. Mais aussi l’inquiétude d’un tournage, le questionnement de chacun, l’adrénaline, l’ambiance d’un tournage. Tout le monde est plus ou moins inquiet, il y a des affinités, des problèmes et la fin d’un tournage qui est toujours traumatique : On se quitte après être restés ensemble, que va-t-on faire après…
Et surtout cet état de star que Mélusine vit quotidiennement !
Oui, Mélusine est à un virage. Elle est une star mais une star vieillissante et elle a peur de ce qui va se passer, comment elle va passer à l’écran et pour combien de temps encore.
Ce sont des choses que tu as connues en fréquentant ces actrices.
Oui et d’abord, pourquoi devient-on star ? Comment le vit-on ? Beaucoup de stars ont mal tourné comme Marylin Monroe, Romy Schneider, Natalie Wood et même des hommes comme Patrick Dewaere. Beaucoup ont sombré dans l’alcool, la drogue car être star est un poids sur les épaules et si l’on ne vit que par et pour ça, ça peut finir mal.
Ça aurait pu t’arriver ?
Comme à tout artiste mais il se trouve que j’ai tout fait pour être l’antistar. Je suis née avec la Nouvelle Vague où déjà tout changeait et je n’ai jamais voulu m’enfermer dans ce style de vie. J’ai toujours voulu être libre de mes choix et, quittant un plateau, j’ai toujours eu une vie à côté, je me suis intéressé à la culture, à la lecture, à la cuisine, au jardin, j’ai écrit des livres, j’ai fait du théâtre et tout cela, même si ça ne m’a pas toujours enrichie, a fait que j’ai eu une autre vie que celle d’actrice. Et plus ça va, plus j’ai envie de ne faire que des choses que j’aime. Grâce à Michel Legrand, je suis à l’abri du besoin, même si je n’ai pas de gros besoins et je peux choisir ce que j’ai envie de faire et de tourner ! Je me suis toujours surprotégée et j’ai tout fait pour brouiller les cartes ; je peux dire non quand je le veux. Je n’ai pas à enquiller des films si ça ne m’intéresse pas.
Être star, c’est quoi au fait ?
Ce peut être quelque chose de magique au départ. Pourquoi une actrice est choisie plus qu’une autre ? Pas seulement parce qu’elle est belle car toutes ont un défaut particulier mais qui justement peut être photogénique. Mais il ne faut pas que ça et toutes les stars l’ont compris. Après, elles sont souvent brut de décoffrage et il faut qu’elles continuent à être ce qu’elles sont et elles vivent dans la peur de ne pas être autre chose que ce qu’elles sont devenues et surtout de le rester. C’est pour cela que souvent, elles sombrent dans l’alcool, la drogue. Regardez Martine Carol, qui m’a inspirée pour Mélusine, elle était droguée, nymphomane, alcoolique. J’ai rencontré Louis Grospierre qui la suivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre et pour lui c’était l’enfer. La notoriété abîme les gens et certains ne tiennent pas le coup quand ils la perdent.
C’est toujours pareil aujourd’hui ?
Beaucoup moins car être star est aussi garder de mystère et aujourd’hui les artistes veulent être des femmes comme les autres, amener leurs enfants à l’école, étaler leur vie privée sur les réseaux sociaux. A part Catherine Deneuve ou Isabelle Adjani, qui tiennent le coup, qui se préservent
Il y a aussi dans ce roman de très belles descriptions de Venise que tu connais bien…
Oui, je suis souvent allée à la Biennale et surtout, j’ai un ami qui vit à Venise, qui me reçoit chez lui… Et à qui je fais la cuisine, chose que j’aime faire, tu le sais. Bien sûr on connaît la place Saint-Marc mais ce n’est pas que cela, et les balades en bateau, Venise. D’ailleurs, les habitants quittent souvent la ville et n’en connaissent pas tout.
Quand on vit dans une ville on ne la connait pas en fait. Moi, je suis partie visiter les ruelles, les petites places mon ami m’a amenée dans des lieux mal famés où vit la pègre, les boîtes plus ou moins louches et j’ai trouvé tout cela très amusant !
Alors aujourd’hui, que devient Macha ?
Je suis toujours très occupée. En ce moment je suis sur les routes pour présenter et signer mon roman dans les salons du livre. Je serai d’ailleurs à Marseille les 24 et 25 novembre.
Je vais reprendre au théâtre Montparnasse « Une étoile » d’Isabel le Nouvel, Je viens de tourner pour France 3 le pilote d’une série « Enquête parallèle » avec Florence Pernel, où je joue sa mère, une mère un peu barrée… J’adore Florence qui est une femme adorable de gentillesse et qui a beaucoup de talent. Si le pilote marche, il y aura une suite… Et puis, j’ai un autre projet qui me tient à cœur : monter une conversation entre Catherine II et Voltaire, d’après leurs échanges épistolaires, Catherine qui s’est insurgée lorsqu’on a guillotiné Marie-Antoinette. On le créera au festival de Grignan en juillet prochain. Et je me vois bien en Catherine… C’est mon sang bleu qui parle !
Et il y a l’œuvre de Michel Legrand !
C’est ce qui me donne le plus de travail car depuis quatre ans j’ai créé dans son manoir un festival consacré aux compositeurs de musiques de film qui ont de plus en plus de problèmes pour imposer leur musique, les droits d’auteurs coûtant paraît-il de plus en plus chers, beaucoup de producteurs veulent s’en passer.
Du coup, ce festival est un concours avec un jury et un président. J’ai eu Jacques Perrin, Claude Lelouch, Jean-Jacques Annaud pour les trois premiers. On a rendu hommage à de grands compositeurs comme Nicola Piovani, Gabriel Yared. C’est un travail énorme, il faut trouver de l’argent, des artistes, des musiciens. C’est une grosse organisation qui me prend beaucoup de temps.
A propos de Michel, la Poste va créer le 24 février 2024 un timbre pour ce qui aurait dû être ses 92 ans. Il y a plusieurs projets très excitants et il va falloir choisir.
Prochain roman ?
Laisse-moi respirer ! Mais écrire est toujours pour moi un jeu littéraire, un challenge. J’y ai pris goût et je vais continuer. »
Propos recueillis par Jacques Brachet