Evelyne ARNAUD & Christian SERVANDIER
ont tremblé au Maroc


On ne peut pas être passé à côté de cet effroyable tremblement de terre qui a eu lieu il y a quelques jours au Maroc.
Pour nos lecteurs, le nom de Christian Servandier leur est connu puisqu’il fut durant des décennies l’ami photographe avec qui j’ai bourlingué entre Nice et Marseille et même à la Rochelle, pour mettre en images tous mes reportages.
Il vient de vivre une aventure qui, pour lui et Evelyne Arnaud (qui a quelquefois pallié à son absence en tant que photographe), s’est bien terminée puisqu’ils étaient en vacances au Maroc lors de ce dramatique événement.
Depuis des années, ils sont amoureux du Maroc où ils vont souvent et justement ils y étaient.
Ils m’ont raconté cette nuit d’horreur et d’angoisse.
Enfin, angoisse et peur surtout pour Evelyne car, lorsque le tremblement a eu lieu aux alentours de 23h10 (24h en France), Christian dormait à poings fermés ! Il est quand même sorti des bras d’Orphée mais, comme à son habitude, il a vécu ce moment avec toute la relativité et la fatalité qui le caractérisent.

« C’est vrai que j’avais pris des somnifères et qu’au départ j’ai eu du mal à me rendre compte de ce qui se passait » 
Evelyne, par contre, avoue avoir eu la peur d sa vie et aujourd’hui encore elle a du mal à dormir sans voir les images défiler devant elle.
« Je ne dormais pas encore et je n’ai pas compris tout de suite ce qui se passait. Les palmiers du Riad faisaient un bruit d’enfer en s’entrechoquant et j’ai d’abord cru à une tempête ou une tornade qui faisait trembler les murs. Puis du plâtre a commencé à tomber du plafond en faisant une poussière étouffante. Il y avait des grondements infernaux. C’était d’autant plus effrayant qu’il faisait nuit et que très vite il n’y a plus eu d’électricité. On a aussitôt entendu une cavalcade de gens qui criaient. Nous nous sommes tous retrouvés sur la place. Il fut savoir que a Médina est une suite de ruelles très étroites et on entendait les murs s’effondrer.
Christian : Durant la nuit, il y a eu plein de petites répliques et du coup, nous sommes restés dehors toute la nuit, n’osant pas retourner dans le Riad. Le matin nous avons vu tous les murs fissurés qui menaçaient de tomber, pour ceux qui étaient encore debout. Il y avait plein de gens partout qui avaient dormi dehors. Alentour du Palais Bahia, où se déroule le festival du rire,tout était effondré…

Evelyne : C’était la peur partout mais ce qu’il a d’extraordinaire c’est la chaîne de solidarité qui s’est aussitôt formée, mêlant les marocains aux touristes qui sont nombreux à cette époque. Très vite tous ceux qui étaient valides sont venus apporter de quoi boire, manger, des vêtements, des couvertures, car beaucoup n’avaient plus de maison et toute leur vie était sous les décombres, lorsque ça n’était pas l’un des leurs qui y était.
Christian : Il y a eu beaucoup de bénévoles et d’associations qui sont venues prêter main forte, beaucoup de jeunes aussi. Pour ceux qui avaient encore leur maison, ils sont venus proposer d’héberger des familles. Au Maroc on retrouve cette fraternité, cette entraide qui est une force chez eux. Venant souvent au Maroc, toujours dans les mêmes lieux, le taxi qui nous emmène partout et qui nous connaît bien, nous a aussitôt appelés, nous proposant de venir chez lui.
Evelyne: En dehors de la famille et des amis, nous avons eu beaucoup d’appels de gens qui nous connaissent là-bas et qui s’inquiétaient.


Christian : Là où nous étions, il n’y a pas eu d’énormes dégâts. Ce sont surtout les petits villages sur les hauteurs que nous connaissons bien et qui, pour certains, ont été totalement détruits… Sans compter qu’il n’y avait plus de routes pour aller vers eux.
Evelyne : Et sans compter les morts, il y a u près de trois mille blessés et sur les trois hôpitaux il y en a deux de fermés, faute de personnel. Il a fallu monter des tentes pour créer un hôpital de campagne, pour les recevoir et les soigner. »

Nos amis ont quand même terminé leurs vacances avec malgré tout, quelques appréhensions. Evelyne nous avoue qu’au moindre bruit elle sursautait et que, même aujourd’hui rentrée à Toulon, elle a toujours ces bruits et ces images dans la tête.
Mais déjà, tous deux sont prêts à retourner dans ce pays qui reste le pays de leur cœur.


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Evelyne Arnaud