Une année pas si difficile
pour Eric TOLEDANO & Olivier NACKACHE !


Toledano-Nackache. Eric et Olivier… Deux prénoms qui, comme le chantaient les Beatles, vont très bien ensemble !
Acteurs, scénaristes, réalisateurs, les deux inséparables ont le sens de la fête !
Les voici donc en tournée-promo avec leur tout nouveau film : « Une année difficile »
C’est une phrase qui est toujours venue, un jour ou l’autre, à tous les présidents de la République sans exception. On les retrouve tous en ouverture du film d’ailleurs !
Et qui leur a donné l’idée, et du titre et du film.
Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) sont dans la dèche la plus noire. Le premier vit de petits larcins après avoir « tapé » famille, amis, collègues. Le second a vu partir femme et enfant avant de vouloir se suicider.
Albert le sauve et pour manger – et boire ! – ils se retrouvent dans une association écologique de fous furieux, (où il tombe amoureux d’une fille on ne peut plus radicale) qui accumulent les actions et les happenings les plus fous et y entraînent nos deux pieds nickelés.
Le film regroupe les problèmes de notre vie actuelle, le surendettement, la terre menacée, des problèmes dramatiques que nos deux compères désamorcent avec l’humour qu’on leur connait. A la fois tendre et fou, émouvant et bruyant, le film est tenu par les deux comédiens qui sont empotés, drôles, charmants, attendrissants dans leur médiocrité, leur naïveté, leurs malversations. Et la fin onirique est inattendue ! Bon point aussi pour Noémie Merlant qui joue les viragos au grand cœur.
Nous rencontrons nos deux complices le lendemain au Hameau des Pesquiers de notre ami Stéphane Lelièvre.

« Éric, Olivier, comment vous est venu ce thème ?
Éric :
Nous écrivions la saison 2 de « Thérapie » plus un autre film,  lorsqu’est arrivée la crise sanitaire. Les rues désertes, les magasins fermés, le monde mis en pose, ont rabattu les cartes pour tout le monde et pour des gens comme nous qui écrivent. Nous nous sommes dit que ne pouvions pas détourner le regard. Nous avons remonté le passé pour voir comment nous en étions arrivés là, comment cette crise a déclenché la névrose des français. Toutes ces images nous ont appelés à la réflexion : « Où on en est » ?
Le surendettement, l’écologie, ne sont pas des sujets particulièrement drôles…
Éric : Nous avions passé quatre années à faire des choses dramatiques alors nous avons décidé de passer par l’humour, comme l’ont souvent fait les cinéastes italiens ou anglais, en abordant des sujets sérieux avec une note de légèreté. Nous nous sommes arrêtés sur cette photo où l’on voit des gens qui empêchent les autres à entrer dans un magasin de « Black Friday ». On s’est posé les questions : Comment en arrive-t-on là ? Qui vient dans ces magasins pour acheter de façon frénétique : ceux qui en ont besoin, vraiment besoin et qui sont ceux qui les empêchent ? Nous avons enquêté des deux côtés. Nous avons essayé de traverser les ponts entre les associations qui  s’occupent de surendettement et les activistes militants radicaux.
Olivier : Par ailleurs, nous avions travaillé enfermés dans un cabinet de psy pour la série et nous avions envie de respirer, de retrouver le monde, l’énergie d’un esprit de groupe comme du temps de « Le sens de la fête » ou « Les jours heureux » et de nous offrir des scènes d’action. Nous avons aussi essayé de montrer par l’absurde des flux contradictoires qui en fait peuvent converger. Un peu comme « Intouchable » où deux mondes se rencontrent : le riche hémiplégique et le jeune de banlieue.
Éric : Nous avons voulu, qu’à travers une société de plus en plus violente, des situations de plus en plus tendues, il y a le rire thérapeutique et nous avons abordé le sujet par l’humour, comme une façon de se poser des idées autrement que par le biais d’un message anxiogène.
Vous nous parliez de personnages à l’italienne…
Éric 
: Oui, car le cinéma, dans une époque pas si lointaine, avait le don de parler de gens au malheur joyeux, des personnages flamboyants et qui étaient pourtant dans la détresse et la précarité, avec un grand instinct de survie. Et on en a rencontré beaucoup, de ces personnages-là, des losers sympathiques qui pratiquent le système débrouille.

Ce sont en fait des pieds nickelés !
Olivier rit : En fait, je ne connais pas cette bande dessinée mais on m’en a déjà parlé et l’expression est descendue dans la rue. Ce sont des personnages hâbleurs, magouilleurs et qui ont toujours existé. Je vais aller voir cette BD !
Au départ, le personnage de Jonathan ne devait-il pas être joué par Alban Ivanov ?
Éric :
Très juste mais il n’était pas libre et Jonathan est arrivé, comme Bacri était arrivé sur « Le sens de la fête ». Il s’est tout de suite adapté et c’est la magie d’un film. La rencontre entre lui et Pio a tout de suite fonctionné. A tel point qu’au départ dans le film ils ne se connaissent pas, ne sont pas proches mais eux se sont tellement entendu qu’il a fallu les freiner ! Mais après, Noémie s’est jointe à eux et tout a bien fonctionné. L’art vient quelquefois de la contrainte et c’est dans cette contrainte qu’on devient créatif.
Pensez-vous avoir fait un film engagé ?
Éric : Le cinéma, pour nous, n’est pas d’être militant ou engagé et dire aux gens ce qu’ils doivent penser. On n’est pas dans un film engagé même s’il s’en dégage quelque chose car on n’est pas neutre bien sûr !
Après, chacun a une réflexion à se faire. Ce sont des sujets qui nous préoccupent mais ce n’est pas la posture de départ.
Avez-vous rencontré des activistes ?
Olivier : Ils sont dans le film ! Ils sont tous issus d’un mouvement qui s’appelle « Extinction Rébellion ». Nous avons enquêté avec eux et nous avons fait des actions avec eux ! Nous avons été très clairs : on leur a proposé de participer s’ils en avaient envie. C’est ce qui s’est passé. Ils ont tous un surnom qu’ils se donnent afin qu’il n’y ait aucune origine sociale ou ethnique entre eux. Nous-mêmes avons eu des surnoms…

Lesquels ?
(Ils rient) Vous n’en saurez rien !
La musique est importante dans ce film…
Éric : Toujours, nous y sommes connectés très fort. Nous voulions des chansons des années 70 et « Le fric, c’est chic » s’imposait.
Et pourquoi Brel ?
Éric : Parce que c’est un grand poète… même s’il est belge ! Et puis, le sujet de « La valse à mille temps » est le sujet du film : On est au milieu d’un pont et l’on valse entre les idées consommation/sobriété, on ne sait plus sur quel pied danser. C’est la valse entre le plus, le moins, le plein, le vide c’est la valse… à militant !
On est dans le reflet de l’époque ».

Propos recueillis par Jacques Brachet