10ème anniversaire du festival de la Collégiale
Jean-Christophe SPINOSI :
« Un moment essentiel de ma vie d’artiste »


10 ans … Déjà 10 ans que Jean-Sébastien Vialatte (au prénom prémonitoire !) le maire de Six-Fours a décidé de créer ce festival dans un lieu magique : la Collégiale. Et Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus s’y est lové, y a fait sa maison, comme il aime à le dire, et chaque année nous avons la joie de l’y retrouver avec des concerts magnifiques.
Avec les années, nous sommes devenus amis et j’ai toujours un grand plaisir à retrouver ce grand musicien, aussi simple que talentueux, souriant, énergique, toujours tellement amical. Et très volubile tant il est passionné par son métier.
Il regarde le superbe panorama que nous avons de cette Collégiale qu’il aime :

« Lorsque j’arrive ici, je suis heureux. Je suis amoureux de ce lieu, de ce paysage et je ne remercierai jamais assez le maire de m’avoir offert « ça » ! Dans une vie de musicien, c’est tout simplement merveilleux.
Alors, Jean-Christophe, résume-moi ces 10 ans !
(Il rit) Ça ne nous rajeunit pas mais ça nous fait de beaux souvenirs !
Justement, quels souvenirs en as-tu gardés ?
Je ne pourrais pas vraiment dégager de meilleurs souvenirs, tant ils sont nombreux. Plus le temps passe, plus cela prend une valeur profonde à mes yeux. Chaque année est pour moi un moment essentiel, un privilège, tant sur le plan musical qu’amical, la joie de l’échange qui se fait avec les musiciens, le public, tous les gens qui travaillent à ce festival. J’ai l’impression de prendre chaque fois un peu plus de hauteur, d’être toujours un peu plus près du ciel à chaque année qui passe…
Avec les initiales de ton prénom, c’est évident !
(Il rit) Si, dans une autre vie, j’arrive à monter jusqu’au ciel, j’avoue que je suis de plus en plus profondément ému à l’idée de « monter » à la Collégiale. Cette ascension me fait monter de plus en plus haut et ça me rapproche de plus en plus des gens.
La musique est pour moi de plus en plus importante vu l’état du monde qui est compliqué en ce moment. Elle nous protège, elle nous défend, elle nous répare et nous lie les uns aux autres. Elle nous fait communier.
Et ça te rend heureux ?
Bien sûr et ce qui me rend aussi très heureux, c’est cette volonté de l’équipe municipale d’avoir voulu et pu offrir aux gens ces moments de convivialité, des concerts qui ne se ressemblent pas qui, je l’espère, sont pour moi et pour le public, des moments incroyables qui se font dans un esprit de simplicité. Les discussions que nous avons avec le public après le concert sont des moments de grâce et c’est pour moi le but ultime de la musique.
C’est peut-être aussi le lieu qui veut ça ?
Oui, c’est la spiritualité de ce lieu à la fois plein de gravité, de joie, de lumière. C’est pour moi un acte spirituel que de venir y jouer car c’est un lieu d’échange, un acte d’amour avec le public car plus les années passent plus il y a de proximité. C’est une profession de foi et rien que d’en parler ça m’émeut. La collégiale est pour moi l’un des plus beaux endroits du monde.

Tu as dû pourtant en voir, de beaux endroits !
Oui, c’est vrai, c’est le privilège du métier de musicien d’aller un peu partout dans le monde et de découvrir des lieux magnifiques. Mais je reviens à la collégiale comme si je revenais à la source. Il y a tout ce parcours avec le public, l’organisation, la mairie. C’est comme construire une œuvre d’art depuis dix ans. Dix ans, c’est peu de temps par rapport à celui qu’il a fallu pour construire la collégiale mais ça s’inscrit dans la temporalité. C’est un lieu apaisant qui apporte la sérénité et en même temps, il y a une grande énergie qui s’en dégage.
Le programme de cet anniversaire est-il particulier ?
Pour ces dix ans, j’ai souhaité offrir au public à la fois des pièces nouvelles mais aussi revenir sur des choses que nous avons faites car ces dix ans ont été des rencontres musicales qui ressemblent au lieu. Il me semblait tout à fait logique d’inviter Margherita Maria Sala avec qui j’ai beaucoup travaillé dans différents pays. Elle est la gentillesse, la simplicité, l’originalité, elle n’a pas peur d’aller dans l’impro. Elle est une des plus grandes chanteuses de sa génération de l’opéra baroque. C’est l’artiste « multi-genres » qu’il nous fallait pour représenter l’histoire de la musique traditionnelle, de l’opéra, de la musique populaire.
Mais je voulais aller au-delà et c’est pour ça que j’ai invité Mohamed Abozekry, qui joue de l’oud et John Samir qui jouer du ney. Deux musiciens que j’ai rencontrés en Egypte, avec qui j’ai joué. Nous allons donc remonter aux sources de la musique car on vient tous de là.
Les deux autres concerts sont un hymne à la nature !
Le 18  nous proposons « Les quatre saisons » de Vivaldi et le 19 « La symphonie pastorale » de Beethoven. Ce sont deux œuvres qui  m’ont toujours accompagné, deux œuvres qui se rapprochent de la nature, on pourrait dire deux œuvres qui parlent d’écologie avant l’heure à travers la musique, qui véhiculent l’émotion et sensibilisent les gens aux problèmes de la planète. On y voit la nature en cinémascope !
Ça me permettra également de présenter notre académie Haendel-Hendrix…

Raconte
C’est une académie que nous avons créée pour les jeunes musiciens venus de toute l’Europe, sortant du conservatoire, ce qui nous a permis d’aller jouer à Hambourg, à Amsterdam au Parlement Européen à Bruxelles. Elle a été créée pour aider les futurs musiciens qui sont prêts à être professionnels, afin de leur donner une plus grande fantaisie que ce qu’ils ont appris au conservatoire, un esprit d’aventure qu’ils apporteront partout dans des lieux différents, pas que dans des théâtres ou des festivals mais là où l’on peut faire de la musique, afin que la musique survive. Afin aussi de leur donner une autonomie, un sens de l’improvisation…
En fait, c’est la relève !
Exactement ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier et Jacques Brachet