Notes de musiques

PILC MOUTIN HOENIG : You Are The Song (Justin Time Records)
10 titres enregistrés à Brooklyn le 11 juin 2022.
Ce trio fondé à New York (où résident les trois musiciens) en 1995 revient au disque en beauté sur une majorité de standards complètement métamorphosés. De la virtuosité et de l’exubérance mises au service de la musique. Jean Michel Pilc  est un pianiste prolixe et féroce (écouter « Impressions ») qui sait aussi être sobre et  exquis, exemple « The Song is You ». Le contrebassiste François Moutin possède un gros son avec des notes bien rondes, il est le centre d’équilibre. Ari Hoenig joue de la batterie comme on n’entend plus guère aujourd’hui, il assure le tempo, la relance, s’insère dans la musique du soliste. On ne s’étonnera pas que ce trio brille dans la liste des grands trios piano-basse-batterie, avec une personnalité certaine. « Straight No Chaser » ou encore « Bemsha Swing » de Monk sont la démonstration parfaite du partage et de l’intrication entre les trois voix. A goûter un « After You’ve Gone » grand crû classé.
Un trio remarquable, ce que le jazz d’aujourd’hui offre de meilleur et de plus rare.
Robin Mc KELLE : Impression of Ella (Naïve / Believe – 11 titres)
Elle s’est entourée de la Rolls des trios de jazz. Kenny Barron est l’un des grands pianistes de cette musique, il a joué avec tout le Gotha du jazz. Idem pour le contrebassiste Peter Washington qui fut un temps bassiste des Jazz Messengers, et pour le batteur Kenny Washington, le roi du Chabada.
Robin Mc Kelle n’est pas à priori une grande chanteuse de jazz ; alors réunir un tel trio et se confronter à Ella Fitzgerald, il y a de quoi rester baba. D’autant que je l’avais entendue dans un festival il y a pas mal d’années et je n’avais pas été emballé.
Alors écoutons. Je commence par le tube de la « First Lady of Jazz », « How High The Moon » ; aïe ! un peu laborieux. Je passe sur un tempo lent « April in Paris », surprise : belle expression des sentiments de la part de Robin, et délicat solo de piano. Puis « Lush Life » de Billy Strayhorn, l’alter ego du Duke ; très beau, de délicieux graves, très intimiste, et un subtil solo de contrebasse. Je suis conquis. La voix a muri, plus grave, plus charmeuse, plus intériorisée et plus de force expressive.
Un très beau « Robbin’s Nest », en conversation avec la contrebasse, et là elle se risque au scat avec succès. A noter un savoureux duo avec le grand Kurt Elling sur « I Won’t Dance ». Le trio fait merveille tout au long du disque ; quel écrin !
Avec ce disque Robin McKelle entre dans le club restreint des vraies chanteuses de jazz. Il faut l’écouter pour elle-même, sans faire de comparaison avec Ella.
BURIDANE : Colette Fantôme (Pluie Vaudou & Silbo Records – 10 titres)
Colette Fantôme, oui car on ne voit pas beaucoup le rapport avec Colette, l’écrivaine. Mais qu’importe le prétexte à créer, ce qui compte c’est la réussite, et elle est bien là.
Buridane possède une voix au charme pimpant, légèrement voilée, avec du grain. Elle chante délicieusement. Une vraie chanteuse en pleine possession de ses moyens, avec une technique parfaite, sachant varier les styles, les climats, les émotions.
Ses jolies mélodies sont entourées par des arrangements subtils et différents pour chaque chanson, chacune ayant son atmosphère propre, réalisés par Féloche. Les thèmes sont variés, l’amour bien sûr, l’enfantement, les choses de la vie. Pour se faire une idée, écouter « Slave » ou encore « Pourquoi tu m’fais pas », mais tous les morceaux sont chouettes. Voici une chanteuse qui devrait être en haut de l’affiche.

Serge Baudot