Pierre Porte est l’un de nos plus talentueux compositeurs, musiciens et chefs d’orchestre français, à l’instar de Franck Pourcel, Paul Mauriat, Michel Legrand, Vladimir Cosma, Francis Lai… Ils sont peu nombreux à avoir importé la musique française dans le monde entier.
Artiste multiple, Pierre Porte est passé de la chanson à la revue et au classique, du théâtre à la musique de films, travaillant avec les Carpentier et Jacques Martin, avec les Folies Bergère et le Moulin Rouge… Aujourd’hui il a conquis la France et le monde
Marseillais de souche, il s’est d’abord partagé entre deux conservatoires, Marseille et Toulon avant de « monter » à Paris où il a été reçu au Conservatoire National Supérieur de Musique dans les classes d’écriture de Maurice Duruflé, Marcel Bitsch et Alain Weber en 1966. Il a accompagné nombre de grands chanteurs, arrangeant leurs chansons ou leur en composant : Johnny, Hallyday Sylvie Vartan, Serge Gainsboug, Dalida, Marie Laforêt, Jean-Jacques Debout, Mireille Mathieu, Thierry le Luron…
Il a travaillé avec les plus grands : Ella Fizgerald, , Claude Bolling, Charles Aznavour, Johnny Mathis, l’Opéra de Huston, Gilbert Bécaud et bien d’autres.
Il a à son actif une trentaine d’albums, une vingtaines de BO pour le cinéma et les séries télé sans compter les nombreuses chansons, trois revues pour les Folies Bergère et les deux dernières revues pour le Moulin Rouge, « Formidable », 12 années de succès et « Féerie » depuis 24 ans, toujours à l’affiche aujourd’hui
Ce printemps 2023 marque la sortie de ses mémoires « Le piano est mon orchestre » (Ed l’Archipel). En parallèle à ce livre de souvenirs, Marianne Mélodie édite un coffret de trois CD où l’on retrouve une partie de ses œuvres « Pierre Porte, Grand Orchestre » et un retour à la scène avec le concert qu’il a donné le 20 mars à la Nouvelle Eve à Paris.
Bref, l’homme est musique et l’on a plaisir à le lire nous raconter ses aventures autant humaines que musicales.
Quant à l’écouter, c’est un autre grand plaisir tant il est magnifiquement éclectique, passant d’un hommage de Piaf à Beethoven, de Brel à Mozart, de Chopin à… Pierre Porte, de « Féerie » à Cole Porter…
Trois CD pour passer d‘une musique à l’autre avec, de temps en temps la sublime voix de Liliane Davis qui, de Johnny à Cloclo en passant par Aznavour, Trenet, Gainsbourg, a accompagné les plus grands.
C’est un régal et, cerise sur le gâteau, Pierre Porte himself qui m’accorde une interview !
« Pierre Porte, pourquoi tant d’événements cette année ?
Parce que ça fait quelque cinquante ans de carrière. J’avais envie de me raconter dans ce livre de souvenirs, quant à ce coffret de trois CD c’est mon ami Matthieu Moulin qui me l’a proposé et Marianne Mélodie a suivi. Il se compose donc de trois albums, le premier est composé de mes propres productions dont les musiques écrites pour les émissions de Jacques Martin « Musique and Music », « Bon dimanche », la plupart de mes compositions a été produite par la maison Victor JVC au Japon
Le second CD démarre par un extrait de la bande originale de la revue du Moulin Rouge « Féerie », avec entre autres un hommage à Edith Piaf, enfin le troisième avec des orchestration des morceaux classiques signés Wagner, Liszt, Beethoven, Mozart, Chopin, des reprises de musiques que j’ai signées et pour terminer ce CD un autre extrait de la revue du Moulin Rouge « Féerie ».
Enfin, le concert du 20 mars à la Nouvelle Eve à Paris. Je ne m’étais pas produit dans la capitale depuis l’Olympia 1983 et le Théâtre des champs Elysées en 1984.
Paris où tu as travaillé avec Gilbert et Maritie Carpentier…
Oui, grâce à Claude Bolling qui me présente en 1970 aux Carpentier et avec lesquels je collaborerai à une centaine de shows durant 5 ans avant de rejoindre Jacques Martin au Théâtre de l’Empire en 1977.
Bizarrement, aussi bien les Carpentier que Jacques Martin t’ont un peu oublié par la suite !
(Il rit). Tu connais le métier : Les Carpentier m’ont boudé parce que je suis allé travailler avec Jacques Martin et après la fin de son contrat avec antenne 2 en 78 et deux années sabbatiques, Jacques est revenu à l’antenne avec de nouvelles émissions mais il ne m’y a jamais invité. C’est dommage qu’ils m’aient tourné le dos mais je n’ai pas cherché d’explication… D’ailleurs je t’avoue que je m’en fous !
Puis il y a eu les revues !
Oui, d’abord aux Folies Bergère où j’en ai signé trois, en 77, 82 et 87, puis au Moulin Rouge où j’en ai signé deux : « Formidable » en 89 et « Féerie » dix ans après.
Sans compter les artistes avec qui tu as travaillé…
Et que je rencontrais souvent chez les Carpentier : Sylvie Vartan avec qui j’ai travaillé en 75 et 76 au Palais des Congrès. Mais j’ai aussi dirigé le grand orchestre philharmonique de Nice à Salon de Provence au Château de l’Emperi pour Ella Fitzgerald. J’ai travaillé avec Thierry le Luron que j’ai dirigé à l’Olympia, avec Johnny à qui j’ai écrit, avec Michel Mallory et Jean-Pierre Savelli « Fou d’amour ».
C’est toi qui les appelais ?
Je n’ai jamais appelé personne, c’est un peu le fruit de nombreuses rencontres. Il faut savoir saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent et surtout décrocher son téléphone avant qu’il ne sonne !
C’est pourquoi tu as une formule : « Je dis oui à tout » !
Oui, ça c’est quand tu débutes, tu dis oui à tout car il faut travailler et te faire connaître. Jusqu’à 50 ans où tu dis « oui… mais… » car tu ne peux pas faire tout ou n’importe quoi. A partir de 60, il faut que tu apprennes à dire non !
De toutes façons, tu es très éclectique : pianiste, compositeur, arrangeur, chef d’orchestre, que ce soit dans le jazz, le classique, la variété…
J’aime diversifier les plaisirs, changer de casquette, à partir du moment où je parle musique. Quant aux styles, en dehors du jazz où je n’oserais pas aller, que j’aime mais qui n’est pas vraiment dans mon langage musical. D’autres le font mieux que moi ! Mais je suis curieux de découvrir, d’apprendre, de jouer. Ma vie, c’est la musique ! par exemple pour le Moulin Rouge depuis 36 ans, lorsque je compose Je reste dans la tradition et la continuité évolutive ! C’est vrai que chez les Carpentier j’ai appris à passer d’un style à l’autre avec des chanteurs et des comédiens très différents et des duos quelquefois improbables et ça, c’est une bonne école car il fallait s’adapter et réagir vite.
Et la musique de films entre autres : tu as travaillé avec Roger Vadim, Yves Boisset, Christian-Jaque, Joseph Losey…
Là encore le hasard et les rencontres avec des amis, des amis d’amis, des gens qui ont entendu parler de mon travail… Par exemple, Christian-Jaque a vu et entendu une musique d’un ballet que j’avais écrit pour les Carpentier et ça lui a donné l’idée de m’appeler pour la musique de son film « Docteur Justice ». C’était le genre de musique qu’il cherchait. J’ai également écrit beaucoup de musiques pour des séries télévisées.
Tu as donc débuté très tôt…
J’ai toujours aimé la musique et à 13 ans on m’a demandé d’accompagner un spectacle au piano. Puis, à 15 ans, avec mon frère, mon cousin et quelques amis, nous avons créé un petit orchestre. On jouait pour des fêtes, des communions
Après quoi je suis entré au conservatoire de Marseille et de Toulon…
Pourquoi les deux ?
Parce qu’il y avait dans les deux conservatoires des professeurs très différents qui m’enseignaient des disciplines différentes comme le solfège et le piano à Marseille, à Toulon toujours le piano, avec André Millecam mais aussi l’écriture, l’harmonie et contrepoint avec M Buisson.
Alors aujourd’hui, tes projets ?
Je suis en train de préparer le DVD du concert de la Nouvelle Eve. Et puis j’écris, je joue, je n’arrête pas…Je n’ai jamais arrêté. je fais des concerts avec mon piano qui est un orchestre à lui tout seul. les 88 notes du clavier sont le reflet de toutes les tessitures des instruments qui composent un orchestre symphonique Mon bonheur c’est la musique et la scène.
Et je jouerai et composerai jusqu’au dernier souffle.
Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Christine Ledroit-Perrin