Notes de lectures

Florence AUBENAS : Ici et Ailleurs (Ed de l’olivier- 355 pages)
Florence Aubenas , reporter- journaliste nous restitue un compte à rebours des évènements majeurs de la période 2015 à 2022 soit sept années.
Son livre est un recueil de reportages issus de son activité professionnelle de journaliste. Elle nous fait retourner sur notre époque avec des témoignages tous empreints d’une grande réalité sur le monde.
Les thèmes abordés tour à tour ne peuvent nous laisser indifférents et leur diversité nous montre un monde qui bouge : On passe, de l’engagement de deux jeunes gens en Syrie, du confinement à l’Ephad, de la police aux gilets jaunes, de la fermeture de la sucrerie de Toury, de la mort tragique d’un jeune agriculteur puis à la guerre en Ukraine…
Le livre révèle l’humanisme de Florence Aubenas, ses compétences à écrire avec simplicité la vie quotidienne de gens dans des situations personnelles exceptionnelles qui montrent l’évolution du monde.
Elle fait parler ses témoins en restant au plus près de la réalité des faits.
Livre intéressant, facile à lire mais à aborder en plusieurs étapes car chaque chapitre présente un sujet différent qui interpelle et questionne le lecteur.

Gérard ESTRAGON : « Cellou » (Ed l’Harmattan  – 283 pages)
Mais qu’est-ce qu’il nous fait, notre ami toulonnais Gérard Estragon ?
Est-ce l’âge qui exacerbe sa libido ?
Voilà qu’il nous offre un roman très particulier, non pas par l’histoire assez intéressante, mais chargée d’expressions égrillardes, de mots grossiers et crus, où « la baise » est à tous les étages, avec des filles plus que légères, ouvertes – dans tous les sens du terme – à des hommes chargés de testostérone !
C’est l’histoire d’une compagnie théâtrale médiocre, avec entre autres une  jeune comédienne, Germaine, au talent incertain mais avec une plastique qui fait chavirer les mecs, d’une liberté totale, passant de l’un à l’autre avec gourmandise et de quelques mec « queutards » qui en profitent largement. Sauf Marcel, dit Gilou, amoureux fou mais, à l’inverse de Germaine, timoré, terne et n’arrivant pas à exprimer son amour.
Georges, dit Jo, comédien de la troupe, en profite tout en lutinant Séraphine, autre comédienne de la compagnie, fille exaltée et anarchiste qui en fera un militaire révolutionnaire. Fait prisonnier il se retrouvera envoyé en Nouvelle Calédonie… Ou comme par hasard la compagnie ira en tournée. Sur un bateau où il se passe plein de choses dans les cabines et sur mer, durant plus de dix semaines, jusqu’à un incendie et après de multiples aventures, les voici donc, même lieu, même pomme. Et que pensez-vous qu’il arriva ?
Pendant que Celou est resté chez lui dans son magasin, s’organisant une petite vie plan plan, c’est Robert qui devient l’amoureux transi, pendant que Germaine couche avec tout ce qui bouge.
Et tout le monde couche avec tout le monde dans une folle liberté.
Mais que vient faire Celou, qu’on retrouve à la fin,  dans cette galère ?
Gérard Estragon, au contraire de ses autres romans dont « Frère Jean », « L’illusion du châtiment » et autre « Du sang dans le maquis », livres forts et sérieux, a l’air de s’être amusé à écrire ce roman aussi léger que ses personnages avec une totale liberté d’expression.
Venant de lui, un livre qui détonne et nous étonne. !

Charles-Henry CONTAMINE : La mort est derrière moi (Ed. Plon – 288 pages)
Ce roman est le roman du deuil.
Pierre apprend soudain le suicide de sa compagne qu’il adorait. Que comprendre alors qu’on  pensait tout savoir d’elle. ! La souffrance de l’amant est pire, du fait de ne pas l’avoir pressenti. Terrible échec qui l’amène à tourner la page de sa vie antérieure : travail, famille, amis il tire un trait sur son passé. Ne plus savoir, ne plus chercher, ne plus faire que ce que son instinct lui dicte : une rencontre inopinée le tirera de son marasme !
La vie est un éternel recommencement ! L’homme fort et fragile à la fois va se reconstruire au lieu de sombrer.
Belle étude des sentiments qui gouvernent la vie, écriture vive et sensible même si   l’on se sent parfois dans la démesure .  
Laurent ESNAULT : Parce qu’ils sont là (Ed Sixième(s) – 351 pages)
Un père avec deux fils, Romain l’ainé et Hadrien, celui qui malheureusement n’a jamais connu sa mère morte juste après l’accouchement.
Ce père est merveilleux, il élève magnifiquement ses deux garçons à Toulon, il jongle bien sûr avec les horaires, les enfants sont responsables mais le père est bien obligé de remarquer que Hadrien est très souvent absent et surtout trop silencieux. Que se passe-t-il dans sa petite tête ? Il cache manifestement quelque chose à son père qui avec beaucoup d’amour arrive à lui faire dire qu’il voit réellement sa mère, qu’elle lui parle, mais qu’il voit aussi d’autres personnes aujourd’hui décédées.
Ces manifestations se répètent, aussi le père décide de se faire aider par un ou une psychologue qui s’engage à suivre Hadrien. Et c’est là que le roman dérape vers ce monde des disparus.
Charlatans, attrape gogo ? Que répondre à un enfant ou un père éprouvé par un deuil ? Où se situe la vérité ? Comment trier le vrai du faux ? Faut-il laisser croire à la communication entre les vivants et les morts ?
Rien ne dit qu’il n’y a rien après la mort mais rien ne dit non plus qu’il y a quelque chose.
Un roman toutefois qui se lit avec plaisir. Mais le lecteur doit rester conscient qu’il ne s’agit que d’un roman.

Jean-Noël FALCOU : Cultiver des agrumes bio (Ed Terre vivante – 189 pages)
Tout, tout, tout… Vous saurez tout sur les agrumes…
Les citronniers, les limetiers, les combavas et les kimquats
Les orangers, les cédratiers, les clémentines et les yusus…
Dans notre région ensoleillée et peu pluvieuse, les agrumes poussent sans difficulté et ce livre signé de Jean-Noël Falcou, qui est agrumiculteur à Golfe Juan, les cultive sur 7.500 mètres, nous propose, de tout connaître sur ces beaux fruits jaunes et oranges gorgés de soleil et l’on est surpris de découvrir le nombre de variétés existantes.
De leur histoire à leur récolte en passant par leur plantation, leurs soins, le tout agrémenté de magnifiques photos, après avoir lu ce livre, on n’a qu’une envie : en planter soi-même dans un pot ou dans un jardin.
On apprend de plus à les traiter, les arroser car les agrumes sont un monde complexe et fascinant à ses yeux mais qu’il faut apprendre à planter, où et quand, à les tailler et à les récolter, à les protéger des intempéries, des maladies et des ravageurs.
Grâce à ce livre, Jean-Noël Falcou nous fait faire le tour du monde et l’on découvre la genèse de chaque agrume dont certains d’entre eux ont plus de cent mille ans.
Il nous apprend à aimer ces beaux fruits du soleil et en lever les mystères.
Un bel album tout autant instructif qu’artistique.
Arnaud ROZAN : Mémoires de maisons blanches (Ed Plon – 222 pages)
Après son premier roman « L’Unique goutte de sang » l’auteur offre au lecteur un livre étrange. Immédiatement le titre vous fait penser à la résidence du président des États-Unis à Washington, et les mains croisées sur la première page du livre sont bien celles d’une vieille femme…
Aurait-elle un lien avec le président actuel Joe Biden ?  Car il s’agit bien de Joe Biden, un président qui gravit les marches de sa résidence, mais aussi d’un homme qui a eu un fils, Beau, qui est né le même jour qu’un enfant dont la mère a supplié du regard ce président, alors seulement préoccupé par ses ambitions politiques et prétendant au siège de sénateur du Delaware.
Ce fils souffrira d’une tumeur au cerveau et avec un sang-froid, une dignité extraordinaires, il voudra jusqu’à son dernier souffle suivre l’évolution de son mal. Les deux enfants auront des destins tragiques, l’un par la maladie, l’autre car héritier de cette longue lignée d’esclaves venus du Ghana, enchainés encore aujourd’hui dans une société raciste.
L’auteur remonte à la création de la ville de Washington avec cartes à l’appui, le traçage exact du périmètre et les tractations entre George Washington, Alexander Hamilton et Thomas Jefferson, sans oublier les cales toujours remplies d’esclaves noirs. Et parmi ces esclaves, ceux qui n’auront pour seule richesse qu’une demi-calebasse décorée d’un crabe bleu, à eux de retrouver l’autre moitié pour construire leur histoire.
Ce livre est une plongée dans l’histoire des États-Unis, un état construit avec la sueur des esclaves, un passé qui hante encore aujourd’hui l’histoire de ce pays. Joe Biden a tant à accomplir mais pour cela il lui faudra tenir compte de cette déchirure, de cet arrachement, de cette mémoire qui fait le présent de la Maison Blanche.

Cécile David-Weill  la Cure (Edi Odile Jacob – 324 pages)
Dernier livre de l’auteure franco  américaine, qui nous raconte un séjour en cure d’amaigrissement dans une station du sud de l’Espagne ; elle y rencontre quatre personnes : trois femmes et un homme. Détail amusant parmi d’autres : l’auteure est dans la vie chroniqueuse gastronomique. On lit beaucoup de détails sur les différents menus et aussi sur le jeûne, moins on mange et plus on paie ! On a le droit de changer son choix en cours de cure.
Tout le monde vit en huis clos, d’où certains problèmes qui prennent des proportions  importantes. Des amitiés se créent,  d’autres se dénouent, on suit les évènements au jour le jour, la cure dureantdouze jours, chaque jour donnant lieu à un chapitre  nouveau. Ces problèmes sont souvent causés par les femmes et résolus par elles,
Par moments, cela paraît un peu long. Le texte se veut humoristique  et ironique, c’est vraiment un livre d’aujourd’hui . A chacun de le lire et de se faire une opinion !
Samuel DOCK : L’enfant Thérapeute (Ed Plon – 334 pages)
Récit autobiographique, inspiré de faits réels écrit par Samuel Dock, docteur en psychopathologie exerçant dans la protection de l’enfance.
Ce livre est construit en 3 parties :      
La première raconte des retrouvailles familiales pour fêter Noël.
Elle illustre des relations pathologiques ou la mère surprotège excessivement sa fille, droguée et fragile mentalement. Samuel, l’auteur, lui, est en quête de l’attention et de l’amour de sa mère. Il remémore des souvenirs de son enfance et s’adresse par la pensée directement à sa mère comme dans un face à face et nous fait partager toutes ses souffrances mêlant colère, culpabilité et besoin malgré tout de réparer, de sauver cette mère.
La deuxième partie constitue le journal écrit tardivement à 68 ans par la mère, après qu’elle ait fait une psychothérapie. Elle décrit son enfance maltraitée, les sévices physiques, et psychologiques qu’elle a subi par un père violent, elle, la dernière enfant d’un fratrie de quatorze enfants.
La troisième partie, c’est le temps de la résilience et la parole devient remède. L’auteur renoue des liens  différents avec sa mère, de plus en plus sereins. Samuel l’entend, la comprend et ils se découvrent.
Ce livre amène réflexion et plusieurs enseignements : le renoncement à secourir l’autre pour se sauver soi-même; faire le deuil de son enfance impliquant de faire celui de l’enfance de sa propre mère; la parole salvatrice.
Ce livre sur les violences familiales, d’une grande profondeur et d’une grande densité sur l’enfance maltraitée, ne peut laisser le lecteur indifférent émotionnellement.
L’analyse des relations familiales, très finement décrite et écrite rend ce livre poignant.