Une scène noire où l’on aperçoit l’ombre d’un piano à queue.
Une salle noire où l’on entend, plus qu’on ne le voit, Jean-François Zygel qui règle, avec les techniciens du théâtre Galli, les lumières du spectacle avec minutie et exigence.
Directif mais toujours aimable et poli, il demande un soleil plus jaune, un éclairage rasant, une scène plus bleue. Il sait ce qu’il veut et veut travailler dans le silence et le noir.
Il vient me saluer, je lui rappelle notre rencontre au conservatoire de Toulon et dans la foulée, je lui demande si l’on pourra faire quelques photos.
« Tout ce que vous voudrez mais après le spectacle. On pourra même faire un numéro ensemble, si vous le voulez ! »
J’acquiesce… pour les photos, après, pour le numéro, on verra une autre fois !
Françoise Gnéri, belle musicienne sanaryenne et présidente du collectif « Fractales » grâce à qui notre artiste est là, est aux petits soins et le mène à la baguette, ce qui le fait rire.
Voici trois jours qu’il a débarqué à Sanary pour préparer ce concert, certes improvisé, comme il le fait toujours, mais celui-ci sera un hymne à Sanary et il a voulu s’imprégner de la ville pour adapter ses improvisations.
Ce qu’il fera en évoquant musicalement les éléments, la mer, les vagues, le vent, les pointus dont le maire, Daniel Alsters, lui a fait connaître l’histoire, les fonds marins, la tour et ses marches qui ressemblent à la gamme musicale au fur et à mesure qu’on les monte, le chanoine Galli, qui fut comédien avant d’être prêtre et grâce à qui on a cette belle salle, qui aurait eu 100 ans cette année, qui porte les trois prénoms de ses oncles et qui sont nés tous les deux le même jour… à quelques années près ! Michel Pacha, le fameux manège qui est sur la place depuis la première fois qu’il est venu à Sanary, les intellectuels allemands qui sont venus se réfugier à Sanary durant la guerre, le musée océanographique Frédéric Dumas, le chemin de croix, le jardin des oliviers… Bref, c’est une plongée dans la ville qui va l’inspirer tout au long de ce concert où il mêle habilement l’Histoire et les histoires de la cité, avec humour et volubilité, avec des apartés, des parenthèses (« Vous avez cinq minutes ? » demande-t-il à la salle) et dont vont naître sous ses doigts des musiques dont seul le public de ce soir se souviendra.
Une imagination musicale débordante, une érudition sans failles… Le spectacle fut magnifique, original, passionnant, malgré une bronchite qui le tient depuis une semaine et une toux qu’il mêlera aux applaudissements pour que ça ne s’entende pas !
Avec le Chanoine Galli et avec Françoise Gnéri !
« Le pouvoir de l’improvisation ? – nous avoue-t-il – c’est que l’on n’a jamais de trou de mémoire et que s’il y a une fausse note on peut dire qu’on l’a fait exprès ! »
Il n’y eut pas de fausse note… sinon l’orage qui surprit tout le monde à la sortie.
Mais malgré cela et sa bronchite, durant une heure il signa programmes, CD*, DVD, avec des marqueurs de toutes les couleurs et en discutant avec chaque personne avec une gentillesse extrême.
Au XVIIIème siècle, on l’aurait certainement appelé « un honnête homme » !
Jacques Brachet
* Son dernier CD « L’alchimiste », dans une magnifique pochette, réunit des chansons comme « Mistral gagnant », « Y a d’la joie », « Lucie », « Ne me quitte pas », « Amsterdam » « Jacques a dit », façon classique, contrairement à nombre de morceaux classiques qui sont devenus des chansons.