Festival « Femmes
Eva DARLAN… S’il n’en reste qu’une…

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Elle a toujours ce regard bleu-vert sous sa chevelure de feu et ce petit sourire malicieux.
Mais ne vous y fiez pas car cette talentueuse comédienne peut sortir ses griffes s’il faut défendre la cause des femmes.
Ce qu’elle a fait dès qu’elle débuté dans le métier avec « Les Jeanne » en 76 puis, tout au long d’une carrière prolifique au théâtre, au cinéma, à la télé. Elle n’a jamais baissé les bras, a toujours combattu auprès des femmes qui avaient besoin d’aide, à tous les niveaux, prenant beaucoup de risques dont celui de plomber sa carrière. Et pourtant elle est toujours là, omniprésente.
Notre première rencontre date de… 82, alors que j’étais attaché de presse du festival du Jeune Cinéma d’Hyères. Puis l’on s’est rencontré plusieurs fois au festival de Cannes, à l’abri du petit hôtel Suisse et je la retrouve inchangée : volubile, énergique, combative et défendant cette jeune femme emprisonnée à Toulon, Priscilla Majani, qui a eu « l’outrecuidance » de partir en Suisse avec sa fille  dont le père, son mari s’adonnait à des attouchements et des violences sur celle-ci… Et c’est elle qui est en prison !
La justice a encore frappé !

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Entournt Evas Darlan, Noémie Dumas, directrice du Six’N’Etoiles, Luc Patentreger, président du festival, Stéphanie Guillaume, adjointe à la Santé, Fabiola Casagrande, adjointe à la Culture

Invitée d’honneur du festival « Femmes ! »  elle n’a malheureusement pas pu aller la voir en prison, les démarches étant trop longues. Mais elle a écrit une lettre que toute la presse devrait recevoir et elle sera là pour son procès.
Voilà comment démarrent nos retrouvailles avant de parler « métier » et je la retrouve là tout entière, mon Eva et ce n’est pas pour rien que l’association « Les Chantiers du Cinéma », présidée par Luc Patentreger l’a invitée pour l’inauguration, du festival « Femmes ! » qui a eu lieu ce lundi au Six N’Etoiles de Six-Fours, avant de s’essaimer à la Seyne et Toulon.
« J’ai créé un comité de soutien, comme je l’ai fait pour Jacqueline Sauvage où nous sommes arrivés à nos fins. Déjà de nombreuses personnes ont signé ma pétition – poursuit-elle – et le 23 novembre aura lieu le procès à Aix-en-Provence. J’y serai !
Tu es donc toujours là, fidèle au poste !
Il y a encore tellement de boulot ! Depuis que Napoléon a enlevé pas mal de droits aux femmes, nous avançons petit à petit pour les reconquérir mais nous avançons devant un bloc : la justice qui ne bouge pas, qui est arcboutée sur ses positions. Une justice patriarcale qui, sur 76% de femmes maltraitées, condamne 1% des hommes qui les maltraitent. Et ce n’est pas avec ce grand « féministe » qu’est Dupont-Moretti, que les choses avanceront ! Du coup, je consacre une grande part de ma vie à combattre ces injustices.

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Même dans ton métier de comédienne !
Exactement, surtout au théâtre, ce que je fais dans mon seule en scène que j’ai écrit et joué en Avignon « Irrésistible », que j’espère jouer en tournée. Ce sera mon dernier one woman show « rigolo-féministe » car j’arrive à la fin de ce que j’ai toujours voulu dire. Avec « Les Jeanne », on parlait surtout du couple, de ses problèmes, c’était drôle et presque gentil mais depuis, mes spectacles sont devenus plus corrosifs, même s’il y a toujours le côté humour qui fait que je suis mieux entendue. Le spectacle précédent s’intitulait « Crue et nue » où je parlais du corps des femmes, morceau par morceau, si je puis dire ! Dans celui-ci, je m’intéresse aux origines de l’humanité, comment on est arrivé au patriarcat, toujours en rigolant et à cette égalité des femmes et des hommes qui est loin de se concrétiser.
Tu n’y crois pas ?
Crois-tu que les hommes ont l’intention de perdre leur virilité ? On en est loin !
Même si, chez les plus jeunes aujourd’hui, certains consentent à faire la vaisselle, à repasser, à changer leur bébé, ce n’est pas la majorité. C’est pour cela que j’aimerais pouvoir montrer mon spectacle aux scolaires. Je m’y attelle mais, là encore, il faut de la patience et de l’énergie !
Malgré tout ça, l’année 22 a été assez chargée pour la comédienne que tu es !
Ah bon ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Deux films « Villa Caprice » de Bernard Stora, « Irréductible » de Jérôme Commandeur, pour la télé « De miel et de sang » et ta pièce !
C’est vrai que j’ai fait tout ça !
Je ne me rends pas compte et je suis heureuse qu’à mon âge on pense encore à moi !

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Et tu refuses des projets ?
Tous ceux qui me font chier, qui me proposent des rôles de grand-mère car aujourd’hui on me propose – et pas qu’à moi je pense – des rôles de mémés ou de vieilles dames qui ont la maladie d’Alzheimer ! C’est vrai, ça existe et c’est navrant mais il y a aujourd’hui beaucoup de femmes de mon âge qui sont pleines d’énergie, de santé, qui font plein de choses… Ce que je fais !
Et le prochain Projet ?
Un film que je tournerai en janvier à Marseille, réalisé par Anne-Elizabeth Blateau, qui joue dans « Scènes de ménages ». Il faudra venir sur le plateau !
Est-ce que tu penses que tes engagements ont pu freiner ta carrière ?
Je ne sais pas car je n’ai jamais cessé de jouer d’un côté ou de l’autre. J’ai certainement dû être « évitée » de certains projets. Mais on n’est pas venu me le dire !
Mais à te dire vrai, je m’en fous. Je n’ai jamais eu peur de m’engager et de dire tout haut des choses que beaucoup pensent et n’osent dire. Pour Jacqueline Sauvage, je me suis engagée à fond et ça a marché. C’est le principal et c’est mieux qu’on rôle qu’on ne m’a pas donné. J’ai beaucoup combattu sur des causes diverses qui me semblaient juste et je ne regrette rien. J’aurai toujours une grande gueule et je l’ouvre !
5.000 ans de patriarcat, il y a de quoi se révolter, non ? C’est lui en ce moment qui tue la planète. La planète est en train de crever. Nombre de femmes sont plus écologiques que les hommes !
Crois-tu en la résilience des femmes qui, comme toi, ont été touchées dans leur chair ?
Quant à moi, ça ne m’a pas servi.  Ça a été un très long parcours, la seule chose que je devais faire, c’était de vivre. Il le fallait. Maintenant Par contre, le cinéma a la vertu de réonforter les gens dans leur douleur, dans leur choix… C’est peut-être ça la résilience ».

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Après ce long et magnifique entretien, un cocktail était servi où toute l’équipe organisatrice du festival et nombre d’élus six-fournais entourèrent Eva. Elle en profita pour parler de son spectacle qu’elle aimerait jouer dans la région. Fabiola Casagrande, adjointe aux Affaire Culturelles, lui promit de faire en sorte qu’elle revienne pour le jouer. Puis elle alla ensuite rejoindre la salle où nous étions conviés à un mini-concert du duo musical « Sigana » qui nous offrit avec talent quelques chansons du monde chantées par des femmes ou parlant des femmes. Moment d’émotion et de poésie avant que l’on découvre le film de Yann Arthus-Bertrand et Anastasia Mikovic. Un film plein d’amour, d’espoirs, d’émotion encore, qui nous fit découvrir des portraits de femmes du monde entier parlant de leur vie, leurs amours, leur détresse, parlant sans filtre des violences et viols dont elles ont été victimes mais aussi de la découverte du sexe, de la naissance de leurs enfants, de leur joie d’être mère, des exactions qu’elles ont subi, des hommes, de leur travail, de la société machiste,… Bref tous les sujets dont elles parlent avec douleur, avec détresse mais aussi avec humour et bonheur. Un magnifique film sur toutes ces femmes belles, courageuses, heureuses ou malheureuses, meurtries mais avec l’espoir de mieux vivre. C’est quelquefois déchirant, violent, quelquefois drôle et naïf. Mais toujours juste et prenant.
La femme dans tous ses états.

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Avec Béatrice Métayer, Martine Patentreger, et Virginie Peyré, ambassadrice du festival

Jacques Brachet