Et revoilà Renaud Capuçon, de retour à la Maison du Cygne où, comme l’an dernier, il nous offrait un magnifique concert accompagné par le jeune virtuose Guillaume Bellom au piano.
Un concert différent de l’an dernier puisqu’il nous proposait trois sonates pour violon et piano, de Robert Schumann, de Johannes Brahms et de César Franck.
Un concert très intime devant un public attentif. Mais peut-être un concert un peu linéaire dans lequel il manquait un zeste de fantaisie, un peu de punch, d’énergie, même si, comme à chaque fois, ces sonates étaient magistralement interprétées.
Par contre, le final fut très émouvant avec la sublime « Méditation de Thaïs » de Massenet et retour avec le « Clair de Lune » de Debussy, qui fut aussi, coïncidence, le final de Nemanja Radulovic et Laure Favre-Kahn.
Un Renaud Capuçon toujours inspiré, concentré, les yeux fermés…
Du grand art.
Je devais les retrouver le lendemain où ils recevaient des élèves du conservatoire puis Renaud m’offrit un joli moment d’entretien.
Souriant, réservé, il sait partager sa passion, qui fait partie de son crédo : Passion, émotion, transmission.
Avec Guillaume Bellom, tous deux répondirent aux nombreuses questions de ces élèves, musiciens en herbe, avec gentillesse, patience et joie de pouvoir partager avec eux ce moment de connivence. Moment qui se termina par un extrait d’une œuvre de Bach très enlevée, comme on aurait aimé en entendre lors de leur récital. Des écoliers leur offrirent une chanson que Renaud filma.
Puis c’est avec une extrême gentillesse que nous bavardâmes sur un banc de ce magnifique jardin.
« C’est un bonheur – m’avoue-t-il – que de jouer dans ce lieu où l’on se sent bien, où la musique peut s’exprimer de façon naturelle et d’être accueilli par des gens qui aiment l’art. On le ressent et on a envie d’y revenir.
Ce qui sera le cas ? Puisque vous et votre frère semblent être devenus des membres honoraires, vous deux fois, lui, trois fois dans quelques jours !
(Il rit) Non, nous ne sommes que des invités qui ont du plaisir à retrouver ce lieu. Et bien sûr que si l’on m’invite, je reviendrai avec plaisir !
Vous êtres déjà responsable de deux festivals !
Oui, celui du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence et celui de Lausanne dont je suis chef de l’orchestre de chambre.
Vous en aviez créé un près de chez vous…
Oui, à Ravoire, près de Chambéry où je suis né. Mais c’est terminé.
Vous avez écrit, juste avant le Covid, un livre de souvenirs et vous avez sorti un double CD « Un violon à Paris » (Erato). Parlons-en !
Le livre, intitulé « Mouvement perpétuel » (Flammarion) est à la fois un livre de souvenirs car j’ai vécu beaucoup de beaux événements et de rencontres de gens à qui je voulais rendre hommage. C’est un livre qui retrace mon parcours de mes débuts jusqu’à mes 45 ans et qui s’adresse entre autre aux gens qui ont envie de faire ce métier. Pour leur dire que lorsqu’on a du talent ce n’est pas tout, il faut un travail acharné pour en arriver là, beaucoup de passion et de chance. C’est ce que j’ai dit à tous ces gosses qui rêvent de faire ce métier mais qui ne se fait pas avec facilité.
J’ai adoré ce moment de rencontre avec ces enfants et je me dis que, parmi eux, s’il y en a deux ou trois qui continueront, c’est gagné. Je suis très épris de transmission.
C’est d’ailleurs l’un des mots de votre crédo : Passion, émotion, transmission…
Oui, on ne peut faire ce métier sans passion, il faut qu’elle soit omniprésente. L’émotion c’est ce qui rythme notre vie d’artiste et pas seulement mais c’et la musique qui me procure cette émotion. La transmission, c’est ce que nous avons fait ce matin et ce que je fais dès que cela est possible.
Vous leur disiez d’ailleurs, que jeune, vous n’étiez pas bon. Mais quand même, un 1er prix de musique et un premier prix de violon à 17 ans et très vite vous avez joué avec des pointures comme Nicolas Angelich, Hélène Grimaud…
Oui, mais c’est grâce à beaucoup de travail et de persévérance. On n’arrive pas à une carrière sans cela. Et c’est tous les jours une remise en question pour devenir meilleur.
Pour en revenir à votre livre qui s’intitule « Mouvement perpétuel », avez-vous joué ce morceau dingue à jouer de Paganini ?
Oui, lorsque j’étais jeune. Mais ça me fait penser que depuis je n’y ai plus touché. Peut-être faudrait-il un jour que j’y repense.
Par contre, ce n’est pas qu’à lui que j’ai pensé mais aussi au poème éponyme d’Aragon, mais encore au mouvement perpétuel d’une montre.
Et chose drôle, un mois après la sortie du livre, il y a eu le Covid qui a tout arrêté ; en terme de mouvement perpétuel c’était un peu raté !
Pareil pour le disque ?
Alors là, non. Il s’est fait durant le Covid. Ne pouvant jouer sur scène, tous les soirs je jouais un morceau en direct sur les réseaux sociaux, durant 56 jours. Ce double album est ainsi formé de titres que je jouais soir après soir avec Guillaume Bellom.
Vous dites ne pas simplement aimer la musique classique mais LA musique en général. On s’en aperçoit avec ce dernier disque où se côtoient Haendel et Chaplin, Chopin et Morricone, Tchaïkovski et Grapelli…
Oui, bien sûr, il y a plein de musique que j’écoute et que j’aime. Je les traite de façon classique car les mélodies sont belles et intemporelles, sans tomber dans le populisme, en restant naturel, en restant soi-même. Je ne veux pas être un musicien qui regarde de haut parce qu’il joue de la musique classique. Si la musique est bonne, on peut naturellement la jouer.
Justement, c’est pour cela qu’on vous retrouve sur le concert des Enfoirés ?
Justement, c’est parce que Jean-Jacques Goldman me l’a demandé et qu’étant amis, je ne peux pas dire non. D’autant que cette année j’ai joué en duo avec Catherine Lara et c’était très symbolique d’une rencontre de deux générations.
De plus, Catherine a du talent et est une femme très sympathique.
Mais là, comme pour Johnny, je fais que jouer ce que j’aime, ce que je ressens. Je suis toujours guidé par l’émotion, par le partage.
Vous aimez nombre de compositeurs. Auxquels vont vos préférences ? Et comment les choisissez-vous lorsque vous créez un nouvel album ?
A part Bach, qui est peut-être mon préféré, j’aime aussi Schubert, Mozart, Beethoven… Tout dépend des moments, ça se fait de façon naturelle, suivant mes états d’âme, mes rencontres. Un disque se fait sur une rencontre, une envie…. Par exemple, je travaille avec l’orchestre de Lausanne et mon inspiration s’est cristallisée sur « Les quatre saisons » de Vivaldi qui sera mon prochain album. J’y ajouterai deux concertos que j’ai découverts, signés du Chevalier de St Georges.
Par contre, il y a des compositeurs que j’aime mais que je laisse à d’autres qui les jouent mieux que moi.
Vous êtes issu d’une famille de musiciens, il y a vous et Gautier…
Ma sœur qui est pianiste non professionnelle et orthophoniste !
A quand une rencontre à Six-Fours avec Gautier ?
Pourquoi pas ? Nous avons beaucoup joué ensemble. Pour le moment chacun fait sa route mais tout reste ouvert. On ne joue pas par opportunisme, pour faire un coup, même avec lui, il faut une rencontre, une envie de partager une œuvre… Le temps nous le dira ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet