Six-Fours – Maison du Cygne
Nemanja RADULOVIc et Laure FAVRE-KAHN
ouvrent le bal de la Vague classique

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Physiquement, c’est le yin et le yang.
Nemaja Radulovic, crinière à la Samson petites lunettes qui lui donnent un air romantique, est violoniste. Il est franco-serbe.
Laure Favre-Kahn, blonde Ophélie aux yeux couleur de Provence, est pianiste. Elle est arlésienne.
Ils forment un couple magnifique, un couple musical romantique à souhait et ce sont eux qui ouvrent le bal de la saison musicale « La vague classique » à la Maison du Cygne de Six-Fours.
Doués et talentueux, lui a commencé le violon à 7 ans, elle a débuté le piano à 4 ans.
C’est à la Maison du Cygne, en plein midi, qu’on les rencontre alors qu’ils terminent leur répétition. Ambiance on ne peut plus décontractée, souriante. On sent tout de suite une grande complicité.
Et en toute simplicité, ils rencontrent quelques musiciens en herbe issus du Conservatoire de Musique de Toulon Et Laure aura ce joli geste de demander à l’un d’eux de tourner les pages des partitions lors du concert.
Après quoi, ils me concèdent un moment d’entretien avec une gentillesse infinie.

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« Nemanja, Laure, depuis combien de temps travaillez-vous ensemble ?
Nemanja : Cela fait 18 ans. Nous nous sommes rencontrées au MIDEM à Cannes grâce à Frédéric Lodéon, violoncelliste et chef d’orchestre. On jouait chacun en solo, il nous a fait nous rencontrer, nous nous sommes tout de suite entendus, nous nous sommes dit : pourquoi ne  pas jouer ensemble ?
Nemanja, vous êtes serbe, vous avez commencé le violon à 7 ans. Aviez-vous des parents musiciens ?
Pas du tout même, même si j’ai un oncle chanteur et si mes parents ont toujours aimé la musique. Du coup, mes deux sœurs et moi avons baigné dans la musique, même s’ils ne pratiquaient pas. Pourquoi le violon ? Je ne sais pas trop mais l’instrument m’a plu et j’ai continué.
Et vous Laure ?
C’est un peu la même chose, mes parents n’étant pas musiciens mais aimant beaucoup la musique, ils m’ont toujours encouragée, n’ont jamais mis un frein à ma passion. J’ai découvert le piano à 4 ans sans au départ avoir la pensée d’en faire mon métier et comme Nemanja, je ne l’ai jamais quitté.
L’un vient de Serbie, l’autre de Provence et vous voilà tous deux à Paris !
Semanja : Après le conservatoire de Sarrebruck et la Faculté des Arts de Belgrade, j’ai quitté la Serbie à 15 ans  avec toute ma famille. Car nous sommes très unis et ils m’ont tous suivi ! Je suis entré au Conservatoire National de Musique de Paris avec pour professeur le violoniste Patrice Fontanarosa.
Laure : Je suis entré au conservatoire d’Avignon puis j’ai continué au Conservatoire de Paris, mon professeur étant le pianiste Bruno Rigutto. Mes parents, eux, ne m’ont pas suivie mais m’ont permis de pouvoir suivre mon chemin. C’était en 91, j’ai obtenu le premier prix en 93, j’avais 17  ans. Je suis alors devenue parisienne d’adoption mais je reviens le plus souvent possible chez moi… C’est moins loin que la Serbie !
Et vous, Nemenja ?
Moi aussi je reviens  chez moi quand je peux… Même, comme le dit Laure, si c’est un peu loin ! J’’ai la double nationalité franco-serbe.

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Tous deux vous avez été à bonne école avec deux superbes professeurs !
Laure : Oui, nous avons eu beaucoup de chance. De plus, tous deux sont très amis.
Pour jouer ensemble, il faut avoir les mêmes goûts musicaux… Comment ça se passe ?
Nemanja : Heureusement, nous avons les mêmes goûts communs à 80%, ce qui nous laisse un grand choix, même si nous avons quelques différences.Moi, j’aime jouer Mozart, Beethoven, elle pas spécialement
Laure : Ça ne veut pas dire que je n’aime pas. J’aime et j’écoute mais je n’aime pas les jouer ; Par contre, j’aime beaucoup Brahms. A tous les deux, nous arrivons à trouver des musiques en commun.
Aujourd’hui beaucoup de musiciens dits « classiques » font des incursions dans d’autres musiques. Est-ce que ça vous arrive ? En avez-vous envie ?
Laure : C’est vrai que notre génération peut aujourd’hui aller dans d’autres univers musicaux, ce qui n’aurait pas pu se faire avant. J’aitrès envie d’enregistrer un jour un disque de jazz manouche, musique que j’adore. Ou encore de tango argentin.
Nemanja : Moi, j’adorerais jouer avec le groupe japonais News !
Mais tout cela se fait au hasard de rencontres et nous sommes ouverts à ces échanges, ces différences. La preuve : durant le Covid, je me suis lancé dans l’enregistrement de musiques traditionnelles de 67 pays. Le disque devrait sortir à l’automne chez Warner.
Laure : J’ai sorti un disque chez Naïve, avec des œuvres de Liszt, Haendel, Borodine et quelques autres, intitulé « Vers la flamme » d’après une œuvre de Scriabin que je joue. Je prépare un nouveau disque dont je ne peux pas encore dévoiler grand-chose mais qui sera particulier, avec d’autres musiques interactives.
Vous avez enregistré des disques, chacun de votre côté mais pas encore ensemble !
Nemanja : C’est vrai que nous jouons beaucoup ensemble lors de tournées et de concerts, cela ne s’est pas encore fait mais nous en avons très envie.
Laure : Le problème est pour le moment le manque de temps et aussi que nous ne sommes pas dans la même maison de disques, ce qui complique un peu les choses… Mais ça se fera ! ».

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En ce premier soir de festival donné en la cour d’honneur de la maison du Cygne, Nous avons donc eu droit à un duo plein de charme, de beauté, où leurs deux instruments nous ont offert un joli voyage, débutant avec « Romanian dances » du hongrois Béla Bartok, suivi de « Nigun », une partie de l’œuvre « Baal Shem » du suisse Ernest Bloch, puis nous partîmes sur les traces de l’allemand Johannes Brahms et son magnifique « Scherzo », la « Sonata » du français César Franck fut un beau moment d’émotion, pour se terminer avec « Les scènes de ballet », belles mélodies rythmées du français Charles de Bériot.
Terminé ? Non, car le public nombreux et très à l’écoute en redemanda. Et les voilà tous deux partis pour l’incroyable « Czardas » de l’italien Vittorio Monti qui demande une dextérité incroyable tant le rythme est effréné et qui fit « un tabac ». Et cette fois, pour clore ce magnifique concert, nos deux virtuoses partirent sur le « Clair de lune » de Debussy.
On ne pouvait mieux démarrer une saison, sous le signe de l’émotion et du talent, avec ce duo de charme qui, avec passion et maestria, nous a offert l’aubade sous un superbe clair de lune, où de temps en temps se sont mêlés les piaillement des  oiseaux et les coassements de grenouilles.
Grand moment de charme grâce à ce couple aussi beau que talentueux.

Jacques Brachet