Frédéric BEIGBEDER : Un barrage contre l’Atlantique (Ed Grasset-267 pages)
Frédéric Beigbeder a fréquenté toute sa vie la jet set, il a aujourd’hui cinquante-trois ans, une grande fille d’un premier mariage et deux très jeunes enfants, et s’est installé au Cap Ferret pendant l’épidémie de covid. Parfait pour se mettre à sa table de travail, raconter sa vie, faire une sorte de bilan qu’il livre au lecteur, cœur à nu et construire enfin quelque chose de solide. Il peut prendre exemple sur son ami Benoît Bartherotte qui depuis des années lutte contre l’érosion des dunes en empilant des tonnes et des tonnes de gravats, ou Marguerite Duras qui avait écrit « Un barrage contre le Pacifique ». A chacun sa manière de se protéger, pour l’auteur désormais une vie apaisée, loin des mondanités parisiennes.
Et dans une prose élégante, aérée car les espaces entre les lignes permettent la respiration, Frédéric Beigbeder raconte simplement « J’ai débuté comme chroniqueur de gauche publié par un éditeur de droite…. Je finis feuilletoniste de droite s’exprimant sur une radio de gauche. » Ce livre dit beaucoup sur l’influence du divorce de ses parents, sur l’éducation dans des écoles religieuses très cotées, sur la liberté sexuelle des années soixante-dix. Ajoutons à cela la culture, l’ironie, l’autodérision de l’auteur qui se résume ainsi « j’ai fui l’embourgeoisement en choisissant une vie d’artiste, fréquenté des gauchistes, flingué tous mes employeurs tout cela pour épouser une Genevoise, vivre à la campagne et fonder une famille et écrire au Figaro. »
On prend un plaisir immense à lire ses vraies ou fausses confessions, qu’importe, d’un amoureux de la vie bien sympathique, lucide et à qui l’on souhaite beaucoup de bonheur
Laura TROMPETTE : Huit battements d’ailes (Ed. Charleston -320 pages)
Nouveau roman de Laura. Trompette dédié à la place des femmes lors du confinement.
Alors que la population universelle est confinée l’autrice choisit huit d’entre elles : une conductrice de poids lourd sur les routes de France, une prisonnière en Chine ou encore une orpheline en Inde dont nous allons entendre la voix. Sur une seule journée en plein Covid, durant le mois d’Avril 2020, nous allons partager la vie de ces femmes aux quatre coins du globe, vivre, vibrer, pleurer peut être avec elles.
Tous les grands sujets relatifs aux problèmes des filles, des femmes, des mères seront abordés. C’est le véritable combat mené par l’autrice que l’on partage, qui émeut, qui fait sourire, qui ravage.
Un livre dur et doux à la fois, habilement présenté en courts paragraphes, en mails, en courriers, en brèves nouvelles. Sujet grave mais qui laisse le cœur léger grâce à la justesse des mots, la force des propos.
Roman bouleversant.
Paule CONSTANT : La cécité des rivières (Ed. Gallimard – 179 pages)
La cécité des rivières c’est le nom donné à l’onchocercose, une maladie parasitaire transmise par de petites mouches, vivant dans les cours d’eaux de l’Afrique subsaharienne et qui peut rendre aveugle. Éric Roman, le héros de cet ouvrage, connait parfaitement cette maladie. Spécialiste des maladies coloniales, il a fait une découverte révolutionnaire dans la génétique des virus, récompensée par le prix Nobel de médecine. Sa vocation est née d’un séjour de trois ans effectué avec son père, médecin militaire, dans la brousse aux confins du Cameroun et de la Centrafrique alors qu’il avait douze ans. Des années plus tard alors qu’il est connu dans le monde entier, il accepte de retourner en Afrique sur les lieux de son adolescence à l’occasion d’un voyage diplomatique du Président de la République et d’un reportage sur sa vie pour le journal « Le Grand Magazine ».
Accompagné de Ben, un photographe et d’Isabelle une jeune journaliste, escorté par des gendarmes assurant sa sécurité, Éric dit partir pour un « petit voyage sentimental ». Mais ce sera plus que cela alors qu’il se remémore ces années primordiales.
Ces trois personnages vont finir par arriver à communiquer et à entrer dans le passé intime d’Éric qui a déterminé son avenir. De beaux et rudes moments d’émotion, de magnifiques descriptions des paysages et des animaux africains, des personnalités complexes, font de ce roman un agréable moment de lecture.
Eric GRANGE : Et mon cœur attira les richesses du monde (Ed Leduc – 159 pages)
Avec le grand principe de « Plus tu donnes, plus tu reçois » Tony assiste à une conférence qui va lui faire prendre conscience de sa valeur et de son potentiel.
Maintenant qu’il est sorti d’un vilain problème cardiaque, il doit prendre sa vie en main, aller de l’avant mais mesurer les risques encourus, faire confiance et reprendre le parcours d’une vie qui a failli s’interrompre brutalement. Cette quête va le mener au Canada, au Bhoutan, au Népal, à Bali et se terminera en Egypte.
Des rencontres pittoresques comme celle de Marie-Louise, la généreuse propriétaire d’une superbe jaguar verte mythique, Gary, l’escroc sympathique mais escroc tout de même, Tim, le milliardaire optimiste et sans rancune, et Yasmina, la belle orientale, espoir d’une vie heureuse et comblée.
Un livre qui peut porter le lecteur à la vision d’un monde meilleur à condition d’y mettre du sien, de persévérer et d’entreprendre. Reste le côté farfelu, utopique, irréaliste qui peut laisser le lecteur plutôt sceptique, si ce n’est déconcerté par ce conte de fée où vous trouverez les bons et les méchants.
Cédric de BRAGANCA : Alter Ego (Ed. Une seule vie – 249 pages)
Au cimetière de Clamart, c’est l’enterrement d’un homme mort à 49 ans d’un cancer de la prostate.
Sa femme Judith et ses deux filles sont là devant la tombe. Elles sont observées par Roméo. C’est le défunt qui assiste à sa propre mise en terre. Pourtant ce n’est pas lui qui est dans le cercueil mais celui qu’il appelle l’Autre.
Aurait-il eu plusieurs vies ? Ne rêve-t-il pas plutôt des vies qu’il aurait voulu avoir et qui n’ont pas pu se réaliser ?
L’auteur nous entraine dans le passé de son personnage où le lecteur se perd.
Un roman à l’atmosphère particulière.
Gilles PARIS : Le bal des cendres (Ed Plon – 292 pages)
Ils sont une poignée de gens venus d’un peu partout.
Ils se prénomment Giulia, Anton, Lior, Sevda, Thomas, Ethel, Elena, Guillaume, Abigale…
Certains vivent sur l’île de Stromboli, d’autres y sont en villégiature.
Au départ peu se connaissent mais dans ce microcosme qu’est cette île avec l’omniprésence du Volcan, des amours, des amitiés, des relations vont se former.
C’est l’été et l’on pourrait imaginer la douceur de vivre sous le soleil italien, au bord de l’eau, une certaine insouciance, mais chaque personnage renferme son secret.
Ces secrets qui empoisonnent leur vie, certains inavouables, d’autres dramatiques, à l’ombre d’un volcan mystérieux qui contient lui aussi ses secrets.
C’est lui qui va les réunir puisque, décidant de tous partir au sommet du Stromboli, celui-ci va choisir ce jour pour rentrer en éruption.
Et le drame éclate.
Cette éruption va changer les donnes et la vie de chacun va aussi changer et faire remonter et exploser leurs secrets.
C’est là tout l’intérêt de ce nouveau et excellent roman de Gilles Paris, tous vivant au départ dans ce huis clos enchanteur qui va exacerber les pensées et faire que, comme le Stromboli, tout va se fissurer et exploser.
Au départ, on est un peu perdu car il y a un grand nombre de personnages, chacun relatant des bribes de sa vie et l’on s’y perd un peu. Mais tout se met peu à peu en place, on les découvre au fur et à mesure jusqu’à ce que chaque secret vienne au grand jour et cette parenthèse idyllique se transforme en mini drames.
Certains s’en tireront, d’autres moins et, tel un thriller, la vérité se fait jour pour chaque personnage, les histoires s’emboîtent comme dans un puzzle autour de celui qui est l’instigateur de ces drames et mélodrames : le Stromboli.
Comme toujours, Gilles Paris nous infuse à petites doses, chapitre après chapitre, la vie de chacun dans une écriture très personnelle, très limpide et très sensuelle.
On suit tous ces personnages avec intérêt, avec curiosité et l’on ne lâche plus ce roman tant il nous tient en haleine jusqu’à connaître l’âme et le secret de chacun.
Jean-Paul DELFINO : Isla Negra (Ed. Héloïse d’Ormesson – 232 pages)
Jonas Jonas, dit le Vieux, habite un manoir néogothique juché sur le sommet d’une dune surplombant la plage d’une ville quelque part en France. Il regarde au loin avec sa longue vue de marine sans se préoccuper de ce qui se trame contre lui et des courriers qu’il reçoit depuis des mois.
Mais deux huissiers viennent lui notifier une ordonnance d’expropriation. Cette propriété que Jonas a nommé Isla Negra en hommage à Pablo Neruda va passer à l’Etat moyennant une indemnité de huit cent mille euros et Jonas va en être bientôt expulsé. Va-t-il arriver à contrecarrer les perfides manœuvres de Charles Dutilleux, le promoteur immobilier véreux ? Il a le soutien de ses amis : Georges, dit l’Argentin de Carcassonne et aussi celui qu’on nomme l’Africain, haut de ses deux mètres dix et fort de ses cent soixante kilos. Et à la ville, quelqu’un veille sur Jonas, une vieille femme indigne et ancienne mère maquerelle, nommée Gaia qui connait les secrets de tous les habitants.
Avec tous ces personnages excentriques, tendres et bourrus, l’auteur nous emmène dans une fable assez drôle, dénonçant un monde gouverné par l’argent et la corruption mais dans lequel l’espoir est toujours à l’horizon et où les irréductibles n’hésitent pas à tout lâcher et à partir «droit devant» sans peur ni regrets.
Ariane BOIS : Éteindre le soleil (Ed Plon-174 pages)
Ariane Bois a intitulé son récit « Éteindre le soleil », c’est en effet ce que le lecteur ressent au fil des pages.
Une fille, Ariane sans doute, raconte l’emprise d’une femme sur son père, veuf, médecin dans l’humanitaire, éprouvé par la mort de sa femme et celle de son fils. Cette fille ne reconnait plus son père, il va leur falloir se cacher pour se retrouver et surtout ne pas succomber à la perversité, la jalousie de cette Édith, désormais propriétaire d’un homme devenu sa chose. Heureuse en couple, avec trois, quatre puis un cinquième enfant, l’auteur souffre de cette distance entretenue mais jamais expliquée frontalement. Les coups bas sont volontaires mais exécutés discrètement. Puis la maladie du père ne permettra plus de possible communication. A qui la faute ? Sans doute un père fuyant la confrontation comme il l’a toujours fait sans se soucier des dégâts derrière lui, et peut-être une fille possessive encore trop éprouvée par la mort de sa mère et de son frère.
Ce récit laisse toutefois le lecteur très perplexe. Le manque de réaction, d’explication directe entre adulte est assez gênante. Un père sous emprise sans doute mais qui n’assume jamais les dures réalités de la vie car pour les assumer il faudrait les reconnaitre et les accepter. C’est beaucoup de souffrance.
Il y a, heureusement pour la jeune mère, une vie de couple heureuse et épanouie, c’est ce que l’on préfère retenir de ce récit.
Pierre LE FRANC : La montée à l’Empyrée (Ed. Deville – 347 pages)
Dans ce roman historique, l’auteur nous raconte comment les médecins, scientifiques et ingénieurs ont réussi à comprendre la stimulation électrique du cœur et à mettre au point le pacemaker.
De 1756 à nos jours, c’est un magnifique aboutissement grâce à l’intelligence, la rationalité mais aussi la curiosité et l’association d’idées de ces hommes et femmes du monde entier qui ont également su partager leurs expériences et leurs compétences.
Pierre Le Franc célèbre cette révolution de la pensée qu’a été la démarche logique déductive.
A la fin de l’ouvrage un index renseigne le lecteur sur les personnages qu’ils soient réels le plus souvent ou de fiction. Vous découvrirez l’origine de la pile électrique, de la galvanisation, de Frankenstein, des entreprises Medtronic et Ela. Enfin vous comprendrez à quoi correspond la scène du célèbre tableau de Jérôme Bosch : La montée à l’Empyrée.
Un récit tout à fait passionnant.
Jean-Marie ROUART de l’Académie française : Mes révoltes (Ed. Gallimard – 273 pages)
Livre autobiographique de l’auteur qui scrute les évènements contrastés de sa vie depuis sa jeunesse jusqu’à aujourd’hui.
Issu d’une famille bourgeoise célèbre, fréquentant le monde de la peinture, il ressasse néanmoins son insatisfaction d’une vie privée d’horizon et se réfugie dès l’âge de 12 ou 13 ans dans une boulimie de lectures qui lui apportent les lumières d’une vie idéale. L’auteur se questionne sur ses choix, ses échecs scolaires, le rejet de son 1er roman, son renvoi du collège. Puis après ce parcours scolaire hésitant il débute une carrière mouvementée de journaliste au journal le Figaro ou il fait la connaissance de moult personnalités du monde littéraire, journalistique et politique avant de s’engager dans des combats contre l’injustice sociale avec l’affaire Gabrielle Russier et celle d’Omar Raddad .
Enfin, miracle de la vie, le succès est là et très présent
Ainsi, l’auteur évoque au travers de ses déconvenues, déceptions et bonheurs, le mystère de la destinée et le lien entre littérature et justice.
Ce livre, centré sur l’auteur est de fait quelquefois un peu pesant ; le nombre de rencontres, de portraits de personnalités hautement connues, de descriptions d’iles paradisiaques et de références littéraires dénotent d’une certaine appétence à exposer ses connaissances culturelles et un goût probable pour les mondanités.
S’agit-il de l’expression d’un besoin de reconnaissance sociale, voire même d’une revanche sur les blessures du passé ?