JAZZ A TOULON
Olivier LEROY : hommage au Genius
Il fête les 30 ans de ses Gospel Singers

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Arrivé tôt dans l’après-midi sous un soleil qui plombe la place Bouzigue des Routes. Olivier Leroy, perfectionniste jusqu’au bout des notes, fait consciencieusement sa balance pour le concert qu’il donnera ce soir dans le cadre de « Jazz à Toulon ». Un hommage tout particulier à celui dont il dit qu’il est son maître : Ray Charles dont on commémore cette année les dix ans de la disparition de celui qu’on a surnommé « The Genius ».
Après la répet’, on se retrouve dans la fraîcheur toute relative d’un barnum qui sert de loge et de pièce à vivre.

« Pourquoi Ray Charles, Olivier ?
Pour de nombreuses raisons. D’abord parce qu’il a été le héros de mon enfance, grâce à mon père qui me l’a fait découvrir alors que j’étais tout petit. A sa disparition, voici dix ans, j’avais monté ce spectacle autour de ses chansons avec le même formation qu’il avait en 63 avec quatre cuivres et les fameuses « Raelets », ces choristes aux voix superbes qui l’ont accompagné jusqu’à la fin. Ce spectacle a beaucoup tourné durant un temps, je l’ai joué quatre ans en quartet et, je ne sais pourquoi, du jour au lendemain on ne me l’a plus demandé.
Je suis donc passé à beaucoup d’autres choses. Mais je me suis dit que pour commémorer les dix ans de sa disparition, je pouvais le reprendre. Comme c’était aussi le 25ème anniversaire de « Jazz à Toulon », je l’ai proposé à Daniel Michel car je n’avais jamais participé, je ne sais pourquoi, à ce festival. Me revoilà donc sur les routes avec ce spectacle et ce quartet qui m’est fidèle depuis treize ans.

Ce spectacle t’a beaucoup apporté ?
Oui, d’abord parce qu’il m’a permis de me faire connaître d’un public qui ne me connaissait pas plus que ça, que je l’ai joué au festival de Tourves avec Dee Dee Bridgewater qui m’a rejoint sur scène – grand moment ! – que j’en ai fait un CD et que le dernier spectacle, je l’avais fait avec trente choristes blancs. Moi qui suis très épris de gospel, je retrouvais cette musique chez Ray Charles dont l’éventail est très large puisque du gospel au rock en passant par le blues, le rythm’n blues, la country, il a excellé dans tout et on l’a trouvé dans tous les hits du monde, traversant les décennies et les modes parce qu’il était vraiment un génie.

Alors, parlons aussi de ton école de gospel…
Qui fêtera l’an prochain ses trente ans !
Ça a été une gageure car au départ, bizarrement, il n’y a jamais eu en France d’école de gospel. J’en ai créé une, puis deux, puis trois puis, grâce au maire de la Londe, j’ai pu l’installer dans cette ville. De cinq élèves, nous sommes très vite passés à cinquante. L’idée m’est alors venue de monter un chœur régional qui se composait de vingt-sept choristes. Durant cinq ans, nous avons fait cent-vingts concerts, nous sommes également passés trois fois su TF1, sur France 3 et nous avons enregistré un disque intitulé « Cumbaya »

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Trente ans, ça se fête ?
Evidemment ! Ca va se fêter avec un album  de 14 titres qui devrait sortir en octobre avec le chœur, des rythmiques plus importantes que pour le premier disque, des cuivres et le piano tenu par mon fidèle Stéphane Bernard.

Qu’y trouvera-t-on ?
Entre autre deux chansons de « Sister act » : « I win fellow him » et Hail holly queen », des classiques comme « Nobody knows », « Don’t by the river side » et de très vieux negro spirituals moins connus :  » When the stars begin to fall » ou encore « Give me that old time religion »  que j’ai traité en imaginant le déplacement des esclaves, dans un style country. Il y aura également un hommage à Martin Luther King ouisque nous reprendrons son hymne utilisé en 68 sur les droits civiques « We shall over come ». Ce sera d’ailleurs le titre de cet album qui sera hyper tonique et qui a été enregistré dans les locaux de l’école de musique de Solliès-Toucas.

Sacré projet !
Oui, je suis en plein mixage mais en parallèle  j’organise une tournée avec les Gospel Singers et j’écris de nouvelles chansons qui feront aussi plus tard l’objet d’un autre disque. Entre temps, je suis tout l’été par monts et par vaux et l’on me reverra dans la région ».
A noter que le lendemain de « Jazz à Toulon », il était à Vilar de Lans pour ce spectacle Ray Charles, augmenté d’une section rythmique cuivres dans laquelle joue le neveu de Franck Zappa qui est trompettiste.
La vie est vraiment jazz and gospel pour Olivier Leroy !

Propos recueillis par Jacques Brachet

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Le concert
Trompettiste, chanteur et chef d’orchestre Olivier Leroy, pour commémorer les dix de la disparition de Ray Charles, a remis sur les rails du succès son show d’hommage au grand Ray ; et pour cela il s’est entouré de son compagnon de route depuis treize ans, le remarquable pianiste Stéphane Bernard, du contrebassiste Jean Cortez, du saxophoniste Guy Lopez et du batteur Thierry Larosa ; autrement dit la fine fleur des jazzmen vivant dans le Sud.
Pour le morceau d’introduction apparaissent les quatre musiciens, costume et cravate noirs, chemise blanche, puis Olivier Leroy bondit sur scène, costume blanc, chemise et cravate rose. Belle présentation de tradition jazz. Olivier Leroy agit en showman, il s’empare immédiatement de la scène, doué d’une belle présence. D’entrée il entre en communication avec le public, et on note la belle connivence entre les musiciens. Tout cela se fait simplement, avec le sourire, une facilité bon enfant toute de simplicité, et la distanciation d’un humour léger. Ce qui rend la prestation sympathique, prestation à laquelle on adhère sans réticence.
On sait que Ray Charles (1930-2004) est considéré comme l’un des plus grands chanteurs de jazz et qu’il a, tout en y mettant sa marque, aborder différents styles : rythm-and-blues, rock-and-roll, blues, country, folk, voire gospel. Il était souvent tragique, et savait créer un suspens vocal par une maîtrise totale des techniques vocales. C’était un écorché vif qui se livrait à fond sur la scène.
Alors entre chaque morceau Olivier Leroy raconte avec amour et passion le parcours musical du grand disparu, nous le rendant proche, avec les grands moments de sa vie et de sa musique, ponctués de quelques anecdotes amusantes, comme quand Ray Charles a voulu conduire sa voiture et a foncé droit dans le mur d’en face. On suivra ainsi tout au long du concert la carrière de Ray. Depuis ses 7 ans à la mort du frère noyé dans une bassine, dont il se sent responsable et qui va entraîner sa cécité. Les débuts, les rapports avec les producteurs, les labels comme Atlantic, sa Georgia natale (né à Albany), comment furent recrutées les « Raelets ». Olivier rappelle que Ray avait aussi joué du saxophone, en plus du piano et de l’orgue. Sa passion pour les femmes, et comment il s’est emparé  des différents styles de la musique noire, et même du rock-and-Roll des Blancs. Tout cela illustré par les grands « hits » du chanteur depuis « What’d say »,  » I got a woman » jusqu’à des reprises des Beatles, un somptueux « Yesterday » avec un inoubliable contrechant du pianiste ou bien » Imagine » de John Lennon, pour clore le spectacle sur un message de paix.

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Au début du concert on sentait beaucoup de retenue vocale et soudain sur « Georgia on my min »», c’était parti, l’osmose avait lieu, et Olivier Leroy se donna à fond, avec un engagement total et une belle sincérité. Il devait nous dire en coulisses que souffrant d’une laryngite, il se retenait au début car il avait peur que sa voix le lâche. Tant la voix est un instrument fragile qui crée toujours cette angoisse de la perdre chez les chanteurs.
Quand vint le le tour de « Hit The road Jack », la foule féminine se transforma spontanément en Raelets en chantant le fameux refrain, « No more, no more, no more ». Olivier sut mettre la chose à son profit et à en faire un beau moment de partage avec le public.  D’autres grands moments avec « Drown in my own tears », « I can’t stop loving you », « Mess around », « Hallelujah I love her so », et un prenant « Unchain my heart », qu’avait popularisé un certain Joe Cocker.
Manifestement les musiciens avaient du plaisir, et même plus, à être là sur scène ensemble, ce qui donna lieu à pas mal de beaux solos de la part du pianiste, du saxophoniste dont une belle envolée à la flûte. Le contrebassiste est d’une efficacité rythmique absolue, et le batteur met toute la chose en place, relançant et soutenant le chanteur avec une facilité et un à propos dignes d’éloges. Et jamais d’outrecuidance. On reste dans la sobriété et la musique, au service de l’expression du groupe et du chanteur.

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Un beau et bon concert propre à satisfaire toutes les couches du public, débordant la place jusqu’au rond-point !

Serge Baudot