Toulon – Pathé Liberté
Christian CARION : Lorsque «Mon garçon» devient «My son»

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Passionné par son métier qui l’emmène au bout du monde, Edmond (James McAvoy) en a oublié sa vie de famille. Sa femme, Joan (Claire Foy) l’a quitté et elle vit avec leur fils qu’il ne voit que très peu.
Jusqu’au jour où celui-ci est kidnappé dans un camp de vacances et tout à coup le père reprend le dessus, rentre dans les Highlands où vivent la mère, le fils et son nouveau compagnon.
Malgré  l’aide d’un policier (Gary Lewis), l’enquête n’avance pas, est quelque peu abandonnée et ne reste pour les parents que de se débrouiller seuls pour rechercher leur fils. Et Edmond va partir comme un fou à la recherche de ceux qui ont enlevé l’enfant. Il retrouve leur trace et commence alors une traque sanglante.
Ça vous dit quelque chose ? Evidemment, il y a une impression de déjà vu et pour cause, pour les cinéphiles qui ont vu un film dont le sujet est similaire. Il s’agit du film de Christian Carion, «Mon garçon» tourné en 2017 avec Guillaume Canet et Mélanie Laurent. En anglais, le film s’intitule «My son» et est signé… Christian Carion qui en a fait un remake anglo-saxon avec James McAvoy et Claire Foy !
Film tout aussi remarquable qui nous tient en haleine jusqu’à la dernière image, dans des paysages grandioses malgré la pluie et les nuages bas, un thriller qui vous glace et qui ne vous lâche pas, où l’on rentre de plain-pied, dès les premières images, dans un crescendo angoissant.
Christian Carion est venu au Pathé Liberté de Toulon présenter son film qui sort sur les écrans le 3 novembre. Les spectateurs sont restés sidérés, cloués sur leur fauteuil et nous avons eu la chance de nous entretenir avec lui durant plus d’une heure, installés dans une atmosphère ensoleillée et sereine de l’hôtel OKKO, dont nous avions besoin pour revenir à la vie !
Film superbement maîtrisé malgré son originalité, ce que nous raconte le réalisateur.

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Christian Carion, pour quoi faire un remake de votre film à l’étranger ?
Parce que l’histoire s’y prêtait et que je voulais qu’elle reste humaine. S’il avait été fait par les Américains, il y aurait eu des effets spéciaux, des scènes spectaculaires et je voulais que héros de l’histoire ne soit pas… un héros justement, qu’il reste un homme simple qui recherche son enfant  et qui est prêt à tous les dangers pour le retrouver, que chaque spectateur se retrouve en lui et comprenne la déchirure de cet homme qui ira jusqu’au bout, quitte à tuer et à se confronter aux pires dangers.
Est-ce que ce film est la copie du premier ?
Pas du tout, même si l’histoire est similaire. Déjà, en changent de pays et de comédiens, cela donne une autre couleur au film et j’y ai changé quelques paramètres. J’ai mis Claire plus en avant que l’était Mélanie. Les Highlands, c’est aussi une autre culture que la France. Le lieu est plus rude.
D’ailleurs, nous avons fait le casting des lieux avant de tourner le film, en juillet 2020 puis nous sommes revenus fin septembre. Je connaissais Grencove pour y avoir tourné des scènes de mon film «Joyeux Noël». Ken Loach, qui est coproducteur du film, qui connait bien la région, nous a beaucoup aidés.
L’originalité du film est qu’il a été tourné en un temps record et avec un comédien qui ne connaissait pas le scénario !
Oui, le film a été tourné en huit jours sans une pause, entre deux scènes, comme en état d’urgence. Et c’est vrai que James était le seul sur le plateau qui n’avait pas de scénario et ne savait pas ce qu’il allait se passer. On l’a laissé partir dans la nature après qu’il ait lu quatre pages que je lui ai données, qui décrivaient son personnage mais ne racontaenit pas l’histoire. Et encore, je le mettais quelquefois sur de fausses pistes ! Il était totalement vierge de toute l’histoire qu’il devait inventer à travers les événements qu’il rencontrait. Il devait totalement s’approprier le film. Et à chaque scène il découvrait un événement. C’était de l’impro totale.

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Avez-vous fait un casting pour choisir les comédiens ?
Non, il y a des années que j’ai rencontré James McAvoy et que j’avais envie de tourner avec lui. Claire Foy, j’avais été ébloui par son charisme et son talent dans la série «The crown» où elle jouait la reine Elizabeth. Il se trouve qu’elle venait de jouer «Macbeth» avec James. Elle a accepté tout de suite mais James ne l’a vue pour la première fois que sur la première scène où ils se retrouvent.
Quant à Gary Lewis, qui jouait le père de Billy Eliott, c’est un immense comédien irlandais.
Comment ont-ils réagi en sachant l’un l’autre que James n’avait pas de scénario ?
James le savait et avait accepté. Comme Claire mais pour elle c’était double peine car elle devait s’occuper de son rôle mais aussi prendre en charge James car elle ne savait jamais comment il allait réagir ! Il fallait qu’elle s’adapte et suive les méandres dans lesquels se jetait James. Et elle devait aussi, comme lui, se laisser aller dans l’émotion.
Comment avez-vous conçu ce mélange français et anglo-saxon ?
Il faut savoir que le thriller est plus important en Amérique qu’en France. Les américains n’ont pas la même façon de tourner. J’ai donc voulu créé un mariage anglo-saxon/français en prenant le meilleur de nos deux cultures et surtout en m’éloignant de ce que font les américains. Aux Etats-Unis, c’est plus démonstratif, plus spectaculaire, en France, c’est plus tourné vers l’humain. Je voulais que le spectateur ait un sentiment de proximité, d’authenticité avec les personnages.
J’ai aussi beaucoup joué sur le son car pour moi l’espace sonore est capital dans ce film pour créer l’ambiance, le mystère. L’ingénieur du son Ray Bennety a fait des, prouesses allant jusqu’à mettre des micros partout : sur les toits de maisons et de voitures pour entendre tomber la pluie, mettant aussi des micros dans le pantalon, les chaussettes de James, pour être au plus près de la réalité.
Je voulais poser la question au public : Jusqu’au iriez-vous pour sauver votre enfant ? Je ne voulais pas tout donner à voir, je voulais qu’il soit actif et faire ressortir son imaginaire. Je veux que ce qu’il imagine soit plus fort que ce qu’il voit.

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Est-ce que Guillaume Canet et Mélanie Laurent ont vu le film ?
Guillaume étant en tournage, il ne l’a pas vu. Mélanie était à la première à Paris et elle est très fan. Elle a tout compris. Elle ne m’en veut pas du tout d’avoir étoffé le rôle de Claire par rapport à elle et ça m’a fait plaisir car elle est à l’origine du film dans lequel elle joue. Et elle est une grande comédienne.
En voyant le film et en sachant comment il a été tourné, on ne peut pas ne pas penser à la façon de tourner de Claude Lelouch !
J’aime que vous me disiez ça car je suis un fan et un ami de Lelouch et il est toujours le premier à découvrir mes films dans sa salle aux productions 13. J’étais derrière lui et j’attendais. Il ne parlait pas et j’avais peur qu’il n’ait pas aimé. Et puis il s’est retourné et il m’a dit un seul mot : impressionnant ! J’étais sur un petit nuage.
Le film va donc sortir le 3 novembre… Et après ?
J’ai déjà tourné un film en Juillet avec Dany Boon et Line Renaud. Rassurez-vous, ce n’est pas un remake des Chtis !
C’est l’histoire d’une vieille dame malade qui va rentrer dans un ehpad. Elle quitte sa maison et sait qu’avec le taxi qu’elle a appelé, c’est son dernier voyage. Elle lui demande de passer dans tous les lieux de Paris où elle a des souvenirs. Le taxi bien sûr est ravi de l’aubaine de cette longue course. Ainsi va-t-elle lui raconter des morceaux de vie avec des flashbacks. Et entre eux va se créer une complicité et à son tour il racontera sa vie. C’est Alice Isaaz qui joue le rôle de Line jeune. Ça ne sortira pas avant l’année prochaine.

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Homme disert et volubile, passionné aussi, on écouterait parler Christian Carion des heures. Il a autant de talent d’orateur qu’il en a en tant que réalisateur.
Ce second opus est un film dont on ne sort pas indemne et nous incite à retourner très vite voir des films dans les salles obscures… C’est tellement mieux !

Jacques Brachet