TOULON – Pathé Liberté : Gigi et Jeannot crèvent l’écran !

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Nous avions Bosso. Nous avions Pujol.  Nous avions Mado. Nous avions Zize…
Et puis nous avons Gigi !
Qu’ont-ils en commun ? En dehors du fait d’être comédiens, il ont l’accent que, comme le chante Mireille Matthieu, l’on prend du côté de Marseille, de Nice, d Toulon.
Et Ghislaine Lesept, alias Gigi la Toulonnaise, fait aujourd’hui partie de ces artistes qui se sont construits avec leur accent, sans gêne, sans honte, au contraire, avec force et talent, comme au bon vieux temps des Mayol, Raimu, Fernandel et bien d’autres.
Aujourd’hui, notre accent n’est plus considéré avec hauteur mais il ensoleille, non seulement notre région mais toutes les autres qui manquent sacrément de cet atout majeur.
Revenons donc à Gigi, qui est un feu d’artifice d’énergie, de rires, dont j’ai l’honneur et la joie d’être l’ami depuis ses premiers one woman shows jusqu’aux dernières pièces de théâtres qu’elle écrit et joue avec un certain Fabrice Schwingrouber… un «estranger du dehors» qui nous vient des Cévennes et qui, bien avant ce monstre étrange qu’est le Covid a fait «s’estransiner» de rire la France entière avec «Noces de rouille».
«Noces de rouille» est une pièce qui a aujourd’hui une suite «Noces de rouille 2» et une re-suite «Noces de rouille sauce thaï» que l’on découvrira ce week-end au Théâtre de la Porte d’Italie.
Et par-dessus tout ça, comme chantait un autre toulonnais Gilbert Bécaud, on vous donne en étrenne… un film !

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Et oui, Gigi et Jeannot ont franchi le pas, mis en commun leur talent, leur énergie… et leurs sous, pour nous concocter la version filmée. Ils y ont mis trois ans car faire un film est une tout autre aventure qu’une pièce de théâtre !
Après trois essais infructueux pour présenter ce film qui a été reculé trois fois toujours à cause du Covid, avec Yassine Ben-Chadli, directeur du Pathé Liberté, ils ont enfin conjuré le mauvais sort et jeudi 14 octobre, devant une salle pleine, nous avons été conviés à ces «Noces de rouille» qui n’ont pas engendré la mélancolie, loin de là !
On y retrouve cet inimitable duo mais cette fois, entouré d’excellents comédiens, dans un petit village provençal où tous se connaissent, boulangère, barman, fleuriste, institutrice, postière… Toutes ces petites gens qui font vivre un village, qui se connaissent, qui cachent des secrets de Polichinelle, qui s’aiment, se fâchent, se rabibochent…
Et au milieu, Gigi et Jeannot qui vont connaître une crise, Jeannot ayant fauté avec la boulangère, Gigi qui voit revenir son amour de jeunesse qui l’a quittée il y a 20 ans pour la fleuriste à qui il a fait un gosse… Bref, des histoires de tous les jours revues et corrigées par nos deux comédiens qui ont l’imagination débordante et l’art de faire vivre des gens de tous les jours, comme au bon vieux temps de Marcel Pagnol auquel on ne peut pas ne pas penser tant ils ont avec lui de points communs : l’art de filmer, avec des maladresses qu’on oublie très vite, une histoire qui a d’abord été écrite pour la scène mais qui, avec le génie du verbe, nous fait entrer de plain-pied dans l’histoire, les histoires, grâce aussi à de beaux comédiens qui sont venus prêter mainforte bénévolement, simplement pour le plaisir de participer à cette incroyable aventure.
Inutile de dire que le public fut enthousiaste, applaudit haut et fort et fit la queue pour se faire signer le livre tiré du film, les DVD du spectacle et du film.
Inutile aussi de préciser que nos deux auteurs-comédiens étaient heureux de voir se concrétiser avec succès ce qui leur a pris du temps, de l’argent, des frayeurs mais aussi une grande joie.

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«Tu sais – me dit-elle – au-delà de tout ça, nous avons vécu une aventure humaine magnifique. Nous étions, durant un mois, dans ce petit village à Sénas, comme dans une bulle. Le lieu était idyllique et tous les magasins dont nous avions besoin étaient autour du notre, spécialisé dans les olives dénoyautées mais… totalement faux, lui, puisque installé dans une ancienne boucherie que nous avons complètement décorée. Il faisait tellement vrai que des gens y entraient pour acheter nos olives !
Je ne te dis pas les crises de rires qui nous faisaient arrêter le tournage, au grand dam de Jacques Bigay, le réalisateur, qui s’inquiétait, car chaque arrêt était du temps perdu.
Les comédiens, comment ont-ils été choisis ? Car il y en a !
Ce sont tous des copains ou des relations mais tous comédiens professionnels*, qui, étonnés et par ce projet hors du commun, sont venus donner de leur temps sans rien demander. Nous étions tous dans le même bateau et je crois que, sans problème de cachet, il y a eu une ambiance amicale tout au long du tournage. Tout le monde était là pour le plaisir, il n’y avait aucun intérêt pécuniaire, donc on était tous soudé.
Passer du théâtre au cinéma, de deux sur scène à nombreux sur le tournage… Ça doit changer les donnes !
Evidemment puisque dans la pièce, on parle de tous ces personnages mais on ne les voit jamais. Là, tout à coup, ils prennent vie et l’on dialogue avec eux.
– Par ailleurs – intervient Fabrice – on n’a pas la même façon de jouer. S’adressant à un public, il faut porter la voix et lorsqu’il y a des rires, on doit arrêter quelques secondes. Au cinéma, il n’y a pas de public autour de nous et au départ ça n’est pas évident de jouer sans entendre les rires.
– Et puis – rajoute Ghislaine – Il n’y a pas la même façon de jouer, il y a des gros plans et il faut moduler sa voix car on ne doit pas la porter loin, sinon ça deviendrait vite caricatural.
Sans compter que faire un film a été un énorme défi, la schizophrénie n’était pas loin, on devait être à tous les postes, on était dans la réflexion permanente.
Nos métiers, c’est de raconter des histoires, les jouer et ça, on sait. Après, on entrait dans la résistance, dans l’inconnu mais en toute humilité. Et quand on voit notre travail aujourd’hui, malgré les imperfections, on se dit qu’on a réussi un petit miracle. C’est une nouvelle histoire à partager.

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Avec Yassine Ben-Chadli, directeur du Pathé Liberté

Jacques Brachet
*Parmi les comédiens : Catherine Sparte (Plus belle la vie, Sous le soleil, Caïn, Un balcon sur la mer, film de Nicole Garcia…) – Serge Guberne,  auteur de nombreux one man shows et pièces de théâtre – Anne-Marie Ponsot (Meurtre à la Ciotat, Demain nous appartient, La stagiaire, Plus belle la vie) – Edmonde Franchi (Gazon maudit – Lucie Aubrac – Camus) – Louise Bouriffe (one woman show) – Christiane Conil (Boudu – La promesse de l’aube – L’enquête corse…. avec de nombreux prix à la clé)…