Six-Fours – Six N’Etoiles
Christian PHILIBERT nous fait découvrir Germain NOUVEAU

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Ils furent trois mousquetaires : Rimbaud, Verlaine… et Germain Nouveau !
Né et mort à Pourrières dans le Var après une vie romanesque et mouvementée, Nouveau   est le plus méconnu des trois. Il faut dire qu’il était un poète fantasque qui refusait d’être édité, d’où, déjà, la cause de la méconnaissance de l’homme et de son œuvre, pourtant célébrée par les surréalistes Breton et Aragon.
C’était un personnage singulier et ambigu, se disant athée mais célébrant Dieu, vivant une histoire avec Rimbaud mais amoureux d’une certaine Valentine. Ambiguité également sur son œuvre car, les années passant et les recherches aidant, il y a des doutes sur l’œuvre de Rimbaud «Les illuminations» qui pourrait être en partie écrite par Germain Nouveau.
L’argent ne l’intéressant pas. Il voyagea dans le monde entier et vécut la fin de sa vie à Pourrières où il était revenu, vivant de mendicité jusqu’à sa mort. Il était devenu «Le poète vagabond»

DP DEF 12 (sortie oct 2021)

Des trois mousquetaires pourtant, c’est lui qui vécut le plus vieux (1851-1920)
Entouré d’ombres et de mystère, ce héros des mots a intrigué et fasciné le réalisateur Christian Philibert, qui, durant près de 30 ans ans, entre deux films, a continué ses recherches sur lui.
Il s’y est collé dès 1990, cherchant obsessionnellement, allant de bibliothèques en musées, rencontrant nombre de personnes susceptibles de le mettre sur des voies, jusqu’enfin à en tirer ce film remarquable aujourd’hui sur les écrans, réhabilitant cet immense poète pourtant méconnu.
Jacques Lovichi, poète et chercheur ayant écrit une thèse arguant que Nouveau avait collaboré aux «Illuminations», thèse rejetée, le philosophe Eddie Breuil, Jean-Philippe de Win et Pascale Vandegeerde éditeurs, Guillaume Zeller, co-auteur-éditeur des premiers cahiers Germain Nouveau et Cyril Lhermelier docteur ès littérature française  ont tous été rencontrés et filmés par Christian Philibert. Se sont rajoutés au film le comédien Philippe Chuyen qui a monté un spectacle autour de l’œuvre de Germain Nouveau et Jean-Louis Todisco qui a mis ses textes en musique, spectacle intitulé «Le mendiant magnifique».

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Habitué des lieux, je retrouvais l’ami Christian Philibert au Six N’Etoiles où il venait présenter son film, invité par Noémie Dumas.
«Christian, comment as-tu découvert Germain Nouveau qu’en fait peu de gens connaissent ?
Je l’ai découvert grâce à mon ami qui savait que je cherchais à faire un film sur un poète maudit. Il m’a parlé de lui, que ne connaissais pas plus que nombre de gens et lorsque j’ai lu ses poèmes magnifiques, que j’ai vu qu’il avait croisé Rimbaud, qu’il avait vécu près de chez moi, sans compter que je me retrouvais dans cette phrase qu’il a écrite : «Je ne suis qu’un rêveur. Et je n’ai qu’un désir : Dire ce que je rêve !»  Tout ça a fait que je me suis dit que ce serait lui… Il y a trente ans de ça !
Et puis, en parlant de lui avec ma grand-mère Denise, elle m’a dit qu’il y avait encore des gens qui l’avaient connu et de la famille, dans les environs. Avec mon collaborateur Patrick Barrat, nous avons commencé à assembler des documents, à rencontrer des gens…
Mais quelques mois après, nous partions dans l’aventure d’Epigoule et tout s’est enchaîné. Entre deux films, nous parcourions les musées, les bibliothèques, cherchions des gens qui pouvaient nous apporter leur aide.

DP DEF 12 (sortie oct 2021) 5
Philippe Chuyen et Jean-Louis Todisco – Christian Philibert et Noémie Dumas

Et quelques décennies après, le film est là. Quel a été le déclencheur ?
Ma curiosité de mieux approfondir la rencontre Nouveau-Rimbaud, qui me semblait un point important. Ont-ils été amants ? Rimbaud a-t-il profité de Nouveau ? Nouveau s’est-il contenté de mettre en forme les écrits de Rimbaud ? Beaucoup de questions se  posent encore. Et puis, ma rencontre – curieux hasard – avec le comédien Philippe Chuyen qui m’a dit qu’il montait un spectacle autour des poèmes de Germain Nouveau pour célébrer les cent ans de sa mort, «Le mendiant magnifique». Je me suis dit que c’était le moment, d’autant que la bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence montait une grande exposition. Tout a pris du retard à cause du covid mais expo et film sont je crois, les deux temps forts de cette commémoration, même si c’est un an après ! Entretemps, hélas, Jacques Lovichi est mort en 2018.
Un tel film, carrément documentaire, est pour la plupart du temps plus monté pour la télé que le cinéma…
C’est vrai et au départ, c’était ainsi prévu : un 90’ pour la télé. Mais le temps passant, plus j’accumulais des images, des rencontres, des interviewes, plus je sentais que j’avais de quoi faire un long métrage, surtout lorsque, après avoir filmé le spectacle de Philippe Chuyen, je pouvais en incorporer des extraits. Il faut dire aussi que mes rapporta avec la télé sont un peu compliqués et j’ai toujours mieux su m’exprimer au cinéma, où je suis totalement maître de mon film.
Et en faire un film de fiction, y as-tu pensé ?
J’y ai pensé et j’y pense encore mais c’est déjà beaucoup plus onéreux, d’autant que ce serait un film d’époque, en costume. Donc plus compliqué.
C’est un film à présenter dans les écoles car si l’on parle de Verlaine et Rimbaud, Nouveau est totalement absent des programmes !
Tu as raison et c’est en projet que de le présenter dans les lycées. D’autant qu’en ce moment la poésie revient un peu avec le slam. J’ai l’impression qu’il y a un renouveau pour la poésie.
Il serait temps que Germain Nouveau ne soit pas seulement considéré comme un poète provençal, un poète varois mais un grand poète, un poète essentiel de la langue française.
C’est ce que j’espère en ayant fait ce film.»

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Jacques Lovichi

Jacques Brachet