Laura Trompette : La révérence de l’éléphant (Ed.Charleston- 374 pages)
Marguerite, 93 ans vit dans un Ehpad, à Cannes,elle est atteinte d’un cancer. On y vit avec elle quelques jours parmi les jalousies et les disputes entre les personnes âgées des deux sexes, souvent pour des futilités.
Roxanne, ancienne joueuse de poker, vient s’occuper d’eux pour les distraire de façon originale et intéressante, par exemple, elle propose à chacun de réaliser son rêve! Très vite, elle se lie d’amitié avec Marguerite dont le rêve est de choisir l’heure de sa mort et de finir sa vie chez son petit-fils Emmanuel, photographe animalier qui vit seul… en Tanzanie! il lutte aussi pour que les éléphants soient protégés des braconniers qui les chassent et les tuent pour vendre leurs défenses et aussi pour leur conserver leur territoire de vie. Beaucoup de problèmes à résoudre,
Marguerite, très malade réussira t elle à faire un si long voyage ?
Tous les ingrédients sont réuni , l’aventure, l’amour, la mort.
Beau roman d’une jeune fille du siècle passé revisité par le Covid.
Plume fraîche et légère qui adoucit la tristesse du sujet et l’espoir de bonheur
Colin THIBERT : Mon frère, ce zéro (Ed Héloïse d’Ormesson – 236 pages)
Après « Torrentius » publié en 2019, Colin Thibert nous livre en ce début 2021 un roman tout à fait différent mais tout aussi réussi.
Un trio de gars, un peu paumés, rêvant de devenir pleins aux as, pense avoir trouvé un plan parfait, sans armes, sans violence, sans tunnel à creuser. Il suffit d’enlever Jullien, débile léger, pensionnaire dans une maison de santé où travaille l’un d’eux. C’est le jumeau du milliardaire Thibault Dastry, grand patron du CAC 40. Il leur parait aisé d’emmener cet homme inoffensif en Suisse en le faisant passer pour son frère et de lui faire effectuer des virements de plusieurs millions à leur profit.
Évidemment rien ne va se passer comme ils l’avaient imaginé.
C’est une farce désopilante que nous livre l’auteur. On rit, on ne s’ennuie pas un instant. Les dialogues, souvent loufoques, sont enlevés. De multiples personnages agrémentent et pimentent les péripéties de ces bras cassés.
Une lecture divertissante qui fait du bien en cette période morose.
Janine BOISARD : Roses de sang, roses d’Ouessant (Ed Fayard – 187 pages)
C’est toujours un événement que la sortie d’un roman de Janine Boissard.
Elle sait, comme personne, analyser l’âme humaine et, à l’instar d’un film de Boisset, elle nous plonge dans des ambiances intimes et familiales.
Mais voilà qu’elle nous surprend avec ce nouveau roman, qui est à la fois une histoire d’amour et un thriller !
Ado, Astrid était une fille «unique en son genre», dixit son grand-père aujourd’hui disparu. Unique, pour elle, était synonyme de seule, de solitaire, avec un père absent et une mère qui l’ignore et la rabaisse.
Son père et son grand père disparus, elle passe le plus clair de son temps sur l’île d’Ouessant, dans la maison dont elle a hérité de ce dernier. Elle est devenue illustratrice de livres pour enfants et travaille avec son amie Morgane.
Là, elle retrouve Erwan, que tous considèrent comme le seigneur de l’île et dont elle est secrètement amoureuse depuis ses 17 ans. A 23 ans elle le retrouve et se rend compte que son amour est partagé.
Mais il est marié à une femme instable, malade qui vient de disparaître et que la police recherche.
A partir de là, la romance vire au thriller : Qui est vraiment Erwan ? Quel secret cache-t-il ? Et Marthe, sa gouvernante, que mijote-t-elle ? Et tout se complique avec l’arrivée d’Erik, l’ex d’Astrid qui revient à la charge.
On se croirait, pense-t-elle dans le roman de Daphné du Maurier «Rebecca».
Comment tout cela va-t-il se terminer ?
Vous le saurez en lisant ce roman palpitant dans lequel nous entraîne Janine Brossard, qui s’amuse à nous perdre dans des méandres mais, peu à peu, rassemble les pièces du puzzle. Un roman qu’on ne peut lâcher dès les premières pages.
Un grand moment de lecture.
Jean-Paul DELFINO : L’homme qui marche (Ed Héloïse d’Ormesson – 269 pages)
C’est toujours avec bonheur que sort un roman de Jean-Paul Delfino et le dernier paru «L’homme qui marche» n’est pas décevant, bien au contraire !
L’auteur nous fait à nouveau parcourir les rues de Paris, surtout le sixième arrondissement mais bientôt tous les quartiers seront explorés grâce à ce cher Théophraste Santiero atteint d’un étrange syndrome qui déclenche le trépignement des pieds et l’oblige à marcher.
La rencontre géniale de Théo avec le patriarche Anselme Guilledoux, canne blanche mais pas tout à fait aveugle, dans le jardin du Luxembourg est un morceau d’anthologie. Il déclenche néanmoins tout le déroulement de l’histoire que le lecteur aura tout le loisir de découvrir.
C’est l’occasion pour l’auteur de nous faire partager son amour des livres et de leurs auteurs, mais aussi sa bienveillance un brin gouailleuse envers une kyrielle de personnages bien trempés, typiquement parisiens comme la Mère Tapedur, les orphelins du Gay-Lu dernier bar à l’ancienne où se retrouvaient Cothurne, Gégène, la Guigne, Séfanaze, la grande Gisèle, notre marcheur Théo, mis aussi le mendiant cul-de-jatte et l’Anglaise peintre de la délicate rose des sables.
Il y a aussi et surtout cette part d’humour et de rêve déjà apprécié dans un précédent roman «Les pêcheurs d’étoiles», et la délicate éducation de Théo qui finira par comprendre la puissance des mots qu’Anselme lui révèle en disant «Dieu lui-même ne s’y est pas trompé, la première phrase de la Bible dit «Au commencement était le Verbe»
A lire pour le plaisir et surtout à faire partager. Un régal.
Mireille CALMEL : La louve cathare – Tome 1 (Ed XO – 391p)
Ce roman nous fait remonter le temps. Nous sommes à Paris sur l’île de la Cité en novembre 1226. Dans le quartier du port Saint- Landry vit Griffonnelle, audacieuse jeune fille de 16 ans, qui dérobe les bourses des messieurs argentés, avec l’aide de son ami le nain Triboulet. Elle complète ainsi les revenus de sa mère, Mahaut, qui vit de ses charmes dans le bordel tenu par la maquerelle Gaia. Mais un homme balafré vient menacer Mahaut en lui réclamant une carte et la tue férocement. Commence alors une dangereuse quête de la vérité sur les origines de Mahaut et les causes de ce crime.
Dès le prologue, l’auteur nous a mis sur la piste en mettant en scène une femme nommée Na Loba tuant un homme dans une mine d’or de la Montagne Noire, justifiant le titre de son ouvrage. Le balafré c’est Amaury de Montfort, fils de Simon de Montfort qui fit de nombreuses exactions en poursuivant les cathares.
Complot, assassinat, tentative d’empoisonnement, trahison, amours impossibles : tous les ressorts du roman de cape et d’épée sont utilisés avec efficacité par l’auteur. Mais c’est beaucoup dire que d’affirmer qu’il s’agit là d’un roman historique, même si la vie au XIIIème siècle est bien décrite, et si les personnages de l’époque dont notamment Blanche de Castille sont assez bien vus.
Le lecteur qui se sera laissé séduire par ce récit en partie imaginaire puisque inspiré d’une légende et par les péripéties pleines de suspense de Griffonnelle aura hâte de se procurer le deuxième tome de cette histoire.
Ocean VUONG : Un bref instant de splendeur (Ed Gallimard – 290 pages)
Traduit de l’américain par Marguerite Capelle
Un fils écrit à sa mère une longue, une très longue lettre qu’elle ne lira jamais. Ce fils a été élevé par sa mère et sa grand-mère, des femmes vietnamiennes martyrisées, violentées pendant la guerre. Lui ne connait pas le Vietnam mais il vit les traumatismes passés selon les sautes d’humeur, les terreurs, les violences de sa mère, la table devient son refuge car il peut s’y cacher et se protéger des prochaines salves. Son nom, Little Dog (petit chien), donné par la grand-mère, le préservera des esprits malins.
Car comment survivre à tout ce passé où sans salaire ni sécurité sociale, le corps étant le seul matériau avec lequel et à partir duquel travailler ?
Et c’est par le travail dans une plantation de tabac que Little Dog à quinze ans, respirera la liberté, découvrira la vérité sur son corps, un corps attiré par celui de Trevor, un corps qui lui révèlera son homosexualité mais surtout une grande et véritable histoire d’amour.
Cette lettre révèle les violences mais aussi la beauté à préserver et à chérir pour échapper aux coups, une beauté retrouvée dans le vol des monarques, magnifiques papillons, dans l’instantanéité d’un saut de chevreuil. C’est la lettre des «je me souviens», des souvenirs poignants de sincérité, de vulnérabilité, de sensibilité.
L’auteur est vietnamien, américain, homosexuel, il a pour seul trésor «ce bref instant de splendeur, cet instant qu’il nous est donné de voir, un instant qui n’existe qu’à l’orée de sa disparition»
Un premier livre qui percute le lecteur par les violences subies, écrit avec subtilité, poésie et beaucoup de douceur.
Philippe BROSSAT : «Londres & Liverpool avec les Beatles»
(Ed Le mot et le reste – 281 pages)
Nos quatre garçons dans le vent, on le sait tous, nous viennent de Liverpool. Purs anglais, ils y sont nés et ont toujours vécu en Angleterre entre leur ville natale et Londres.
Un Londres d’où, dans les 60, partait toutes les modes, qu’elles soient artistiques, musicales, vestimentaires, devançaient les Etats-Unis qui restaient à la traîne.
D’abord inconnus puis devenues des stars mondiales. Ils ont toujours travaillé et vécu dans leur pays, même si, une fois stars, ils ont traversé le monde.
Mais Londres et Liverpool ont été marqués par leur vie et à chaque coin de rue, on les retrouve, des fameux studios d’Abbey Road à ce passage pour piétons face aux studios, qu’ils traversèrent pieds nus et qui est devenu un lieu cultissime où chacun s’y fait photographier.
Philippe Brossart a décidé de nous faire serpenter les rues, ruelles, avenues, places, «roads and streets », où les Beatles sont passés et ont laissé une empreinte, de la boutique Apple, qu’ils avaient créée à Baker street à toutes les maisons où ils ont vécu, du musée Tussauds où ils sont figés dans la cire au quartier de Mayfair où tous les people se retrouvaient, de Saville road où ils s’habillaient aux bureaux d’Apple, leur maison de production, du premier Hard Road Café à Old Park Lane, où l’on retrouve exposé des vêtements et des objets leur ayant appartenu, Chelsea, Soho, Carnaby Street…
Philippe Brossat nous plonge dans le monde des Beatles avec ce livre, à la fois guide touristique et véritable encyclopédie car, à chaque lieu qu’il nous fait visiter, y sont accompagnées une histoire, une anecdote.
C’est un fourmillement d’adresses, de lieux qui nous mènent de Covent Garden à Westminster jusqu’à Buckingham Palace, qui nous font entrer dans les appartements où ils ont vécus ensemble, seuls ou avec femmes ou compagnes, découvrir nos Fab Four statufiés à Waterfront, à Liverpool.
Nous nous baladons ainsi de quartier en quartier d’une ville à l’autre, à travers la vie des Beatles, nous passons d’une époque à l’autre sans chronologie mais le voyage est passionnant, le travail impressionnant.
Si vous partez là-bas emportez ce livre-guide et vous découvrirez comment vivaient Paul, George, John et Ringo entre deux villes qu’ils n’ont en fait jamais quittées.
Ivan JABLONKA : Un garçon comme vous et moi (Ed Seuil – 294pages)
Par cette affirmation l’auteur nous livre ce long travail de recherches et de précision dont il est coutumier pour nous faire partager son cheminement vers l’état de garçon, d’homme qu’il est devenu ; C’est l’historique de sa recherche que nous traversons depuis sa naissance dans une famille intellectuelle juive désirant un enfant parfait. Partant de son journal d’enfance tenu par sa famille il évoque avec minutie son passage à l’école maternelle avec ses dessins puis primaire, l’adolescence studieuse, l’armée, le mariage. Tout y est. Passages minutieux et attendrissants quand on a un fils de son âge et que son parcours fait appel à notre vécu.
Il évoque aussi ses difficultés après les affrontements avec son père dont il est sorti souvent meurtri au point de faire une analyse après avoir frôlé le suicide.
On en retire une impression forte de réussite même avec ses failles et surtout le fait qu’il réfute une masculinité flamboyante du mec, du macho mais plutôt d’un genre masculin féminin réconcilié.
L’écriture en phrases courtes et sèches modère un peu l’effet narcissique du ressenti, de sa vie certes bien remplie et bien réussie .