Du blues, du blues, du blues
Le blues, venu des Etats-Unis au temps de la ségrégation raciale, est une musique créée par les noirs afin d’exprimer leurs tristesses, leurs joies mais aussi leur drame dû à l’esclavagisme.
Depuis le début du XXème siècle cette musique a évoluée, artistes blancs et noirs la mâtinant de negro spiritual, de rock, de jazz, de soul.
Né dans la région du Mississipi et du Texas, le blues a ainsi très vite conquis les musiciens du monde qui l’ont adopté, joué, chanté, modifié et aujourd’hui de grands musiciens continuent à se l’approprier.
Bjön BERGE : «Heavy Gauge» (Blue Mood recors)
Il est la preuve que le blues a conquis le monde puisque Björn Berge est norvégien ! Il a à son actif une douzaine d’albums et est aujourd’hui l’un des plus grands bluesmen européen, bardé de prix et de récompenses. Ses influences sont multiples, de Motorhead à Joni Mitchell en passant par Chuck Berry, Hot Chili Peppers et dont il reprend souvent leurs morceaux à sa manière et avec une virtuosité insolente. Il signe sur ce CD toutes les chansons avec Ellis del Sol. Chapeau vissé sur ses longs cheveux, de sa voix «rockailleuse», il nous assène des riffs sauvages de guitare avec «The wrangler». On pense aux Rolling Stones. Puis il part sur du reggae avec «A matter of time» sur un pur solo de guitare ou encore «Coliseum». D’une voix de basse il nous propose «Bound to rambles» où l’on retrouve la vraie pureté du blues pour mieux repartir sur un air plus rock «I got it made» et encore plus free rock avec «Rip off» et «Alone again» avec des riffs incroyables de guitare. Retour à la ballade blues pure avec «Stray dog» pour finir sur l’étrange «Bottle floats» d’une voix avinée.
Accompagné de Kjetil Ulland (basse) et Kim Christer Hylland (batterie, percussions), il nous offre là un disque qui mériterait qu’on le connaisse mieux en France.
ABAJI : «Blue Shaman» (Abajimusic)
On pourrait le nommer «Multi Abaji» car ce libanais imprégné de la musique de son pays, s’imprégnera très vite des toutes les musiques du monde qu’il va découvrir en voyageant, principalement de l’Inde et de l’Orient… Et du blues ! Né d’une famille de musiciens, il joue de la guitare, de la clarinette, des percussions, de l’oud, du bouzouki, des flûtes diverses, c’est dire le musicien qu’il est devenu (et polyglotte à la fois) à force de traverser le monde.
Ce musicien globe-trotter nous a déjà proposé un CD «Route & Roots» qui marquait son retour dans son pays après 33 ans d’exil, et voici «Blue Shaman» où l’on retrouve toutes les réminiscences de l’Orient avec «Nâtir» dans laquelle il mêle sa langue natale à notre langue. «Celtic blues», provient de son voyage à Glasgow où il rencontre Donald Shaw et Michaël McGoldrick, ce qui lui inspire cette musique où se mêlent les deux cultures, avec sa voix éraillée à la Arno et un très bel accompagnement de flûte celtique… qu’il interprète. Dans «Blue Shaman», c’estl’harmonica qui accompagne cette ballade auquel se joint une guitare double-neck. Et voici que le duduk revient de ses racines pour cette mélopée intitulée «Ararat». Etrange est ce «Balkanik Tango» où se mêlent deux cultures inattendues quoique méditerranéennes. Puis il nous emmène dans une envoûtante «Nuit turquoise» où s’entrecroisent bamboo, clarinette, percussions, flûte et accordéon. La langue anglaise vient s’accoler à un mélange d’accordéon, de double neck guitar et d’oud pour cette «Dance for me». Ainsi voyage-t-on sur 16 morceaux où se marient tous ces instruments, toutes ces langues qui font de ce disque un véritable album de World Music.
Stephano di Battista : «Morricone Story» (Warner)
Passons du blues au jazz de Stefano di Battista qui a décidé de rendre hommage au grand compositeur Ennio Morricone en reprenant à sa manière de grands standards de musiques de films qu’a signées ce grand compositeur. Mais il est aussi allé à la recherche de morceaux qui n’ont pas eu le succès international de «Le bon, la brute et le truand», «The mission», «1900» «Il était une fois en Amérique», «Peur sur la ville», «Le grand silence» que l’on retrouve évidemment sur ce disque, revus et corrigés jazzy par ce beau musicien qu’est Stefano di Battista, qui s’est entouré de belles pointures comme notre ami André (dit Dédé) Ceccarelli à la batterie, le pianiste Frédéric Nardin et le contrebassiste Daniele Sorrentino, lui-même étant alto et saxophoniste. Il nous offrira d’ailleurs de superbes solos comme dans «La cosa buffa» (La drôle d’affaire) ou encore «Deborah’s thème» tiré de «Il était une fois en América», très bluezzy, Belle acrobatie musicale avec le thème de «Metti, una sera à cena» (Disons, un soir à dîner) où Stefano s’amuse avec les notes. «Apertura della caccia» tiré du film «1900» est un magnifique duo piano-sax. Belle virtuosité du sax de di Battista pour le thème de «Flora» et l’on termine en feu d’artifice avec «Le bon, la brute et le truand» qui nous fait presque oublier l’harmonica de Franco de Gemini !
Un très bel hommage à ce compositeur immense qu’était Morricone par le tout aussi immense sax Stefano de Battista !
Lalo SCHIFRIN for mandoline (Maison Bleue)
A l’instar de Vladimir Cosma, Lalo Schiffrin est musicien, compositeur, pianiste et chef d’orchestre et comme lui, on ne compte plus les musiques de films qu’il a signées, de «Bullitt» à «Duel dans le Pacifique», en passant par «Inspecteur Harry», «Amityville» pour le cinéma et tout autant prolixe pour les séries télé comme «Starky et Hutch», «Mannix», «Des agents très spéciaux», «Mission impossible».
Aussi passionné de musique classique que de jazz, il a d’ailleurs sorti un disque avec Dizzy Gillespie et nombre d’albums solo.
Aujourd’hui, c’est un disque «classique» par sa forme parce que c’est quand même ses musiques qui sont interprétées par l’accordéoniste Grégory Daltin et le mandoliniste Vincent Beer-Demander… deux magnifiques musiciens qu’on avait d’ailleurs déjà rencontré sur le dernier disque de Vladimir Cosma «Suite populaire». Comme quoi il est vrai que les grands esprits et les grands musiciens se rencontrent. Le tout dirigé et interprété pas le talentueux pianiste Nicolas Mazmanian
Tour à tour ces trois musiciens interprètent donc des musiques du grand compositeur mais qu’ils nous offrent en toute intimité dans un style dépouillé comme ces variations sur des thèmes de ses compositions qui se terminent avec humour par la b.o de «Mission impossible» revues et corrigées façon piano et mandoline. Comme cette «Sonata» qui suit. Puis c’est le pianiste et le mandoliniste qui nous offrent une «Fantaisie concertante. «Fantaisie» encore pour piano et accordéon pour terminer ce disque. Tout au long de celui-ci, apparaissent de temps en temps les thèmes qu’on reconnait, repensés avec génie par ces trois grands musiciens.
Lalo Schiffrin a dû apprécier… Et nous aussi !
Timothée ROBERT: «Quarks» (La pluie qui chante)
C’est du jazz pur et dur, presque expérimental , qui ne s’adresse peut-être pas à tout le monde tant il est puissant et original. Mais les puristes apprécieront.
Timothée Robert est compositeur, arrangeur, bassiste et a travaillé avec nombre de jazzmen new soul, contemporains, limite underground, aux effluences africaines, comme les Zoufri Maracas, David Linx, Coccolite, bref, un mélange de cultures musicales
Pour vous expliquer pourquoi Timothée Robert a intitulé ce disque «Quarks »,il faut savoir (Et je ne le savais pas !) que les quarks sont des particules élémentaires constituant la matière observable qui s’associent pour former des particules composites comme les neutrons… Où va se cacher la musique !
Bref, on en retient que c’est une interaction qui s’adapte à la musique qui fait se rapprocher des musiciens entres autres comme ceux choisis par Timothée et qui sont toutes des peintures : Olivier Laisnez trompettiste, Melvin Marquez sax ténor, Nicolas Derand aux claviers, Paul Berne à la batterie et évidement Timothée Robert à la basse. A noter les envolées lyriques surprenantes du trompettiste qui sont du grand art. Certains morceaux seraient dignes de devenir des musiques de films de polars, tant l’ambiance est prenante.
C’est du grand art pour les amateurs de jazz.
Jacques Brachet