Emma Daumas, nous l’avions un peu perdue de vue, après quatre albums.
Le premier, à sa sortie de la Star Ac, «Le saut de l’ange» date déjà de 2003. Puis elle nous propose «Effets secondaires» en 2006, suivi en 2008, de son troisième album «Le chemin de la maison» et le dernier album en date sera un livre-disque pour les enfants, «Les larmes de crocodile» en 2010, où l’on y retrouve des amis artistes comme Elodie Frégé, Alain Chamfort et même Marcel Amont. Un single en 2015 «Bahia en été» et puis… plus rien… Enfin presque car elle prendra le temps de faire un bébé et d’écrire un roman «Supernova».
Mais plus de scène, plus de disques et c’est donc avec plaisir qu’on la retrouve aujourd’hui avec ce très bel album intitulé «L’art des naufrages». Un disque qui ressemble à la femme qu’elle est aujourd’hui, une femme qui a mûri, qui a eu des moments de joie, de tristesse. Adieu au rock, bonjour la pop et surtout la belle chanson française car les textes sont des petits bijoux qu’elle chante de cette belle voix inchangée. Des chansons souvent plus graves, chargées d’émotion comme «L’art des naufrages» qui a donné son nom au disque. Une chanson en hommage à Danièle Molko, éditrice, agent et amie d’Emma disparue en 2017. Après la mort, la vie, avec une belle chanson d’amour, «Nouveau monde» qui lui a été inspirée par la naissance de son bébé, une chanson en toute intimité, dans un souffle : «Joue avec moi» façon Jane Birkin. Et puis on revient un peu au rock avec les guitares saturées de «Léthé », pour se rapprocher du Brésil et de la bossa avec »Amor l’amour», «Mermaids blues» qu’elle chante dans un anglais parfait…
Emma nous propose différentes facettes de ce qu’elle est avec de la vraie, de la belle chanson française, chose qu’on entend peu en ce moment. C’est plein de délicatesse et de poésie et ce sont ses propres paroles. Et de plus, elle en est productrice !
J’avais donc très envie de parler de nouveau avec elle, ce qu’on a déjà fait quelquefois, toujours avec le même plaisir de la retrouver… même si ce n’est que par la voix.
«Emma, cet album est un peu différent des précédents qui étaient plutôt rock.
Déjà, je me posais la question de mon style, dès le troisième album. Les deux premiers étaient plus impulsifs. Entretemps j’ai évolué, j’ai écouté beaucoup de choses différentes. Je voulais que mes chansons soient dans la lignée de la belle chanson que j’aime tout en étant très pop. Pop, ça veut dire populaire, dans le bon sens du terme et c’est aussi multiculturel, Chaque pays à une couleur pop qui lui appartient, c’est une musique qui se partage, qui voyage dans le monde et qui est inspirante. D’où mes inspirations multiples.
Je voulais justement que ce disque soit accessible à tous et en même temps, je me suis de plus en plus affirmée dans mon goût pour l’écriture. Cela, grâce à Maxime Le Forestier, avec qui j’ai travaillé et qui m’a ouvert de nouvelles portes sur l’écriture.
Parlez-moi de lui
Nous nous sommes rencontrés sur la Star Ac’ où nous avons chanté quelques chansons ensemble. Michel Haumont, son guitariste, s’est d’abord intéressé à moi parce sa fille était fan de moi ! Il s’est créé des liens et Maxime, qui préparait un album, m’a proposé une chanson qu’ils ont écrite ensemble «La racaille» qui est sur mon premier CD.
Nous sommes toujours restés en contact, nous nous retrouvons quelquefois pour travailler.
Il m’a dit un jour : « Je veux qu’en sortant de chez moi, tu sois capable d’écrire ».
Ce que j’ai fait.
Vous parliez de vos influences qui sont très larges, allant de Michaël Jackson à… Dalida !
Ce sont deux personnes très attachantes et ce, pour diverses raisons. Tous deux ont une sensibilité très forte. Michaël Jackson a totalement modifié la façon d’appréhender la musique, le monde musical, avec une originalité, une imagination, une inventivité incroyables. C’était un artiste total. Au plus je l’écoute, au plus je l’aime. Comme David Bowie.
J’aime Dalida car elle incarne LA femme, belle, désirable, élégante. Elle était à la fois forte et fragile, puissante mais aussi faillible. On sentait ses cassures, elle était authentique et pour moi c’est une crooneuse latine ! Je suis admirative et je suis très triste de la façon dont elle a disparu.
Une influence importante aussi : le Brésil
C’est un pays qui, dès la première approche, m’a tout de suite attirée. Ça a été pour moi une révélation.
J’ai la chance d’avoir de la famille qui y a un pied à terre et je vais m’y ressourcer. C’est d’ailleurs là que j’ai recommencé à écrire. Ces paysages, cette culture ont joué un grand rôle dans mon inspiration.
Parlez-moi de ce disque. Comment est-il né ?
J’avais commencé à travailler avec Danièle Molko lorsqu’elle est décédée. J’ai été très malheureuse car c’était une véritable amie. Je me demandais comment j’allais continuer sans elle. Elle m’a inspiré «L’art des naufrages». Cette chanson était un peu comme une résilience. A partir de là, j’ai commencé à écrire en amorçant quelque chose de plus sensible, commençant une nouvelle aventure artistique et structurée.
C’est à partir de là que vous avez décidé d’être votre propre productrice ?
Oui, c’était en quelque sorte l’ouverture vers la liberté. Je pouvais décider de tout, je prenais le temps de réaliser mes rêves.
Et de là, vous avez eu une idée carrément originale !
Oui, car j’ai décidé de travailler mes chansons et un projet est né : le concert pour une personne !
Vous pouvez expliquer ?
Je me suis installée dans une cabine de plage avec mon accordéoniste, Laurent Derobert et nous avons accueilli une personne à la fois pour lui faire écouter ces chansons. C’était très singulier mais j’ai adoré ce rapport avec un seul individu à qui je chantais mes chansons, avec qui je parlais. Ca a nourri mon interprétation.
Mais comme vous n’êtes pas à une performance originale près, vous voilà sur un autre projet tout aussi fou !
C’était en juillet 2019, au festival off d’Avignon. Je me suis installé au théâtre du Chêne Noir avec trois musiciens Céline Olivier à la guitare, Jérémie Poirir-Quinot aux claviers et Etienne Roumanet à la contrebasse. Il y avait aussi Murielle Magellan, auteure, Justine Emard, plasticienne, Nicolas Geny, metteur en scène. Nous avons créé une trame narratrice à partir de mes chansons, une scénographie, une mise en scène, une vidéo interactive.
Ça a été une expérience incroyablement enrichissante que nous avons enregistrée.
C’était le temps du rapprochement !
Durant quelques années, vous avez donc pris du recul, fait un bébé et écrit un livre. Pour le bébé je ne sais pas mais pour le livre, avez-vous envie d’y repiquer ?
Oui, j’ai pris le virus de l’écriture ! J’ai très envie de continuer mais il faut de l’inspiration, du temps et de la discipline et en ce moment, avec le bébé, le disque, la promo et la tournée à préparer, c’est difficile.
La tournée, ce sera avec le spectacle d’Avignon ?
Non, c’est trop compliqué. Ce sera tour de chant «normal» avec des musiciens.
Et pour la promo, avec ces temps de Covid, n’est-ce pas un peu difficile ?
On arrive à s’arranger. A Paris, ça ne pose pas de problème mais on fait beaucoup d’interviews par téléphone, comme aujourd’hui»
On attend donc cette tournée avec impatience, pour se retrouver «en vrai».
En attendant, il y a ce très beau disque que je vous conseille d’écouter, toutes affaires cessantes !