J’ai connu Julie Zenatti à ses débute dans la comédie musicale «Notre-Dame de Paris», puis nous nous sommes souvent rencontrés lors de promos dans le sud et jusqu’à l’été 2019 à Sanary où elle nous avait offert un superbe spectacle avec Chimène Badi intitulé «Méditerranéennes».
Autant dire que je l’ai vue grandir.
Depuis, l’année 2020 est passée avec cet affreux virus qui a mis tout le monde en quarantaine.
Mais Julie n’en a pas moins profité pour nous concocter un album, résolument pop, coloré, énergique, qui a eu du mal à sortir vu le contexte mais le voici, le voilà, tout rose, tout multicolore, intitulé «Refaire danser les fleurs» qui nous donne une pêche pas possible, très loin des chansons de soleil de son dernier album mais plutôt tourné vers son enfance et son adolescence.
Ne pouvant nous rencontrer nous nous sommes téléphoné pour en parler.
«Julie, cette traversée du Covid, comment l’avez-vous vécue ?
Finalement pas si mal que ça car j’ai beaucoup travaillé sur cet album, j’ai eu le temps de le peaufiner, de faire des changements, des recadrages, je l’ai réinventé finalement, en attendant des conditions plus favorables.
Le voici donc, très loin de «Méditerranéennes», très dansant et dans le style imprégné des années 70… années où vous n’étiez pas née !
C’est vrai mais, toute petite, j’ai baigné dans ces années-là car j’ai des parents qui adorent la musique, la platine tournait tout le temps à la maison et toutes ces chansons de cette époque font partie de mon enfance. C’est en fait ma culture musicale, c’est une musique joyeuse, rassurante et dans ce climat d’aujourd’hui, j’avais envie de donner aux gens ce que j’avais ressenti étant gosse.
On y trouve des réminiscences de chansons de France Gall (Nos p’tits cœurs) de Véronique Sanson (Et pourquoi pas ?) et même du disco (Rien de spécial)…
France Gall, Véronique Sanson je les ai beaucoup entendues, beaucoup aimées, ce sont pour moi des voix familières et je m’y suis beaucoup identifiée car ce sont des femmes qui savent écrire, qui savent toucher au cœur. Quant au disco, il fait aussi totalement partie de ces années-là et j’en ai beaucoup écouté. Je suis donc imprégnée de tout cela et, sans vouloir les copier, c’est une sorte d’hommage.
Comment vous est venue cette idée qui est presque un concept ?
C’est une idée qui me taraude depuis longtemps mais ce n’est pas du tout dans les codes musicaux d’aujourd’hui et il est difficile d’y faire adhérer les maisons de disques. Ce n’est pas dans l’air du temps de ce qu’elles proposent, du coup, connaissant la réponse, je ne l’ai proposé à personne et j’ai décidé de le produire moi-même.
Nouvelle étape pour vous !
Tout à fait et ça m’a laissé une liberté artistique formidable, pas de règle, pas de code, liberté totale de décider, de faire des erreurs, de revenir en arrière. C’était devenu nécessaire pour moi et cohérent avec la vie que j’ai aujourd’hui.
Il y a beaucoup d’auteurs-compositeurs nouveaux autour de vous… Comment ce sont fait ces rencontres ?
A part da Silva avec qui j’avais travaillé pour l’album «Blanc», ces rencontres se sont faites comme on les fait dans un café, autour d’une table ou un ami vous présente un ami qui vous présente un ami. C’est un peu comme ça que ça s’est passé et je me suis peu à peu entourée d’une équipe d’artistes très divers de ma génération, que je ne connaissais pas au départ.
Beaucoup d’ailleurs sont des hommes qui ont déjà écrit pour des femmes…
Mais pas que… puisqu’il y a Sylvie Hoareau du groupe Brigitte, qui n’avait jamais écrit pour d’autres. Il y a Barbara Pravi que j’adore, qui écrit des chansons qui pour moi, sont l’héritage de la vraie chanson française comme au temps de Piaf. Elle a grandi avec cette musique «d’Antan», je suis fière de notre travail et je lui souhaite bonne chance puisqu’elle fait partie des sélectionnés pour le prix Eurovision de cette année.
Il y a Martin Rappeneau, fils du réalisateur Jean-Paul Rappeneau et de la réalisatrice Elisabeth Rappeneau. Il écrit surtout des musiques de films mais je le connais depuis longtemps car nous avons travaillé tous les deux avec Rose.
Mais je tiens à préciser que ce ne sont pas des auteurs-compositeurs qui écrivent «pour» les femmes : au contraire, ils laissent la place aux femmes, ils ne leur imposent rien, ils les accompagnent avec leur savoir-faire, leur talent, leur écoute. Ce ne sont pas des mentors mais des collaborateurs qui travaillent dans la liberté totale et dans un total esprit d’équipe.
Comment avez-vous travaillé avec eux ?
Je suis à 99% auteur-compositeur et lorsqu’ils arrivent je leur fait écouter ce que j’ai écrit, ils y ajoutent des éléments, ils complètent, ils démontent quelquefois la chanson et on finit l’histoire ensemble.
Je suppose qu’en écrivant ces chansons vous avez donc pensé aux chanteurs de cette époque ?
Evidemment car ils sont toujours là. La preuve dans «Pour nos p’tits cœurs» où j’évoque Johnny et France Gall.
«Comment elle fera la France sans France et Jojo ?
Comment elle danse, danse le rock et le slow ?
Comment elle fera la France pour nos p’tits cœurs qui flanchent ?
Comment elle fera la France sans France et Jojo ?
Comment elle danse, danse le rock et le slow ?
Comment elle fera la France pour soigner nos bobos ?»
Rencontre à Aix-en-Provence (Photos Christian Servandier)
Alors, aujourd’hui, tout est compliqué : les tournées reportées, les promos limitées. Comment faites-vous ?
Je dirais : je fais avec. Je fais beaucoup de promos par téléphone, le 4 février je ferai un concert en streaming afin de pouvoir retrouver mon public, en virtuel bien sûr mais ce sera quand même du live. Ce sera un spectacle très particulier.
Et puis, si tout rentre dans l’ordre je ferai un spectacle à la cigale, une tournée en France reportée en juin, selon les conditions et je suis déjà en 2022 où est prévu un spectacle le 6 février au Trianon.
Comment allez-vous composer ce nouveau spectacle ?
Comme je l’ai toujours fait, en mêlant les anciennes chansons que le public attend et les nouvelles. C’est comme un repas entrée-plat-dessert ! Depuis le temps j’ai évolué, les choses ont évolué et j’ai toujours envie de me surprendre et de surprendre le public. Je vais donc imbriquer ces nouvelles chansons avec celles de «Méditerranéennes» et les plus anciennes qui sont incontournables, qui appartiennent aux gens et dont je ne peux pas faire l’impasse.
Mais c’est passionnant de reconstruire un spectacle, de construire une histoire».
En attendant de la retrouver sur les routes (elle devrait passer en juin au théâtre Julien de Marseille) retrouvez notre jolie Julie grâce à ce disque plein de belles mélodies, de chansons émouvantes, quelquefois nostalgiques, dansantes aussi, qui ressemblent à la femme qu’elle est aujourd’hui avec les souvenirs de l’enfant qu’elle a été, tant le passé construit le présent et l’avenir.
Un très joli moment de musique, de fraîcheur… dont on a tant besoin aujourd’hui !
Jacques Brachet