BEAUX LIVRES

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Greg ZLAP : «Sur la route avec Johnny» (Ed Hors Collection)
Il s’appelait Jean-Philippe Smet, mais vous le connaissiez sous le nom de Johnny.
Il s’appelle Greg Szlapczynski mais vous le connaissez sous le nom de Greg Zlap… Ce qui est, convenez-en est plus pratique à prononcer.
Deux noms qui ont été accolés durant dix ans et 282 concerts.
Vous ne pouvez pas l’avoir manqué si vous être allés applaudir Jojo… Car vous l’avez aussi applaudi à tout rompre dans la chanson «Gabrielle» dans laquelle il faisait un incroyable solo d’harmonica à en perdre haleine.
Depuis qu’il est tout petit, ce Polonais joue de l’harmonica, influencé par les films de Morricone. Et son talent fait que, exilé à Paris, il devient l’un des plus grands harmonicistes, monte un groupe, enregistre des disques et fait beaucoup de scène.
Il vit une vie tranquille en Normandie avec sa compagne puis épouse, Elvire, de qui il aura quatre enfants.
C’est par hasard que, dans la discothèque d’Elvire, il découvre le triple album live «Stade de France 98, Johnny allume le feu» de Johnny. De lui, il ne connait pas grand-chose car en Pologne sauf Charles Aznavour et Mireille Mathieu sont connus. Mais il a failli le rencontrer en 2001 car il joue dans la BO du film d’Alexandre Arcady «Entre Chien et Loup» dans lequel joue Johnny.
Et voilà qu’en 2007, Yvan Cassar, qui prépare les maquettes du prochain album de blues de Jojo, fait appel à lui. Coïncidence ? Yvan Cassar travaille avec Johnny depuis… 98 au stade de France !
Sans la venue de Johnny, il enregistre trois chansons : «Monument Valley», «Être un homme», «T’aimer si mal». Johnny, fan de blues, écoute les maquettes et appelle Greg aussitôt pour lui proposer de partir en tournée avec lui.
Ils ne se quitteront plus, créant ce fameux pont à l’harmonica de «Gabrielle» qui fera sa gloire.
Dix ans d’aventures avec le boss, dix ans de tournées épuisantes, d’enregistrements, de hauts et de bas car si Johnny est simple et gentil, il est quelquefois versatile, change d’idée, son entourage y étant pour beaucoup. Mais amitié et fidélité feront qu’ils ne se quitteront plus jusqu’à la disparition de l’idole.
C’est une belle et émouvante histoire que Greg nous raconte, émaillée de photos qu’il a lui-même réalisées durant ses pérégrinations avec Johnny, ce qui en fait des documents saisissants même s’ils ne sont pas de très bonne qualité.
C’est Vincent Perrot, son ami, qui signe la préface, lui qui a déjà signé pas mal de bios de Belmondo, Marais, Cosma, Boris Bergman, Brando…
Un seul regret : une couverture, certes très esthétique mais cartonnée et collée sur une feuille qui fait qu’elle n’est pas d’une solidité à toute épreuve.
Mais grâce à Greg, on entre dans les coulisses et dans l’intimité d’un monstre sacré attachant et superbe.

Alain MAROUANI : «Ferrat l’inoubliable» (Ed Cherche Midi)
Alain Marouani est un magnifique photographe que j’ai souvent côtoyé lorsque je travaillais avec Barclay qui, à l’époque, dans les années 60/70, «possédait » toutes les stars de la chanson : Aznavour, Dalida, Juvet, Nicoletta, Ferré, Ferrat, Delpech, Bardot, Salvador, Gréco, Mitchell, Sardou, Brel, Balavoine, Nougaro et bien d’autres.
Chaque fois que j’avais besoin de photos, elles étaient signées Marouani et lui, je le rencontrais avec l’équipe Barclay, chez celui-ci à Ramatuelle, au MIDEM, à la Rose d’or d’Antibes. Il était beau, lointain, beaucoup de filles le prenaient pour un chanteur de l’écurie Barclay mais lui s’en foutait… Il photographiait et l’on pouvait reconnaître ses portraits car il aimait photographier les artistes nimbés de lumière. J’ai encore un grand nombre de ses photos.
Il aimait les artistes qui le lui rendaient bien et devenait souvent ami avec eux qui lui faisaient confiance, et du coup, cela donnait toujours de très beaux portraits.
Avec Ferrat notamment, il réalisa un très grand nombre de photos, en studios, en scène, en Ardèche, pour ses pochettes de disques, sur ses émissions de télévision… Ce livre d’ailleurs est composé de splendides photos à toutes les étapes de la vie de Ferrat, ce qui en fait un album exceptionnel, car il nous raconte «son Ferrat» et tout ce qu’il en sait, qu’il a connu avec lui, à ses côtés. Ainsi nous raconte-t-il l’artiste qu’il était mais aussi l’homme politique, l’homme qui luttait contre les injustices, l’homme simple, tranquille dans son Ardèche, à Antraigues… pas loin de chez moi où je le rencontrais aussi avec sa femme, Colette. Là, il coulait des jours paisibles à jouer aux boules, à écrire et composer, ne venant à Paris que pour retrouver Gérard Meys, son producteur et mari d’Isabelle Aubret, pour les enregistrements et bien sûr Alain Marouani pour le reportage photo.
Une vie d’amour, de musique, de combats avec une émouvante préface de Véronique Estel, qu’il avait élevée, fille de sa première femme, la chanteuse Christine Sèvres, qu’il considérait comme sa fille.
Un magnifique livre où l’on voit l’évolution physique de Ferrat, visage glabre, cheveux courts, puis cheveux longs, avec cette éternelle moustache qu’il avait laissé pousser à Cuba et ne coupa jamais,  lui donnant l’air de d’Artagnan, puis le cheveu grisonnant, patriarche dans sa si belle montagne.
Une œuvre, un artiste, un homme attachant que Marouani a su si bien cerner.

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Rosalie VARDA-DEMY – Emmanuel PIERRAT : Il était une fois Peau d’Âne (Ed la Martinière)
Jacques Demy fut l’un de nos plus talentueux des réalisateurs français. Surtout l’un des plus original car il est le seul à nous avoir offert de vraies et belles comédies musicales «à la française» comme «Les parapluies de Cherbourg», «Les demoiselles de Rochefort», «Parking», «Deux places pour le 26»… Et «Peau d’Âne».
Ce conte de Charles Perrault, écrit en 1694, a traversé le temps et les générations et on compte même trois versions cinématographiques, en 1904, en 1908 avant que Jacques Demy n’en fasse, voici déjà 50 ans un film lumineux, baroque, fantastique, moderne et bien sûr musical. Tous les ingrédients étaient réunis : des décors plein d’imagination et de poésie signés  Jim Léon, des costumes somptueux signés Agostino Pale et par-dessus tout ça, la musique magique de Michel Legrand.
Sans compter l’éblouissant générique superbement choisi, chaque comédien n’ayant pas été choisi au hasard : Catherine Deneuve au sommet de sa beauté qui partagea des aventures avec Demy, entre Cherbourg et Rocheforts, Jean Marais, qu’il avait adoré dans «La belle et la bête» de Jean Cocteau dont il était un grand admirateur, et qu’il reprit pour «Parking», Jacques Perrin, déjà vu dans «Les demoiselles…», Delphine Seyrig parce que, pour lui, elle représentait une fée, mélange de l’actrice Jean Harlow  et des peintures de Boticelli, Micheline Presle, royale et belle qui berça son enfance cinématographique.
Tout était donc réuni pour que ce film traverse les décennies et c’est à la fois l’histoire de ce conte et de ce film que la fille de Demy-Varda, Rosalie, aidée par  Emmanuel Pierrat, nous… conte !
Ce fut un grand travail de recherche sur cette œuvre qui fit parler d’elle depuis qu’elle fut écrite par Perrault, œuvre qui fit couler beaucoup d’encre à une époque car elle parlait d’inceste tout en restant une histoire romanesque. Les écrivains, nombre de peintres et donc de cinéastes s’en emparèrent. Il y eut même une bande dessinée. Et ce qui reste un mystère, Disney, qui s’empara de nombreux contes, n’en fit jamais un film !
Demy, petit, fut nourri du théâtre Guignol, des images d’Epinal, de films fantastiques dont ceux de Cocteau, de l’héroïne des frères Grimm et… de Disney («Blanche Neige» était son idole !) et des comédies musicales américaines. Ce n’est pas pour rien qu’on retrouve, dans «Les demoiselles de Rochefort», Gene Kelly et George Chakiris !
Tout cela fit que Demy, mélangeant tous ces ingrédients, voulut faire des comédies musicales et il y réussit magnifiquement, aidé de Michel Legrand qui fut son fidèle compositeur durant toutes ces années. Legrand qui avait baptisé le réalisateur de ce joli surnom : «Mon Demy frère».
Dans ce livre magnifique, on retrouve plein de photos du film évidemment, les croquis des costumes et des décors mais aussi des illustrations qui ont été créées durant toutes ces décennies autour de ce conte, des interviewes des artistes et des collaborateurs….
Un livre qui est une véritable œuvre d’art.

Jacques Brachet