Toulon – Fête du Livre
Jean SICCARDI , un polar de montagne !

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Chaque année, la fête du Livre de Toulon me permet de retrouver un ami de longue date ave qui on a fait, comme on dit «Les cent dix-neuf coups» avec d’autres copains aujourd’hui hélas disparus : Jean-Michel Thibaux et Jean-Max Tixier.
Un ami écrivain dont les romans sentent la Provence, cette Provence qu’il aime profondément, qu’il n’a jamais quittée et qu’il décrit toujours, après une soixantaine de romans, avec un amour profond, un talent  toujours renouvelé et dans cette Provence qu’il décrit, à chaque fois ni tout à fait la même, ni tout à fait différente, il a le don d’y inscrire une histoire originale où drames et joies se mêlent, une histoire toujours forte, âpre et belle comme le sont les paysages qu’il dépeint avec minutie, avec de belles envolées lyriques, avec un vocabulaire choisi qui donnent la force à ses histoires.
Avec lui, on parcourt les chemins de la Provence profonde avec une histoire et des personnages hauts en couleur, aux personnalités bien campées, comme Noël Bertrand et Gaston des Vignes, ce dernier ayant donné le titre à cet ultime roman paru chez Calmann-Levy.
Nous voilà dans la Haute Provence d’après-guerre, à la ferme du Saut du Loup où vivent Noël et sa mère, Madeleine. Revenu de la guerre en héros, Noël va se retrouver confronté à Cécile, qui fut son amour de jeunesse, qui vit une vie dissolue avec un étrange visiteur qui a l’air d’avoir des vues sa ferme. Il retrouve Gaston des Vignes, devenu son mari, un mari trompé, berné et vieillissant duquel il va se rapprocher avant que celui-ci ne meure dans d’étranges conditions, juste après sa femme assassinée et son amant disparu.
Qu’est-ce qui se trame dans ce paysage si calme, au pied du Bec du Ponchon qui, tel un volcan non éteint, menace de s’écrouler sur le village et ses environs.
Jean nous offre là un thriller qu’on ne peut plus lâcher dès les premières pages, qui nous entraîne dans une histoire sombre et dramatique dans un pays de taiseux où peu à peu vont, malgré tout se révéler d’étranges histoires.
Il a encore frappé fort, cet homme placide et à l’imagination débordante, à la fois romancier, poète, auteur de théâtre, qui vient d’obtenir avec ce roman, le prix Nice Baie des Anges 2018.

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Jean, peut-on dire que tu as écrit un thriller provençal ?
Plutôt un polar de montagne ! Le mot «provençal» aujourd’hui, ça me gave un peu. Lorsqu’on dit que je suis un auteur provençal, je réponds que je suis un auteur comme les autres qui vit en Provence au lieu de vivre à Paris.
Bon, ceci mis au point, revenons à ce «polar de montagne» !
C’est un roman sur la désertion. Après «L’auberge du gué» j’avais toujours mes personnages en tête et je m’y étais attaché. Je n’arrivais pas à m’en détacher mais je ne savais pas quoi en faire. Je voulais que mes héros aient une vie plus romanesque, plus terrible. J’ai pensé qu’ils pouvaient avoir un secret. J’ai eu l’idée d’en faire disparaître quelques-uns comme dans une tragédie grecque.
Je trouve que tu fais des descriptions de paysages magnifiques…
Tu sais, pour moi c’est facile, j’y vis dedans, au milieu des forêts, des roches, je connais les lieux, je les aime, si je ne suis pas provençal dans l’écriture, je le suis dans le cœur et je suis enchaîné à cette terre, à cette montagne, à l’Italie qui est toute proche. Ce sont des choses qu’on ne peut pas inventer. J’ai failli être bloqué par la neige pour venir à la fête du livre mais c’était tellement beau !
Tu es un véritable peintre !
(Il sourit) Tu sais, la littérature a bouffé ma vie, il ne se passe pas un jour que je n’écrive. J’ai écrit jusqu’à huit, dix heures par jour. Aujourd’hui je me suis calmé et je vis dans la solitude et dans une sérénité presque bouddhiste ! Je n’ai personne autour de moi, rien qui ne vienne me troubler. J’écris moins longtemps mais j’arrive à écrire des choses différentes sans que ce soit complexe. Nous avons une belle langue, à la fois simple et difficile.
Comment travailles-tu ?
Beaucoup ! Le travail, c’est le plus important. J’écris dans mon bureau. En principe, lorsque je commence à écrire, j’ai toute l’histoire dans la tête. Après, je mets le temps qu’il faut pour écrire. Pour «Gaston des vignes», ça fait plus d’un an que je suis dessus. Il y a un roman sur lequel je travaille depuis près de 18 ans. Je l’avais commencé en 2002 et je pense que ce sera le dernier que j’écrirai. Je ne veux pas écrire un roman de plus mais faire une œuvre littéraire.
Ça veut dire que tu vas arrêter d’écrire ?
Oui, ce roman sera mon testament posthume ! Mais j’ai encore quelques idées avant d’arrêter. D’ailleurs, mon prochain roman sort le 14 janvier. Il s’intitule «Les dames du mardi». Il se déroule entre Nice et Gênes et ça n’a plus rien à voir avec mes précédents romans. C’est l’histoire d’un homme qui rêve de devenir riche et pour cela il est prêt à tout, même à devenir «barbot» (proxénète). Ça se passe dans un bar qui est en fait le dernier bordel existant du côté du Cannet.
J’écris aussi un autre livre avec Hélène Grosso : «Le relieur du diable». C’est la vie romancée du dernier tanneur de peau humaine !
Et puis je suis sur un autre livre : «Voyage en folitude» sur tout ce qui m’est arrivé de fou en tant qu’écrivain.
Bon, je vois que la retraite, ce n’est pas pour tout de suite ! Ça ne va pas te manquer de ne plus écrire ?
Je ne crois pas car lorsque je suis dans ma montagne, je n’arrête pas… J’ai appris à ne rien faire que lire, rêver, écouter. Tiens, un exemple : il est un compositeur que je n’aimais pas : Bruckner. Eh bien, j’ai appris à l’écouter et à l’aimer.

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Mendy RAYNAUD, illustratrice et carnettiste
Aux côtés de Jean Siccardi, une femme au sourire lumineux qui n’est pas à côté de lui sans raison. Elle est illustratrice et carnettiste. De descendance hollandaise, elle un parcours, selon ses dires, «biscornu» car elle est autodidacte. Elle a pratiqué différents métiers alimentaires avant de se rendre compte qu’elle avait un certain talent pour le dessin et les arts plastiques en général. Elle s’y est donc jetée et sa rencontre avec Jean et Hélène Grosso a été déterminante.
« J’ai fait des expositions mais j’aimais écrire aussi. J’avais envie de lier les deux en proposant des livres. Mais j’étais loin d’être sûre de moi. Hélène m’a alors formée dans des ateliers d’écriture  puis j’ai eu le courage de solliciter Jean pour qu’il me dise ce qu’il pensait de mes écrits et de mes poèmes. Il a lu et il m’a prodigué beaucoup de conseils. Nous avons donc travaillé ensemble sur un premier livre qui est sorti voici un an : «Alioth, le croqueur de nuages», un conte pour enfants qu’il a écrit et que j’ai illustré. Et je viens d’écrire et illustrer «D’encre et la nuit»  (Ed Encres de Siagne). En parallèle, j’ai créé une collection de livres pour enfants.
Je prépare un livre qui s’intitulera «La petite histoire du papier», un conte pour enfants, l’histoire d’une petite boule de papier qui va raconter comment elle est née. Il sortira au printemps. Et je prépare une exposition en collaboration avec Hélène Grosse au Moulin à Papier».

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Voilà donc un nouveau virage pour Jean : mentor. Alors, on n’est pas près de le perdre de vue.

Jacques Brachet