Toulon – Fête du Livre
Pierre BILLON : Passion moto, passion Johnny

3

Avec Pierre Billon, ce sont des retrouvailles de longue date et c’est donc avec plaisir que je le retrouve à la Fête du Livre de Toulon. Il est venu, avec son pote Pascal Louvrier, signer un magnifique album consacré à ses «road trips» à travers l’Amérique avec Johnny Hallyday, avec qui il a longtemps travaillé et qui était son ami. Le titre, paru aux éditions Tohu Bohu, s’intitule justement «Road Trip – Johnny Hallyday on the road»
Tous deux partageaient les mêmes passions de la musique, de l’Amérique, de la moto, passions de liberté qui leur a fait traverser cet immense pays avec arrêts dans tous les lieux mythiques des rêves d’enfance cinématographique de l’idole qui, à ce niveau-là, était resté un grand enfant. Par ailleurs, loin de France où il n’était pas connu, il redevenait Jean-Philippe Smet, fan du cinéma américain et de ses grandes stars qui bercèrent son enfance.
Pierre, qui a parcouru jusqu’à sa disparition, ces voyages à califourchon sur des motos de rêve, nous raconte, humour et émotions réunis, toutes leurs aventures hors show-biz où ils devenaient des hommes, tout simplement, dans une ambiance de totale amitié partagée avec un cercle restreint. Des belles images, très souvent inédites de leurs périples, viennent illustrer ce très bel album, à la fois hommage à la moto et hommage à l’ami. Avec eux, nous revivons leurs aventures qui se reproduisaient presque chaque année.

4 2

«J’ai connu jeune l’Amérique – me confie Pierre – grâce à ma mère, la chanteuse Patachou, qui s’y est installée pour faire carrière. J’y vivais, et plus tard,  je racontais mon Amérique à Johnny et je voyais que, plus on avançait, plus on en parlait, plus il lui devenait important d’aller découvrir ce pays qui a fait fantasmer son enfance. Jusqu’au jour où tout s’est décidé et il en a tellement pris goût qu’il a décidé que ça se ferait tous les ans. A tel point que, même très malade, le jeudi soir 5 décembre, veille de sa mort, j’étais chez lui et il envisageait qu’on reparte en septembre prochain, ce qu’hélas, je savais déjà que ça ne se ferait pas.
Tu as continué à y aller ?
Oui, en 2018 et 2019, sans lui évidemment. Je l’ai souhaité en souvenir de lui, même si c’était difficile.
Et c’est aussi pour cela que j’ai fait ce livre et ce pour plusieurs motifs : d’abord pour lui rendre hommage et pour montrer un autre visage que celui que tout le monde connaît : la star avec ses spectacles incroyables, l’idole flamboyante. Alors que là, il était tout autre, il redevenait le jeune homme qui a grandi avec le cinéma américain, les westerns et ses idoles, de James Dean à John Wayne en passant par Clark Gable. Il voulait découvrir tous les endroits mythiques où avaient été tournés ces films comme «Autant en emporte le vent», «Rio Bravo», «Easy Rider» évidemment. On est d’ailleurs allé à Taos, sur la tombe mexicaine de Dennis Hopper, une tombe très colorée, très fleurie, qui ressemble à la sienne à St Barth.
Il a d’ailleurs rencontré Peter Fonda ?
Oui, il était comme un enfant, un fan devant son idole et là, il redevenait timide, il n’était plus la star qu’on connaissait, il osait à peine lui parler. Tout comme le jour où il a rencontré Elia Kazan et qu’il n’a pas osé lui demander une dédicace. Tu vois, c’est ce Johnny-là que je voulais montrer et qu’on ne connaît pas.
Tu me disais qu’il y avait plusieurs motifs à ce livre ?
Oui, l’autre motif c’est que je voulais qu’on sache c’est que, ce qu’on faisait, tout le monde peut le faire à partir du moment où tu as un engin car là-bas, tu trouves toujours des petits motels pas chers et c’est d’ailleurs ce qu’on faisait. On ne s’arrêtait pas dans des hôtels de luxe ou des grands restaurants. On cassait la croûte, on s’arrêtait quand on voulait, on dormait où on trouvait une chambre. Car Johnny voulait retrouver vraiment l’Amérique de sa jeunesse, celle de Tennessee Williams. Pas question d’aller dans les grandes villes mais plutôt découvrir les grands espaces et bien sûr Hollywood qui l’a tant fait rêver, Monument Valley, la vallée de la mort, la fameuse route 66. D’ailleurs, lorsque nous y sommes retournés sans lui, nous avons apposé une plaque commémorative à Mexican Hat.
Lui qui en avait un peu marre d’être photographié, il y a des centaines de photos prises sur ces road trips.
Oui mais ça, c’était la volonté de Johnny. Il voulait ramener des souvenirs personnels, les photos, pour la plupart, ne sont pas celles de photographes professionnels mais des amis avec qui nous étions. J’en ai fait pas mal. Et il voulait toujours qu’on réalise de petits films qu’il regardait, rentré à Paris. Souvent ces films ont été une inspiration pour ses spectacles ou pour ses clips.

1
Pierre et Pascal Louvrier

Johnny a donc été une grande histoire d’amitié. Avant lui il y a eu Michel Sardou que tu as quitté un jour. Pourquoi ?
(Il rit) Justement parce que j’ai rencontré Johnny, que j’ai travaillé avec lui et Sardou m’en a voulu durant une dizaine d’années oùnous sommes restés fâchés. C’était un ami d’enfance que j’ai connu grâce à ma mère qui l’avait accueilli dans ses cabarets. Nous avons écrit beaucoup de chansons comme «Je vole», «Dix ans plus tôt», «Etre une femme»… Et puis il y a eu Johnny et il me prenait beaucoup de temps car j’ai produit certains de ses albums, de ses concerts… Puis j’ai revu Sardou et c’est moi qui ai produit son dernier album et sa dernière tournée «La dernière danse». Je l’ai d’ailleurs accompagné aux percus, à la guitare et nous avons chanté ensemble «Les Ricains».
Mais j’avoue que j’avais plus d’affinités avec Johnny qu’avec Sardou : lui il aime les chevaux, le golf, ce n’était pas notre truc avec Johnny. Un peu les chevaux peut-être. Mais surtout les motos et les voyages.
Que penses-tu de cet album symphonique réalisé par Yvan Cassar ?
(Il reste un moment dubitatif). On ne peut pas dire que ce soit mal fait mais faire du symphonique avec un rocker… Est-ce que ça aurait plus à Johnny ? Je comprends qu’on fasse ce genre de choses pour les fans qui ont toujours besoin de quelque chose de nouveau. Mais faire du neuf avec du vieux, je trouve ça un peu compliqué lorsque l’artiste n’est plus là. Ce n’est pas une idée que j’aime particulièrement.
Alors, surprise, on t’a vu ces jours-ci travailler avec Sheila… On est loin du rock ?
(Il rit). Oui mais j’ai deux casquettes, je suis aussi producteur et c’est ma maison de production qui s’occupe de l’émission «Mask singers». Ce n’est pas moi qui ai fait le casting même si je suis un des seuls à savoir qui se cache sous les masques… Et je ne te le dirai pas ! Obligé puisque c’est moi qui leur fait travailler et enregistrer les chansons et pour les chanteurs, leur faire modifier leur voix pour ne pas qu’on les reconnaisse. Mais ça a été très agréable de travailler avec elle. Et ce n’est pas facile de faire ce qu’elle a fait.
Dans ton livre tu nous parle en passant de deux de tes «fiancées» : Liza Minelli et Julia Migenès… Tu ne t’embêtais pas aux USA !
(Il rit). Oui mais c’est vieux et elles n’étaient pas connues alors, pas plus que moi d’ailleurs. Liza, on savait qu’elle était la fille de Judy Garland mais elle débutait. Elle n’était pas la grande star qu’elle est devenue. Mais nous avons gardé des liens, nous avons quelquefois repris notre histoire. On ne s’est pas perdu de vue. Avec Julia, nous avons beaucoup rigolé
En dehors de ce livre, Pierre, quels sont tes projets ?
Faire tourner ma maison de production, continuer à produire des émissions de télé, ce qui m’amuse bien. D’ailleurs j’espère qu’il y aura une seconde saison de «Mask singers», et voyager encore longtemps car la route, c’est quelque chose d’important dans ma vie. Je roule beaucoup dans la province française qui est très belle et je vais régulièrement aux Etats-Unis. Je vais d’ailleurs bientôt repartir pour Daytona».

Propos recueillis par Jacques Brachet