« Il fallait y croire »
de Denise BEAU-LOFI (Ed du bout de la rue)

2

C’est d’abord une grande histoire d’amour et un hommage d’une fille à son père.
Denise Beau-Lofi est la fille de ce remarquable soldat qu’était Alexandre Lofi, qui participa activement au débarquement du 6 juin 1944. C’est aussi une grande histoire d’amour entre ce jeune officier et Simone, son petit bout de femme qu’il rencontra alors qu’elle avait à peine 17 ans et avec qui il va traverser cette guerre de 39/45 car elle le suivit partout avec Alain, leur premier fils et frère de Denise.
Dès le départ de leur histoire, elle décide de ne pas le quitter, de le suivre dans tous ses déplacements et, de Douala à Beyrouth, puis de Londres à la Lorraine dont est issu Alex, elle le suivra avec bébé, armes et bagages.
Ce coup de foudre se transformera en grande histoire d’amour qui les réunira à Toulon en 1950 où sera affecté Alexandre qui occupera le poste de directeur sportif avant que l’amiral Barjot ne lui confie les fonctions de chef du quartier général et officier des sports de la troisième région maritime jusqu’en 1970.  Toute la famille installée à Toulon,  Simone et Alexandre y finiront leurs jours et ils sont enterrés dans le petit cimetière de Cuers.
A travers les écrits de son père, la rencontre et les souvenirs des dix derniers commandos vivant encore sur les 177 qui formaient cette équipe française menée par le Commandant Kieffer, Denise nous entraîne dans cette période dramatique de la seconde guerre mondiale et nous suivons le couple au Liban, à Beyrouth, à Ismaïlia, à Liverpool, à Eastbourne, en Ecosse, à Walcheren, en Lorraine,  à Ouistrham, en Normandie jusqu’à Toulon, tantôt avec Alex, tantôt avec Simone, une vie à deux ou séparés par la force des événements. Simone le suit mais l’attend souvent dans des conditions parfois difficiles et dans des pays où elle ne connaît ni les gens ni la langue, lui qui rejoint de Gaulle et fomentera en grand secret ce débarquement qui aujourd’hui est commémoré pour son soixante dixième anniversaire, elle continuant sa vie de mère et de femme de marin. Mais les retrouvailles sont toujours un immense bonheur.
C’est à la fois un livre d’amour et d’aventures, une grande épopée historique et romantique, mais aussi un livre sur la grande Histoire à travers un héros magnifique. Un livre superbement documenté qui nous fait vivre ce pan d’Histoire comme si nous y étions. Denise a un beau talent d’écrivain et est d’autant plus émouvante dans ses écrits que cet homme lui a été cher, père merveilleux, soldat admirable auprès d’une femme courageuse et aimante.
Un très très beau livre écrit avec amour mais aussi avec un grand talent, même si Denise prend la plume pour la première fois. Elle insère dans ces faits réels, beaucoup de choses que sa mère lui a racontées – plus que son père d’ailleurs qui est resté assez muet sur cette période de sa vie – qu’elle a aussi romancées avec force détails, images, descriptions qui font de ce livre une histoire très cinématographique qui pourrait devenir une sorte de road movie ou un magnifique portrait de femme durant cette période difficile à vivre. Car ce qui est beau dans cette histoire c’est que chacun a choisi sa vie sans jamais le regretter, lui en faisant son métier de soldat avec une seule idée en tête : servir et sauver son pays, elle en décidant qu’être femme de soldat ce n’est pas seulement d’attendre à la maison mais de faire corps avec l’homme qu’elle aime et le suivre contre vents et marées.

1

Rencontrer Denise est un grand moment de bonheur et d’émotion tant elle porte en elle cette histoire d’amour qui lui est si proche. Elle qui n’avait jamais écrit, a mis tout son cœur et son vrai grand talent à retracer une histoire hors du commun, retrouvant le peu des acteurs restant de ce moment d’Histoire dont on célèbre cette année les 70 ans. L’un de ceux-là d’ailleurs, Léon Gautier, qui avait alors 20 ans et était matelot, a aujourd’hui 91 ans et a signé une préface émouvante et belle.
Voici quelques temps, avec son frère Alain, qui a vécu cette épopée puisqu’il est né durant cette guerre, elle avait décidé de partir en pèlerinage sur tous les lieux qu’elle décrit et où son passés ses parents. Hélas, la mort a rattrapé Alain pendant qu’elle écrivait ce livre.
Alors qu’il a risqué cent fois sa vie sur les champs de bataille, Alex est mort bêtement dans un hôpital mais il a pu voir grandir ses enfants et petits enfants et Simone l’a suivie peu de temps après.
Aujourd’hui Alex est considéré comme un véritable héros. Il fut interviewé à l’époque par Léon Zitrone, aujourd’hui à Lorient, l’école des fusiliers marins a baptisé sa nouvelle salle de préparation physique pour les missions commandos de son nom.
Le 26 mai sur France 3, sera présenté un film docu-fiction « Les Français du jour J » signé Eric Condon, petit-fils de René Rossey, compagnon d’Alex dans le commando du commandant Kieffer où il est bien sûr question d’Alexandre Lofi.
Denise sera l’invitée de la grande cérémonie qui se déroulera à Ouistreham durant ces commémoration et y signera son livre. Elle sera aussi l’invitée du Ministre de la défense à Paris le 18 juin au Mt Valérien ainsi que du préfet maritime qui lira un éloge sur son père pour la journée du marin.
Un cèdre du Liban a été planté à St Aubin d’Arquenay en hommage à ces engagés volontaires commandés par Alexandre, des noms de places et de rues, dont une à Cuers, portent aussi son nom un peu partout où il s’est illustré avec courage.
Il fallait y croire… Alex et Simone y ont cru jusqu’au bout, avec passion, sans jamais perdre la foi et surtout avec un magnifique courage transcendé par leur amour.
Denise Beau-Lofi signe là un grand et beau témoignage d’un épisode de notre Histoire et une histoire d’amour hors du commun, avec intelligence, acuité, avec une plume qui mérite de continuer à écrire !

Jacques Brachet