Toulon – Cinéma en Liberté 8ème !

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Nicolas Paban,Caroline Deruas,Lisa Dora Fardelli, Luc Benito

Journée sous un soleil de plomb, nuit étoilée et… très fraîche à la Tour Royale pour deux jours de fête. Fête du cinéma et plus particulièrement du court métrage, organisée pour la huitième année consécutive par Lisa Dora Fardelli et toute une équipe d’amis, de membres de la famille tous bénévoles et passionnés de cinéma.
Fondatrice de ce bel événement toulonnais, Lisa avoue sa passion dès son plus jeune âge, attirée très vite par le cinéma et plus particulièrement le court métrage.

« Le court métrage – nous confis-t-elle – a mille choses à raconter, on y découvre des films fabuleux, merveilleux ancrés dans le monde d’aujourd’hui, ses problèmes, même si quelquefois ils sont audacieux ou dérangeants. Aux Beaux-Arts, j’ai commencé à faire des vidéos-performances mais c’était très expérimental. Pourtant j’ai voulu les montrer au cours d’une soirée, avec d’autres vidéastes et c’est comme ça qu’on s’est retrouvé une poignée, les pieds nus dans une carrière ! Mais c’était tellement chaleureux et festif que j’ai eu l’idée de créer ce festival « Cinéma en liberté ». Il permet à de jeunes talents de présenter leurs oeuvres, de se rencontrer aussi, ce qui est important et de rencontrer un public.
Ainsi est né ce festival, les premières années dans des lieux divers jusqu’à ce qu’on s’installe dans ce lieu majestueux. Ce qui est drôle c’est qu’on y parle de liberté alors que c’était une prison !
Très vite, de 50, 70, on est passé à 100 puis à 300 films reçus cette année, venus d’un peu partout et pas seulement de France ce qui est incroyable, à la fois plaisant et frustrant car on n’en a sélectionné que 25 à notre grand regret ! Mais, avec notre équipe (nous étions 7) on vous promet qu’on les a tous vus.
La sculpture représentant le prix, est superbe !
On la doit à Maurëen Tomio et Adrien Porcu, de l’Ecole Supérieure d’Art et de Design de TPM. Il y en aura deux d’attribués : le prix du jury et le prix coup de cœur de la marraine.
La marraine et à la fois présidente du jury était, cette année Caroline Deruas, réalisatrice, scénariste, scripte.
« Parfois aussi je joue – nous dit-elle en riant – et je fais même des collages à temps perdu ! »
Elle est cannoise, ville symbolique du cinéma, puis est « montée » à Paris où elle vit, le moins longtemps possible, ajoute-t-elle encore.
« J’ai besoin de mon Sud, de ma mer et j’ai donc était ravie que, grâce à une amie commune, Lisa m’invite à ce festival. Comme nombre d’entre nous, j’ai fait et fais encore de l’auto-production de courts métrages. J’ai eu quelques prix en France, à Bilbao, à Locarno. J’ai été pensionnaire à la Villa Médicis où j’ai tourné mon premier long métrage « L’indomptée » avec Clotide Hesne, Tcheky Karyo, Bernard Verley, Jaria Thiam (vue dans la série « Les revenants »)… J’ai écrit le scénario du film « Les estivants » de Valeria Bruni-Tedeschi… »
Le cinéma, elle y est tombée dedans en le découvrant toute jeune au festival de Cannes. Ajoutons qu’elle et la cousine d’Emmanuelle Seigner, qu’elle a travaillé avec Romain Goupil et qu’elle vit avec Philippe Garrel… Cernée de toutes parts par le cinéma elle y baigne comme un poisson dans l’eau. Et elle y a entraînée sa fille qui a 20 ans et vient de tourner un court métrage avec elle, en attendant le prochain long métrage « Les immortelles » dans lequel elle aura le grand rôle.

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Aux côtés de Caroline, deux garçons fort sympathiques : Nicolas Paban et Luc Benito.
Nicolas Paban est réalisateur autodidacte, auto producteur et sa passion, même s’il est loin d’en vivre aujourd’hui, a toujours été le cinéma.
« J’ai un boulot à côté – nous dit-il – je ne sais pas si un jour je vivrai du cinéma mais là n’est pas l’important. L’important est que je puisse faire mes films en toute liberté et de pouvoir les montrer dans des festivals comme celui-ci. La preuve en est que j’ai eu reçu l’an dernier le prix du jury avec « Hotline » ! Cette année j’ai récidivé en proposant un film… qui n’a pas été retenu. Du coup, voyant ma petite larme au coin des yeux, Lisa m’a proposé d’être dans le jury !.
Nicolas est toulonnais et boulimique de cinéma, il suit ce festival depuis sa deuxième édition et parcourt ainsi d’autres festival pour présenter ses films… « Pour le plaisir » aime-t-il à dire. Il est même allé jusqu’en Australie grâce à une copine, présenter « Hot Line » qui a obtenu le prix du public. Alors, toujours pas envie d’en faire sa profession ?
Enfin Luc Benito, toulonnais également, fait partie du paysage audiovisuel varois puisqu’il est exploitant de trois cinéma municipaux, à la Valette, le Pradet et St Mandrier. Et ce, depuis onze ans. Il anime également une émission cinéma sur Radio Active « Cinéma, mon amour ». Bien évidemment intéressé par tout ce qui se passe cinématographiquement dans la région, il s’intéresse à « Cinéma en Liberté » et du coup, le voici cette année membre du jury.
On sait, et on le regrette, qu’aujourd’hui, pour cause de rentabilité, les premières parties dans les cinéma ont disparu au profit des pub, mais il a très envie de pouvoir réhabiliter le court métrage même si, regrette-t-il, c’est une gestion un peu compliquée.
« Mais je crois qu’aujourd’hui il y a une carte à jouer en dehors de la fête du court métrage qui a lieu une fois par an. Avec Lisa, nous essayons de trouver un angle pour pouvoir présenter ces films lors de soirées qui leur sera consacrée ».
C’est sûr que, passionnés et déterminés, nos amis vont y arriver.

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Philippe Vaïsse & Dominique Dattola : Une belle leçon de cinéma
En dehors des projections, nous avons eu la chance de participer à une brillante leçon de cinéma grâce à Philippe Vaïsse, qui est repéreur et régisseur dans la région varoise et Dominique Dattola qui est écrivain, scénariste, réalisateur, vice président du SNAC et responsable du Groupement Audiovissuel.
Tous deux férus de cinéma, Philippe nous a expliqué la création d’un film, de sa pré-production à ce qu’on appelle la copie O. Dominique, volubile orateur, émaillant l’histoire d’un tournage par des histoires, des anecdotes, des précisions au fur et à mesure de la conception d’un film.
Lorsqu’on visionne un film, on ne peut imaginer tout ce qu’il faut de force de persuasion, de volonté, de passion et d’acharnement pour arriver au bout…

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Un vrai parcours du combattant.
On n’imagine pas non plus le nombre de gens qu’il faut à chacun des postes, une sorte de puzzle ou chacun a une place définie et ne peut y déroger. Où la technique, l’artistique et le financement sont à jamais liés pour faire d’un film un chef d’œuvre ou un ratage. De la naissance d’un scénario à son acceptation, de la production, poste clef car sans argent point de film, à la réalisation, le choix des comédiens, du réalisateur, des repérages des lieux de tournage, des décors, des costumes, c’est toute une armée à mettre en place où chacun aura son rôle à jouer, et pas seulement les comédiens.
Nos deux amis ont été passionnants et nous ont mis face aux réalités d’un métier certes difficile mais passionnant.
Chacun d’eux nous a expliqué le mécanisme de la naissance d’un film, de toutes les étapes à franchir et Dieu sait si elles sont nombreuses. Aujourd’hui, il faut aussi compter sur les chaînes de télé qui sont devenues omniprésentes au montage d’un film et ils nous ont aussi expliqué les différences entre les cinémas européens face au mammouth américain et même la chaîne Netflix qui est en train d’envahir le monde.
Bref, ce fut une grande leçon de cinéma que nous ont offert ces deux grands professionnels qui nous ont fait découvrir les coulisses du cinéma.

M L N
Adrien Porcu, Lisa Dora Fardelli & Maxime, Maurëen Tomio

And the winners are…
Surprise : alors que deux prix seulement devaient être attribués, voilà que notre jury arrive au cinéma le Royal avec… quatre prix ! Au grand dam des artistes ayant créé les sculptures, Maurëen Tomio en ayant prévu deux, Adrien Porcu une seule… Il va se remettre au travail, promit-il en riant.
La délibération : « Un enfer ! » s’est écriée Caroline, riant elle aussi et précisant aussitôt que nos trois jurés se sont entendus comme larrons en foire et ont été très vite sur la même longueur d’ondes.
L’enfer a surtout été de ne garder que deux films, et du coup… en voici quatre au palmarès.
Le coup de cœur de la marraine-présidente a très vite été aussi celui de ses comparses : « Il silenzio », film italo-iranien signé Farnoosh Samadi Frooshani et Ali Asgari, film très émouvant sur une petite fille kurde qui doit annoncer à sa mère qu’elle a un cancer très avancé.
Le prix spécial du jury est allé à un film d’animation français : « Give me a french fessée » signé d’un groupe de quatre artistes : Lucas Ansart, Laura Passalacqua, Loïk Piton et Camille Sallan.
Et voici qu’est annoncé le prix « très spécial » du jury, pour un film totalement déjanté du jeune réalisateur varois (Le Revest les Eaux), Samir Boualegue et son « gang revestois ». L’histoire d’un homme qui revient chez lui et trouve sa femme avec trois amants très spéciaux… et un poney dans le salon ! Film singulier et très drôle intitulé « Sonrisita ».
Enfin arrive le grand prix décerné à un film représentant le Chili et l’Allemagne, « City Plaza Hôtel » signé Anna-Paula Hönig et Violete Pons, histoire d’une petite Afghane qui, avec sa famille et d’autres réfugiés, squatte un hôtel en Grèce en attendant de connaître leur sort. Un film très prenant et d’une grande justesse.

J K
Samir Boualegue (A droite, chapeau) et son « gang revestois »

Et pour finir en beauté, Caroline nous a proposé un film qu’elle a réalisé en noir et blanc en 2011 : « Les enfants de la nuit ».
« C’est le film dont je suis le plus entièrement fière, que j’aime pleinement, peut-être le plus classique, le plus maîtrisé et aussi le plus libre, même si, lorsqu’on tourne un court métrage, on est particulièrement libre »
C’est un film qui se passe en 1944, histoire d’une jeune campagnarde française qui tombe amoureuse d’un soldat allemand. Le comédien allemand, Félix M Ott, Caroline l’a découvert au théâtre et lui a trouvé comme partenaire Adèle Haenel, qui plus tard sera deux fois césarisée et couverte de prix divers.
Même si Caroline a mis un bémol après la projection, sur le bien qu’elle avait dit de son film, quelques années ont passé et elle en voit quelques défauts. Mais même avec ses défauts que nous n’avons pas vu, c’est déjà un film très maîtrisé, esthétiquement superbe et dont le sujet ne peut laisser indifférent.
Quant à nous, nous avons vécu durant trois jours un vrai bonheur à découvrir, outre ce film, tous ces courts métrages qui nous ont révélé de beaux talents en devenir, qu’ils soient français ou étrangers. La relève cinématographique est là !
Et nous serons là pour la neuvième saison !

Jacques Brachet