Six-Fours
Jean-Christophe SPINOSI : Cet été c’est sacré !

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Jean-Christophe Spinosi est aujourd’hui un musicien et chef d’orchestre connu, reconnu et apprécié dans le monde entier.
Il passe sa vie entre les voyages en avion et les plus grandes scènes du monde sans jamais oublier la France où il est invité dans les plus grands festivals. Particulièrement à Six-Fours où chaque année, il nous propose, lors du Festival de Musique de Toulon et sa région, de magnifiques concerts à la collégiale de Six-Fours.
Cette année, il a décidé, avec l’orchestre qu’il a créé, l’Ensemble Matheus, de nous proposer deux soirées consacrées à Antonio Vivaldi le mercredi 17 juillet et le vendredi 19 juillet à 20h30. Comme chaque année, entre les deux concerts, il proposera une générale, c’est-à-dire, la dernière répétition avant le concert.

« C’est – nous dit-il – une jolie tradition dans laquelle il y a cette idée de partage, de faire de la musique pour tout le monde et de faire découvrir des chefs d’œuvre en démontrant que la musique dite « classique » n’est pas réservée à une élite, même si, quelquefois, elle peut-être plus pointue.
Pourquoi le choix de Vivaldi ?
Durant près de 250 ans, il a été oublié. Aujourd’hui il a été rendu au grand public et ce n’est que justice tant il a écrit de chefs d’œuvre, entre autres des dizaines d’opéras, quelque six-cents concertos…
Il écrivait sa musique sur de vieux papiers et l’on a retrouvé de nombreux manuscrits dont un recueil de concertos. Sur les pages de la fin du cahier, il a gribouillé sept mesures séparées par une double barre entre deux mouvements, deux morceaux pour se souvenir de ce qu’il avait en tête, dans diverses tonalités. Ce sont les débuts d’histoires différentes où se retrouvent entre autres l’ouverture d’un opéra, des morceaux pour piano, orgue et ça se termine par un feu d’artifice !

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Avec Jean-Sébastien Vialatte, maire de Six-Fours et Dominique Ducasse, adjointe aux Affaires Culturelles

C’est ce que tu nous proposeras le 17 juillet ?
Oui, sous le titre « Index pro memoria ».
C’est en fait un programme de concert qui dure 1h20. J’ai retrouvé la trace de cette programmation que nous allons jouer. C’est d’une virtuosité incroyable, plein de panache et de joie qui met l’interprète à rude épreuve mais qui permet de s’élever, de se surpasser. On y découvre les secrets du passé, un peu comme dans la série « Cold Case » ou comme une pièce de musée que l’on a oubliée et que l’on redécouvre.
Drôle de comparaison !
(Il rit). C’est à la fois scientifique et archéologique… C’est « Jurassic Park » ! C’est une découverte comme si l’on découvrait un dinosaure car c’est une oeuvre qui n’a jamais été jouée depuis sa création. C’est plein de virtuosité et pour la jouer il faut beaucoup de temps et de travail. Ceci explique peut-être que personne ne s’y soit collé et c’est aussi ce qui est excitant.
C’est en quelque sorte une table des matières et c’est pour cela que j’ai intitulé le concert « Index pro memoria ».
Passons à la seconde soirée…
Ce sont trois oeuvres de Vivaldi, trois chefs d’œuvre intitulés « Dixit Dominus », « Beatus Vir » et Lauda Jerusalem ». Ce sont à la fois trois oeuvres sacrées symboliques qu’on ressent au plus profond de soi et des oeuvres à double chœur. C’est en quelque sorte Vivaldi qui a inventé la première « battle » musicale et le son dolby en mettant face à face deux chœurs qui se répondent. Mais c’est plus émotionnel que scientifique. C’est pour cela que j’ai intitulé ce concert « La battle des Anges ». Cette écriture pour double chœur libère la musique, nous emmène dans la troisième dimension. Ca sort des rails, c’est une divagation par rapport au thème de la musique sacrée et c’est déjà de la polyphonie.
A part ce concert à Six-Fours, quelle est ton actualité ?
Je viens d’enregistrer un album consacré à Vivaldi avec Cécilia Bartoli qui est pour moi la plus grande star la plus belle voix du monde depuis Callas et c’est un grand privilège. Nous avons travaillé ensemble plusieurs fois, au festival de Salzbourg où l’on a joué « La Cenerentola » et « L’Italienne à Alger », au théâtre des Champs-Elysées pour « Othello ». Pour moi, c’est une chanteuse mythologique ! Elle est vraie et tellement émouvante. A chaque spectacle, elle atteint l’absolu. Durant les sept représentations d’Othello, je l’ai vue pleurer… Et j’ai pleuré avec elle !

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Nous offriras-tu encore cette année une soirée « Barock’ n’ rock » ? au Parc de la Méditerranée ?
Non, cette année nous changeons un eu : ce sera « Baroque and Pop » intitulé « Il giardino d’amore ». Ce sera le 20 juillet.
Et à part ça ?
Je suis un pigeon voyageur. Depuis quatre ans je vais régulièrement à Moscou. J’y donne des concerts et des master class. J’y retourne d’ailleurs dans trois semaines. J’irai à l’Opéra de Monte-Carlo pour un spectacles de ballets sur des musiques de Tchaïkovski, Strauss et des danses hongroises. En France, je jouerai en Corse, en Bretagne, à Lyon. Il y aura aussi Stockholm, l’Allemagne, la Suède, l’Espagne Je vais également aller fêter en Egypte les 150 ans de la création du Canal de Suez. J’y jouerai avec des musiciens égyptiens, avec les instruments de leur pays. Il se pourrait qu’il y ait une captation du concert pour un CD, un DVD ou une diffusion. Le ministère de la Culture semble s’y intéresser.
Tu es un véritable ambassadeur français de la musique !
Je crois que tous les musiciens sont des ambassadeurs. D’ailleurs, tous les ambassadeurs devraient être des musiciens. La musique réunit les peuples et le monde irait beaucoup mieux, surtout dans cette période perturbée où en en aurait bien besoin.
C’est peut-être utopique mais on peut rêver !

Propos recueillis par Jacques Brachet