Six-Fours – Six N’étoiles : Nathan AMBROSINI,
un jeune prodige, un grand réalisateur de demain

A

Charlie (Noémie Merlant), retrouve son frère Vincent (Guillaume Gouix) à sa sortie de prison après qu’il ait écopé de 12 ans d’incarcération.
Evidemment marqué par un si long enfermement, c’est un homme blessé qu’elle retrouve. Un homme seul qui n’a plus personne, hormis sa sœur, son père (Jérôme Kircher) ne voulant pas en entendre parler, sa mère étant décédée. Marqué au fer rouge, sans boulot ni lieu où dormir, il lui faut se reconstruire auprès de cette sœur, qui l’aime malgré tout et appréhende ce retour qui ne sera pas sans difficulté, car il retrouve un monde hostile qui a évolué sans lui, qu’il ne reconnaît pas
Même sa sœur n’arrive pas à relier le fil entre le fils et son père qui n’a, face à lui, aucun regard, aucun mot.
Les deux jeunes comédiens sont magnifiques, elle, tout en nuances, en tendresse, en appréhension, lui ,homme blessé au regard d’acier, tout en violence qu’il a du mal à contenir. Ils crèvent l’écran !
« Les drapeaux de papier » est un film, signé d’un tout jeune réalisateur de 19 ans, Nathan Ambrosini. C’est un film dur, fort, bouleversant, totalement maîtrisé et lorsqu’on rencontre ce tout jeune garçon qui ressemble encore à un adolescent au sourire lumineux, on est à la fois surpris, sous le charme et admiratif que, si jeune, il signe un premier film dont le sujet délicat et dramatique et la réalisation sont aussi aboutis que s’il en était à son énième film. Pour un coup d’essai, il entre de plain-pied dans la cour des grands.
C’est un jeune homme passionné, plein d’énergie, bien dans ses baskets, heureux de ce qui lui arrive car déjà les prix pleuvent autour de lui et ce n’est que mérité.

D C

« Nathan, comment, si jeune, aborde-t-on un sujet aussi grave ?
C’est à 17 ans que j’ai eu l’idée de ce sujet en lisant un reportage sur un prisonnier qui sortait de prison sur ce qu’on appelle une sortie sèche. Le problème de la liberté a toujours été un sujet qui m’interpellait et je me suis posé beaucoup de questions : Comment, tout-à-coup, se retrouve-t-on libre ? Comment le vit-on ? Comment recommencer une nouvelle vie ? Comment est-on perçu ?
J’ai beaucoup lu de reportages, d’interviewes, de témoignages et j’ai commencé à écrire. J’ai écrit l’histoire en deux mois et demi.
Et lorsqu’on a ton âge et que c’est ton premier film, difficile de trouver un producteur ?
C’est vrai que je ne connaissais personne dans ce milieu alors j’ai cherché des boîtes de production qui produisaient des films de ce genre, qui ressemblaient à mon histoire. J’ai eu la chance de tomber sur Stéphanie Drouet qui a tout de suite été intéressée et qui a eu envie de produire le film.
C’est alors posée la question des comédiens !
J’avais remarqué Noémie Merlant dans plusieurs films et j’ai aussitôt pensé à elle, sans trop espérer pouvoir l’intéresser. Nous nous sommes croisés, je lui ai fait passer le scénario et j’ai été très heureux et honoré qu’elle dise très vite oui.

E
F G

Et pour Guillaume Gouix ?
Il a à son actif quelque 35 films, des nominations aux César et il était mon Vincent idéal. J’imaginais difficilement quelqu’un d’autre mais là encore je n’espérais pas trop. Il se trouve qu’il y a eu des interférences entre Noémie, la production et lui et là encore, il a très vite accepté. Ca a été à la fois le hasard, la chance… et le bonheur !
En dehors du fait que le sujet est très fort, la lumière joue un rôle important dans ton film, elle lui donne une atmosphère très particulière.
Je voulais mettre le couple en valeur grâce à une belle lumière, je voulais qu’ils soient beaux, comme ils méritent de l’être et qu’ils représentent l’image de l’espoir. Car si le sujet est grave, dramatique, ce film parle aussi d’espoir. C’est ce que je voulais représenter.
Leur père a un rôle ambigu et est magistralement interprété par Jérôme Kircher.
Oui, on peut penser qu’il est inhumain face à son fils mais il est aussi un homme blessé qui souffre et trouve impardonnable ce qu’a fait son fils que, dans le fond, il aime toujours. Mais en même temps, il a honte de pouvoir aimer ce qu’il croit être un monstre. D’un autre côté, peut-être que son fils a besoin de cette situation pour réagir et se reconstruire.
Justement, malgré ce qu’il a fait, tu montres un garçon attachant.
Je voulais aussi montrer comment un homme, qui a été si longtemps prisonnier, peut arriver à reprendre sa vie en main, une place dans la vie réelle.
Très souvent, la plupart de ces hommes sont très seuls à leur sortie, tout le monde leur tourne le dos, même la famille, ils n’ont même pas un lieu où dormir. De plus, ils retrouvent une vie réelle qui a beaucoup changé, à laquelle il faut qu’ils s’adaptent pour retrouver un semblant de vie « normale », retrouver un travail, ce qui n’est pas toujours facile.

H I

Parle-moi du choix du titre.
Les drapeaux de papiers sont en fait des drapeaux de prière tibétains, qu’appréciait la mère. La mère, je ne voulais pas qu’on la voit puisqu’elle est morte mais qu’elle soit omniprésente. Ces drapeaux que Vincent a dans sa chambre la rappelle et lui rendent hommage. Elle est là et veille sur lui, sur Noémie aussi.
Est-ce qu’on sort indemne d’un tel tournage ?
(Il rit), Mais évidemment, on sort renforcé, grandi, heureux du travail accompli. Rassurez-vous, je ne suis pas détruit, bien au contraire, je suis plus vivant que jamais et prêt à tout pour aider ce film !
Sans compter que sa sortie a l’air de se passer très bien !
Oui, je termine une tournée où le film a été super bien accueilli, j’ai reçu deux prix du public aux festivals de la Roche-sur-Yon et d’Anger, le film est sorti en Espagne, il va sortir en Italie, au Canada et même aux Etats-Unis !
Ca va donc être encore plus facile pour la suite, car je suppose qu’il y a des projets ?
Oui, je viens de terminer le scénario du prochain film écrit avec Audrey Diwan, qui est écrivaine, éditrice, scénariste, journaliste et qui m’a proposé de travailler avec elle. Nous en sommes au casting mais je ne veux pas en dire plus. Et puis plein de gens commencent à s’intéresser à moi comme Arnaud Sélignac qui devrait produire ce nouveau film.
Il est déjà loin le minot de 12 ans qui réalisait des courts-métrages d’horreur !
(Il rit). Ado, nous sommes tous passés par les films d’horreur et c’est ce qui éduqué mon plaisir de cinéphile. Avec des copains on réalisait ce genre de films mais aussi des drames et même des films autour d’Harry Potter ! J’ai toujours aimé écrire des histoires.
Précisons que tu es né à Grasse.
Oui, je suis natif de Grasse, j’ai grandi à Peymeinade et aujourd’hui je vis à Paris car c’est là que je pratique mon métier. Je savais qu’on ne viendrait pas me chercher à Grasse, déjà qu’à Paris ça n’est pas facile ! Mais le film a été tourné chez moi ! « 

B

En plus d’un talent indéniable, Nathan est un fonceur, un garçon attachant qui n’a pas fini de nous surprendre !

Propos recueillis par Jacques Brachet