Six-Fours – Villa Nuraghes
Philippe CARRESE, invité de l’association « Lumières du Sud »

D

A Six-Fours, il y a des fanas de cinéma… Certains se sont regroupés autour de l’association « Lumières du Sud » et de sa présidente Mireille Vercelino, qui a le don de trouver des films remarquables, de petites pépites que l’on peut découvrir au Six N’étoiles, de proposer des débats et de faire venir des
personnalités diverses et variées et toujours passionnées de cinéma.
Cette semaine, à la Villa Nuraghes j’y retrouvais mon ami Philippe Carrese, auteur, romancier, réalisateur, rencontré en 2003 au festival de la Fiction TV qui était encore à St Tropez avant de s’installer à la Rochelle.
Il y présentait sa série « Malatarra » tournée en Provençal. Il fallait le faire et cela lui valut un prix ! Il récidiva avec « Liberata » tourné en langue corse. Sans parler de « Plus belle la vie » sur laquelle il travaille depuis des années.
Marseillais pur jus, né dans le quartier du Panier, sa famille fait cependant partie de ces exilés italiens venus nombreux s’installer dans le Midi, il y a plus d’un siècle. L’Italie et particulièrement Naples à laquelle il est toujours été attaché viscéralement.
D’où ce projet de tourner un film pour France 3 Méditerranée, intitulé « Marseille l’Italienne », qu’il est donc venu présenter aux adhérents de « Lumières du Sud ».

B

« C’est – me confie-t-il – un projet de documentaire que j’ai depuis longtemps dans ma tête. Après avoir tourné « Et toi tu es tatoué ? » sur l’univers du tatouages et un autre documentaire sur l’univers des courses hippiques, créé avec mon ami Régis Brun de Haracho Productions, je lui propose alors de retrouver ce qu’il reste de la culture italienne dans la culture marseillaise, un siècle après l’immigration. Je ne voulais surtout pas que ce soit un film nostalgique mais un constat joyeux, de ce que les Italiens ont apporté.
Proposé à France 3 qui nous a offert la post-production, il nous fallait trouver de l’argent que ni le CNC ni la région n’ont voulu nous donner. Nous étions donc sans un rond, hormis un petit caméscope qui a coûté 4000€ à Régis et avec lequel il m’a dit : « débrouille-toi » !
J’ai donc fait ma vie tout seul, je me suis organisé en allant voir des amis marseillais qui avaient, comme moi, des racines italiennes. Je voulais toucher aussi bien l’art, la musique, les traditions, la gastronomie et voir ce en quoi on retrouvait de l’Italien dans Marseille.
Ces amis sont Alain Otonello, curé de la Cathédrale de Marseille, l’écrivain Marcel Rufo, le directeur des Ballets de Marseille Emio Greco, le physicien Carlo Rovelli, le chanteur du groupe I Am, Akhenaton, qui se nomme en fait Philippe Fragione, Philippe Troïsi, magnifique musicien qui a entre autre créé le trio Appassionata et qui m’avait écrit la musique de « Malaterra », Maria-Antoniette Cappielo, oncologue à Paoli-Calmette et une certaine Pierrette Bosso, mère de Patrick que j’ai préféré à son fils avec qui j’ai déjà fait trois films. Un jour je l’ai appelée et je lui ai dit : « Tu me fais les boulettes et je te filme !
Ma famille y a aussi participé car mon grand père Scotto est venu travailler aux chantiers navals du Pharo. Je suis parent avec Serge Scotto, l’écrivain qui est dans le film et aussi avec Vincent Scotto, le compositeur « marseillais ». J’ai écrit une partie de la musique avec mon fils et j’y ai mis des apports de musique traditionnelle napolitaine.
Une fois terminé et monté, le film est passé sur France 3 Méditerranée, le 29 octobre à minuit !
Il faut savoir que si l’émigration italienne date de plus de cent ans, elle a continué à l’avènement de Berlusconi. Et là, on n’a pas vu arriver des paysans, des gens mourant de faim ou fuyant le fascisme mais toute une faune d’intellectuels qui ne supportaient pas cette nouvelle image de l’Italie. »

C

Ce documentaire de 52′ et fait de magnifiques images, malgré la technique réduite qu’avait à sa portée notre ami, nous montre bien, avec à la fois le sourire et l’émotion, que nombre d’Italiens ont fait leur place dans le Midi et entre autre à Marseille, que les langues se sont entremêlées, donnant des mots, des expressions dont on ne sait plus très bien s’ils viennent de l’Italien ou du Provençal… A y perdre son Latin !
On y apprend comment est née la pizza, que la mozzarelle, la vraie, on peut la trouver à Marseille car il y a des élevages de bufflonnes, que ces barquettes marseillaise ou ces pointus traditionnels viennent d’Italie… Bref, on apprend un tas de choses sur ces liens qui ont été tressés entre ces deux pays, entre autre que, pour s’intégrer vraiment dans cette ville qu’est Marseille, les premiers arrivés se sont interdit de parler italien mais seulement français. Ce n’est que la deuxième génération qui a voulu retrouver sa langue première, sans bien sûr renier le français.
Un très beau film qu’il faudrait montrer dans les écoles.

En dehors de cela, Philippe Carrese n’arrête pas de tracer son sillon, toujours sur la série phare « Plus belle la vie » où il est le réalisateur de référence et s’il n’en écrit pas les histoires, il travaille sur la fabrication, la technologie, les nouvelles méthodes de travail.
Il termine un triptyque documentaire. Trois volets de 52′ intitulés « Lieux de crimes » où il est allé rechercher les grandes affaires criminelles comme le Bar du Téléphone, l’affaire Dominici, le casse de Nice, la tuerie d’Auriol… Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? A suivre au mois de mai sur France 3.
Et puis, l’écriture est toujours là où là encore il nous offre la saga d’une famille « Regards croisés ». Trois tomes sont déjà sortis, allant de 1911 à 1945 : « Le virtuose obstiné », « Retour à San Castello », « La légende Belonore », parus aux éditions de l’Aube. Paraîtra bientôt « Tango à la Romaine »
Toujours l’Italie qui le poursuit et dont il avoue : « Ca fait partie de l’atmosphère qui me nourrit ».
Et comme le dit un de ses amis dans le film : « Un Marseillais est un Italien sous-titré ! »

Jacques Brachet