Un grand poète, Marcel Migozzi, vient de nous quitter à l’âge de 88 ans. Né à Toulon en 1936 dans une famille corse de 6 enfants, il effectua sa scolarité secondaire au collège Rouvière puis au lycée de garçons de Toulon où il obtint le baccalauréat. Il entra en 1954 en quatrième année d’École normale d’instituteurs à Draguignan (Var). Il se maria en août 1956 à Saint-Raphaël (Var) avec une institutrice, Renée Carle, l’amour de sa vie. Il effectua son service militaire de 1960 à 1962 dans la Marine nationale. On le retrouve avec son épouse, sur un poste double au Cannet des Maures (Var) en 1956 où il enseigna jusqu’en 1964, puis au CEG, futur CES du Luc où il termina sa carrière en 1996. Il fut un poète engagé, au sens sartrien du terme. Militant au SNI, puis au SNUIPP-FSU, tout en s’investissant dans plusieurs associations laïques. En 1962 il rejoint le Parti Communiste jusqu’en 1970. Il est élu au conseil municipal du Cannet des Maures, puis adjoint au Maire. Marcel Migozzi est le poète du quotidien, des choses de la vie, de l’amour, avec une simplicité qui donne une émouvante tension aux mots. Son écriture a la concision des haïku, des petites notes parfois, tellement chargées. Chaque mot compte. Le mot juste, pas un de trop. Dans leur simplicité les images ont une force qui touche en plein cœur. Avec aussi cette nostalgie légère, sans regrets, sans pathos. Ce qui n’exclut pas les émotions, les douleurs, mais toujours sans plaintes. Voici ce qu’il m’avait confié il y a quelques mois après la sortie de son recueil « Écaillures des jours » : Ce sont des notules prélevées dans la matière vivante de mes jours (sorte d’archéologie poétique). Elles ont pris la place de mes poèmes d’autrefois. Il faut dire que je n’écris presque plus, de peur de répéter sans cesse ce que j’ai (peut-être) déjà dit jadis. J’avance maintenant vers le bienheureux Silence…
« Le grand miroir, d’où venait-il / Redoublant les photos des morts » Il a publié environ 90 recueils de poèmes chez différents éditeurs, a participé à 18 livres d’artiste, quelques poèmes ont été traduits en plusieurs langues. Il est aussi l’auteur de poèmes pour enfants… Sans compter des entretiens, des lectures publiques, des anthologies et des ouvrages collectifs. Ses débuts de poète se concrétisèrent au sein des revues de poésie « La Cave » et « Chemin » de 65 à 68 avec Michel Flayeux, André Portal et Pierre Tilman; Action Poétique de 65 à 68 ; et Sud de 94 à 98. Il fit partie de l’aventure des éditions et librairie Telo Marius. Lauréat du prix Jean Malrieu en 1985, du prix Antonin Artaud en 1995, du prix Des Charmettes/Jean-Jacques Rousseau en 2007. Pour un denier adieu (extrait de « On aura vécu » – (Telo Martius éd) : « Ou alors écrire mais c’est pour qui. Tenir / Les mots à portée est-ce humain avec // Toutes ces petites croix à bruits sous quoi / Il n’y a rien à voir. Mais qui effraient jusqu’aux // Chairs. C’est mieux de se tenir serrés ensemble en / Silence jouir quand on peut en revenir // Vivants, la salive muette sur le sexe / De l’autre. Voilà. On aura vécu. C’est dit. » Nos condoléances à sa femme Renée, à ses fils, et à toute la famille.
Serge Baudot Une biographie complète, avec de nombreuses participations : Collection Traversée Marcel Migozzi – Association Alfredo Gangotena
Frédérick d’ONAGLIA : Les amants du mistral (Ed Presses de la Cité – 363 pages) Intrigues, secrets, coups de théâtre, mensonges, meurtres, chantage, passion… C’est Dallas en Provence ! Voilà que Frédérick d’Onaglia récidive avec cette saga sous le soleil de Fontvieille, dont il nous offre un nouveau volet avec « Les amants du mistral ». On y retrouve la redoutable marquise de Montauban, prête à toutes les violences, les compromis, les manigances pour garder son domaine viticole qu’elle dirige d’une main de fer. On y retrouve aussi la famille Bastide, menée par Claire, qui rivalise de coups foireux contre la marquise. Et voici que débarque la jeune Lou. Qui est-elle ? Que vient-elle faire dans cette galère ? Encore plus machiavélique que les autres, elle va tout bouleverser dans cette guerre des clans, digne des grands drames grecs. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises en découvrant d’autres secrets, d’autres machinations. Frédérick d’Onaglia sait nous tenir en haleine jusqu’à la fin du récit. Y aura-t-il une suite ? Nous l’espérons, tant au fil des années (Son premier tome « Le secret des cépages » date de 2005 !) il a su nous attacher à ses personnages, même s’ils sont cruels, amoraux, pervers, pour certains, mais tant leur histoire est passionnante. A quand la suite, Frédérick ? Salman RUSHDIE : Le couteau (Ed Gallimard -271 pages) traduit de l’anglais par Gérard Meudal Le couteau, un mot d’une violence extrême qui coupe le souffle et qui a failli tuer Salman Rushdie en 2022. Après la fatwa qui a condamné l’auteur à une vie cachée en Grande Bretagne pendant dix ans, suivi d’un nouveau départ aux Etats-Unis à New York avec un nouvel espoir de vie normale, Salman Rushdie était heureux sentimentalement et professionnellement, ses relations avec le milieu littéraire lui apportait de nombreuses satisfactions jusqu’à ce fatidique 12 août 2022 où un couteau a précisément détruit ce bel équilibre lors d’une conférence dans l’amphithéâtre de Chatauqua dans l’état de New York. Une agression qui aura duré vingt-huit trop longues secondes, et un couteau qui aura frappé mais n’aura pas réussi à tuer Salman Rushdie. Un miracle, même si l’auteur ne croit pas aux miracles et pourtant avec humour il reconnait le miracle de l’amour de sa femme Eliza une poétesse afro-américaine reconnue dans son domaine. Salman Rushdie a eu le courage et l’audace de décrire avec précision tous les détails de son agression, de la prise en charge en hélicoptère puis à l’hôpital, ses opérations et sa réparation lente et douloureuse. Rien ne sera épargné au lecteur, l’auteur se met à nu, se livre entièrement et sans pudeur. Puis l’intellectuel qu’est Salman Rushdie réagit car il lui faut bien comprendre et accepter ce que lui a fait subir A, jamais nommé autrement que par cette initiale. Et un long et passionnant dialogue intérieur nous est soumis, oui ou non voudra-t-il voir A, le questionner, le comprendre ? La grande intelligence de l’auteur lui fera prendre une direction très réfléchie, non, pas de vengeance, oui, un effacement total de ce A, reprendre au plus vite le cours de sa vie, auprès de sa femme, ses écritures, son roman à paraitre. Un livre merveilleux qui rappelle « Le lambeau » de Philippe Collin écrit après les attentats de Charlie Hebdo, un livre sur la vie et la force de la littérature.
Maud ANKAOUA : Kilomètre zéro (Ed Eyrolles – 352 pages) Ce livre est un peu la vie de l’auteur Maud Ankaoua. Tout comme Maëlle l’héroïne du roman, Maud Ankaoua a fait de brillantes études, dirigé une agence de publicité, créé une start up revendue à Dassault Systems, enfin tout semblait aller fort bien si ce n’est que l’overdose de travail arrive à faire oublier l’essentiel c’est-à-dire vivre. Ce sera le même profil de vie pour Maëlle que sa meilleure amie va envoyer chercher un remède miracle au Népal, une méthode qui lui permettra de guérir d’un cancer déjà bien avancé. Et la voilà partie avec une équipe de sherpas bien sympathiques et en effet dès le kilomètre zéro elle pratique grâce à Shanti une méthode psychologique et mentale pour se débarrasser de tous ses soucis et désormais n’envisager que le positif. Ce livre est en fait une méthode de travail sur soi agrémentée d’une petite histoire d’amour. Je demande à voir l’état réel des jambes de Maëlle non préparée à de telles distances dans des températures vraiment glaciales ! Reste une belle description du Népal, de sa population, de ses mœurs, du bouddhisme. Ce livre n’est qu’une méthode de réflexion sur nos modes de vie et de pensée, libre au lecteur d’y adhérer ou pas. David FOENKINOS : La vie heureuse (Ed. Gallimard – 204 pages) L’histoire est celle d’ Eric et Amélie, deux anciens camarades de lycée qui se retrouvent adultes pour travailler ensemble dans une affaire d’Export-Import. Eric c’est « MonsieurTout le monde » : un mariage raté, un fils qu’il voit peu, une mère qui le prend pour un petit garçon et qui se cantonne à la routine « métro-boulot-dodo ». Amélie c’est la super woman, carriériste, ambitieuse, qui fonce bille en tête. L’action ce seront des retrouvailles et un job en commun qui vont les amener en Corée du Sud pour une affaire qu’elle mène de main de maitre et qui va créer une situation explosive. En fait, alors qu’ils sont au cœur de l’entretien d’affaire, Eric va se trouver face à une prise de conscience étrange après avoir pris connaissance d’une pratique coréenne qui consiste à s’allonger dans un cercueil pendant quelques minutes afin de côtoyer sa propre mort. C’est le deal pour permettre de vivre une vie heureuse. Ce qu’il va faire . Sans en dire plus « Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une » Roman vivant, plein de situations enlevées où l’auteur maniant humour noir et situations ubuesques nous projette vers nos propres interrogations sur le sens de la vie et la recherche du bonheur.
Alexandre DUYCK : Avec toi je ne crains rien (Ed Actes sud -195 pages) L’histoire est inspirée d’un fait divers réel : la disparition d’un couple le 15 août 1942 dans les Alpes dont on retrouve les corps le 13 juillet 2017 sous l’effet du réchauffement climatique. Joseph et Louise habitent dans un village dans la vallée en Suisse. Lui est cordonnier et élève quelques bêtes ; elle est institutrice, originaire d’une autre vallée (mariage inhabituel à l’époque). C’est un couple qui baigne dans le bonheur avec leurs quatre enfants. Pour leurs treize ans de mariage, Louise ne veut rien d’autre qu’accompagner son mari en Alpages à 3000 m d’altitude. Joseph monte chaque année, toujours seul. Elle insiste, Joseph est réticent car l’expédition difficile comporte douze heures de marche et la traversée d’un glacier, or Louise est inexpérimentée. Il cède pourtant. Ce 15 août 1942 Louise ralentit la marche d’autant qu’un orage brutal et puissant, en ce mois d’été, rend le parcours plus hasardeux. Louise et Joseph ne rejoignent pas leur maison le lendemain comme prévu. Les quatre enfants âgés de 4 à 12 ans ne comprennent pas cette disparition car on ne retrouve pas le couple malgré les recherches. se remémore ses souvenirs auprès d’un journaliste français. Roman poignant qui dévoile bien l’atmosphère des vallées à l’époque, qui décrit avec pudeur, sensibilité et délicatesse les personnalités et particulièrement celle de joseph homme timide, solitaire, travailleur, « On ne dit pas je t’aime on le montre ». Elle, consciencieuse, favorisant le devenir de ses enfants et de ses élèves. Elle espère les avoir marqués à vie au fer rouge, signe de son désir de transmission. Nous percevons, dans ce livre bien écrit, la puissance de la montagne, l’importance de l’amour et de la famille. Julien SANDREL : Beaucoup d’amour et quelques cendres (Ed Calmann Lévy – 339 pages) Trois personnes et un couple qui n’ont aucun lien apparent ont reçu une lettre dans une enveloppe rouge provenant de l’office de tourisme de San Francisco. Il s’agit de participer à une course au trésor dite « A la recherche de l’aigle d’or » pour promouvoir de façon originale les destinations touristiques de cet état américain et ce tous frais payés. La lettre signée d’un dénommé Jim Smith indique que cela commence dans dix jours. Chacune de ces cinq personnes a une bonne raison d’accepter cette étonnante proposition. Lucia, étudiante espagnole, enceinte de quatre mois vient de se faire expulser de sa colocation. Hortense veut échapper à un maître chanteur. Max qui vient de perdre sa femme est dépressif et se serait suicidé si cette invitation ne lui avait pas donné une idée. Joséphine et Arsène aiment les voyages. Mais peu après avoir commencé leur périple en compagnie de Jim, ils commencent à douter de la vérité de cette proposition et l’expérience devient troublante. Le trésor recherché ne sera pas celui envisagé et il faudra assumer son passé et tomber les masques. L’auteur a l’art du suspense et du rebondissement. Il sait aussi mêler l’humour et l’émotion. Un livre original
Dans la famille Thibault, donnez-moi le père : Jean-Marc, magnifique comédien et véritable ami, amitié qui a duré jusqu’à sa disparition. Et puis il y a sa femme, Sophie Agacinski, qui fut une belle comédienne qui gagna ses galons de « vedette » avec la série « Seule à Paris » Et puis est arrivé Alexandre et si Jean-Marc a continué une belle carrière, Sophie, elle, a préféré s’occuper de son « petit » qui, devenu grand, a suivi le chemin de ses parents. Il démarre avec son père dans la série « Maguy » en 90, en 92 il entre dans « Une famille formidable », ce qui sera pour lui un grand tournant, et en 95, il retrouve son père pour la série « Terre indigo » auprès de Francis Huster, Christiana Réali, Xavier Deluc, Mireille Darc, Marie-José Nat entre autres. Et c’est à cette occasion que je fais connaissance avec « le petit »… Malgré notre différence d’âge, nous devenons amis et je le suivrai dans ses pérégrinations télévisées, de « Julie Lescauit à « Demain nous appartient » en passant par « Sous le soleil », « Les Cordier », « Une femme d’honneur », « Navarro », « Commissaire Moulin » et bien d’autres séries auxquelles il a participé.
Ces jours-ci il vient de tourner entre la Seyne et Sanary dans cette série varoise qu’est « Tom et Lola » après avoir fait une apparition dans « Meurtres sur la côt bleue » à Carry le Rouet, deux séries qu’on verra à la rentrée. Mais aujourd’hui, le voici toujours dans le Midi, entre Ramatuelle et Vaison-la-Romaine où il dirige deux festivals intitulés « Drôle d’été – Comedy Club » où il reçoit le nec plus ultra de l’humour. A Ramatuelle, cela se passe durant les deux mois d’été au VLL, centre Léo Lagrange avec une formule assez originale : A chaque spectacle, 50 à 60 invités profitent d’un buffet à 19h30 avant le spectacle. Le repas coûte 27 Euros et le spectacle est gratuit. Inutile de dire que les gens se précipitent pour découvrir les humoristes de demain et applaudir des pointures comme Gil Alma, Sandrine Alexi, Titoff…
Idem pour Vaison-la-Romaine, au Hameau des Oliviers et du coup notre Alex court d’un lieu à l’autre pour recevoir les artistes ! Quand je lui dis en riant qu’il va garder la ligne, lui qui va vers ses 60 ans, même s’il ne les fait pas, il me répond qu’il tourne en rond lorsqu’il ne tourne pas ou qu’il n’organise pas ses deux festivals. Il a repris ce festival à Ramatuelle cette année et il fallait le faire face au festival créé par Jean-Claude Brialy ! Les Gipsy Kings sont même venus à leurs débuts et ils y ont dormi. Ils essayaient alors de se faire connaître dans le golfe de Saint-Tropez… Et ça a marché ! « Le festival existe depuis pas mal de temps – me confie-t-il – et même Jean-Claude Brialy est venu y présenter son festival C’est vrai qu’il y a de la place pour tout le monde et que ce genre de festival est un tremplin pour les jeunes humoristes. Alors qu’il se destinait à la photographie, il n’a jamais regretté de devenir, comme son père un comédien émérite. La Famille Thibault, à l’instar de la famille Gélin, ou la famille Brasseur, deviendrait-elle héréditaire ? L’avenir nous le dira.
Nicolas Folmer est un musicien de jazz reconnu, trompettiste, pianiste et chanteur… entre autres et « La Vague classique » a eu l’excellente idée de l’inviter pour une soirée dans ce cadre superbe qu’est la Villa Simone. Concert intitulé « Michel Legrand Story », qui sera toute la soirée accompagné du chant des cigales ! Accompagné de trois pointures, Tony Sgro, basse, Luc Fenoli, Guitare, Jérôme Achet, batterie, il nous a offert un Michel Legrand revu et corrigé où l’on reconnait toujours la pâte du compositeur, même dans la voix de Nicolas, plus basse mais dont les intonations sont similaires. Des « Demoiselles de Rochefort » aux « Dons Juans » de Nougaro, en passant par des chansons moins connues comme « Les enfants qui pleurent » « How do you keep the music play », « Quand ça balance » ou « La belle au bois dormant » du même Nougaro, ou encore « Les moulins de mon cœur » joué en accéléré, ce ne sont que des envolée jazzy menées par quatre virtuoses, Nicolas, lui, passant du piano à la trompette, de la trompette à la voix lorsque ce n’est pas les trois à la fois ! Et comme bouquet final, « Un été 42 » joué en duo à la trompette avec Luc Fenoli… Un moment de grâce Du grand, du beau jazz, à la fois maîtrisé et d’une grande originalité. Quelle belle soirée ! Dans l’après-midi Nicolas Folmer m’accordait un moment d’entretien, moment magique avec un musicien hors pair à la carrière foisonnante.
« Nicolas, par quoi tout a commencé : musique ? Jazz ? J’ai débuté dans un grand orchestre de jazz… J’avais 11 ans ! Ça a été formateur car j’étais avec des gens qui étaient plus âgés que moi. Ça a aussi été une aventure humaine qui a révélé chez moi l’envie de connaître et aimer cette musique. Vous étiez une famille de musiciens ? Pas spécialement mais mes parents m’emmenaient aux concerts et je m’y suis intéressé. Quant à ce jazz band dans lequel j’ai commencé à jouer, il m’a ouvert les oreilles ! J’ai commencé à jouer avec des copains et tout est parti de là. Par la suite avez-vous fait des études musicales ? Oui, j’ai fait le Conservatoire de Paris où j’ai étudié la trompette et la composition où j’ai plus tard enseigné de 2013 à 2016. Sorti de là j’ai eu un prix de perfectionnement au conservatoire, classique et jazz et tout de suite après j’ai commencé à jouer. Du jazz seulement ? J’ai fait un peu de classique mais c’était surtout la musique de jazz et « ses cousines » comme la musique latine où j’ai beaucoup joué avec des musiciens latino-américains, ce qui a beaucoup complété la formation de jazz que je suivais. Vous avez travaillé avec beaucoup de grands musiciens comme Manu Katché, Herbie Hancock, Richard Galliano, André Ceccarelli… Michel Legrand, c’est arrivé comment ? Il m’a u jour appelé pour remplacer au pied levé un musicien de son orchestre. Il avait entendu parler de moi. La rencontre s’est très bien passée, on a eu un flash spontané. Dès le premier soir, on a eu du plaisir à jouer ensemble et on a eu l’idée de faire un disque. C’est ainsi qu’est né notre premier album ensemble. C’était en 2009. Après ça, il m’a invité à nouveau dans son orchestre. Il est décédé en 2020 et en 2022 j’ai fait un album-hommage un peu différent du premier puisqu’il n’était plus là, avec une relecture de ses musiques, différentes de ce qu’on avait fait ensemble.
Vous connaissiez bien sa musique ? Oui mais surtout ses musiques de films. Lorsqu’on a enregistré ensemble, je venais d’avoir les Victoires de la Musique et j’avais envie de faire un disque de standards mais pas de standards de Broadway car tout le monde le faisait et au moment où je commençais à réfléchir aux musiques que je voulais enregistrer, au moment où je me posais ces questions-là, Michel m’appelle et je me rends compte qu’il a fait de nombreux standards français. Lui était heureux que des musiciens plus jeunes reprennent ses musiques, avec tout le côté improvisations virtuoses qu’il y a dans le jazz. C’est comme ça que ça s’est fait. Et pour ce second album hommage, le choix des musiques c’est fait comment ? Dans ce disque, je chante aussi, ce que je ne faisais pas dans le premier opus et il y a à la fois le côté cinéma et chanson, et jazz bien sûr. Il y a un orchestre à cordes, un big band. Je venais de faire un hommage à Miles Davis et, sur le même principe, je croise son univers avec le mien, je ne rejoue pas sa musique texto mais je fais une relecture personnelle en mélangeant nos deux univers. Par contre, j’ai beaucoup tenu compte des beaux textes des chansons, en français, en anglais, notamment du couple Bergman avec qui il a beaucoup travaillé, des chansons de Nougaro dont les paroles sont magnifiques, ce qui rajoute une émotion.
Vous êtes trompettiste et pianiste, chanteur, compositeur, arrangeur, accompagnateur, chef d’orchestre … Que n’avez-vous pas fait ? (Il rit) Oh, j’ai fait beaucoup de choses, c’est vrai. J’ai aussi travaillé avec des chanteurs comme Diana Krall, Nana Mouskouri, Henri Salvador, Nathalie Cole, Dee Dee Bridgwater, Claude Nougaro, Charles Aznavour… J’ai tourné avec Dee Dee Bridgewater pendant trois ans dans le monde entier, avec André Ceccarelli d’ailleurs. Une magnifique expérience. J’ai fait un album avec Nana Mouskouri. Elle avait fait un album avec Quincy Jones dans les années 60 et elle a voulu refaire un album avec des musiciens de jazz dans le même esprit. Ces artistes, c’est vous qui allez les chercher ? Non, en général ce sont eux qui me choisissent et mon travail est divers, Avec Nana j’étais invité comme soliste, avec Aznavour, c’est Yvan Cassar qui avait fait appel à moi, J’ai retravaillé avec lui pour Nougaro. J’étais plus dans le jazz que dans la variété mais souvent les chanteurs aiment « s’encanailler » avec des musiciens de jazz ! J’ai aussi fait des séances pour Laszlo Schiffrin, Nathalie Cole. C’est vrai, je faisais le job mais ce n’est pas ce qui m’éclatait le plus. Qu’est-ce qui vous éclatait le plus ? Ce que je voulais, c’était affirmer une pâte sonore personnalisée. Ce qui m’intéresse, c’est de participer en un morceau en tant que soliste, d’emmener une improvisation qui va transcender ce morceau. C’est ce qui me plaît vraiment. Vous êtes également compositeur. Pour qui avez-vous écrit ? Pour moi d’abord ! J’ai sorti vingt albums personnels, mais j’ai fait pas mal de musiques pour l’image, des pubs, des séries pour Netflix, HPO. J’ai écrit des musiques pour des orchestres, notamment un big band que j’ai dirigé pendant treize ans avec un saxophoniste nommé Pierre Bertand avec qui on a fait dix albums. Le batteur était… André Ceccarelli. Vous faites donc une carrière internationale ! Oui, même si je me suis un peu calmé. Je vis à Toulon depuis sept ans, j’ai vécu à Paris vingt et quelques années. Et je ne regrette pas d’être venu ici ! »
Propos recueillis par Jacques Brachet Photos Alain Lafon & Kylian Markowiak
Deux femmes pour un homme : Delphine Quin, adjointe au Patrimoine et Linda Schell, adjointe aux festivités, qui recevaient, dans les jardins de la Maison du Patrimoine, face à la mer, au soleil… et au vent, l’un des plus beaux auteurs de notre région : René Frégni. Ami de longue date, il m’a déjà parlé de sa jeunesse chaotique entre la Corse et le continent. Et il m’avait déjà parlé de son dernier livre « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard) qu’il signait ce vendredi après une rencontre avec un public, certes peu nombreux mais passionné par son éloquence, son talent de conteur et sa volubilité. Car il est difficile de l’arrêter lorsqu’on démarre un entretien ! Mais c’est à chaque fois un plaisir renouvelé, plaisir égal à la lecture de ses livres. Ce soir-là, invité par le CLAB donc, il était le premier invité de la saison pour ces rencontres littéraires qui se poursuivront durant l’été et se cloront par Nicolas Sarkozi. L’animatrice en a profité pour lui souhaiter un bon anniversaire, qu’il a fêté voici quelques jours, le 8 juillet. René a démarré sa carrière d’auteur… à 40 ans avec « Les chemins noirs » qui a aussitôt obtenu un prix. La nuit, le noir… lui vont si bien !
« Je lis depuis toujours des romans noirs, des polars, je travaille depuis longtemps dans les prisons où je fus interné six mois pour désertion dans un fort militaire et c’est dans cette prison que j’ai découvert la littérature. J’avais 19 ans. J’ai toujours eu l’école en horreur car j’avais des lunettes, un léger strabisme et l’on s’est toujours moqué de moi. Du coup, je les ai jetées mais… Je n’y voyais plus ! On ne se moquait plus de moi mais on ne peut pas lire et écrire lorsqu’on y voit mal. J’ai ainsi raté toutes mes études, je n’allais plus à l’école à l’insu de ma mère. C’est ce qui a déterminé une enfance chaotique et j’ai ainsi appris à être un bon menteur. Et pour un écrivain, être un bon menteur est une qualité ! » Bien entendu, à ce moment-là, il était loin de penser qu’il deviendrait écrivain. Sans lunettes, il lisait mal, écrivait mal. Il fut un enfant turbulent, un peu menteur, un peu voleur, il traînait dans les rues. « C’est cet enfant qui m’a créé puis les milliers de livres que j’ai lu. Je n’ai jamais lâché la main de cet enfant, avec cette espèce d’esprit rebelle, de révolte que j’avais en moi. J’ai besoin de ça pour écrire, c’est ce qui fait le fond de ma personnalité. Je ressemblais d’ailleurs beaucoup à de petits marseillais, comme ceux avec qui j’ai fait les quatre cents coups à l’époque. Mais c’est dans l’enfance qu’on a les premières émotions de notre vie. C’est l’enfant qui construit l’homme que nous sommes. Ce qu’on a vécu. » Durant cette rencontre, il nous parle d’une chanteuse qui l’a beaucoup marqué durant son adolescence et dont la disparition l’a beaucoup marqué : Françoise Hardy. Mais pour une raison, disons… spécifique !
« Lorsqu’on était minot et qu’on commençait à aller dans les boîtes de nuit, l’on flirtait énormément, c’était notre passion. Durant les boums on écoutait les chanteurs de l’époque dont Françoise Hardy et je n’ai jamais été si souvent amoureux qu’en écoutant Françoise Hardy. Sur ses chansons, on invitait une fille et si elle acceptait, au bout de trois notes on était amoureux. Et je l’ai été souvent sur ses chansons. On sortait de ces boîtes de nuit ou de ses boums en feu et l’on allait dans les quartiers chauds de Marseille. On regardait ces femmes et un jour… Avec un copain on est monté… C’est grâce à Françoise Hardy et j’avoue que j’ai pleuré lorsque j’ai appris sa disparition ». Mais ce n’est pas ça qui lui a donné le goût de la lecture et plus tard de l’écriture : « Ma mère se rendant compte que je souffrais de mal voir, m’a un jour pris sur ses genoux et elle m’a lu une version raccourcie des « Misérables ». Puis « Le comte de Monte-Cristo » J’ai pleuré grâce aux yeux, à la voix de ma mère. Je ne savais pas que c’était ça, les livres, j’avais l’impression que ma mère me racontait une histoire vraie. Cette injustice de Monte-Cristo m’a rappelé des souvenirs de mon père mis en prison pour marché noir, ce qui était faux. Cette injustice a fait de moi un rebelle et ça m’a poursuivi toute ma vie ». Beaucoup d’anecdotes encore ont été évoquées par René, devant un public subjugué. Des anecdotes qui font l’histoire de sa vie, l’histoire de son livre autobiographique qu’il a dédicacé en continuant son bavardage car il est un conteur magnifique et à chaque fois il me fait penser à José Giovanni, que j’ai aussi connu, rebelle lui aussi, pour des raisons plus graves mais qui, comme lui s’en est sorti grâce à la lecture et à l’écriture. Un beau moment ensoleillé grâce à l’ami René Frégni.
Chaque fois que j’appelle ou rencontre mon amie Fabienne Thbeault, je lui pose l’éternelle question : Quand vas-tu nous offrir un nouveau disque ? Eh bien, voilà qui est fait… Il aura fallu attendre 20 ans, avec entretemps la publication de son livre « Mon Starmania » dont on a longuement parlé. Car, malgré une magnifique carrière, elle reste dans le cœur de milliers de fans, Marie-Jeanne, cette serveuse automate amoureuse en vain de Ziggy. Entre Québec et Paris, elle n’a cessé de chanter partout où on l’appelait et durant ces décennies, nous n’avons cessé de nous voir, nous croiser, nous rencontrer, de nous « phoninger » ! Lors de notre dernière conversation elle avait « oublié » de me dire qu’elle préparait un album en secret, qui sortira dans quelques semaines : « Autour de Fabienne » où elle a réuni pleins d’amis communs sur des chansons qu’elle a composées avec son complice Ciramarios, Fabien Tessier arrangeur du studio tourangeau « Tram 28 » et de Christian Montagnac, de la Compagnie Créole et néanmoins son mari. C’est un disque multicolore où se mêlent jeunes et moins jeunes amis, des gens venus de la région haute alpine, de Marseille, de Paris, de Montmartre, de l’Ardèche, de Tunisie, de Guadeloupe… Il n’en fallait pas plus pour qu’on se retrouve et qu’on en parle. On va donc disséquer ces 11 chansons dont le CD sortira dans quelques semaines :
Chanter… par-dessus tout Duo avec Stéphan Orcière qui, petit, a été baigné par la voix de Marie-Jeanne qu’écoutaient ses parents. Chanteur, danseur, il accompagne Fabienne dans cette profession de foi qui est la vie de tous les deux en chansons. Les fermes de France On sait l’amour que Fabienne porte à la vie rurale, qui lui a fait remporter le titre de commandeur du Mérite Agricole. A tel point que je l’avais invitée à « Stars en cuisine » à St Raphaël pour faire avec elle une recette de l’agneau de Sisteron qu’elle défendait. Elle beaucoup chanté, elle m’a abandonné à mon piano mais je ne lui en veux pas. Là mon compatriote ardéchois Ciramarios qui l’accopagne, sait de quoi… il chante ! Toi et moi Elle l’a écrit mais ne la chante pas. Elle l’offre à Mélissandre Azoulay qui fut sa « Princesse au pays des cinq rives » comédie musicale qu’elle a écrite, qui est accompagnée du Gadeloupéen Fédric Cortana. Ca respire de soleil et de sensualité ! Chanson pour Meryem C’est à la jeune chanteuse tunisienne Kiona, la voix d’une lauréate de « The Voice » que Fabienne a offert cette chanson émouvante sur l’histoire de cette gamine échappée du séisme marocain en 2023 Nos 2 M C’aurait pu être « Nos deux T » puisque Fabienne chante avec Alain Turban, ce montmartrois qui vit en partie en Ardèche et que je retrouve toujours avec plaisir. Mes 2 M sont Montmartre et Montréal, deux lieux très lointains l’un de l’autre mais que l’amitié des deux artistes réunit.
Les saltimbanques Ils sont trois : Ciramarios, Ahmed Mouici l’un des trois Pow Wow et surtout vedette des « 10 Commandements » et le troisième Larron est Pierre Billon, le fils de Patachou, qui a écrit tant de belles chansons, entre autres pour Johnny et Sardou. Et bien sûr, tous trois savent de quoi ils parlent ! Au temps où on avait 20 ans Et voilà notre amie Annie, plus connue sous le nom de Stone, avec qui, tous les trois en tournée, nous avons eu des parties de rire incroyables. Stone pour la créatrice du « Monde est stone », on ne pouvait pas rater ça et tant de souvenirs nous relient ! La petite fille au napalm Rien de plus émouvant et déchirant que cette photo d’une petite fille brûlée par le napalm qui court à perdre haleine. Fabienne en a fait une chanson qui nous arrache les larmes et qu’elle a offerte à Kiona et Jonatan Cerrada, issu de « Nouvelle star » et représentant de la France à l’Eurovision 2004. Méridionale Et voilà qu’arrive encore une (un ?) amie commune, Thierry Wilson alias Zize du Panier, cette Marseillaise aussi tonitruante sur scène, que discret dans la vie. Zize nous fait revivre les belles heures marseillaises de Fernandel, Alibert, Vincent Scotto. Du pur jus marseillais ! Fille des Antilles On reste au soleil, mais celui des Antilles, avec la belle voix de cette belle chanteuse qu’est Joanna Bringtown, digne fille de sa mère Clémence de la Compagnie Créole. Et avec Christian Montagnac de la même compagnie et époux de Fabienne, on reste dans la famille ! Dis-moi mam’zelle Pour clore dans le rire Fabienne propose à Sophie Darel un duo où de mêlent Dalida, Véronique Sanson et… Fabienne Thibeaut doublée. Encore de beaux souvenirs en commun avec les tournées Âge Tendre.
Voilà, vous savez tout de ce bel album aussi varié que possible, allant du Québec aux Antilles avec de belles mélodies qui voient le retour musical de ma belle amie. Autour de Fabienne… Que des amis !
Soleil de plomb en ce début de journée. Pendant que Jacques Bonaffé répète à l’ombre et dans le silence sur les hauteurs de Chateauvallon, une musique tonitruante nous arrive, venant de l’amphithéâtre où un certain François Morel répète avec son équipe et une chorale varoise ce qui deviendra, le soir tombé « Tous les marins sont des chanteurs », un spectacle signé de lui, de Gérard Mordillat et d’Antoine Salher. Evidemment, la chorale étant de la Seyne et Toulon, il ne s’agit pas de rigoler, la répet’ va bon train. D’où pas de rencontre avec l’ex Deschiens.
C’est devant un amphi presque plein malgré le match France-Espagne et dans une lumière bleutée et le cri des mouettes venues d’on ne sait où, que l’ami Morel nous propose un spectacle à la fois drôle et émouvant, plein de finesse et de tendresse, plein d’humour et de gags, sur une musique d’Antoine Sahler et une conférence qui se veut sérieuse de Romain Lemire. Mi comédie musicale mi opérette, François Morel à la voix qui porte, et ses complices, vont nous conter la vie d’Yves-Marie le Guilvinec, ce marin-poète breton qui a péri en mer en 1900 et à qui l’on doit ce grand moment de poésie qu’est : « Je n’irai pas à la morue sans avoir courtisé Lulu » ! Cela ne pouvait que plaire à un Deschiens qui a trouvé ces musiques et ces textes par hasard dans un vide grenier.
Il n’en fallait pas plus pour qu’avec son ami Gérard Mordillatne naisse un spectacle foldingue, iconoclaste, mêlant la rigolade, les moments de tendress, de musique et de poésie, avec, en point d’orgue deux chansons reprises par tous ces musiciens-comédien* et cette chorale aux accents peu bretons, mais fort réjouissantes…. Et avec le public. C’est une immense farce où se mêlent des rythmes bretons et des plus actuels, où se multiplient les gags et les images et où François Morel nous fait une démonstration de ce qu’est un comédien un chanteur, un clown avec lequel on retrouve les accents de ce qui a fait son succès : les Deschiens.
Un public hilare, conquis et qui, en fin de spectacle, a jeté les coussins rouges sur toute l’équipe en signe de plaisir… Tiens, tiens… Où avons-nous vu ça ? Je tiens à remercier toute l’équipe de Chateauvallon ainsi que Jonas Colin, l’attaché de presse, qui nous ont reçus comme des rois, avec une extrême gentillesse et attention de tous les instants. Si c’était pareil partout, ce serait la vie rêvée des journalistes !
Un homme sorti de n’importe où, surgissant du toit d’un bâtiment qui, tout en soliloquant, va errer dans les bois entre le public assis par terre et une voiture à moitié enterrée. Est-ce un clochard ? Un fou ? Un extra-terrestre ? Un naufragé ? En tout cas, un homme solitaire, qui erre depuis on ne sait combien de temps, qui, tout en déambulant, quelquefois dos au public, se parle à lui-même sur son rapport avec la nature, avec la solitude, de la peur, du bonheur. Ce seul en scène qui n’est pas des plus faciles, est signé Clémence Kazémi et Marco Giusti, mené par l’incroyable Jacques Bonnaffé, un comédien hors norme, tous trois nous ayant déjà donné « Léviathan » à Chateauvallon. Dans ce lieu perdu au-dessus de Chateauvallon où il faut grimper un chemin caillouteux, nous avons, avec le comédien, vécu un instant suspendu, même si, quelquefois, la voix du comédien se perdait dans la nature. Jacques Bonnaffé a toujours été un comédien singulier qui a travaillé au cinéma avec des réalisateurs comme Godard, Tachella, Doillon, Rivette, Cornaud… Au théâtre, il a joué Racine, Shakespeare, Gorky, Bourdet, Vinaver, Rimbaud… Il s’est toujours partagé entre cinéma, théâtre, poésie et télévision… On est surpris par sa carrière incroyablement fourmillante, abondante, débordante. Et l’on se retrouve devant un homme simple, humble, passionné et terriblement attachant.
« Jacques, parlez-nous de cette pièce quelque peu déroutante… C’est d’abord une pièce créée sur place et c’est ce qui fait la particularité de Chateauvallon : On peut choisir un lieu et fabriquer notre histoire à partir des données du lieu. Il y avait un prémices avec un extrait de roman de l’anglais James Graham Ballard. Une espèce de roman fantastique où un homme, sorti de l’autoroute, se retrouve dans une sorte d’îlot dont il ne peut plus sortir. C’est un homme piégé, pour qui, tout à coup, tout s’est arrêté, un peu comme Robinson Crusoé. C’est le schéma pour un court spectacle de 45 minutes, particulièrement adapté au lieu. Je pourrais me présenter en tant que comédien ou danseur dont les gestes se font en fonction des pérégrinations, des déplacements… J’espère que ça ne vous paraît pas trop glauque… (Rires) Particulier, disons. Et vous êtes seul dans ce décor naturel ! Je suis seul mais je ne me sens pas seul car il y a un travail de compositeur de sons très important. Aussi important que ce qui est raconté. Les gens suivent des yeux mon parcours et moi je suis un type perdu. C’est un spectacle, disons, panoramique où le public doit tourner la tête pour me suivre et passer dans un autre décor. Un peu comme « Les choses de la vie » ; C’est un homme commotionné qui va continuer sa vie sur place. J’ai glissé quelques textes de poètes qui me sont revenus, de courts poèmes médiévaux qui ont une portée symbolique qu’on appelle « les congés » des trouvères de la ville d’Arras, textes d’adieu pour les amis, exprimant leur départ, leur congé. C’est une espèce d’adieu au monde. Et puis il y a des textes plus humoristiques comme « La soupe aux poireaux » de Duras, des citations de Verlaine…
Dans tout ce que vous faites, il y a toujours de la poésie… Oui, c’est ma confrontation des auteurs avec leurs mots, pour s’interroger sur les langages qu’on utilise. On parle et on est parlé. Dans la poésie, j’adore qu’elle résonne de plusieurs sens, comme s’il y avait des tas de souvenirs dans les phrases. Le souvenir, c’est important dans la poésie. Je ne dis pas ça du tout par nostalgie, c’est plus le fait d’enrichir ce qu’on écoute en entendant derrière, d’autres choses. On sait la puissance de l’image et de la métaphore dans la poésie, il y a toujours un sens caché, il n’y a pas de message à proprement parler mais plusieurs polyphonies, plusieurs sens, plusieurs manières d’écouter Vous aviez d’ailleurs une émission de poésie sur France Culture ? Oui mais un jour ça s’est arrêté, pourtant c’était trois minutes et ça ne coûtait pas cher. Mais je rêve de la reprendre car cette émission me semblait indispensable. Ça manque de poésie en direct. Je fais aussi des lectures plusieurs fois par an. J’en prépare autour d’Ulysse avec le traducteur de « L’Odyssée », un long poème de 24 chants et de quelque 1250 vers… On l’a fait à Nice la veille du premier tour. On avait choisi cette date en fonction de l’ambiance joyeuse du moment !!! Bien sûr c’est le hasard. « L’Odyssée » se termine par : « Vous n’échapperez pas ce soir au massacre des prétendants »… On ne pouvait pas mieux être dans l’actualité. Ça serait bien que je revienne ici avec cette lecture. L’année dernière vous étiez sur tous les fronts : la télé avec « Adieu Vinyle », le théâtre avec « L’Odyssée », le cinéma avec « En fanfare ». Comme Berling ou Huster, vous n’arrêtez jamais ! Vous savez le temps est long, il y a pas mal de temps que je bourlingue, je n’ai plus tout à fait 27 ans… Il y a eu des moments où je n’étais pas mécontent de faire toutes ces choses différentes… J’arrivais alors à le faire, maintenant c’est un peu différent, parfois plus difficile. Par exemple, le cinéma, j’ai dû passer quelquefois à côté car il y avait la poésie qui me prenait du temps. Mais c’est vrai que je continue. Je viens de tourner un George Sand, une série pour la rentrée de janvier sur France 2.
Qu’est-ce qui fait courir Jacques Bonnaffé ? Demandez à Charles Berling, il vous répondra mieux que moi ! C’est vrai qu’aujourd’hui, et on le ressent plus que jamais, le plus important est d’avoir une vie normale malgré tout, plutôt que de vouloir éblouir avec ses faits de guerre. Vivre auprès des gens, ne pas vivre dans un milieu doré. Une partie de mon temps est constituée à moins m’éblouir, partager des moments avec des gens divers, pour ne pas dire des gens réels Mais c’est une vie de passion quand même ? Passion… Ça commence comme patachon ! C’est une peur de manquer ? Oui… Je suis allé voir un docteur ! Je voulais savoir de quoi je voulais me protéger… Je suis en état de fuite quelquefois. Donc tout s’explique. C’est pour ça que je vous parle de la vie réelle. J’ai perdu des amis, j’étais alors un peu hors d’état, pas tant la tristesse qu’un truc qui déconne, le non-dit, l’oubli, le trou noir. J’avais besoin de parler avec ces disparus, du temps que j’avais oublié de passer avec eux. Quelquefois, on a peur que tous ces événements nous empêchent de vivre ce qu’on devrait vivre. Alors on en fait deux fois plus pour échapper aux tracas quotidiens. Je fais partie de ceux qui ont la bougeotte… « Je suis le vagabond, le marchant de bonheur … » Vous vous souvenez de cette chanson ? Est-ce qu’il vous arrive de vous retourner sur cette carrière incroyable que vous avez ? (Rires) Est-ce que j’ai des douleurs lombaires ! Oui, je suis heureux de tout ce que j’ai fait bien sûr. C’est un étrange sentiment… Il y a des comédiens qui gardent toutes leurs images, leurs affiches… J’en ai très peu chez moi, je n’ai pas de boîtes de photos, ni affichées aux murs, je me ballade avec de très bons souvenirs, j’aime bien gratter des carnets pour évoquer des histoires pour ajuster une certaine transmission, les différentes époques traversées, les gens qu’on a connus, des grands auteurs, des grands metteurs en scène que les jeunes générations ont tendance à oublier et on est là pour le leur rappeler, leur rappeler qu’ils ont fait avancer ces métiers. Mais il n’y a aucune nostalgie car j’ai constamment rencontré des gens en devenir, regardé ce qui se prépare et me donner envie de vivre demain. C’est beau la nostalgie, quand ce n’est passéiste, pas teinté de regrets, de demi-plaintes. Il faudrait idéalement s’en passer… Et ne pas s’en passer ! Et on y arrive ! Et le voyage recommence !
Propos recueillis par Jacques Brachet Photos Alain Lafon
Comme chaque année le magnifique jardin de la Villa Simone voit fleurir une exposition. Cette année encore, Jacqueline Franjou, présidente du Festival de Ramatuelle et Cyril Bruneau, photographe et commissaire de l’exposition nous offrent une exposition somptueuse : Des portraits de stars issues des fameux studios Harcourt, chez lesquels toutes les personnalités, depuis 1934, et ce, jusqu’à 1989 sont passées pour se faire « tirer le portrait » car chacune avait l’envie et le besoin de faire partie du nec plus ultra des studios, ces photos illustrant leurs programmes et leurs cartes postales. C’est ainsi que Cyril Bruneau, photographe émérite, a dû choisir parmi des milliers de photos de ces artistes aussi prestigieux que ce studio, de Brigitte Bardot à Gérard Philipe, en passant par Romy Schneider, Jean Marais, Louis Jouvet, Michel Galabru, Joséphine Baker, Edith Piaf, Dalida, Michel Serrault, et j’en passe car les nommer toutes prendrait beaucoup de place. Ces artistes ont donc pris place dans cette nature magnifique que nous offre la Villa Simone, dont on doit la rénovation à Jean-Sébastien Vialatte qui a fait de ce lieu un espace aujourd’hui incontournable de la culture à Six-Fours. Cette exposition, dont le vernissage a eu lieu ce 5 juillet, et que vous pourrez admirer jusqu’au 15 septembre.
Cyril Bruneau est aujourd’hui le photographe officiel du festival de Ramatuelle, il expose un peu partout et en ce moment, pour fêter le quarantième anniversaire du festival, il a essaimé des photos de divers photographes dans le village de Gérard Philipe et aussi de Jean-Claude Brialy, créateur du festival. Mais c’est à Six-Fours qu’il nous offre l’exclusivité de cette exposition. « Cyril, pourquoi et comment Harcourt ? On voulait faire dans ce lieu une exposition assez populaire, universelle pour tout le monde et lorsque j’ai vu le fonds des studios Harcourt, ça m’a semblé une bonne idée et tout à fait ce qu’on voulait offrir, c’est à dire une promenade où les gens vont de portrait en portrait, prennent le temps de les admirer et de les reconnaître car certains sont très jeunes, certains vont rappeler des souvenirs aux plus anciens. Comment as-tu travaillé ? On a travaillé avec la Maison du Patrimoine de la Photographie qui conserve les photographies historiques, comme les œuvres de Nadar, Lartigue… Ils ont beaucoup de grands photographes qu’ils conservent car c’est le patrimoine français. Ils ont donc entre autres les studios Harcourt qui est déjà une décision de Jack Lang lorsqu’il avait vu que le studio était en faillite. Ils ont tous les négatifs, des centaines de milliers de tous les gens connus qui venaient s’y faire photographier. Les studios Harcourt étaient le passage obligé de l’époque et ils avaient les maquilleurs, les retoucheurs, les photographes, les électriciens, les éclairagistes, les décorateurs… Ce studio a très bien fonctionné durant de nombreuses années, jusqu’en 1989.
C’étaient des photos et des pellicules ? Effectivement, et on a dû re-scanner les négatifs mais nombre de négatifs étaient déjà retouchés, on y voyait les traces de pinceau car déjà, à l’époque, ils repeignaient la peau pour la relisser. Mais beaucoup avaient besoin d’être restaurés car ils étaient abîmés, rayés, certains avaient mal vieilli. Nous avons donc fait faire ce travail à une des meilleures retoucheuses de Paris, Anne Morin. C’est ainsi que c’est fait le processus de fabrication. Parmi ces milliers de photos, il n’a pas dû être facile de faire un choix ! C’est vrai qu’il y a énormément de gens connus et déjà je voulais que le public puisse les reconnaître mais ce que j’ai privilégié, c’est mon regard de photographe. Mis à part les portraits, quelles étaient les meilleures photos ? Je ne voulais que ce soient seulement des gens qui étaient connus mais surtout que la photo soit bonne car elles n’étaient pas toutes forcément les meilleures. Le choix de l’angle, l’attitude… Quelquefois il ne se passe pas grand-chose. J’ai cherché un parti-pris, un regard, je ne voulais pas tout le temps la même lumière… Lorsqu’on pale de Harcourt, c’étaient combien de photographes ? Je ne saurais te le dire. En tout cas, celle qui gérait était Cosette Harcourt, c’était une allemande mais je suppose qu’elle avait des opérateurs et certainement plusieurs photographes car il y a des attitudes un peu différentes, une manière de photographier différente, mais ce qui est intéressant c’est aussi l’attitude de la personne. Par exemple, il y a un portrait de Buster Keaton qui est censé être un comique, pourtant on a l’expression que la tristesse l’envahit de tout son corps. Le portrait est fort, puissant. Il y a des portraits de Cocteau, Guitry, Sapritch, Paul Eluard incroyable. Ce qui est étonnant ce qu’on voit des modes. On peut voir entre autre qu’il y a portrait dix qui doit regarder l’objectif. C’était, je pense, un phénomène de mode. Et il y a aussi beaucoup de gens qui posent avec des cigarettes, ce qui ne peut plus se faire aujourd’hui !
Harcourt continue aujourd’hui ? Après la liquidation des studios, ça a été repris par plusieurs personnes qui ont gardé la marque et qui continuent à faire des photos à la manière de… en numérique évidemment. On est passé à une autre ère. Et toi alors, expo ? Pas expo ? Tu sais qu’on est en train de fêter les 40 ans de Ramatuelle et nous avons organisé des expositions dans tout le village, le théâtre, il y a à peu près deux cents photographies exposées de 40 ans du festival. Sur les 40 ans, j’en ai fait 15 et il y a pas mal de photos de moi ! Donc, on te retrouve à Ramatuelle ! Propos recueillis par Jacques Brachet Photos Alain Lafon
En ce premier juillet, voici qu’est revenu ce petit train qui fait la joie des hyérois, des riverains, des touristes petits et grands. Deux petits trains qui, jusqu’au 31 août, vont desservir, sept jours sur sept, de 9h30 à12h et de 14h30 à 18h, à partir du parking de l’Almanarre et toutes les demi-heures, toute la route du sel et ses belles plages de sable jusqu’au village de Giens où vous pouvez, tous les mardis, visiter un très joli petit marché provençal. En ce jour inaugural, le maire en personne, Jean-Claude Giran est venu saluer le départ de l’été qui voit arriver le public en masse.
« Cette mise en œuvre du petit train gratuit – nous dit-il – est un succès total. L’an dernier, plus de 35.000 personnes ont été transportées, ces personnes laissant leurs voitures dans les parkings que nous avons installé, et ayant la possibilité d’aller nager, faire du sport, aller boire un coup et faire leur marché à Giens. On ne peut que se réjouir de ce succès. Cette année encore nous espérons que les gens profitent de cette de cette dimension ludique, de ce transport original. Partant du parking Biancotto qui contient 8.000 places jusqu’à la place du Belvédère, le centre de Giens, avec plusieurs arrêts pour laisser les gens sur la plage pour se baigner et faire du kitesurf et prendre ceux qui veulent aller à Giens, pour découvrir le village et le marché avec retour toutes les demi-heures, c’est une jolie ballade qui nous est proposée.
Le succès a été rapide ? Oui et c’est un plaisir, lorsque vous voyez, en plein été, n’importe quel jour, qu’il y a plein de gens qui attendent, qu’ils soient d’ici ou d’ailleurs, ça met de la joie, de l’animation, c’est un beau point de rencontre et c’est un vrai bonheur. Ça n’est pas un gros investissement et c’est un petit moment de gaieté. On voit des gens joyeux, heureux, on retrouve un peu une âme d’enfant car c’est ludique et c’est plus agréable que de faire cinq kilomètres à pied ! Vous espérez beaucoup de cette saison ? Bien sûr, même si elle démarre lentement. Nous avons eu le mois de juin le plus pourri de notre histoire, la pluie, le vent. Ce début de saison a été extrêmement difficile pour les plagistes. Mais j’espère que le temps va se fixer et que la cloche du train va être le point de départ d’une belle saison. Nous avons, grâce aux parkings, et à ce petit train, décidé de diminuer les pollutions automobiles, nous avons aussi décidé, sur plusieurs centaines de mètres, de supprimer le stationnement sur la presqu’île de Giens et ce train contribue aux déplacements ».
La cloche nous annonçant le départ du train, nous nous y sommes installés, sous un soleil superbe, accompagnés par la stridulation des cigales et nous voilà partis pour ce mini-voyage entre mer et marais salants, cahotant, comme les diligences d’antan, sur une route qui nous fait découvrir de beaux paysages. Monsieur le maire nous avait promis les flamants roses… Hélas ils doivent avoir du retard. Mais la promenade est belle et tout le long, les gens nous font de petits signes de la main. Bref, ce fut un enchantement, menés par un conducteur fort sympathique qui nous dit s’appeler Parfait ! Vrai ou pas, il nous a conduits avec un mode de transport original, à une vitesse dont on n’a plus l’habitude, le temps étant suspendu, nous laissant découvrir une magnifique végétation et des paysages que seule la Provence peut nous offrir. Merci à la ville d’Hyères et la Métropole TPM qui ont créé cette opération grand site et qui nous fait voir la région autrement.