Archives mensuelles : mai 2024

Charles AZNAVOUR aurait eu 100 ans


Nous sommes en 88/89.
Il y a déjà quelques décennies que je suis journaliste et si j’ai fait quelques papiers sur des spectacles de Charles Aznanour, je n’ai jamais pu le rencontrer pour une interview. Difficile à approcher,  mes seules rencontrs se font grâce à Eddie Barclay dont je fais souvent parie de l’équipe et que je croise au Midem à Cannes où à la Rose d’Or d’Antibes, où encore chez lui à Ramatuelle à la villa de Bonne Terrasse lors de ses fameuses soirées blanches. Mais ce sont toujours de brèves rencontres. Je me souviens, lors de la sortie de sa première bio, qu’il m’avait dit : « C’est marrant, je n’ai écrit qu’un livre mais je le collectionne… dans toutes les langues ! »
Mais c’était toujours entre quelques « fonds de champagne » comme Barclay aimait à le dire, que nous buvions avec entre autres, des invités comme Patricia Carli et son mari Léo Missir qui faisaient partie de mes amis.
Voici donc qu’il est programmé au Zénith de Toulon et je décide de tenter ma chance auprès de son producteur Lévon Sayan. Je téléphone à son bureau et je me présente à une femme qui répond au téléphone.
Qu’elle n’est pas ma surprise d’entendre une voix que je crois reconnaître avec un accent italien qui me rappelle quelqu’un :
« Jacques Brrrrachet de Toulon ? Mais c’est Rrrrosy ! »
Rosy étant la cousine de Dalida, devenue pendant des années sa secrétaire particulière, j’ai travaillé avec elle jusqu’à la disparition de mon amie qui était aussi mon idole. Après le décès de celle-ci, Rosy travaillai donc pour Charles Aznavour.

Heureux et émus de nous retrouver, il lui fut facile de m’organiser une entrevue avec Charles.
C’est ainsi que nous nous rencontrions au Zénith où nous restâmes quelque deux heures à parler de lui et… de Dalida qui avait aussi été son amie.
L’entretien fut on ne peut plus cordial, nous le terminâmes avec une bouteille de vin qui, c’était une tradition qu’à chaque concert où il passait, on lui offrait.
Il me demanda de lui envoyer mon papier et de ce jour, à chacun de ses passages dans le Midi, nous nous retrouvions.
A cette époque, je fréquentais Paulette Raimu, fille du grand comédien, qui avait installé son musée à Cogolin, et l’on avait projeté de créer, à l’instar des César, les Raimu d’honneur. Hélas elle disparut mais nous le montâmes avec Isabelle, sa fille Je me chargeais des invitations.
M’ayant donné son portable, j’osais appeler Charles pour lui proposer de lui remettre ce Raimu. Chose qu’il accepta tout de suite tant il était admirateur de de l’illustre toulonnais. Evidemment, devant alors venir de Suisse, je lui dit que  nous prenions tous ses frais en charge. Ce à quoi il me répondit :
« Il n’en est pas question, je suis trop honoré, sans compter que j’ai une maison dans le coin ».
Il me proposa même de venir présenter son dernier film « Pondichery, dernier comptoir des Indes » et me demanda s’il pouvait inviter le jeune acteur qui jouait avec lui, Frédéric Gorny. On ne pouvait pas le lui refuser !
Il arriva donc à Cogolin, accompagné par son ami Jo de Salernes, présenta le film, alla faire un tour au Musée puis dans Cogolin où, les gens le connaissant, il fut d’une patience et d’une grande gentillesse.
Le soir, avec les autres lauréats que j’avais invité : Laurent Malet, Isabelle Carré, Hélène Vincent, Isabelle Renaud, Philippe Caubère, Alexandre Thibault, Catherine Rouvel, ce n’est pas moi qui lui remis le trophée mais… ses amis Maritie et Gilbert Carpentier, en vacances chez eux à la Londe, à qui je remis aussi un Raimu d’honneur.
Ce fut une belle fête.

Plus tard nous devions nous retrouver au festival de Ramatuelle, avec les Carpentier, notre amieAnnie Cordy et bien sûr Jean-Claude Brialy, puis au festival de Cannes où il m’invita pour découvrir le film d’Atom Egoyan « Ararat » ou encore à la fête du livre de Toulon où il ne vint que quelques heures mais où il m’accorda une interview.
De ce jour de son passage au Zénith, nos rencontres furent aussi nombreuses que toujours amicales.
Ca méritait bien que je prenne la plume pour lui rendre hommage, lui qui aurait eu cent  ans ce 22 mai 2024.
Lors de notre dernière rencontre il me disait :
« Je suis aujourd’hui satisfait de ma vie. Les seuls regrets que j’ai, ce sont les gens que j’aime et qui ont disparu : mes parents, mes amis. J’en ai encore beaucoup, heureusement. Quant à vieillir, il n’en est pas question. Je conçois de prendre de l’âge, comme un bon vieux Bordeaux qui se bonifie, devient léger, aérien…
Vieillir ? Connais pas. En fait, je suis un joyeux primaire ! »

Jacques Brachet

Notes de lecture

David Lelait-Helo, Line Renaud, Dominique Besnehard, Michèle Torr

Line RENAUD : Merci la vie (Ed Robert Laffont) – Avec l’aide David Lelait-Helo.
Elle approche des cent ans, quatre-vingts ans de carrière et si aujourd’hui je ne peux plus dire « Bon pied, bon œil » comme je le lui disais il y a encore à peine 10 ans, (Entretemps elle a eu un AVC) mon amie Line a toujours une énergie, une pêche, un optimisme incroyables.
Mais bon, l’âge est là, elle le sait, elle sait aussi qu’elle n’est pas éternelle, même si elle le reste et restera dans nos cœurs.
Nous nous connaissons depuis des décennies comme avec David Lelait-Helo qui est un ami commun et qui l’a aidée à écrire ce livre.
Une bio ? Que non pas mais une lettre, une très longue lettre à tous ses fans qui, dit-elle, sera la dernière. Et elle l’écrit sans nostalgie, sans regrets, sa vie a été belle et chaque jour pour elle est un nouveau jour.
« Chaque anniversaire – écrit-elle – n’est pas du temps en moins mais du bonheur en plus ».
Line est une femme pleine d’amour, de tendresse, de fidélité. Chaque début d’année je reçois ses vœux, écrits de sa main,  accompagnée souvent de la photo d’un de ses chiens. Pas de mail mais un mot et ça c’est tout Line.
Bien entendu, dans ce livre, elle évoque des souvenirs, comme dirait Aznavour « Mes amis, mes amours, mes emmerdes » car, comme tout le monde, elle en a eu. Mais elle nous parle aussi du sida dont elle est une militante acharnée, de cette fondation Line Renaud, de cet institut pour la recherche dédiée à la science qui, à sa disparition, disposera de sa maison. Elle nous parle de ses deux filles de cœur, Claude Chirac et Muriel Robin. Elle nous offre une lettre à Barbara, avec qui elle a combattu e sida, lettre bouleversante qu’elle n’a pas eu le temps de lui envoyer car elle a disparu avant que cette lettre ne parte.
La grosse tête ? Elle ne sait pas ce que c’est et si sa carrière est ce qu’elle est, c’est, dit-elle encore grâce au talent mais aussi à la chance, la capacité, la santé, le doute aussi.
Elle a toujours été une femme libre, celle de toutes les libertés et cette lettre est un livre plein d’optimisme cat aujourd’hui, elle se lève tous les matins avec un projet dans la tête, quelque chose qu’elle envie de faire avant de partir.
Elle parle aussi du droit de mourir dans la dignité qu’elle défend de toutes ses forces.
Ce livre est un hymne à la vie, qu’on lui souhaite encore belle et longue.
Jacques Brachet

Nicolas MATHIEU : Le ciel ouvert (Ed Actes Sud – 123 pages)
Après le succès bien mérité de « Leurs enfants après eux »  couronné par le prix Goncourt 2021, et « Connemara », Nicolas  Mathieu offre au lecteur un livre très intime ponctué par les peintures  tellement joyeuses et colorées d’Aline Zolco. Un livre sur l’amour, l’amour intense, celui qui dure, celui qui laisse de profondes traces derrière lui, celui qui a été plein d’heureuses surprises et de douceur.
Mais c’est aussi l’amour des parents, des hommes et des femmes qui ont fortement imprimé la vie et l’esprit de leurs enfants. L’amour  s’exprime si différemment selon les êtres, il lui faut parfois toute une vie pour se déclarer, alors « vivons doucement en attendant le prochain anniversaire ».
Et l’amour, c’est aussi les enfants « Le trot d’un enfant à quatre pattes qui se préparent à vivre quand nous ne serons plus là »
Oui, ce livre rayonne du bonheur de vivre, la vie est un cadeau immense, ne nous précipitons pas, goûtons la, profitons de l’instant, des murmures, de la beauté du ciel qui s’il s’assombrit ne pourra que retrouver sa pureté.
Peter SWANSON : Neuf vies (Ed Gallmeister – 400 pages) Traduit de l’américain par Christophe Cuq
Avis aux amateurs des romans d’Agatha Christie, ce livre est pour vous. Sans copier l’ouvrage de la célèbre romancière « Dix petits nègres » devenu « Ils étaient dix », l’auteur utilise le même type de suspense. Neuf personnes habitant dans divers états de Etats-Unis reçoivent dans une enveloppe anonyme une liste imprimée de neuf noms dans laquelle figure le leur.
Que veut bien dire un tel envoi à des personnes d’âge et de résidence différents et sans lien apparent ? Erreur, hasard, blague ? Certainement pas puisque ces personnes vont être tuées les unes après les autres. Par une progression originale, dans un style agréable, l’auteur nous amène à l’explication que l’on peut subodorer dans les derniers chapitres mais avec un dénouement inattendu en fin de livre.
Un bon roman policier classique qui se lit d’une traite.

Russel BANKS : Le royaume enchanté (Ed Actes Sud – 589 pages)
,L’auteur qui dans ses livres, a si souvent adapté le point de vue des « laissés-pour-compte » en Amérique, s’attaque cette fois au mythe du self-made-man au travers du récit nostalgique de confessions enregistrées sous forme de bandes magnétiques qu’il reçoit par hasard.
Cet homme c’est Harley Mann. Il a connu la misère avant de faire fortune dans la spéculation immobilière. Ce n’est ni plus ni moins que le fondateur du site d’Orlando, l’actuel « Disneyland ». Il va nous faire  entendre la confession de ce personnage évoquant son parcours au début du XXème siècle.
Son parcours c’est celui d’une famille dont le père vient de mourir, qui rejoint une secte religieuse, les Quakers, puritains, chastes, travailleurs acharnés,  vivant  de façon très frustre. Au crépuscule de sa vie où il connaitra les pires situations, il nous fera vibrer au travers de ses errances et des grands drames qu’il a traversés, en devenant un personnage extraordinaire.
Ce Roman touffu, plein d’Histoire, de grandes histoires réalistes et de sentiments est une belle fin pour ce conteur prolixe.
Michael COHEN : Attraction du désordre (Ed Anne Carrière – 154 pages)
Tout va très vite dans ce roman de Michael Cohen, surtout les séparations !
Un roman qui pourrait être le scenario d’un film : trois personnages, Clara, Simon et Paul. Tous les trois se seront aimés passionnément et quittés brutalement, une porte qui se ferme mais très vite une autre s’ouvrira. C’est le monde d’aujourd’hui, surtout celui de la nuit dans les boîtes où l’alcool accompagne celui qui vient d’être quitté et cherche son rival.
Clara a été abandonnée par Simon, elle refait sa vie avec Paul qui veut savoir pourquoi Clara a quitté Simon, chassé-croisé entre ces trois personnages, des êtres qui se rencontrent mais ne s’expliquent jamais.
Le silence, l’absence d’explication, sont la cause de malentendus qui entraînent les séparations. Quel dommage ! 
L’auteur qui est également acteur et réalisateur n’a plus qu’à trouver les acteurs et son film est déjà sur les écrans. Souhaitons-lui bonne chance !

Michel BUSSI : Mon cœur a déménagé (Ed Presses de la Cité 416 pages)
Ophélie, fillette de sept ans, Folette, a assisté au meurtre de sa mère poursuivie par son père alcoolique et drogué et qui a chu du haut de la passerelle alors qu’elle s’enfuyait du domicile familial.
Drame de la misère et de l’addiction dans une famille suivie par un assistant social qui n’a pas su entourer les protagonistes… Le père est en prison, Folette est placée en foyer mais, refuse de voir son père et va s’acharner à faire surgir la vérité. Sa vérité.
Collégienne rebelle, adulte à la double personnalité, elle mènera enquête sur enquête afin de trouver le vrai coupable et assouvir sa vengeance. Car c’est l’obsession de la vengeance qui animera le cœur de la jeune femme qui va rebondir de fausses pistes en fausses pistes, qui tiendront lecteur en haleine grâce au suspense effarant mais crédible créé par le talent de l’auteur.
Toujours accessible, surprenant, clair dans ses propos, écrit en chapitres courts et enlevés le lecteur est tenu sous le charme et la surprise du  dénouement.
Hemley BOUM : Le rêve du pêcheur (Ed Gallimard – 349 pages )
Le nouveau livre de cette romancière camerounaise vivant à Paris, mène en parallèle la vie d’un pécheur et celle de son petit-fils. Le pécheur c’est Zacharias qui, tous les jours, part sur sa pirogue pécher dans les eaux du golfe de Guinée au Cameroun, les poissons qui nourriront sa femme et ses deux filles et qui assureront leur bien-être.
Mais l’arrivée d’une société forestière et l’industrialisation de la pêche avec les chalutiers vont bouleverser l’équilibre de cet homme simple. Le petit fils, c’est Zach qu,i à 18 ans, décide de quitter Douala où il vit avec sa mère, prostituée et alcoolique, pour vivre à Paris en coupant les ponts avec son pays d’origine. Mais un jour, alors qu’il est devenu psychologue, qu’il est marié et père de deux filles, il aura le besoin impérieux de revenir et de se confronter au passé et à ceux qu’il a laissés.
On est touché par cette saga familiale présentée dans un récit qui décrit en miroir la vie de ces deux personnages, relatée dans une belle écriture.
On s’interroge sur l’exil et sur le besoin vital de racines.

Loretta DENARO-DOMINICI : Sans lui (Ed Michel Lafon – 202 pages)
Loretta, née en 1979, était la compagne de l’ancien rugbyman Christophe Dominici.
Ce livre est un témoignage : « En écrivant ces lignes, j’ai voulu raconter notre amour et rendre son honneur à l’homme droi,t dont l’honnêteté et la bienveillance ont été bafouées ».
Loretta raconte sa rencontre en 2007 et sa vie de famille auprès de Christophe Dominici, homme au tempérament blagueur, spontané, amoureux, fidèle en amitié mais à l’affut de faire du business après sa grande victoire de rugby qui lui a valu une notoriété sans égale.
Elle décrit l’emprise du couple qui a abusé de son mari lors de son projet de racheter le club de rugby de Béziers. Désenchantement, mal-être, voire dépression s’en suivent pour Dominici puis son décès brutal et incompris le 24 novembre 2020 (suicide ou accident ?).
Son épouse s’exprime aussi sur les conséquences de ce départ prématuré et inexpliqué, sur leurs filles Mya et Kiara et sur sa propre difficulté à faire son deuil : « J’attends, brisée, le moment où je retrouverai ma joie qui s’est envolée le jour où… »
Claire DEYA : Un monde à refaire (Ed de l’Observatoire – 414 pages)
Claire Deya signe son premier roman et c’est une réussite, et quand vous réalisez que l’auteure y a glissé de nombreux souvenirs personnels, une vérité historique trop méconnue, j’espère que vous serez incité à lire ce très beau roman.
Les allemands ont truffé de mines le littoral méditerranéen, surtout autour de Saint Tropez et d’Hyères, avant de quitter et libérer définitivement le sud de la France en 1945. Mais qui dit mine, dit danger et déminage. La France va utiliser des prisonniers allemands volontaires qui, ainsic réduiront leur peine. Cette entreprise est un monde d’hommes qui ont vécu la guerre des deux côtés, soit envahisseurs soit envahis.
Claire Deyat fait vivre ces hommes qui ont tous leurs secrets, ils ont appris à se taire et la confiance n’existe plus spontanément. Plusieurs personnages  tissent  des liens très forts entre eux, soit à travers leur expérience dans les réseaux de résistance, soit  des secrets bien gardés, soit des histoires d’amour. Il y a surtout ce travail extrêmement dangereux devant ces monstres d’acier qui doivent être balayés doucement  « avec  des plumes au bout des doigts ».
« Tes yeux, ce sont tes mains et la pulpe de tes doigts » sera la première leçon ! Puis, ne jamais oublier que la mine peut aussi être piégée ! Ce travail d’une patience infinie réunit français et allemands, et au contact  « »des mines, des risques, du sacrifice, de l’abnégation, de la mort, la fraternité se frayait un étroit chemin, l’idée d’un avenir commun aux pays de l’Europe ».
L’auteure s’est inspirée de son histoire familiale, un grand-père médecin prisonnier dans un oflag à Cassel, un grand-oncle cinq fois évadé et repris, de l’histoire de Saskia qui révèlera un soir la vérité sur sa famille décimée dans les camps et son retour dans une France qui ne l’attendait pas vraiment.
Un livre passionnant, émouvant qui serait un excellent scenario de film.

Laure Manel : Cinq cœurs en sursis (Ed Michel Lafon – 475 pages)
Tout d’abord, le tableau d’une famille ordinaire plutôt unie, aimante : Catherine est une mère et une épouse modèle en apparence, jusqu’au moment où la police fait irruption au domicile et la met en garde à vue pour meurtre d’une femme : Beatrice Lancier. Débutent alors, l’attente, les doutes, les questionnements pour ses proches : Josette la mère, Nathalie la sœur, Anais treize ans et Florian six ans, les deux enfants, et enfin, Marc le mari.
Ce sont ces cinq personnages que nous suivons tout au long du roman.
Le livre est composé de chapitres courts concernant chaque membre de la famille, de 2001 à 2023 et notamment le journal d’Anais. L’auteur livre les sentiments engendrés par cette incarcération. Laure Manel montre la souffrance et l’évolution des sentiments au fil de l’affaire et centre son œuvre, plus particulièrement, sur les conséquences de l’incarcération, sur l’entourage plutôt que sur la détenue.
,Ce roman nous amène, sur fond d’enquête au cœur d’un drame familial sur une longue période. Il ne laisse pas indifférent et nous captive au fil des pages. Laure Manel nous fait partager ainsi la vie quotidienne, les répercussions, les réactions, les ressentis des cinq personnages aux cheminements émotionnels et affectifs différents.
L’analyse des liens entretenus avec la détenue et des étapes psychologiques après le choc de la révélation, est décrite avec précision, délicatesse et finesse et nous suscite des réflexions : Comment réagirions nous si quelqu’un de proche était accusé d’un fait aussi grave ? Quelles seraient nos réactions ? Connaissons nous vraiment l’autre ? Quels liens tissés après un tel drame ? Peut-on surmonter l’impardonnable.
Le pardon est- il possible ?
SYLVAIN PATTIEU : Une vie qui se cabre (Ed Flammarion – 344 pages)
Ce roman relate des évènements fictifs à partir d’un fait historique : en avril 1946 la loi Lamine Gueye, défendue par ce député socialiste de Dakar, attribuait la citoyenneté française à tous les ressortissants de l’empire. L’auteur laisse ainsi planer une autre alternative à notre véritable histoire. Il imagine qu’elle a été véritablement appliquée et nous conte à partir du destin d’une jeune femme, Marie des Anges, une époque de bouleversement et de troubles.
Maryse Condé, professeur, encourage Marie des Ange à quitter Dakar avec son bébé, et à rejoindre la « petite France »  pour faire des études à l’école normale d’Aix-en-Provence. Elle fait très vite connaissance d’une bande de jeunes d’origine diverse, qui comme elle, sont engagés en faveur de l’Union française dans un contexte d’enjeux coloniaux, de courants de pensée qui s’affrontent.
L’auteur prend appui sur des personnages et des évènements réels qu’il transforme et nous fait vivre un climat social et politique imaginé avec, dans le même temps, la vie quotidienne et amoureuse d’une jeune noire, Marie des  Anges, laquelle oscille entre une relation avec Kathy, une américaine et Ange, bandit corse, aux opinions contraires aux siennes.
Ce roman est intéressant car il interpelle notre passé.
L’écriture est concise et riche et prouve les qualités d’écrivain de Sylvain Pattieu et les faits historiques documentés nous rappellent que l’auteur est aussi historien.

Francis HUSTER : Deux pigeons et… Molière !

Deux artistes ringards, Michel Leeb et Francis Huster…
Rassurez-vous, c’est « pour de rire » car ils sont tous les eux réunis par Michel qui a signé la pièce « Les pigeons » qu’ils ont emmenée dans toute la France, dans des salles pleines et dont la dernière se passait … A Toulon, au Palais Neptune !
Il était temps que je rejoigne mon ami Francis pour en parler et parler aussi de ses toujours multiples projets car ce comédien polychrone a toujours deux fers au feu. Et là, c’est pire !
C’est confortablement installés sur le divan du décor que le volubile Francis, me raconte la pièce et me parle de ses multiples projets… pour plusieurs années !
Marié avec son art, il passe du théâtre au cinéma ou à la télé avec une soif de jouer, de créer, soif incessante et il me le prouve encore une fois.


« D’abord, parlons de cette pièce, Francis…
Je termine donc ce soir à Toulon. C’est la dernière après 250 représentations. Nous avons fait une tournée incroyable avec des salles de 1200/1400 places, pleines partout en France, en Belgique, en Suisse et tu vas voir ce soir le public qui marche à fond la caisse. En première partie, on voit deux comédiens ringards qui viennent passer un casting pour un film. Arrive la metteuse en scène (Chloé Lambert) puis un quatrième comédien (Philippe Dieu) l’auteur de la pièce et là tout explose, c’est l’hystérie… C’est la première pièce de Michel qui jouera à la rentrée la nouvelle pièce de Philippe Claudel avec qui il avait joué la précédente pièce avec Pierre Arditi.
Comment es-tu venu à cette pièce ?
Je dois dire qu’au départ j’ai fait cette pièce en remplacement de Pierre Arditi pour qui il avait écrit la pièce. Mais Pierre avait déjà acté pour une autre pièce de Samuel Benchetrit avec Muriel Robin. Michel m’a appelé, fait lire la pièce et m’a proposé d’en faire une captation. On l’a faite, le producteur Pascal Legros a demandé à Jean-Louis Benoit de mettre en scène. A la captation on s’est rendu compte qu’on pouvait en faire quelque chose de différent. On l’a affichée au Théâtre des Nouveautés, ça a marché, on est parti en tournée et la dernière représentation sera pour Ramatuelle le 10 août.
Quel effet ça te fait de jouer un artiste ringard, toi qui a toujours autant de succès ? C’est un rôle de composition ?
(Il rit) Je vais aller plus loin que toi : C’est un rôle de… décomposition ! En fait il y a un double rôle puisque dans la première partie on est censé être Michel Leeb et Francis Huster en train de jouer mais personne ne le sait. Tu le découvres dans la seconde partie. Les deux comédiens ont foutu le camp et ce sont les personnages avec le metteur en scène… Mais je ne t’en dis pas plus.
Ce qui m’a surtout plu, c’est que c’est que je prépare quelque chose de tellement grave, lourd pour une série télé, qu’avant j’avais besoin de respirer un peu. Ça n’était pas prévu. Je préparais cette série incroyable depuis des années, décalée à cause du Covid et comme alors j’étais libre, j’ai dit : « pourquoi pas ? »

Besoin de respirer ? Toi ? Voilà une chose incroyable !
Je suis, comme tout le monde, tellement effondré par ce qui se passe partout dans le monde que j’ai le sentiment, qu’il faut absolument qu’on continue notre métier, soit avec des sujets forts, ou bien il faut faire oublier aux gens les drames qui se passent en les faisant rire. On ne peut pas être entre les deux.
Alors, ce gros projet ?
Je ne peux pas vraiment en parler mais ce que je peux te dire, c’est que c’est pour TF1 où je ne suis plus revenu depuis ma mort dans la série « Ici tout commence ». J’y étais venu pour booster le départ de la série mais ça ne pouvait être pour moi que trois mois de tournage parce que j’avais d’autres choses. Du coup ce grand retour sur TF1 sera tourné début 2025.
Et entretemps ?
Depuis quelques mois, des projets se sont accumulés. Un film qui sera tourné cet été au moment des Jeux Olympiques avec un célébrissime metteur en scène… dont je ne peux encore parler. Quant au théâtre… J’ai six projets !
 ???????
Trois projets concernant Molière, Shakespeare, Fellini où je serai seuil en scène avec un pianiste. Les trois autres projets sont, une nouvelle version de « Témoin à charge » d’Agatha Christie, qui s’intitulera « Meurtre sans assassin ». Cette œuvre est tombée dans le domaine public Je l’ai réécrite à ma façon. Le cinquième, une grande pièce de Jean Giraudoux « La guerre de Troie n’aura pas lieu », nouvelle version que j’avais déjà adaptée bien après Jouvet et que je projetterai au XXIème siècle. La sixième pièce, la plus délicate, c’est le premier acte  d’un grand classique que je proposerai de cinq fois différentes.

Pourquoi ?
Pour montrer au public, aux jeunes, qu’on peut vraiment se permettre – et c’est la vérité du théâtre – de considérer que la pièce, le texte, n’appartiennent plus à l’auteur. On ne peut pas envisager qu’il y ait une seule façon de l’interpréter.
De quelle pièce tu partiras ?
De « Don Juan » ou du « Misanthrope ». La pièce sera jouée de cinq façons différentes par les trois mêmes comédiens.
Et pour rester sur Molière, depuis quatre siècles, il est monté à 99% par des hommes qui ont tous détourné l’œuvre de Molière. Jamais à l’école on ne nous a dit que tous ses héros sont des ordures. Ça veut dire que depuis quatre siècles les metteurs en scène ont fait de ces hommes des héros. Mais dans toutes les pièces, toutes les femmes résistent, combattent font le dénouement de la pièce, dénoncent et réussissent. Toutes les servantes gueulent, résistent, au risque de tous les châtiments. Maintenant qu’il y a des metteurs en scène femmes, toute l’œuvre de Molière va changer.
Si aujourd’hui tu prenais un Molière et que tu le projettes dans ces pays de dictature, qu’est-ce qu’on lui ferait ? Il faut qu’aujourd’hui les jeunes sachent qu’il faut monter Molière comme ça.
Mais dans combien de temps comptes-tu réaliser tous ces projets ?
Dans les deux ans à venir, trois par an, en fonction de mes tournages de cette série exceptionnelle dont je t’ai parlé. Car il y a cinq mois de tournage.

Où en es-tu de ton combat pour faire entrer Molière au Panthéon ?
Il y entrera, il n’y a aucun problème. Sur le vote qu’on a réalisé au Figaro, sur 77.000 votants, 77% de pour… Ce qui est fou c’est que 400 ans après, on ne sait pas ce qu’est un acteur. On considère que quiconque a de la mémoire peut être acteur. Aucun acteur n’est au Panthéon, alors que des gens comme Gabin, Marais, Barrault, Vilar, Jouvet, qui ont fait la guerre, qui ont risqué leur vie, ne méritent-ils pas d’être au Panthéon. Ils ont fait la gloire du répertoire français.
Pour aller plus loin, on peut compter les comédiens qui ont une rue. Certains ont une ruelle. Il n’y a pas de place Gérard Philipe, à Avignon il n’y a pas de place Jean Vilar alors que c’est lui qui en a fait ce qu’est la ville. La rue Molière à Paris est une rue cachée près de l’Opéra parce qu’il y habitait alors qu’elle devrait être devant la Comédie Française. Tu as vu le square Guitry à Paris, la place Raimu à Toulon ? Incroyable.
On considère qu’être acteur est du divertissement.
Mais ne t’en fais pas… Il y aura une rue Mbappé !!! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Alain Lafon