Cécile CHABAUD : Indigne (Ed Écriture – 231 pages)
Un titre coup de poing qui peut mettre mal à l’aise car assez peu employé et comme le lecteur le découvrira à la lecture de ce livre sans doute justifié. De nombreux dessins au crayon accompagnent ce roman, des hommes émaciés entassés sur des châlits, revêtus de tuniques rayées… Oui, tout cela rappelle la seconde guerre mondiale, les camps de concentration et cette sanction très particulière en France, l’indignité nationale.
Georges Despaux, natif de Pau, handicapé après une poliomyélite attrapée dans sa jeunesse est accusé d’avoir collaboré avec les allemands en écrivant des articles dans la revue « Assaut » entre 1941 et 1943. Pourquoi cette condamnation malgré son tatouage bien caractéristique des internements dans les camps de Buchenwald ? Cécile Chabaud est l’arrière petite cousine de Georges Despaux, sa famille vit toujours la honte de compter parmi ses ancêtres un « collabo » ; aussi avec l’aide de tous les dessins témoignant de l’enfer des camps et du petit-fils d’un autre détenu, Samuel, sauvé de la barbarie par ce Georges Despaux qui n’est donc pas complètement mauvais, elle redonne vie et éclat à des êtres qui ont connu l’innommable.
Ce livre est un témoignage poignant qui malmène le lecteur lisant la plaidoirie accusatrice lors du procès de ce Georges Delvaux et tous ces dessins d’anciens détenus aujourd’hui disparus. Tout concourrait à faire condamner Delvaux, l’époque cherchait des responsables pour cacher les propres défaillances des juges et, oh surprise, il n’y a pas eu de condamnation : Georges Despaux a été jugé non coupable, mais pire, indigne, un terme peu employé qui définit bien la mise au ban de la société de celui qui en est frappé. Cécile Chabaud a eu le courage de faire revivre ces évènements du passé, elle le fait avec brio et une sincérité honorable.
Max-Erwann GASTINEAU : L’ère de l’affirmation (Ed Cerf – 197 Pages)
L’auteur est diplômé en histoire et relations internationales. Il a travaillé en chine et aux Nations Unies, à l’Assemblée nationale puis dans le monde de l’énergie.
Ce livre n’est pas un roman mais une étude géo- politique très documentée et très argumentée par de nombreuses références sur le monde en pleine mutation (internet, émergence de la Chine, de l’Asie…etc) où l’Occident n’est plus un seul modèle.
Il nous fait part de ses découvertes culturelles, modèles économiques et politiques et de ses pensées lors de ses séjours professionnels ; il s’appuie également sur les crises, les décisions internationales pour démontrer que le monde est pluriel et que l’Occident, la France, l’Europe, propulsés entre 2022 et 2023 dans l’âge de raison se doivent à l’introspection : « Et si le chaos que nous croyons percevoir dans la désoccidentalisation ambiante était en fait un ordre crypté que nous ne savions pas lire. Et si le libéralisme occidental n’était universel que de son ignorance des autres tradition ? »
Et si répondre au défi de la désoccidentalisation était plutôt une opportunité pour nos sociétés qu’une menace ?
Livre fort intéressant par l’idée développée mais la lecture est ardue.
Guillaume VILLEMOT : L’homme qui osait ses rêves (Ed Baker Street – 187 pages)
Dans ce court ouvrage, Guillaume Villemot présente avec talent l’homme étonnant qu’a été André Malraux.
Aventurier, voleur, menteur, addict à l’alcool et aux drogues certes mais homme engagé, défenseur du rayonnement de la France et de l’accès de tous à la culture ; écrivain autodidacte à succès, primé par le Goncourt pour « La Condition Humaine » il y a quatre-vingt-dix ans. Quelques citations bien choisies par l’auteur permettent de comprendre la personnalité de cet homme: « Les idées ne sont pas faites pour être pensées mais pour être vécues » ; » Je mens mais mes songes deviennent réalité ».
Un être farfelu, au sens du mot italien farfalla qui veut dire papillon, un être qui ne fait rien à moitié. A sa mort, Madeleine sa dernière épouse dira qu’il a eu « une existence brillante, tourmentée, autodestructrice, éminemment destructrice ».
Le lecteur apprendra beaucoup sur cet homme d’exception que l’auteur n’hésite pas à comparer avec Tintin, Corto Maltese et Indiana Jones !
Alain MALRAUX : Au passage des grelots – Dans le secret des Malraux ( Ed.Baker Street – 325 pages)
L’auteur, né en 1944, n’a pas connu son père, mort en déportation pour faits de résistance.
Il sera adopté par son oncle Roland Malraux et sa femme Marie-Madeleine Livroux. Auteur de pièces à succès il a écrit ce « Au passage de ces grelots », vaste chronique le plus souvent mondaine de l’auteur pour ce père inconnu mais plein de gloire. Il utilise ici le milieu artistique, littéraire et mondain qu’il fréquente de par sa famille et ses connaissances, sous la forme de chroniques pleines de témoignages et de vécu.
Il nous familiarise donc avec ce public aux multiples anecdotes personnelles en une grande fresque des années soixante à nos jours. C’est d’une plume souvent très recherchée, parfois trop, que nous suivons cette vaste rétrospective, réveillée par les grelots, comme la petite boule métallique qui s’agite pour capter l’attention du spectateur.
Mais pourquoi trois livres sur Malraux pour cette rentrée littéraire ? Cette année on fête les 90 ans du prix Goncourt remporté par André. Malraux avec « La condition humaine » et qui est l’occasion pour ce fils posthume de réveiller l’homme illustre qui a marqué cette période .
Philippe LANGENIEUX : les derniers jours d’André Malraux. (Ed Baker Street – 277 pages)
André Malraux est devenu célèbre à la parution de son livre « la Condition humaine » en 1933, etl fut Prix Goncourt à l’unanimité. Il est nommé Ministre d’Etat, chargé des affaires culturelles en 1959, il y reste dix ans. Il est responsable des rayonnements de la politique culturelle en France et hors des frontières. Ce livre comporte plusieurs chapitres très courts, qui relatent sa vie mois par mois, du 25 janvier 1976 au 23 novembre 1976 date de sa mort.
Malraux s’est réfugié à Verrières-les- Buissons, entouré de sa famille et de ses amis. Les conversations sont vives et riches en réflexions de toutes sortes, sur un ton parfois drôle et ironique. Il se dit « sur le chemin des morts » et lutte contre la maladie avec dignité. Il raconte ses nombreux et grands voyages (Haïti, Chine …) ses rencontres avec les grands de ce monde ; depuis la mort de Charles de Gaulle, le monde est vide dit il. Il évoque la Birmanie qu’il n’a pas eu le temps d’aller visiter, et le regrette ; il ajoute encore « j’ai dit tout ce que j’avais à dire », il fait sienne une phrase de Charles de Gaulle « Être vieux, ce n’est pas » d’avoir été » c’est garder toujours la chance « d’être encore », c’est refuser de s’intéresser au monde et aux autres. On se souvient de sa voix vibrante accompagnée de gestes excessifs et désordonnés, en conclusion, il nous dit « l’Art est une résurrection, la seule qui soit promise ». Ce livre est riche et très intéressant. On y apprend beaucoup de choses dans tous les domaines.
Marc DUFAUD : Les Musiques Antillaises (Ed Casa – 159 pages)
Voici ce qu’on appelle un beau livre. Grand format, beau papier, belle présentation, iconographie dense et originale.
Marc Dufaud nous emmène en voyage à travers la musique antillaise, depuis sa naissance avec l’esclavage africain dès 1643 jusqu’à nos jours, par des portraits, les évolutions de cette musique, et les données historiques et sociétales dans lesquelles elle s’est épanouie.
L’auteur procède par différentes approches : La naissance et l’évolution – des portraits des grands protagonistes – Le Gwoka Bel Air – Les grandes décennies. Le tout avec une grande richesse d’informations.
Tout part de la biguine originelle de Saint-Pierre pour créer une musique très riche qui se développe principalement en Martinique et en Guadeloupe.
Aux tambours primitifs vont s’ajouter les instruments des blancs : Le violon, le violoncelle, le cornet, la clarinette, le banjo et petit à petit le piano.
Musique créole qui va devenir un art majeur, mais l’éruption de la Montagne Pelée en 1902 par la mort de presque tous les musiciens va mettre un coup d’arrêt à cette musique. Mais elle renaîtra de ses cendres à Fort de France pour finalement envahir Paris, en même temps que le jazz, de 1929 à 1940, et perdurera même pendant la guerre.
Bientôt naîtra le zouk entre 1980 et 2000, une biguine cubaine qui va atteindre une notoriété internationale avec le groupe Kassav.
« Le Gwoka est l’âme de La Guadeloupe ». Le Gwoka combine le chant responsorial en créole, le rythme des tambours Ka, l’improvisation, et la danse jusqu’à la transe. Le livre se termine par un hommage aux chanteuses et chanteurs antillais, et sur ceux qui font perdurer cette musique aujourd’hui.
Il est impossible, dans le cadre de cette chronique, de citer tous les chapitres, tous les noms des artistes (plus d’une centaine).
Alors si vous voulez découvrir la musique antillaise, ce livre unique en son genre, est un must.
Marc Dufaud est cinéaste, écrivain, participe à nombre de magazines dont Rock and Folk.
David HALLYDAY : « Meilleur album » (Ed Cherche Midi – 277 pages)
Évidemment, lorsqu’on dit « Hallyday », on pense automatiquement « Johnny ».
Mais il ne faut pas oublier David, son fils qui fait une belle carrière, carrière qui a débuté à Los Angeles, grâce à Tony Scotti, l’époux de sa mère Sylvie Vartan.
S’il est aujourd’hui un talent reconnu, il a toujours été d’une discrétion, d’une gentillesse, d’une simplicité désarmantes.
On s’en est rendu compte lors du décès de son père où, au milieu d’une folie médiatique malsaine, il est toujours resté en dehors des polémiques, ne s’étalant pas dans ces journaux-poubelles, restant discret, pudique et hors d’atteinte.
Aujourd’hui il nous offre cette biographie, qui n’est ni une revanche, ni un règlement de compte, laissant parler son cœur et ses souvenirs avec beaucoup d’émotion et une certaine nostalgie.
Ses premières années se sont passées entouré de trois femmes : sa mère, sa grand’mère, sa tante et quelquefois son père qui était toujours par monts et par vaux.
Entre deux idoles, il s’est très vite aperçu que ses parents ne lui appartenaient pas et il en a été très peiné et jaloux.
Il faudra qu’il s’installe à Los Angeles pour connaître la vraie vie, la liberté d’un ado comme les autres, ses parents n’étant pas connus là-bas.
Il a toujours été baigné de musique mais très tôt il s’est pris de passion pour la batterie dont il pensait faire son métier si ce n’est Tony Scotti qui l’a pris sous son aile, père de substitution, son deuxième père dit-il qui, dès ses 14 ans, l’a aidé, conseillé, aimé comme un fils, lui faisant donner des cours et l’incitant à chanter. D’où quelques tournées avec des groupes jusqu’à son premier CD en anglais qui fera un carton « True cool » sur lequel « High » devient un tube.
Peu à peu il apprend à connaître son vrai père et on se souvient de ce petit blondinet qui prend la place sur scène du batteur pour lui faire une surprise. C’est d’ailleurs Johnny qui lui a demandé de garder le nom de Hallyday. Et puis ce sera l’aventure de « sang pour sang » le disque culte qu’ils font ensemble et les réunit à jamais, qui sera la plus forte vente de la carrière de son père.
Tout étant rentré dans l’ordre, cela n’empêche les traces gardées de ce petit garçon solitaire, secret, même si sa mère a tout fait pour qu’il ait une enfance heureuse.
Aujourd’hui, père de trois enfants, deux filles Ilona et Emma qu’on peut voir tous les soirs dans la série « Demain nous appartient » et Cameron.
Il a aujourd’hui 57 ans et est grand ’père… Qui peut le croire ???
Ce livre est un joli moment d’émotion, admirablement écrit, qui nous livre ses passions, ses doutes, et tout à la fois ses fragilités et sa force.
Eric CHACOUR : Ce que je sais de toi (Ed Philippe Rey – 301 pages)
Ce premier roman est une révélation et un véritable bonheur de lecture.
L’histoire se passe surtout en Égypte, dans un milieu aisé du Caire où la vie est réglementée par des codes à ne pas transgresser. L’homosexualité est condamnée par la religion, aussi la fuite est parfois la seule solution pour éviter la prison ou pire, la mort. Ce sera le cas de Tarek, cet homme à qui s’adresse celui qui écrit, un être familier puisqu’il le tutoie.
La suite du roman révèlera les liens jusque là non révélés. Trois parties, Toi, Moi, Nous, qui résument la vie de Tarek, ses souffrances, ses amours, sa fuite vers un autre continent. Mais peut-on fuir indéfiniment ? Il y a parfois des retours au pays réparateurs, des vérités difficiles à entendre mais aussi des vérités réparatrices.
Ce livre est bouleversant par la limpidité de l’écriture, les pages se lisent trop vite, le lecteur en redemandera très vite à Eric Chacour. Il faut aussi remarquer la superbe peinture de Alireza Shajaian, peintre iranien qui a dû fuir lui aussi l’Iran pour cacher et vivre son homosexualité, un parallèle parfait pour ce premier roman d’Eric Chacour, un auteur à suivre absolument.
Raphaëlle GIORDANO : Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière
(Ed Récamier – 307 pages)
Ce roman est quasiment un ouvrage de développement personnel.
S’inspirant de témoignages vrais relatant divers cas de peurs inavouables, Raphaëlle Giordano met en scène des personnes qui ont toutes en elle une peur ou une fragilité née de sa vie d’enfant ou d’adolescent.
Henriette, Auguste, Tony, Kenzo, Claire devront tous arriver à accepter leur part de vulnérabilité pour commencer à révéler leur pleine puissance.
Les lecteurs qui sont de grands anxieux et qui ont du mal à gérer leurs atypismes se décomplexeront : tel est le souhait de l’auteur.
Véronique JANNOT : Le présent est mon refuge (Ed XO – 258 pages)
Elle a le regard pétillant, le sourire lumineux qui respire la gentillesse, la sagesse, la sérénité.
Comédienne au cinéma, au théâtre, à la télé, chanteuse, Véronique Jannot est multi-talents et depuis quelques décennies elle reste l’une des artistes préférées des Français.
Sa carrière est semée de belles rencontres comme Michel Boujenah, Alain Delon, Nicole Croisille, Line Renaud, Laurent Voulzy, Charles Anavour, Johnny Hallyday et beaucoup d’autres. Les dernières en dates étant Solène Hébert et Juliette Tresanini, ses deux filles de la série « Demain nous appartient ». Et sa plus belle rencontre reste celle du Dalaï Lama.
Ce nouveau livre n’est pas du tout une biographie comme pourraient le supposer les images qu’elle nous propose en fin de livre.
Elle nous livre en fait ses réflexions sur la vie, la spiritualité, la méditation, la recherche du bonheur et de la paix. Ce n’est pas du tout une leçon qu’elle nous donne mais une conversation avec ce public qui la suit et l’aime depuis des années et qu’elle nous offre, si l’on peut dire à livre ouvert. On l’a dite militante mais elle précise qu’elle milite « en douceur » !
L’amitié, l’amour, la solidarité sont les ingrédients de sa vie car si elle reçoit beaucoup de son public, elle donne beaucoup de sa personne.
Ce livre est un essai sur le vivre ensemble, le vivre en paix ce qui, pour elle est un espoir et non une utopie. Mais il est vrai que le chemin de la sagesse est encore loin pour l’Homme, la violence et la guerre sont là pour nous le rappeler tous les jours.
Lorsqu’on la connaît un peu (et j’ai cette chance) Véronique est une boule d’amour qui sait marier son métier, qui est quelquefois loin de ses véritables préoccupations, et ce refuge qui la tient droite et sereine.
Que vous dire sinon que Véronique est une belle personne ?