Archives mensuelles : novembre 2022

Notes de lectures

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Stéphane BERN : Les secrets de L’Elysée  (Ed Plon – 240 pages)
Après les secrets d’histoire Stéphane Bern s’attache aux lieux de pouvoir à travers le monde avec l‘ouverture des secrets du palais de l’Élysée en nous dévoilant  les confidences des locataires ou propriétaires successifs de cette vitrine de la France.  Le palais édifice hors du commun, entouré d’un magnifique parc de deux hectares en plein Paris, voisin des célèbres Champs Elysées, fut le point de rencontre d’un nombre incalculable de personnages célèbres, depuis les 24 présidents de la République, les princes et  les empereurs, souverains étrangers ou simples locataires,
Le  tout impliquant transformations architecturales, aménagements locatifs ou festifs, drames familiaux, spectacles, conférences de presse.
Qui n’est pas passé par là ?
C’est une valse d’évènements toujours rigoureusement évoqués par l’auteur toujours avide de grandes et petites histoires qu’il nous livre au coin de l’oreille.
De belles illustrations éclairent les différentes époques  aussi bien en tableaux qu’en photographies émaillant le texte de touches d’authenticité.
Olivier MERLE : Le manoir des sacrifiés (Ed XO – 410 Pages)
Des meurtres successifs avec le même rituel et mode opératoire ; des hommes assassinés dont un des yeux est arraché sont dans une étrange position devant un meuble sur lequel se trouve à chaque fois un crane Néandertal. Leurs épouses sont introuvables.
Le commandant Grim, chargé au départ de l’enquête a une histoire personnelle avec l’une des femmes disparues ; ce qui complique les investigations …
L’histoire de l’humanité, des hommes préhistoriques mêlés à des meurtres étranges et des disparitions surprenantes ne peuvent que séduire les amateurs de thrillers.
Le thème rassemble tous les éléments inhérents aux thrillers (assassinats, atrocité, rebondissements, conflits dans l’équipe d’enquêteurs) pour finalement une conclusion d’investigation inattendue.

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Marie LARREA : Les gens de Bilbao naissent où ils veulent ( Ed Grasset – 222 pages)
Avec beaucoup de finesse et d’intelligence, l’auteure aborde le sujet de l’adoption d’un enfant, sujet d’autant plus personnel qu’elle est elle-même une enfant adoptée. Et comment l’enfant tente désespérément de retrouver ses parents.
Cette quête, véritable travail de détective a été celle de Maria Larrea. Le lecteur souffre avec elle à chaque butée dans sa courageuse remontée dans le temps et dans les secrets familiaux. En effet pourquoi un enfant va-t-il  être abandonné par sa mère ? Tous les scenarios s’offrent à l’auteur puis petit à petit une ouverture, un espoir, une parole suffisent à relancer avec encore plus de force la recherche de la vérité sur sa naissance.
Ce roman séduit par sa force, sa dignité. Il y a de la souffrance chez toutes les femmes ayant abandonné leur enfant de leur plein gré ou malgré elles, mais cette souffrance existe aussi chez l’enfant et bien sûr les pères. Un roman  d’autant plus émouvant qu’il faut aussi lire les remerciements de l’auteur à ses familles d’adoption, ses amis adoptés à qui elle rappelle qu’ils sont libres.
Eric Le NABOUR : Cruels sont les rivages (Ed Terres de France – 381 pages)
Comment vivre lorsque son mari policier tué en mission réapparait pour être cette fois-ci réellement abattu froidement ?
C’est maintenant à Laura Delgado son épouse de reprendre son rôle de policière qu’elle avait abandonné pour s’occuper de ses filles et vivre loin du drame en Bretagne. Il va lui falloir enquêter, remonter les pentes, retrouver d’anciens collaborateurs.
Une histoire confuse à laquelle l’auteur ajoute les bons sentiments d’une mère auprès de ses deux filles, un grand-père ancien flic rejeté par sa fille mais qui en sait long sur la mort de son gendr, et une histoire d’énormes intérêts financiers liés à l’amant de Laura Degado.
Un roman qui se lit facilement mais laisse peu de souvenirs au lecteur.
Jennifer EGAN : La maison en pain d’épices (Ed Robert Laffont – 390 pages)
Traduit de l’anglais (États Unis) par Sylvie Schneiter
Auteur américain qui a obtenu le prix Pulitzer en 2011, Jennifer Egan vient de publier ce nouveau livre en France.
Elle imagine un monde s’écoulant de 2010 à une date ultérieure inconnue, dans lequel un homme Bix Bouton a fondé une entreprise nommée Mandala. Il commercialise avec succès un cube de conscience dans lequel on revoit ses souvenirs même oubliés : Own Your Unconscious. Puis il va créer d’autres fonctions notamment celle de télécharger tout ou partie de sa mémoire sur un serveur collectif permettant en échange un accès proportionnel aux pensées et souvenirs anonymes de ceux qu,i vivants ou morts, ont fait la même chose.
Dans ce drôle de monde, l’auteur met en scène la famille de Bix, celle de Miranda Kline qui étudie les affinités entre les êtres humains et les met en algorithmes, et celle de Christopher Salazar, qui a crée un organisme concurrent sans but lucratif, qui défend la liberté face à ces cyber identités.
Le roman est très dense, trop même car le lecteur se perd dans les personnages, les époques mélangées. L’auteur adopte des formes littéraires variées qui pourront également déstabiliser le lecteur.
Bref, un roman curieux qui pourra plaire à certains, déplaire à d’autres.

Six-Fours –Maison du Patrimoine
Le Club Phot’Azur a encore frappé !

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Fabiola Casagrande, adjointe aux affaires culturelles (2ème en partant de la gauche)
entourée des photographes exposants

C’est devenu un rendez-vous annuel que nous propose le Club Phot’Azur, énergiquement animé par son président Henri Chich.
Et à chaque expo, les artistes nous surprennent, nous émerveillent par leur talent, leur créativité, leur imagination. Plus particulièrement cette année où 108 photographies réalisées par une vingtaine d’artistes, nous proposent des sujets divers et variés qui vont des portraits aux nus en passant par des paysages urbains ou campagnards, des animaux et oiseaux divers, des voitures, des grottes, des tennismen, des natures mortes… Il ne manque que le raton laveur !

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Patricia Huillet – Francine Chich

Ce n’est pas pour rien que cette exposition a été intitulée « Regards pluriels » !
Après le silence dû au covid, on est heureux de retrouver ce club qui fête ses 46 ans et qui, sur 50 adhérents, nous fait découvrir de vrais professionnels de la photographie. Parmi eux, une certaine épouse du président, Francine Chich qui, outre son talent de photographe, est également Présidente de l’Union, Régionale PACA de photographie.

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Claudie Mesnier – Serge Cerrutti – Patrick Rouch

On ne compte plus le nombre de prix régionaux, nationaux, internationaux, décernés entre autre  par la Fédération photographique de France qu’ont obtenu nombre de photographes de ce club, le dernier en date étant Arnaud Marchais qui a obtenu deux prix : la médaille WWF et le second prix dans la catégorie « Nature » grâce à une photo de chouette sous le étoiles et son regard perçant la nuit.
Le club, outre ses expositions, offre à ses adhérents des animations diverses, des cours de photos en studio ou en pleine nature, des formations, et reçoit, au cours de l’année, des photographes chevronnés qui viennent présenter leur travail.
Cette année, hélas, a été endeuillée pas le décès de deux amis photographes, Michel Ferrier et Gérard Jacques dont on retrouve quelques images dans cette exposition.
Cette exposition qui est un magnifique cadeau du club pour ces fêtes puisque vous pourrez la découvrir à la Maison du Patrimoine  jusqu’au 30 décembre.
A noter que vous pouvez aussi admirer des photos d’Henri Chich à la Mairie de Six-Fours, retraçant le festival de musique classique de cet été.

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Daniel Sanguinetti – Geneviève Canales – René Lemmens – Arnaud Marchais

Jacques Brachet

Six-Fours
Deux rockeuses au Six n’Etoiles
Mathilde SEIGNER & Andréa FERREOL EOL

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Alex (Mathilde Seigner), est une rockeuse qui, avec son orchestre, va de cacheton en cacheton dans des bars, des boîtes, cabarets de seconde zone où personne ne les écoute.
Divorcée, deux enfants, elle a du mal à joindre les deux bouts mais un jour, une copine (Armelle Deutsch), qui travaille à la Mairie de Dunkerque,  lui propose un job : créer une chorale de séniors. L’adjoint (Guillaume Marquet) veut leur faire chanter des comptines pour enfants insipides, ce qui n’intéresse pas ce groupe dissipé qu’Alex des difficultés à gérer. Eux, ils veulent chanter du rock, ce qui n’est pas pour déplaire à Alex mais ce que réprouve et interdit l’adjoint.
Du coup, ils vont répéter en cachette, jusqu’au jour de ce spectacle improbable qui est sensé rapprocher toutes les générations, est joué.
A l’instar de « Maison de retraite » de Thomas Gilou, les réalisateurs Ida Techer et Luc Bricault, réunissent une bande de comédiens « séniors » magnifiques : Patrick Rocca, Bernard Lecoq, Andréa Ferréol, Myriam Boyer, Anne Benoit, Brigitte Rouan « vieux rockers » indisciplinés mais avec une pêche du feu de Dieu qui vont donner du fil à retordre Alex qui, pourtant, va finir par croire en eux et réaliser leur rêve, au grand dam de l’adjoint.
C’est un film on ne peut plus choral et pour cause, à la fois déjanté, drôle et émouvant, qui met en lumière ces séniors que l’on délaisse chez eux ou en ehpad.
Tous ont des rôles jubilatoires, quant à Mathilde Seigner, elle est une fois de plus parfaite dans ce rôle de chanteuse paumée qui, grâce à cette bande d’énergumènes, va retrouver la force de remonter la pente.

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Deux rockeuses se sont échappées, l’une de Paris, l’autre d’Aix-en-Provence où elle vit, pour nous rejoindre au Six n’Etoiles et présenter le film.
Mathilde, Andréa, comment vous est venu ce film ?
Mathilde : Ce sont les deux réalisateurs qui m’ont donné rendez-vous dans un café pour me parler du rôle. J’aimé le scénario et j’ai très vite dit oui.
Andréa : La démarche a à peu près été la même à part que je n’ai rencontré qu’Ida Techer qui m’a proposé le rôle de Myriam Boyer. Après la lecture, j’ai demandé ce rôle-là plutôt que celui qu’elle me proposait… Et je l’ai eu !
En plus, j’ai toujours rêvé de chanter de l’opéra… Et j’ai été très heureuse de chanter du rock et du rap !
Mathilde, vous chantez déjà et comme par hasard, vous chantez du Johnny, qui était votre ami !
Oui mais ce n’est pas moi qui ai choisi Johnny. J’ai seulement choisi « Gabrielle » car c’est une des seules que je pouvais chanter dans ma tessiture. Chanter du Johnny, ce n’est pas facile ! J’espère que, s’il me voit, il n’aura pas été déçu

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Et vous, Andréa, vous vous êtes mise au rap !
Oui et croyez-moi, j’ai beaucoup travaillé !
Comment s’est passé le tournage ?
Mathilde : Comme dans le film, nous avons été une équipe indisciplinée et ça a été chouette. En plus, nous étions confinés à cause du covid et le soir, nous prolongions le tournage, nous passions toutes des soirées ensemble à manger ce que chacun son tour concocteait ou apportait et à boire vin et champagne. Je ramenais des choses de Paris où je rentrais tous les week-ends.
Andréa : Moi, je suis restée sur place et j’ai passé mes loisirs à visiter Dunkerque qui est une ville magnifique.
Mathilde : Et elle nous faisait des salades exceptionnelles ! Elle nous a régalés. L’ambiance a toujours été amicale, conviviale.
Cette histoire est une histoire vraie ?
Mathilde : Oui c’est vraiment l’histoire d’un groupe de rock de séniors qui s’est formé voici dix ans, qui continue à chanter, qui fait des galas. Dans la région ce sont des vedettes. Ils ont même fait un disque !
Andréa : D’ailleurs, dans le groupe que nous formons, il y a une quinzaine de chanteurs de leur groupe qui sont venus nous rejoindre. Ils étaient heureux ! Pour eux, ça a été un cadeau de participer au film. Ils ont tous comme nous plus de 60 ans… hormis Mathilde.
Mathilde : Je n’en suis pas loin ! Mais d’ailleurs, qu’est-ce qu’être vieux ? Il y a des vieux qui ont une jeunesse débordante et des jeunes qui sont vieux avant l’âge ! Mais le sujet du film est surtout axé sur la solitude car tous ces séniors sont souvent seuls et même Alex qui est divorcée, sans boulot, qui a des enfants pris entre le père et la mère… En fait, elle aussi est seule.
Andréa : Et puis à cet âge on est souvent seule : le mari est parti ou décédé, les enfants font leur vie et sont souvent loin. S’ils ne trouvent pas quelque chose à faire et rencontrer des gens, c’est difficile.
Mathilde : Alex galère, est déprimée et cette chorale est une planche de salut car elle lui apporte autant que ce qu’elle leur apporte : le bonheur et l’envie d’aller de l’avant ensemble.
Andréa : Plus on vieillit, plus on est seul, des gens qu’on aime disparaissent et si l’on ne fait rien on s’écroule.

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C’est votre cas ?
Mais oui, il se trouve que je fais beaucoup de choses, je tourne, je joue au théâtre et avec mon association « Flâneries d’Art » j’ai créé un festival qui a lieu en juin où je reçois des artistes de tous bords : peintres, sculpteurs, danseurs, écrivains, chanteurs que nous installons dans des jardins privés d’Aix-en-Provence. En juin prochain ce sera le 17ème et j’ai pu trouver deux grands jardins de plus pour l’occasion.
Et côté métier ?
J’ai tourné « Envol » au cinéma, « OVNI(S) » et « L’impasse » pour la télé et je me partage entre deux pièces de théâtre : « Très chère Mandy » d’Erwin Eimi, une pièce de boulevard et « La priapée des écrevisses » de Christian Siméon. Je serai d’ailleurs au théâtre du Rocher à la Garde le 24 janvier.
Ce doit être un sacré jonglage !
Oui, c’est quelquefois un peu embouteillé mais, comme ces séniors, si je ne travaille pas, qu’est-ce que je fais ?!
Et vous Mathilde ?
Après avoir tourné « Les enfants des justes » de Fabien Onteniente, ça fait un an que je ne fais rien et je suis en pleine forme. ! Ca fait 34 ans que je fais ce métier et que je n’ai jamais arrêté. J’avais envie de profiter de ma vie, aller au cinéma, au théâtre, de profiter de ma famille et de ma maison à St Cyprien. J’ai des projets lointains mais pour le moment je profite de ma vie.
Pas peur qu’on vous oublie ?
Après tout ce que j’ai fait, je n’ai pas peur. Et si c’est le cas… je m’en fous ! »

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Avec Noémie Dumas, directrice du Six n’Etoiles et le Dr Stéphanie Guillaume,
adjointe à la santé de la mairie de Six-Fours, fan de Mathilde Seigner

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photoscreations.fr

René FREGNI : Une vie de baroudeur et d’écrivain

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Minuit dans la ville des songes (Ed. Gallimard – 255 pages)
Roman autobiographique de cet auteur pudique qui nous livre ici ses pensées dans le grand voyage de la vie qui l’a amené à se débattre avec ses grands problèmes : l’autorité, l’obéissance, les règles sévères quand on nait à Marseille dans une famille modeste où il faut s’affirmer  même face à la discipline qu’il a du mal à observer, des règles quand lui-même prône la liberté, l’espace, quitte à avoir du mal à s’insérer.
Un brin rebelle, un peu marginal, il affronte l’existence par la fuite en avant, plein de fougue et d’espoir assumant sa différence qui le propulse vers d’autres horizons, d’autres régions, toujours guidé par l’amour qu’il  voue à sa mère, son point d’ancrage existentiel.
Nous traversons sa vie un livre à la main, les yeux ouverts sur ses paysages méditerranéens qu’il affectionne. De sa plume délicate il nous promène dans sa Provence ensoleillée où dans la Corse de son exil nous faisant partager son amour des livres et de l’écriture et sa façon de   vivre comme un loup solitaire mais plein de sensibilité et d’amour de  la vie, et toujours de sa mère.
Il a reçu le prix des lecteurs du Var 2022.

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Rencontre
C’est, depuis des années, un plaisir de rencontrer René Frégni car s’il est un romancier de talent, il est aussi un conteur plein de charme, d’humour, de poésie. C’est un homme vrai qui, malgré son succès, a su rester un homme simple, attaché à sa terre varoise, assez solitaire mais aimant rencontrer les gens.
Nous revoici à la Fête du livre où il signe son dernier roman qui en fait n’est pas un roman mais, pour la première fois, une biographie. Le titre : « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard). Pourquoi ce titre ? C’est ce que je lui ai demandé :
« C’est parce que j’ai peur de mettre les mots sur une page blanche et que je les mets la nuit sur mes paupières, lorsque je suis au lit, sans peur du lendemain. Le lendemain qui me permet de retranscrire ce que j’ai écrit dans mon subconscient. Je revois toutes les scènes.
J’écris toujours avec un stylo. J’écris, je peaufine. C’est ensuite ma femme qui retranscrit sur l’ordinateur.
Pour une fois, ce n’est pas un roman !
Disons que c’est une bio que j’ai un peu romancée. Il parle de mon enfance, de ma vie de marginal, de ma vie de voyou, de déserteur, de mon premier amour, de la beauté des filles, de tout ce que j’ai vécu, des paysages que j’ai sillonnés en France et ailleurs… De ma région aussi.
C’est à la fois un livre d’aventures à la José Giovanni car tu en as vécu beaucoup et une ode poétique à ton pays à la Jean Giono, puisque tu vis à Manosque.
Il a des deux car c’est vrai que j’ai fait pas mal de conneries dans ma jeunesse, que j’ai fait de la prison, que je me suis évadé et que j’ai passé un certain temps à me cacher et à vivre sous un faux nom… Mais c’est aussi l’amour de ma région qu’en dehors de ces années d’errance, je retrouve toujours avec le même bonheur, que j’y vis et qui est mon havre de paix.
Pour en revenir à Giono qui vivait comme toi à Manosque, tu as failli le rencontrer mais tu n’es pas allé jusqu’au bout. Pourquoi ? Aujourd’hui le regrettes-tu ?

J’avais 20 ans, je savais où il habitait et j’ai voulu aller le voir. Et puis j’ai hésité car c’était un homme d’un certain âge. Je ne suis pas allé le voir car d’abord j’avais peur de le déranger et puis en fait, ses livres parlent pour lui et je me suis dit que l’œuvre d’un tel écrivain et plus grande que l’homme qu’il pouvait être. J’ai préféré plutôt le lire que de le rencontrer. Ca fait quarante ans que je lis ses romans. J’ai dû tous les lire entre cinq et six fois ! Et je ne regrette pas ce rendez-vous manqué.

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Tu as vécu une vie incroyable, quelquefois difficile mais il semble qu’à chaque fois il y ait eu quelqu’un pour t’aider à t’en sortir.
C’est vrai, j’ai rencontré des gens qui m’ont fait confiance, qui m’ont apporté tendresse, humanité : Ange-Marie avec qui j’ai fait les quatre cents coups, que j’ai retrouvé en prison. Il m’a présenté l’aumônier qui m’a fait découvrir la lecture. Je lisais presque un livre par jour. Le premier d’ailleurs a été « Colline » de Giono dans lequel je me retrouvais. Dominique Raffali m’a permis de vivre en Corse alors que j’étais déserteur. Durant un an j’ai fait danser le be-bop à des filles magnifiques dans sa boîte de nuit. Maître Comte qui m’a sorti du pétrin… J’ai partagé avec eux une forme d’humanité.
Et ta mère !
Ma mère a toujours été le soleil de ma vie. Pas un jour je n’ai cessé de penser à elle, même aujourd’hui qu’elle est partie. Elle m’a apporté une tendresse infinie malgré toutes les peurs que je lui ai fait subir. Sa pensée m’a toujours aidé à être positif à chaque fois que je bifurquais. Elle m’a aidé à aimer la vie et si tu aimes la vie, la vie t’aime.
Sais-tu pourquoi tu as toujours été un rebelle ?
Ca a démarré tout jeune. Je portais des lunettes et on s’en moquait. C’est de là qu’est née ma rébellion. Mais en fait, être marginal, ça me plaisait. J’ai toujours été révolté et j’ai toujours aimé la transgression même si je n’ai jamais été un grand voyou !
Te sens-tu plus lecteur ou plus écrivain ?
J’ai été lecteur à 19 ans, donc plus longtemps qu’écrivain car je reste un grand lecteur aujourd’hui. Et si je suis devenu écrivain c’est grâce à toutes les lectures que j’ai faites durant ma vie. C’est à cause de ces lectures que j’ai eu envie d’écrire.
Tu es quand même resté un loup solitaire !
En dehors des fêtes du livre où je rencontre beaucoup de gens et où j’y prends plaisir, je suis heureux de retourner chez moi, dans ma maison, dans mes paysages où je passe mon temps à regarder, à rêver, à respirer. J’écris en marchant et je passe mon temps à admirer un ciel bleu, des feuilles d’or qui, en ce moment, se détachent des arbres… On est quand même mieux qu’enfermé dans une banque !
Ici, je n’ai pas besoin de grand-chose : un gros pull, des chaussures de marche, un cahier, un stylo… Ça me suffit. C’est ça la vraie richesse.
Il y a un proverbe indien que j’aime : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible ».

Propos recueillis par Jacques Brachet.

 

La Seyne sur Mer – Casino Joa : Les Rockers ont du cœur

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A l’origine, les Rockeurs ont du cœur est un festival musical qui a lieu chaque année à Nantes depuis 1988 à l’initiative de groupe Elmer Food Beat. Sous l’impulsion de leur guide, Manou, ils décidèrent de réunir dans une même soirée d’autres adeptes de leur adoration « rock’n roll » pour permettre à des enfants, dont l’adresse a été égarée par le Père Noël, d’avoir quelques cadeaux en fin d’année…. « Les Rockeurs ont du cœur » étaient nés ! Ce sont quelques 2000 jouets neufs qui sont récoltés chaque année à Nantes et redistribués !
Ce festival a ensuite été décliné en région dans d’autres formats. Depuis sept ans, l’association les Rockeurs ont du Coeur dans le Var font vivre cet événement avec une équipe de plus de 40  bénévoles solidaires pour une belle cause et passionnés.

Plein son sur la 7éme édition des Rockeurs ont du Cœur :
Un concert solidaire organisé le samedi 26 novembre à la Joa de la Seyne, destiné à récolter des jouets neufs pour les enfants, à l’approche de Noël !
Le principe de cette nouvelle édition comme chaque année est assez simple : pour assister au concert, il suffit de ramener un jouet neuf. A l’occasion de cette future manifestation caritative, le président des Rockeurs ont du Cœur Var, Martial Feniou, et son équipe organisent une conférence de presse le mardi 15 novembre au casino la Joa de la Seyne pour lever le rideau sous la programmation et échanger sur les coulisses d’un concert qui se veut avant tout caritatif et rockn’roll !
Le rendez-vous est officiellement lancé ! Le samedi 26 novembre prochain, la 7ème édition des Rockeurs ont du Cœur va faire du bruit. Au programme, des artistes résolument rock qui feront sonner les guitares au profit d’enfants n’ayant pas la chance de voir souvent la hotte du Père Noël pleine. Depuis plus de sept années, le concept reste le même, les spectateurs doivent se munir d’un jouet neuf d’une valeur de 10 euros qui fait office de place. Une manifestation qui réunit des artistes et des bénévoles au grand cœur avec comme seul diapason celui d’offrir du plaisir et du partage aux petits comme aux grands. Un événement en partenariat avec la commune de la Seyne, le Casino Joa la Seyne, et de nombreuses entreprises locales.

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Gaelle Buswell : elle est une chanteuse française, auteure et compositrice d’Alfortville. Son style musical s’inspire du blues, de la folk et du rock des années 70. Finaliste à l’European blues union au Danemark en avril 2017, elle a été révélation française à Cognac Blues Passions, et prix national France Blues en 2016 et elle a reçu en 2015 le Prix coup de cœur de Cahors Blues Festival et Le prix All That Jazz en 2015. Son dernier clip « Freedom Tonight » a reçu le 1er prix du meilleur clip à l’Azalea Film Fest d’Alabama aux Etats-Unis en avril 2018.
Will Barber, son visage vous dit peut être quelque chose ? Il a participé récemment à l’émission The Voice. Son univers particulier est tourné vers la country, le blues. Depuis cette expérience, Will Barber enchaîne les concerts en France et en Europe, toujours dans sa salopette, guitare Weissenborn à la main. C’est Ben Harper qui lui a fait découvrir cet instrument , un musicien dont Will Barber s’inspire.
Mireil m’a tuer  est un groupe de rock varois déjanté qui chante dans la langue de molière  !C’est comme si Mireille Mathieu avait rencontré les Clash, si Demis Roussos avait chanté avec Green Day, si Nana Mouskouri avait flirté avec Marilyn Manson ! C’est un show plein de dérision mais aussi de poésie et de textes en français soutenus par une musique rock’n roll.

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Samedi 26 novembre 2022, Casino Joa, la Seyne sur Mer, 340 CRS Toussaint Merle
Entrée / heure :  accès moyennant un cadeau de 10 euros  / à partir de 19h30 
Réservations sur place le jour J

Marseille – Théâtre Toursky
Bruno PUTZULU, un magnifique et émouvant rital

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Un rital est un macaroni… Bref deux adjectifs péjoratifs pour désigner un italien.
Ce fut le cas de Daniel Cavanna qui fut ainsi surnommé, son père étant italien et malgré sa mère qui était française.
Cavanna en a fait un roman « Les ritals » et Marcel Bluwal un télé-film avec Benoît Magimel.
Quant à Bruno Putzulu, il en a fait un seul (ou presque !) en scène, accompagné par l’accordéoniste Grégory Daltin, mis en scène par son frère Mario Putzulu.
Un spectacle haut en couleur où Bruno joue sur les personnages du père et du fils à différents âges, modifiant sa voix et son accent avec maestria.
Bruno est un ami de longue date « mon » ami et je ne pouvais pas rater cette magnifique pièce, d’autant qu’il passait chez un autre ami, Richard Martin, directeur du théâtre Toursky à Marseille.
Belles retrouvailles où l’on se rappelait nos rencontres, nos fous-rires, sa peine lorsque son père a disparu, nos dizaines de SMS lorsqu’il jouait Guillaume dans la série « Ici tout commence » et où je commentais allègrement ses aventures entre ses deux femmes, Clotilde (Elsa Lunghini) et Laetitia (Florence Rigaut). Il m’avait un jour envoyé : « Change de chaîne ! ». Ce que je ne fis pas !
Bref, c’est toujours un grand plaisir de nous retrouver et de blaguer après qu’il ait, durant une heure et quart, fait un filage de la pièce !

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Avec son frère, Mario Putzulu, le directeur du Théâtre Toursky, Richard Martin
et l’accordéoniste Grégory Daltin

« Bruno, comment cette pièce est-elle venue à toi ?
Tout simplement parce qu’un jour on m’a proposé de lire des extraits du livre de Cavanna. Mon père venait de décéder et je me suis rendu compte que ce livre, c’était son histoire. J’ai donc eu envie de l’adapter.
C’est toi qui as eu l’idée de l’accordéon ?
Non. L’accordéon est dans le roman et ma voix et l’instrument se répondent. Ce n’est d’ailleurs pas de l’improvisation, la musique est écrite par Grégory Daltin.
Nous avons créé la pièce en 2018 et nous la jouerons jusqu’en 2024. Je suis heureux car elle marche bien partout. Nous l’avons commencée à Albi et Avignon, nous l’avons jouée à Paris du 31 août au 30 octobre, la tournée continue. Ce soir le Toursky est complet et ça fait plaisir. »
Notre Bruno boitille un peu car il s’est déchiré le tendon d’Achille. Mais, contre vents et marées et avec du Voltarène, il a répété sans ciller durant une heure et quart et remet ça le soir devant le public. Double performance.

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Patrick Carpentier, le photographe avec qui je suis venu, a un point commun avec Bruno : Patrick a travaillé des années avec Johnny et Bruno était un intime de Johnny. Du coup, la conversation dévie très vite, chacun sort son téléphone pour se montrer les photos de cette période où ils se sont croisés. Bruno nous rappelle qu’il a écrit une chanson pour Johnny « Ma vie », sur l’album « Le cœur d’un homme »
« Tu ne lui en écrit qu’une ?
Oui, ça a été un hasard. Nous étions souvent ensemble, chez lui, en vacances, sur des galas. Un soir, comme il ne se couchait qu’à l’aube, nous avons commencé à parler de nos vies. Il s’est épanché et puis m’a dit : « Je voudrais une chanson qui ressemble à notre conversation ». Ça a fait tilt, dans la nuit j’ai écrit les paroles, je les lui lues le lendemain et il m’a dit : « Je les veux ». Ainsi est née la chanson sur une musique d’Yvan Cassar.
Tu avais déjà fait des chansons ?
Non mais ça m’a donné l’envie d’en faire et de les chanter. Un disque est né… et un autre sortira le 20 janvier. J’ai écrit tous les textes des 13 chansons, la musique a été écrite par Denis Piednoir (C’est son vrai nom !). Nous avons joué tous deux au ping-pong : je lui envoyais les textes, il  m’envoyait les mélodies et nous avons mixé ensemble.

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Avec Johnny et Elsa Lunghini

Ce disque a un fil rouge ?
Si l’on veut car toutes les chansons sont sur l’idée du temps. Le temps qui passe, celui qui nous appartient…
Tu ne peux pas échapper à un petit briefing sur « Ici tout commence !
(Il rit) Que te dire sinon que je devais rester sur la série un an, que j’en ai fait deux et que j’en garde un très bon souvenir, même si le travail était intense et pas de tout repos. C’était un travail exigeant au quotidien mais l’ambiance était sereine, la série de qualité, mes partenaires étaient sympathiques… même si je me battais avec deux femmes !
As-tu gardé des contacts ?
Non, car sur un tournage, ce sont bien souvent des amitiés éphémères. On est heureux d’être ensemble puis chacun prend des chemins différents. Quelquefois on est heureux de se retrouver sur un autre tournage. Mais c’est la vie.
Ça n’a pas été le cas pour Philippe Noirete et pour Johnny.
C’est vrai mais ça arrive rarement. Avec Noiret, une confiance et une estime réciproques sont nées. J’ai écrit mon livre avec lui, ce qui a créé une belle intimité et une grande amitié. Il n’y avait aucune compétition entre nous. On s’est rencontré sur le film de Boujenah « Père et fils » et c’est devenu un peu le cas.
Avec Johnny on s’est aussi rencontré sur un film : « Pourquoi pas moi ? » de Stéphane Giusti. Il s’est rapproché de moi, peut-être parce que j’étais comédien et qu’il avait tellement envie de l’être. Je l’ai suivi un peu partout, on faisait des fêtes, il était infatigable. C’était un menteur qui racontait des histoires, faisait des blagues, souvent pour monter les gens les uns contre les autres. Juste pour rigoler. Un jour pour mon anniversaire, il a fait une fête et a fait venir mon ex-femme, alors qu’on était séparé et je l’ai retrouvée dans ma chambre !!!
C’était le genre de conneries qu’il aimait faire.
Par contre, malgré cela, il parlait peu, passait son temps devant la télé lorsqu’on était sur son bateau, et il était angoissé par la mort. »

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Souvenirs, souvenirs… Belles retrouvailles et belle soirée, malgré son tendon d’Achille et le filage de l’après-midi. Entre rire et émotion il fut magnifique et en prime émailla le spectacle de quelques chansons… Et il chante bien, le bougre !
D’ailleurs, on se retrouve en janvier, cette fois pour parler chansons !

Jacques Brachet
Photocreations.fr

Toulon – Fête du Livre : Jean-Pierre LAVOIGNAT…
Romy, Gérard, Danièle, Claude… et les autres

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Fidèle à Toulon, le journaliste Jean-Pierre Lavoignat vient à chaque fois présenter ses livres. Des albums superbes qu’on regarde et lit avec plaisir et surtout plaisir qu’on a à le retrouver à chaque fois.
Fidèle au poste, je le retrouve donc à la Fête du Livre pour parler de son dernier album « Romy-Sautet, un coup de foudre créatif », paru aux éditions de la Martinière.

« Jean-Pierre, après Romy… Romy !
Oui, mais avec Sautet !
C’est vrai ! Alors comment est né ce livre ?
De l’exposition Romy Schneider dont j’étais le commissaire, aidé par sa fille Sarah Biasini. Après cela j’avais écrit le livre sur Romy, avec beaucoup de photos et documents que m’avaient prêté Sarah mais aussi Yves Sautet, le fils de Claude. Quand j’ai vu tout ce qu’il possédait, et tout ce que je n’avais pu mettre à l’exposition, l’idée a germé qu’avec toute cette documentation, on pouvait faire un livre autour de la comédienne et du réalisateur. D’autant qu’ils ont fait cinq films ensemble. Et des films importants : « Les choses de la vie », « Max et les ferrailleurs », « César et Rosalie », « Mado », « Une histoire simple ».
Le temps a passé, je suis passé à d’autres choses et l’idée m’est revenue qu’en février de cette année « César« et Rosalie » aurait 50 ans.
Du coup j’ai recontacté Yves qui a aimé l’idée, qui m’a ouvert ses placards et a écrit l’avant-propos du livre qui est très émouvant.  J’ai fait de même avec Sarah qui en a écrit la préface. Sarah m’avait avoué que c’étaient les cinq films préférés de sa mère.
J’ai aussi pu récupérer des photos magnifiques de Claude Mathieu qui fut le photographe de plateau de Claude Sautet.

B C D

Vous aviez donc le choix du roi !
Oui car Yves m’a proposé plein de photos inédites de Claude et Romy, carrément des planches photos, des mots de Romy à son père, qu’elle appelait Clo, dont un extrait où elle râle parce qu’il a choisi une mauvaise prise ! Des plans de tournage, des scénarios, entre autre les cinq versions du scénario de « César et Rosalie » dont il a modifié cinq fois des scènes et surtout le final…
Il y a aussi des témoignages de personnalités d’aujourd’hui.
Oui, je leur ai demandé de parler de Romy que certains n’ont pas connue mais qu’ils admirent.
Par exemple, j’avais repéré une photo de Romy épinglée dans une loge dans le film d’Almodovar « Etreintes brisées », une photo aussi dans les mains d’Emmanuelle Béart dans le film de François Ozon « Huit femmes ». Je leur ai demandé de me parler d’elle. D’autres témoignages de personnalités qui n’avaient pas connu Romy mais qui l’admiraient, comme Isabelle Huppert, Jean Dujardin dont j’avais vu une interview où il parlait de Romy, Sandrine Kiberlain, des gens aussi qui ont collaboré avec Claude comme Philippe Sarde, Jean-Louis Livi, Alain Sarde et même Daniel Biasini, le père de Sarah.
Romy reste une icône inoubliable, une vraie star, une source d’inspiration, une artiste qui touche nombre de comédiennes qui s’en réfèrent. Claude reste un réalisateur qui a fait des films qui ont marqué plusieurs époques. Il a formé un duo très rare avec Romy dans le milieu du cinéma. A part Chabrol et Isabelle Huppert, il n’y en a pas d’autres.

E F

Vous-même avez-vous connu Romy et Sautet ?
Pour Romy, non et je le regrette mais elle est partie trop tôt et peut-être c’aurait pu se faire. Je l’ai croisée plusieurs fois mais à l’époque où je travaillais à « Première » c’était Marc Esposito le chef et c’est lui qui faisait ses interviewes. Mais il m’a offert un joli témoignage pour le livre.
Quant à Sautet, je l’ai connu lorsque « Studio Mag » a rendu hommage à Romy lors des cinq ans de son décès. Romy y faisait la couverture. Claude Sautet m’avait alors accordé une grande interview dans laquelle il parlait exclusivement de Romy. On retrouve cette interview dans ce livre.
Tous les gens que vous avez contactés vous ont dit oui ?
Oui, presque tous mais il y a certains qui avaient dit oui qui ont oublié où qui n’ont pas eu le temps comme Vanessa Paradis, Marion Cotillard…
Pour le premier Romy vous avez travaillé avec sa fille, Sarah, pour Gérard Oury vous avez travaillé avec sa fille, Danièle Thompson et pour celui-ci, avez-vous travaillé avec son fils ?
Non, en dehors de toute la documentation qu’il m’a proposée, j’ai travaillé tout seul !
Boulot de Titan pour l’écrire et pour collecter toutes cette documentation ?
De Titan, n’exagérons rien mais c’est vrai que c’est un vrai travail. Travail qui m’amuse et qui me plaît.

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Et le prochain livre, quel sera-t-il ?
(Il rit) Pour l’instant, je n’en ai aucune idée ! Je vais avant tout me reposer de celui-ci, j’ai d’autres choses à faire, dont quelques salons du livre et pour le reste, j’attends qu’une idée vienne où qu’on me propose une commande qui m’excite.
Mais pour le moment… repos !
Propos recueillis par Jacques Brachet

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Philippe Lioret : « 16 ans », un film bouleversant

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Nora 16 ans (Sabrina Levoye) et Léo 17 ans (Teïlo Azaïs) se rencontrent à l’école. Très vite ils se rapprochent et nait un amour d’adolescence.
Mais cette rencontre n’est pas sans problèmes : Léo est fils de bourgeois, son père est directeur d’un supermarché. Nora est française mais d’origine maghrébine. Son frère, qui travaille dans le supermarché du père de Léo, est suspecté de vol. Sur la foi d’un « collègue »  mal intentionné, le père le renvoie.
A partir de là tout va se compliquer : les copains du frère viennent tout casser dans le supermarché et le frère est arrêté. Et lorsqu’il apprend que Nora sort avec le fils du directeur, tout part en vrille : Il lui interdit de le revoir, la dénonce à son père qui l’enferme. Quant à Léo, son père lui interdit également de la revoir, d’autant qu’après la rixe celui-ci il est mis à pied.
C’est l’histoire d’une violence ordinaire, de la confrontation de deux communautés, d’un amour impossible, sorte de « Roméo et Juliette » revisité par un Philippe Lioret inspiré et investi qui dépeint ce drame avec beaucoup d’humanité, sans pathos, teinté d’un racisme latent.
Par ailleurs, Le réalisateur a formé un couple de comédiens lumineux et superbe, qui se retrouve dans cet imbroglio et aura du mal à s’en sortir face à des parents qui vivent chacun dans leur monde. A noter que les deux pères, Arsène Mosca et Jean-Pierre Lorit et le frère Nassim Lyess sont aussi très émouvants dans cette histoire qui les dépasse.
Un film âpre qui ne peut pas nous laisser indifférent.
On sort de celui-ci à la fois ému et oppressé et il est bien d’avoir vu le film avant que ne vienne Philippe Lioret car on a du mal à reprendre son souffle. De plus, il nous fait la surprise de venir avec ce magnifique couple qu’est Sabrina et Teïlo.
Heureux de retrouver Philippe Lioret que j’ai croisé plusieurs fois et, à l’abri du public avant la surprise, ravi de voir ce beau couple sirotant un coca, l’aventure terminée, car ils ont gardé une belle complicité.
J’avoue à Philippe Lioret que je suis heureux d’avoir vu le film deux jours avant sa venue tant il m’aurait été impossible d’en parler juste après la projection.

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Il sourit : « Je m’en suis rendu compte au long des avant-premières et c’est pour cela que j’arrive seul à la projection et que les comédiens arrivent après le film. Cela donne un effet de surprise qui donne le temps aux spectateurs de se remettre car ne s’attendant pas à les voir et se lèvent pour les applaudir.
« La genèse du film, Philippe ?
Le hasard. Durant plusieurs jours, j’ai découvert un jeune couple à l’arrêt d’un bus. Ils s’embrassaient tout en pleurant jusqu’à ce que le bus arrive et les sépare. J’ai commencé à cogiter une histoire autour d’eux qui m’a fait penser à « Roméo et Juliette », à cet amour impossible, à la guerre entre les Capulet et les Montaigu, en me disant que cela existait toujours, que c’était une histoire universelle. Il y avait eu « West Side Story » et pourquoi pas une histoire similaire aujourd’hui, partant de familles, deux mondes diamétralement opposées, deux extrêmes qui ne se rencontrent pas mais dont les enfants font les frais.
Le choix de ces deux magnifiques jeunes comédiens ?
Evidemment un casting ! J’ai vu 80 Nora et 50 Léo ! Petit à petit l’étau s’est resserré. Sabrina était l’une des trois restantes et j’ai failli passer à côté tant elle était stressée. Elle s’en est rendu compte et s’est mise à pleurer et c’est ce qui m’a décidé car j’ai tout de suite vu Nora.
Pour Léo, ça a été totalement différent car, au contraire de Sabrina, Teïlo était très décontracté, très à l’aise. Il a très vite compris le rôle. Avant cela, j’ai présenté plusieurs Nora à Léo et avec Sabrina, ça a tout de suite accroché. J’ai senti tout de suite qu’ils étaient faits l’un pour l’autre !
Ils sont d’ailleurs très vit devenus plus que ce que j’attendais. Il y avait une osmose entre les deux et je ne savais plus si j’avais Léo et Nora ou Taïlo et Sabrina face à moi ! Il me semblait que je tournais mon premier film !
Alors, Sabrina ?
C’est vrai que j’étais terriblement stressée. C’était mon premier casting, je prenais des cours de théâtre depuis seulement quelques mois. C’est ma mère qui m’a inscrite au casting. Lorsque j’ai appris le sujet du film, je me suis dit « pourquoi pas ? » J’avoue que devant Philippe, je me suis sentie scrutée et j’étais très mal à l’aise. J’ai tout de suite pensé que c’était raté et je me suis mise à pleurer. C’est ce qui lui a plu !

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Et toi Teïlo ?
J’avais un peu d’expérience. C’est aussi ma mère qui m’a inscrit un jour à un casting. J’étais très à l’aise même si je n’avais jamais pris de cours. Puis tout s’est enchaîné avec des petits rôles dans la trilogie « C’est quoi mamy, papy, la famille », « Louise Wimmer », « La vie pure » et la série « Un si grand soleil ».
Je me suis donc dit que c’était un casting comme les autres. Mais ma rencontre avec Philippe a été déterminante puisqu’il me donnait la chance d’avoir un premier rôle et en plus, un très beau rôle dramatique. Et avec Sabrina, ça a tout de suite collé, nous sommes devenus amis, nous nous voyons, nous envoyons des SMS…
Philippe, il y a aussi eu le casting pour les lycéens…
Oui. J’ai réuni trois classes et le choix a été difficile, d’autant que je savais que lorsqu’on fait ce genre de casting ont fait indubitablement des malheureux. Il y avait entre autre un garçon qui me suivait partout, qui ne me quittait pas des yeux, me regardait intensément. Je me suis demandé s’il n’était pas autiste et je me suis dit : pourquoi pas ?
Sabrina, Teïlo, connaissiez-vous l’histoire de Roméo et Juliette ?
Teïlo :
Je connaissais vaguement l’histoire mais je ne l’ai jamais lue
Sabrina : J’en connaissais quelques scènes que j’avais eu à jouer dans mon cours de théâtre, c’est tout.
Philippe : Pour moi c’est la plus grande histoire du monde, une histoire universelle et quand on pense que Shakespeare l’a écrite en 1580, ça laisse rêveur !

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Dans le film il y a d’ailleurs un clin d’œil à la scène du balcon !
(Philippe rit) Oui, lorsque Léo appelle Nora et qu’elle paraît à la fenêtre de son HLM ! Ça n’était pas un balcon mis c’était tout aussi romantique !
Combien de temps avez-vous tourné ?
Huit semaines sans compter les arrêts Covid. J’étais désespéré de laisser tomber mes comédiens. Le film aurait dû sortir bien avant mais avec tous ces événements il ne sortira que le 4 janvier.
Ce que je trouve réussi dans le film, c’est qu’il n’y a ni gentil ni méchant et que tous les personnages sont attachants.
Ce sont tous, avant tout, des êtres humains qui ont chacun leurs idées, leur convictions, leurs traditions. Chacun vit dans son monde, son sens de l’honneur. Chacun a ses raisons et elles sont défendables. Le frère de Nora, Tarek ( Nassim Lyess est magnifique) parce que renvoyé pour un vol qu’il n’a pas commis, peut-être parce qu’il est arabe. Et lorsqu’il apprend que sa sœur fréquente son fils, il devient fou de rage. Le père de Léo (Jean-Pierre Lorit), lui, a perdu sa place à cause de cette affaire. Il déteste Tarek et ne supporte pas qu’il fréquente sa sœur. Le père de Nora (Arsène Mosca) ne supporte pas que sa fille puisse fréquenter un garçon hors de sa communauté et surtout qu’elle ait des rapports avec lui tant il a le sens de l’honneur perdu. Chacun a quelque chose à défendre. Et c’est humain.
Alors, heureux que sorte enfin ce film ?
Philippe : Très heureux pour Sabrina et Teïlo car ils m’ont tellement apporté. Et c’est peut-être le film qui m’a le plus apporté.
Teïlo : C’est mon plus grand et plus beau rôle et je le dois à Philippe. Aujourd’hui, je continue les castings et la série « Un si grand soleil ».
Sabrina : Dans la mesure où je n’ai rien fait avant, j’attends beaucoup de la sortie du film car aujourd’hui, personne ne me connait. Donc… je patiente ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Sanary – Théâtre Galli
Jean-François ZYGEL , conteur et musicien

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Une scène noire où l’on aperçoit l’ombre d’un piano à queue.
Une salle noire où l’on entend, plus qu’on ne le voit, Jean-François Zygel qui règle, avec les techniciens du théâtre Galli, les lumières du spectacle avec minutie et exigence.
Directif mais toujours aimable et poli, il demande un soleil plus jaune, un éclairage rasant, une scène plus bleue. Il sait ce qu’il veut et veut travailler dans le silence et le noir.
Il vient me saluer, je lui rappelle notre rencontre au conservatoire de Toulon et dans la foulée, je lui demande si l’on pourra faire quelques photos.
« Tout ce que vous voudrez mais après le spectacle. On pourra même faire un numéro ensemble, si vous le voulez ! »
J’acquiesce… pour les photos, après, pour le numéro, on verra une autre fois !
Françoise Gnéri, belle musicienne sanaryenne et présidente du collectif « Fractales » grâce à qui notre artiste est là, est aux petits soins et le mène à la baguette, ce qui le fait rire.
Voici trois jours qu’il a débarqué à Sanary pour préparer ce concert, certes improvisé, comme il le fait toujours, mais celui-ci sera un hymne à Sanary et il a voulu s’imprégner de la ville pour adapter ses improvisations.

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Ce qu’il fera en évoquant musicalement les éléments, la mer, les vagues, le vent, les pointus dont le maire, Daniel Alsters, lui a fait connaître l’histoire, les fonds marins, la tour et ses marches qui ressemblent à la gamme musicale au fur et à mesure qu’on les monte, le chanoine Galli, qui fut comédien avant d’être prêtre et grâce à qui on a cette belle salle, qui aurait eu 100 ans cette année, qui porte les trois prénoms de ses oncles et qui sont nés tous les deux le même jour… à quelques années près !  Michel Pacha, le fameux manège qui est sur la place depuis la première fois qu’il est venu à Sanary, les intellectuels allemands qui sont venus se réfugier à Sanary durant la guerre, le musée océanographique Frédéric Dumas, le chemin de croix, le jardin des oliviers… Bref, c’est une plongée dans la ville qui va l’inspirer tout au long de ce concert où il mêle habilement l’Histoire et les histoires de la cité, avec humour et volubilité, avec des apartés, des parenthèses (« Vous avez cinq minutes ? » demande-t-il à la salle) et dont vont naître sous ses doigts des musiques dont seul le public de ce soir se souviendra.
Une imagination musicale débordante, une érudition sans failles… Le spectacle fut magnifique, original, passionnant, malgré une bronchite qui le tient depuis une semaine et une toux qu’il mêlera aux applaudissements pour que ça ne s’entende pas !

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Avec le Chanoine Galli et avec Françoise Gnéri !

« Le pouvoir de l’improvisation ? – nous avoue-t-il – c’est que l’on n’a jamais de trou de mémoire et que s’il y a une fausse note on peut dire qu’on l’a fait exprès ! »
Il n’y eut pas de fausse note… sinon l’orage qui surprit tout le monde à la sortie.
Mais malgré cela et sa bronchite, durant une heure il signa programmes, CD*, DVD, avec des marqueurs de toutes les couleurs et en discutant avec chaque personne avec une gentillesse extrême.
Au XVIIIème siècle, on l’aurait certainement appelé « un honnête homme » !

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Jacques Brachet
* Son dernier CD « L’alchimiste », dans une magnifique pochette, réunit des chansons comme « Mistral gagnant », « Y a d’la joie », « Lucie », « Ne me quitte pas », « Amsterdam » « Jacques a dit », façon classique, contrairement à nombre de morceaux classiques qui sont devenus des chansons.

Six-Fours – Festival « Femmes ! »
Andréa RAWLINS : Sept millions de victimes d’inceste

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Andréa Rawlins est journaliste d’investigation et réalisatrice depuis près de 25 ans. Elle travaille pour l’agence Kapa et réalise  des documentaires pour France Télévision. Elle s’est spécialisée depuis 15 ans dans les problèmes de société.
Invitée au festival « Femmes ! », elle est venue présenter un de ses reportages intitulé « Inceste », qu’on a pu voir sur France 3 et que vous pouvez encore voir en replay.
Durant de longs mois, elle a rencontré, entendu et, pour certains, filmé hommes et femmes qui ont été victimes d’incestes par des pères, des frères, des cousins…
Portraits poignants qui montrent à quel point, ces victimes ont longtemps gardé ce secret pour de multiples raisons mais qui, de plus en plus, osent évoquer l’impensable.

Andréa, je pense que ce sujet vous tenait particulièrement à cœur…
J’aime, depuis des années, rencontrer des personnes qui m’entourent, dans l’intimité et des situations qui sont en fait de l’ordre du sociétal et du politique.
J’en suis donc venue un jour à rencontrer des personnes de tous horizons, hommes et femmes, qui ont été victime d’inceste.
Facile ou pas facile ?
Plus facile aujourd’hui qu’il y a seulement dix ans où le sujet était totalement tabou. Il reste d’ailleurs encore tabou pour nombre de victimes mais aujourd’hui, malgré tout, la parole peu à peu se libère et il est important que ces personnes soient entendues.
Avez-vous rencontré beaucoup de victimes pour réaliser ce film ?
J’ai bien rencontré une centaine de personnes mais pas seulement des victimes : des psychologues, des associations, des médecins…
Avez-vous eu beaucoup de refus ?
Oui, bien sûr, car nombre de victimes n’osent toujours pas parler, essaient d’oublier et même en ont honte. Elles n’ont pas encore atteint le bout du chemin qui pourrait les amener à parler. Bien évidemment, elles ne peuvent oublier mais arrivera un moment où elles pourront faire avec, chacune  trouvant un chemin différent.

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Corinne Masiéro : « C’est la famille, alors ferme ta gueule » (son entourage).
Guillaume : « C’est normal entre un père et son fils. Mais c’est un secret » (son père)

Dans ce film, il y a des personnes inconnues et quelques – mais peu ! – de personnes connues…
Oui mais c’est un peu normal car pour beaucoup, révéler qu’on a eu des rapports incestueux, avec un père ou un frère, ce n’est pas quelque chose d’anodin. Le traumatisme est et sera toujours là et les personnes qui en parlent comme la comédienne Corinne Masiero ou la femme politique Loubna Méliane sont des femmes qui ont déjà avancé dans leur vie en se réalisant dans leur métier et ont pu passer à autre chose même s’il n’est pas question d’oubli mais de résilience.
Certaines femmes dans un processus psychique, par exemple lorsqu’elles se retrouvent un jour enceintes ou dans une situation qui leur permet d’entrouvrir la porte…
Comment s’est fait votre rapprochement.
Par exemple, j’ai rencontré Corinne Masiéro grâce à une amie commune, la comédienne et réalisatrice Andréa Bescond. Corinne a commencé à se remémorer son histoire durant le Covid, en triant des photos. Certaines lui ont parlé et fait se souvenir de certaines choses. Peu à peu elle s’est rendu compte que c’est à cause de ça qu’elle a fait pas de bêtises, allant jusqu’à la prostitution.
Après en avoir parlé, elle a reçu plein de messages aussi bien d’insultes que d’amour. Et elle avoue que les « Je t’aime » qu’elle a reçus, elle les a reçu comme une agression, tout signal d’amour, pour elle, étant reçu comme un danger. Elle m’a dit oui tout de suite.
Beaucoup sont devenus des militants…
Oui. Il y a plein de manières différentes pour se reconstruire.

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Ce qui est fou c’est que, très souvent, l’entourage ne s’en rend pas compte…
Certains ne s’en aperçoivent pas ou ne veulent pas s’en apercevoir. Il y a un déni total. Sans compter qu’une mère ne peut pas imaginer que son mari ou l’un de ces enfants puissent faire une chose pareille. Même si la victime n’ose pas en parler, on imagine difficilement que personne autour ne s’en aperçoive.
On compte aujourd’hui sept millions de victimes et encore c’est un chiffre estimé, ce qui est démentiel. C’est pour cela que c’est un sujet dont il faut qu’on parle et c’est pour cela qu’en sous-titre du film il y a : « On l’a vécu, vous pouvez l’entendre »

Propos recueillis par Jacques Brachet