C’est un grand costaud au regard bleu et brillant, au sourire carnassier, le bob vissé sur la tête. Un grand ogre à la gentillesse extrême avec lequel, aussitôt, passe un sentiment de sympathie. Sa voix éraillée pour vous dire bonjour ajoute au charme de ce chanteur issu de l’émission « The Voice », qui, malgré « son grand âge » (40 ans !) est arrivé en finale, juste poussé par une gamine de 16 ans, Nour, qui lui a ravi la place de justesse.
En tout état de cause, c’est lui qui, contre toute attente, a fait le buzz, grâce à son charisme, sa personnalité et cette voix qui oscille entre Garou et Joe Cocker. Il a d’ailleurs, pour un concert, chanté avec Garou… « Enchain my heart » !
C’est à Cultura, à la Valette, qu’il est venu nous offrir un show case où il était tout à fait en harmonie avec un public qui l’a découvert dans cette émission et l’on se rend aussitôt compte de son charme, de son talent et de la proximité qu’il a avec ce public.
Une belle rencontre avec celui dont le grand-père était toulonnais et qui arrivait du Québec, via St Pierre et Miquelon, un peu déphasé par le décalage horaire.
« Mat, est-ce qu’on peut dire… enfin et salut l’artiste !
Il rit : Je ne suis pas un artiste, je suis un musicien ! Et je ne suis pas une star non plus, je ne le serai jamais. Depuis des années, j’ai baroudé partout, j’ai fait des centaines de concerts avec mon groupe, Mountain Men, nous avons fait des disques qui se sont bien vendus, et puis j’ai eu envie de me lancer en solo. Bien m’en a pris puisqu’on était en 2019, j’ai fait un disque « Freedom », suivi de « Du bonheur en retard » je suis passé chez Ruquier, puis le 13 mars 2020 à « Taratata » et le 14… tout s’arrêtait avec le covid !
Ce qui a beaucoup compliqué les choses durant deux ans jusqu’à ce qu’on me propose de faire « The Voice ». Je dois dire qu’au départ je n’y croyais pas, je ne voulais pas le faire. Qu’allais-je faire dans ce genre d’émissions où seuls des jeunes se présentent ? Ce n’était pas mon truc. Et puis ce covid m’a fait dire : pourquoi pas ? Je n’avais rien à perdre et en attendant que ça se passe, j’avais quelque chose à faire. Et montrer que j’existais.
Lorsqu’on entre dans une telle émission a-t-on la liberté de faire ce que l’on souhaite ?
La production a bien vu que j’étais un cas à part, que je ne venais pas pour me dandiner et prouver que j’avais une voix. Je suis comme je suis, je viens du blues, j’adore la chanson française, Brassens et Dylan, et j’avais envie de me montrer tel que j’étais, avec mon âge, ma voix, ma personnalité et la prod m’a laissé faire mes choix. Je n’ai eu aucun problème à ce sujet. Même les interviewes que j’ai faites au cours des émissions sont restées telles quelles.
Au fur et à mesure que l’émission avançait, Ils se sont rendus compte qu’il se passait quelque chose… et qu’ils n’allaient pas pouvoir se débarrasser de moi ! (Rire)
Et pas frustré d’être coiffé au poteau par une gamine de 16 ans ?
Pas du tout ! Je ne venais pas pour gagner, devenir une star mais pour me montrer tel que j’étais et faire savoir que j’étais là. Ce genre d’émission peut aussi bien te faire découvrir sans que, du jour au lendemain, tu deviennes une star. C’est une vitrine qui te donne un coup de projecteur. Et puis, avec un type comme moi, ça a un peu bousculé l’émission car je n’avais rien du petit gendre idéal. J’arrivais avec mon vécu, avec mon expérience et je n’avais pas le stress de continuer ou d’être éliminé. Les gens ne s’y sont pas trompés puisque de semaine en semaine j’étais plébiscité.
Je crois qu’aujourd’hui les gens ont besoin d’authenticité.
Pourquoi dis-tu ça ?
Parce que c’est une réalité. Aujourd’hui je trouve que la chanson française n’est plus ce qu’elle était. On s’extasie sur tout et rien, la médiocrité s’installe, on est nivelé vers le bas, et ça devient hélas une habitude. C’est comme tout d’ailleurs, comme la bouffe. On mange de plus en plus mal mais on finit par s’y habituer. On est aujourd’hui dans un monde d’images , le contenu on s’en balance. On vit à l’heure des smartphones, des influenceurs qui gagnent des fortunes avec du vent. Des artistes qui n’en sont pas et deviennent stars avant d’être artistes.
Alors que faire ?
Pas grand-chose, hélas. La culture des mots se perd, on voit comment s’expriment les jeunes… sans parler de l’écriture. Moi j’essaie de défendre ce qui est défendable, dont la vraie chanson française. Je suis mon chemin, même s’il est quelquefois compliqué. Mais c’est mon chemin.
Alors, comment ça s’est passé avec Vianney, qui était ton coach ?
C’est un garçon sympathique avec qui j’ai eu une jolie relation, même si ce qu’il chante n’est pas ce que j’aime. Mais il y a eu une belle approche, on a bossé dans son studio, on continue à s’envoyer des SMS, nous avons une chouette relation.
D’habitude, lorsqu’un artiste sort d « The Voice » il met souvent plus d’un an à sortir un disque. Toi, tu en as déjà deux à ton actif !*
Oui, parce qu’ils ont été faits chez Decca avant le covid. Le premier « Du bonheur en retard » était prêt, se second « L’aventure continue » est un mélange de mes chansons et de chansons que j’ai chantées sur « The Voice ». Donc tout était déjà là et ça a facilité les choses.
Tu as toujours vécu de ta musique ?
Depuis pas mal d’années déjà, avec mon groupe.
Ce qui n’empêche que j’ai pratiqué plein de petits métiers, j’ai travaillé à l’assainissement, j’ai été représentant en soutien gorge !!! »
Et le voilà reparti avec ce rire tonitruant d’ogre sympathique qui fait partie de son personnage… non, de sa personne, car c’est un artiste… et musicien aussi vrai que talentueux, un homme d’une belle simplicité qui suit sa route bien dans ses bottes, guitare en bandoulière (sa plus ancienne date de 1933 !), sans concession, désespérément optimiste et qui ne regrette rien.
Jacques Brachet
Photoscreations.fr
* « Du bonheur en retard (Je m’envolerai – Désespérément optimiste – Jours dans le vent…)
« Laventure continue (Non, je ne regrette rien, Marie, Georgia on my mind, Je l’aime à mourir…)