Archives mensuelles : juin 2022

Éric LEVI… « Era »… c’est lui !

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Éric Levi… Qui connait son visage, et à la limite, son nom, sinon ceux qui vont voir le spectacle magique qu’est « Era » puisqu’il en est le créateur. Sur scène, lui n’a pas de masque mais il se cache derrière sa musique et tout le monde connaît « Era » qui a fait le tour du monde.
Curieux cheminement que celui d’Éric qui a débuté par du hard rock, puis du rock, ce qui l’a fait travailler avec des artiste comme Corinne et Bertignac, Higelin, écrire une douzaine de musiques de films dont celle des « Visiteurs », loin du rock mais tout aussi efficace et devenue aujourd’hui indissociable du film, musique d’ailleurs nommée aux César en 93.
Il a même écriot un morceau pour le pape, chanté, excusez u peu, par Dee Dee Bridgewater et Andrea Bocelli « I believe » !
« Era » c’est un virement, sinon à 180 mais au mois à 9O° douze millions de disques vendus de par le monde puisqu’Eric nous plonge dans le monde de l’Héroïc Fantaisy, mélange de musique moyenâgeuse et de rock aux solos de guitares saturées, de batterie, de voix de femmes angéliques et d’hommes à la voix puissante. Sans compter que le spectacle est féérique où l’on en prend plein les yeux et les oreilles. Il y adapte aussi des morceaux classiques comme « Carmina Burana » de Karl Off devenu « The mass », ou encore le fameux adagio d’Albinoni devenu « Abbey Road Blues » et ça s’adapte magnifiquement.
Vous pouvez déjà en avoir un aperçu avec ce double album qui vient de sortir « Live expérience » (Sony Music) qui vous offre un concert live  et une reprise de trois succès dont « Ameno », revus et corrigés.
A la suite de cette sortie et après près de deux ans de covid, Eric-Era sera en tournée en France, suisse, Belgique, Italie, avec arrêt au Nikaïa à Nice le mardi 13 décembre.
Il faut le voir et l’écouter pour le croire.

ERA-TLE-VISUEL3000 - Crédit Denis Tribhou.jpg 3

Rencontre avec Eric Levi
« Eric, comment se fait-il qu’Era soit connu du monde entier et pas Éric Levi ?
C’est un choix. Je ne suis ni chanteur ni comédien et « Era » est au départ un projet. Je ne vois donc pas l’intérêt d’une présence frontale de ma part.
C’est en fait un projet de musique de film… sans film !
Comment définiriez-vous votre musique ?
C’est un OVNI ! Une musique mélange d’Héroïc Fantaisy, de rock qui est cohérent, que j’ai eu du mal à faire accepter aux maisons de disques qui n’y croyaient pas et qui a aujourd’hui une résonnance universelle. Mais ce n’est pas moi qui ai inventé cette musique, je l’ai seulement remise à la mode avec des sons d’aujourd’hui. Et le public, même jeune, s’y retrouve.
Sans compter le nombre de films qui ont adopté cette musique come « Games of thrones » et quelques autres.
C’est grâce aux « Visiteurs » qu’on vous a connu ?
Pas vraiment car au départ, nous n’avons vendu que 35.000 albums de la B.O, malgré sa nomination aux César. Sans compter qu’elle n’a pas dépassé la France.  Aujourd’hui le film est devenu mythique et la musique en est indissociable.
J’ai dû attendre quatre ans pour que naisse « Era ». J’avais cette idée en tête depuis longtemps mais comme personne n’en voulait j’ai fini par produire le premier disque… sans maison de disques !

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Que signifie « Era »
C’est une reine, un règne, une période, avec pour notion le bien contre le mal.
En fait, avant « Era », vous avez eu une période rock…
Et même hard rock ! J’avais créé un groupe nommé Shakin’n Street dans lequel sont venus jouer Bertignanc et Corinne du groupe Téléphone. Nous avons fait une immense tournée aux Etats-Unis avec des groupes comme Blue Oyster Cult, AC/DC, Black Sabbath, Trust… A l’époque le rock français ne marchait pas en France. Du coup nous avons fait beaucoup de choses aux USA.
Mais l’on retrouve du rock dans le spectacle que je considère comme un opéra-rock avec cette chorale mobile, ces chanteurs. C’est plus qu’un simple concert, il y a un son plus costaud et des lumières incroyables. C’est un univers particulier et là encore, j’ai eu du mal à trouver un producteur car je ne voulais pas d’un spectacle à l’économie.
Au départ, « Era » était un clip…
Oui et c’est lui qui nous a fait connaître Beaucoup de gens l’ont découvert sur TF1 et c’est vrai que ça a été un tremplin pour nous, même si c’était alors considéré comme un projet marginal.
Vous repartez donc en tournée.
Oui, après deux ans d’arrêt qui nous a fait tout annuler puisque lorsque le covid a démarré, notre tournée internationale démarrait aussi. Nous avions des dates dans le monde entier, même à Moscou… Je  pense que nous n’irons pas !
Nous commençons déjà une tournée française, puis européenne et nous sommes en train de récupérer les autres dates. C’est assez difficile car aujourd’hui tout le monde se précipite pour faire de même… Ça se bouscule.
Deux ans et demi d’arrêt, ça a été frustrant pour tout le monde !

5 Era Live Experience - Arkea Arena - Photo : Benjamin Pavone

Pour en revenir à la Russie, Vincent Niclo a enregistré « Ameno » avec les Chœurs de l’Armée Rouge. Qu’en avez-vous pensé ?
Il a eu la gentillesse de m’envoyer le disque et ce qu’il a fait est très bien, dans un autre style, plus martial ! Mais il n’y a pas que lui, il y a aussi le nigérien Goya Menor qui en a fait une version rap africain qui a fait le tour de la planète.
Beaucoup d’autres l’ont enregistré dont Janet Jackson. C’est bien qu’une musique vive et voyage, car la musique, c’est intemporel ».

Propos recueillis par Jacques Brachet





Nikos ALIAGAS : « Je suis aux premières loges… »

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Bon, tout d’abord, je ne parlerai que très peu de la soirée de TF1 puisque nous y avons été éjectés manu militari par une équipe de sécurité zélée qui est venue nous retirer nos badges presse et nous ont virés du lieu de la scène. Prétexte : une exclusivité d’une agence de presse. Donc ni interview, ni photos, alors que nous sommes chez nous, à Toulon, que TPM nous a donné ces badges pour travailler mais que TF1 en décidé autrement.
En fait, nous n’avons eu droit qu’à la conférence de presse en pleine chaleur, sans qu’on nous offre un verre. Et à la question de savoir pourquoi être alors invités à la conférence de presse et « évités » pour le spectacle, il nous a été répondu : « Pour faire la promo de TF1 et de votre ville ». Avec ça, nous étions bien servis !
Bref, dans laps de temps imparti à cette conférence, nous avons pu rencontrer Nikos Aliagas, très charmant et très coopératif… lui !
Ce journaliste-animateur est aujourd’hui la star de TF1, présentant les plus grandes émissions de variétés, de « Star Academy à « The voice » en passant par « 50’ inside ».
Le plus français des grecs, arrivé déjà super bronzé, nous disait sa joie d’être à Toulon

« Le bleu et le blanc me rappellent automatiquement les couleurs de mon pays. Je suis né au bord de la Méditerranée et j’ai toujours un plaisir extrême à m’y retrouver.
Et après cette longue pause difficile, quel plaisir de retrouver ces paysages et surtout de retrouver ce public qui nous a tant manqué ! Je suis toujours heureux de le retrouver car c’est par lui que j’existe et j’apprécie la chance de pouvoir vivre de ma passion.
J’ai démarré comme journaliste, je suis devenu animateur un peu par hasard car, pour payer mes études, j’ai trouvé un boulot dans une radio puis j’ai monté les échelons.
C’est Christine Bravo qui m’a mis le pied à l’étrier en me prenant dans son émission « Union libre »
Aujourd’hui ça fait 35 ans que je fais ce métier, dont 21 sur TF1.
Et tenir en direct une émission de trois heures, c’est un vrai challenge et un grand bonheur.

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Avez-vous le stress ?
Pas vraiment mais certainement un peu d’appréhension car c’est du direct, tout peut arriver et dans le cas d’un problème il faut s’adapter le plus vite possible sans que le public s’en rende compte.
Mais au bout de 35 ans, je ne connais toujours pas la formule miracle, il faut être attentif, savoir très vite s’adapter et ne jamais lâcher le public car c’est lui qui donne le ton d’une émission.
Et il ne faut pas oublier que si l’on est devant lui, il y a aussi celui qui est derrière l’écran. Il faut donc pouvoir doser pour que chacun y trouve son compte. C’est donc à chaque fois une remise en question et c’est ce qui est passionnant car nous devons amuser le public tout en nous amusant aussi. C’est une histoire qu’on écrit ensemble. On est là pour le divertir… et lui donner l’illusion que c’est facile !
Il faut avoir beaucoup d’humilité et je me dis toujours que ce n’est pas « mon » public, mais « le » public. Rien n’est jamais acquis.
Vos relations avec les artistes ?
Ce sont bien sûr des relations privilégiées, beaucoup sont des amis, que j’ai vus grandir au fil des émissions comme « The voice » ou « Star Academy », et je suis heureux lorsque je vois que certains ont tenu la route, sont devenus de vraies stars. Retrouver Amir, Christophe Wilhem, Louane, Kenji, Jenifer et voir ce qu’ils sont devenus me touche beaucoup.
J’aime les artistes et je crois qu’ils me le rendent bien. J’ai créé des liens naturels avec eux et j’aime les voir évoluer, voir les nuances des choix de chacun.
Je suis aux premières loges et c’est ce que j’aime ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photoscreations.fr

Alexandre BRASSEUR troisième génération !

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Alexandre BRASSEUR : Additionne (Ed Plon – 217 pages)
Dans la famille Brasseur, donnez-moi le grand-père, Pierre, le père, Claude, le fils, Alexandre. Alias Espinasse.
Et y ajoutez-y la grand-mère, la comédienne et écrivaine Odette Joyeux.
Une famille de comédien donc, dont chacun, à part Pierre, sera dans le métier « le fils de… ». Il fallait donc pour les deux derniers se faire un prénom à l’ombre immense d’un monstre sacré.
Et ils l’ont fait !
C’est ce que nous raconte Alexandre Brasseur dans ce livre co-signé par Mathieu Souquière « Additionne ». Le titre vient d’un conseil que Georges Wilson a donné à Claude à ses débuts, pour lui faire comprendre que dans ce métier, comme dans tant d’autres, il faut additionner les expériences, les rencontres, les rôles, même s’ils ne sont pas de premier plan ou qu’ils ne sont les meilleurs, les joies, les déceptions, et ne jamais baisser les bras.
Etre « le fils de… » n’est pas toujours facile, peut être un fardeau ou un handicap mais volonté, talent, envie… s’additionnant, on y arrive. La preuve.
Claude voulait devenir journaliste. C’est la grande comédienne Elvire Popesco qui l’en a dissuadé. Et comme l’envie n’était pas loin, il a suivi son père en tant que « spectateur clandestin » dans les coulisses des théâtres, sur les plateaux de tournage. C’est là, dit-il, qu’il a appris son métier.
Enfance ballotée, comme le fut son père, par une famille qui ne pensait plus qu’à son métier que d’élever un enfant. Ce qu’il réussira à faire lui-même avec ses enfants.
Le pensionnat, le handicap d’être, comme il dit « 1/3 dyslexique, 2/3 cancre, 100% déconneur »,  plus des situations familiales quelquefois compliquées, auraient pu le faire mal tourner mais la passion du théâtre, du cinéma, puis de la télé et le goût du travail apporté par son père, ont fait qu’il peut porter haut le nom des Brasseur. Nom qu’il a partagé sur scène dans un Guitry « Mon père avait raison », si justement nommé. Ce qui, alors que son père n’était pas avide de compliments et de mots de tendresse, fit dire à celui-ci lors de la dernière à Ramatuelle, au lieu de « Regarde-moi, Maurice, je te jure que je suis heureux », changeant le prénom de Maurice à celui d’Alexandre.
Un très beau et très émouvant livre de souvenirs, mais pas que, mais le témoignage d’une saga hors du commun qui a traversé trois décennies car s’entremêlent trois époques, chacune marquée par un Brasseur, riche en anecdotes, un livre, comme le dit très justement Alexandre, de « passeur de mémoire ».

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Rencontres
J’ai eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Claude Brasseur, sa maman Odette Joyeux, comédienne, réalisatrice, écrivaine, femmes infiniment charmante, talentueuse, remarquablement intelligente, pleine d’humour. Ce fut à presque la fin de sa vie dans sa maison de Grimaud. Enfin, avec Alexandre, on se retrouve presque chaque année au festival TV de la Rochelle, où avec quelques comparses de « Demain nous appartient » nous avons toujours un moment d’entretien.
Bien sûr, je ne pouvais attendre septembre pour évoquer ce beau livre.
Je le surprends au téléphone en train de faire du footing sur des chemins de Bretagne où il tourne un « Meurtres à… Pont aven » avec Stéphane Freiss.
« Alexandre, lorsqu’il y a déjà deux Brasseur célèbres, est-ce qu’on hésite à être le troisième ?
Je n’ai pas vraiment hésité, je ne me suis pas vraiment posé la question. J’ai vécu dans un monde d’art et j’aime l’art sous toutes ses formes et pourquoi ne pas être comédien. Mon éducation silencieuse m’a fait découvrir, l’art, le Français et la philo, m’a ouvert le champ de la littérature et m’a très vite rattrapé. Et puis, suivre mon père sur des tournages ou dans les coulisses de théâtre ne pouvait pas me déplaire. Tout cela je le dois à mon entourage puisque tout le monde exerçait des métiers artistiques.
Ne leur en avez pas voulu de penser plus à leur métier qu’au petit garçon que vous étiez, qu’on vous mette en pension…
Mais pas un seul instant ! D’abord parce que mes parents m’ont aimé et même s’il y avait des histoires entre eux, ça ne me regardait pas. Sans compter que le pensionnat, même si ce n’est pas toujours drôle, c’est une école de la vie. Et j’ai toujours considéré le verre à moitié plein que le verre à moitié vide ! Je ne me suis jamais plaint, je ne me suis jamais senti blessé, triste et je suis heureux d’avoir vécu tout ça. Ca a construit l’homme que je suis aujourd’hui. Ma vie est une addition mais une addition joyeuse de ce que j’ai vécu. Grâce à ce cheminement, je me suis forgé mon autonomie. Je n’ai pas eu besoin de psychothérapie. Et je précise que ce livre n’en est pas un règlement de compte, loin de là !. C’est juste l’envie de parler de gens formidables, qui ont vécu des choses formidables et avec qui j’ai vécu des choses formidables. Et je pense que mon bouquin est un livre lumineux.

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Claude Brasseur, magnifique Clemenceau

Vous parlez superbement de votre grand-mère qui a beaucoup participé à votre vie artistique et culturelle…
C’était une femme magnifique, une femme moderne qui avait une incroyable culture. Mon premier choc, je le lui dois, lorsqu’elle m’a amené à la fondation Maeght. Elle adorait l’art sous toutes ses formes et m’en a fait beaucoup profité. Aujourd’hui c’est grâce à elle que j’aime l’art.
C’est pour cela qu’aux photos souvenirs, vous avez préféré illustrer chaque chapitre de dessins ?
Exactement. Tous les livres de souvenirs d’artistes sont illustrés de photos que tout le monde connaît. J’ai trouvé intéressant de présenter ces belles œuvres couleur indigo, signées Cécile Pagès, que nous avons choisies ensemble.
Comment s’est passée cette collaboration ?
J’aimais ses dessins, ses couleurs, je lui ai proposé de collaborer à mon livre, ce qu’elle a accepté. Après quoi, je lui proposais de lire chacun des chapitres et l’on discutait de ce que à quoi je pensais, à ce qu’elle imaginait et ça c’est fait au fur et à mesure. Nous avons même changé des chapitres de place et choisi cette couleur bleue, qui était la couleur préférée de ma grand’mère et la mienne, avec le jaune.
Du coup, pour la couverture du livre, j’ai voulu qu’elle soit dans le même esprit… bleu !
Je crois que ce qu’elle a fait me ressemble. Nous avons une même interprétation de l’art.
Je voulais surtout que le livre soit aussi original, qu’il puisse durer sur la longueur, qu’on ait envie de le reprendre, qu’on puisse en retrouver une trace plus tard.
J’ai lu avec émotion cette dernière de votre spectacle à Ramatuelle où vous jouiez avec votre père « Mon père avait raison ». Et je pourrais dire : j’y étais !
Ah bon, vous étiez là ?
Oui, c’était très émouvant, même si alors, je ne savais pas ce qu’il vous avait dit. Mais on sentait la connivence, la complicité… l’amour.
Ça me fait plaisir que vous disiez cela car c’est l’un des plus moments de ma vie avec mon père. Il y aussi celui où nous nous sommes retrouvés tous les deux sur un bateau à Fréjus. Là, sur l’eau, j’avais mon père rien que pour moi.

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A propos de mer, votre grand’mère vivant à Grimaud, c’est un endroit que vous connaissiez bien… Et vous êtes parti à Sète !
Oui, j’ai beaucoup aimé Saint Tropez à cette époque. Moins maintenant. Sète, j’y étais allé quelquefois car mes parents y allaient. Le hasard a fait que je suis venu y jouer pour la série « Demain nous appartient ». Depuis le temps, j’ai appris à la connaître, à l’aimer et, ayant un peu marre de Paris, j’ai décidé d’y installe ma famille. Je garde un pied à Paris car, quoiqu’on dise, le métier se fait toujours là.
« Demain nous appartient a fait que vous êtes devenu un héros populaire…
Un héros est un bien grand mot car en fait je joue le rôle d’un homme ordinaire, que je ne considère pas très marquant. Mais l’on me fait jouer tellement de choses différentes que ça a un peu rudoyé mon imagination !
Avez-vous votre mot à dire ?
Non, je laisse travailler les scénaristes, je ne suis qu’interprète, je ne participe pas aux scénarios. Mais comme l’équipe s’entend bien, de temps en temps, je propose quelque chose, que les scénaristes prennent ou pas. Mais ils écoutent.
Allons-nous vous retrouver en septembre au festival de la Rochelle ?
Pourquoi pas, si l’on m’y invite ! C’est toujours un plaisir d’y passer et de retrouver le public et plein de connaissances. »

 1M - Copie
Avec Cécile Bois à la Rochelle

Alors rendez-vous est pris… On se retrouve à la Rochelle !
Propos recueillis par Jacques Brachet




Marseille – La Criée
Macha MAKEÏEFF – Robin RENUCCI : Passation de pouvoirs

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Voici 11 ans que Macha Makeïeff œuvre avec talent au Théâtre de la Criée.
Comédienne, metteuse en scène, elle a dirigé ce théâtre avec une sérénité apparente, son sourire et son beau regard bleu. Et elle y a fait du beau travail en créant des spectacles, en recevant artistes et compagnies, en faisant rayonner le lieu mais aussi le spectacle vivant tout autour de Marseille. Entre autre au Liberté, souvent, où elle a travaillé de connivence avec Charles Berling.
L’heure a sonné pour elle de dire au revoir à ce théâtre qu’elle a aimé et qu’elle aimera toujours.
Et voici qu’arrive pour lui succéder, un magnifique homme de théâtre, de cinéma, de télévision, un beau comédien nommé Robin Renucci.
Passionné dès son plus jeune âge par le théâtre, curieusement, c’est le cinéma qui l’appelle d’abord et pas n’importe qui : Deville, Tachella, Corneau, Hossein…
Mais s’il continue sa trajectoire au cinéma et à la télévision où on le verra dans des séries comme « Chefs », « Léonardo » cette année, « Un village français » qui fut un énorme succès et où il réalisera deux films : « La femme d’un seul homme » en 97 et « Sempre vivi » en 2007, le théâtre va très vite l’accaparer, de Planchon à Vitez, de Claudel à Bluwal, de Schiaretti à Lipszy avec qui il a des liens fidèles.
Et alors que c’est Marcel Maréchal qui a ouvert la Criée en 1981 durant 14 ans, aujourd’hui Robin il y devient le cinquième directeur, après avoir dirigé les Tréteaux de France de 2011 à aujourd’hui, ayant succédé à… Marcel Maréchal ! La boucle est bouclée.
Avec Robin, c’est une longue amitié puisque nous nous sommes rencontrés pour la première fois au Festival du film italien de Nice… Il y a plus de trente ans ! Aussi c’est avec plaisir que je le vois se poser à la Criée, où nous continuerons nos rendez-vous.
Premier rendez-vous marseillais ce 31 mai où il est en train de prendre ses marques.

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« Robin, comment et pourquoi te retrouves-tu directeur de ce grand vaisseau ?
C’est une trajectoire. Je ne sais pas si c’est le hasard ou pas mais durant 12 ans j’ai été directeur du Centre Dramatique des Tréteaux de France où j’avais pris la suite de Marcel Maréchal. Je finis mon histoire avec les Tréteaux le 30 juin où j’étais dans une itinérance, où j’allais vers le public. Ça a été une belle mission car le fait d’aller vers les gens m’a beaucoup plu. Aujourd’hui j’aspire peut-être à me poser tout en continuant d’aller vers le public. C’est une nouvelle histoire qui demande à s’accomplir.
Pour répondre à ta question, j’ai été choisi sur une lettre candidatée. Ça a été un long chemin car 26 personnes se présentaient. Puis il en est resté six, trois hommes, trois femmes et après décision de la ville, du département, de la région, de l’état. J’ai été choisi.
Tu arrives donc ici mais la prochaine programmation n’est pas la tienne.
Non, c’est celle de Macha qui m’offrira quelques fenêtres durant la saison. Du 3 au 8 janvier je présenterai « Oblomov » d’Ivan Gontcharov que j’ai mis en scène et que tu as pu voir au Liberté à Toulon », en mars je proposerai « La tendresse », pièce  que j’ai coproduite avec la metteuse en scène Julie Béres et « Phèdre » de Racine que j’ai mis en scène. En juin, je présenterai un spectacle que j’avais monté à Avignon « Enfance à l’œuvre » avec des textes de Romain Gary, Henri Michaux, Marcel Proust, Arthur Rimbaud.
Alors aujourd’hui tu t’installes à Marseille ?
(Il rit) Oui, je vais y habiter, c’est pour moi un accomplissement, un aboutissement. A l’inverse d’artistes, je quitte Paris. Tu sais, aujourd’hui ma carrière est faite et à la Criée, à Marseille, mon but est de travailler à la transmission avec de jeunes comédiens et Dieu sait s’il y en a dans la région, des jeunes compagnies et les troupes locales, les acteurs locaux, les écoles, les universités, les théâtres de la région… Mon leit motiv : création, transmission, formation, éducation populaire. Proposer la pratique à la jeunesse qui est notre avenir. Le but n’est pas de faire des artistes de tout le monde mais de les aider à s’épanouir.
Je vais aussi beaucoup m’entourer de jeunes à tous les postes : les auteurs avec Alice Zeniter, François Cervantes, les metteurs en scène Corine Vignaux et Simon Abkarian… la parité ! Je vais aussi travailler avec deux collectifs : le NTP (Nouveau Théâtre Populaire) et le collectif 49701.
Je serai également entouré de cinq penseurs : Barbara Cassin, philosophe et académicienne,
Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, Laurent Gori, professeur de psychologie, Grégoire Ingold, comédien et metteur en scène, Marie-Christine Bordeaux, maître de conférence .

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Toulon : Macha au Conservatoire TPM, Tobin au festival de Musique

C’est du lourd !
Oui, ce sont de gros projets, un énorme travail avec le recteur en direction des jeunes, de l’enfance à l’université. Un grand volet éducatif et populaire qui me tient à cœur. L’art du théâtre apprend à vivre et cela s’adresse aux élèves mais aussi aux enseignants. L’éducation artistique est un outil de citoyenneté qui nous force à regarder, à penser, à débattre et j’ai envie de travailler avec différents corps : le théâtre bien sûr mais aussi l’Education Nationale, la santé, le corps enseignant étant essentiel. Travailler, donc, avec les écoles mais aussi les hôpitaux, le monde du travail, les maisons de quartiers (il y en a 111 à Marseille !), les centres sociaux, les médiathèques. Œuvre, pratique, pensée, ce sont les trois expériences fondamentales.
Pour mener tout cela à bien, il te faut du temps !
J’en aurai. J’ai été nommé pour quatre ans renouvelables et j’espère bien aller le plus loin possible, si je donne satisfaction !
Tu as eu quelques mots sur le président Macron…
(Il rit) je te rassure, je n’ai pas de conflit avec lui ! Mais de temps en temps, il faut aiguillonner les politiques, rester vigilants, les forcer à regarder et leur rappeler justement que le théâtre est un outil de citoyenneté et la nécessité que l’Etat révise sa politique culturelle, ce qu’il a l’air aujourd’hui de vouloir faire. C’est je crois, ce que nous attendons de lui et lui de nous ».

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Macha Makeïeff nous rejoins, toujours très discrète, préparant l’un de ses derniers spectacles.
« Alors Macha, que dire de ces « Années Criée » ?
Que dire sinon que je n’aime pas regarder en arrière mais que les événements font que je ne peux pas penser à ces onze ans qui viennent de passer.
Je peux dire que cette expérience m’a transformee, indiscutablement. C’est une grande expérience, qui était nouvelle pour moi, que d’accompagner des artistes, de vivre l’effervescence d’une telle maison, d’avoir une préoccupation du public, de chaque instant, de travailler dans une totale collégialité. Ça a été pour moi une émancipation artistique.
Vous êtes née à Marseille ?
Oui et j’ai quitté ma ville alors que j’avais 18 ans. Y revenir et la retrouver furent un grand choc à la fois d’exaltation et d’arrachement car j’avais entretemps fait ma vie ailleurs. D’ailleurs, cette exaltation et cet arrachement sont revenus, au moment du départ. Tel est mon destin.
Et votre destin aujourd’hui ?
Il est multiple puisque j’ai créé une compagnie « Mademoiselle » à Aix-en Provence depuis 2010 et je vais continuer à m’en occuper, je vais avoir plus de temps à consacrer aux arts plastiques, à la lecture et l’écriture, je vais me partager entre ici et Paris où je vis avec ma famille, en décembre je présenterai mon « Tartuffe » et si « Dieu le veut » comme on dit, je monterai en 2024 un « Don Juan ».
Que vous présenterez à la Criée ?
Pourquoi pas ?
Que voulez-vous dire à Robin ?
Tout d’abord je lui souhaite bonne chance et surtout d’être aussi heureux que moi.
Vous savez, j’ai quand même mis deux ans à me faire à ce théâtre. Au début ça a été assez violent mais peu à peu j’ai pris mes marques. Il a seulement fallu un peu de temps.
Le 13 juin, jour de la présentation de la prochaine saison et de la passation de pouvoir, ce sera certainement un moment étrange. J’essayerai de rester stoïque mais onze années ne s’effacent pas. Et ne s’effaceront pas ».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photocréations.fr