Janine BOISSARD : « Quand la belle se réveillera » (Ed Fayard – 246 pages)
Alors qu’elle nous a habitués à nous offrir des romans familiaux, avec ce roman, Janine Boissard sort quelque peu des sentiers battus, nous proposant une sorte de thriller original à deux voix : celle d’Alma et Mathis, couple marié et heureux qui va être l’objet d’un enlèvement : celui d’Alma qui, un matin en se réveillant, se retrouve enchaînée dans une étable sans se souvenir de ce qui s’est passé. Elle va attendre qu’un jeune homme lui apporte, sans jamais lui dire un mot, de quoi boire, manger, se changer.
Pendant ce temps, Mathis court vers son ami d’enfance Germain, officier de gendarmerie afin que tout soit fait pour activer les recherches, suite à une vidéo où ils découvrent Alma dans un piètre état mais vivante.
Pendant ce temps, celle-ci tente de faire parler celui qui dit s’appeler Paul, qui ne la maltraite pas, au contraire, qui essaie de lui apporter un certain confort et commence à se confier.
Elle comprend que c’est un ado qui a souffert. Il finit par se rapprocher d’elle ainsi qu’elle de lui, ayant l’habitude des enfants maltraités dont elle s’occupe dans la vie.
Peu à peu quelque chose se passe entre eux, qui frise le syndrome de Stockholm presque inversé puisque c’est Paul « le bourreau », qui développe des sentiments pour celle qu’il tient prisonnière.
Elle aussi s’attache peu à peu à ce garçon en souffrance dont on apprend l’histoire peu à peu et dont on finit par comprendre son geste insensé.
Jusqu’au bout l’on se demande comment cette folle histoire peut se terminer. Une fin d’ailleurs surprenante dont on ne vous dira rien mais qui déborde d’émotion.
Par petites touches, Janine Boissard nous révèle la personnalité de chacun, personnalité attachante de part et d’autre qu’elle nous distille au fur et à mesure avec beaucoup de tendresse, de finesse et, en définitive, d’amour, avec cette belle écriture qui fait qu’on a toujours un extrême plaisir à lire.
Françoise BOURDIN : « Un si bel horizon » (Ed Plon – 261 pages)
Lisandra et Ettore Bartoli ont construit au Cap Corse une auberge qui, en quelques années, s’est agrandie jusqu’à devenir un magnifique hôtel quatre étoiles. Ils ont eu quatre enfants et ont tout managé ensemble jusqu’au décès d’Ettore.
Lisandra a donc continué seule, tenant à bout de bras et d’une main de fer l’hôtel et les enfants. Giulia et Ange aujourd’hui secondent leur mère et sont l’avenir de l’hôtel, Lucca, marié à Pia, a lui, choisi de devenir avocat mais épaule de loin son frère et sa sœur. Quant à Orso Homme de près de 40 ans atteint du syndrome borderline, il est resté un éternel adolescent, sujet à de violentes crises, des pulsions qui perturbent la famille.
Mais tous font front autour de lui et de l’hôtel.
Lisandra, toujours inquiète, pense à l’avenir même si elle n’arrive pas à lâcher la bride à Ange et Giulia, mère célibataire d’un petit Mateo qui est l’avenir de l’hôtel mais dont elle sait qu’il ne pourra tenir seul un tel établissement, si tant est que ça l’intéresse. Ange, éternel coureur de jupons, est tombé fou amoureux d’Inès qui, d’emblée, n’a plu à personne de la famille car elle ne s’intéresse qu’à faire un grand mariage et s’approprier une part de gâteau.
Heureusement Ange ouvrira les yeux au moment de signer les papiers qui attestent qu’aucun conjoint ne peut prétendre à rien. Entretemps, venu de Paris, Guillaume, fait construire une maison pas loin de l’hôtel et va tomber amoureux de Giulia, ce qui perturbe Lisandra qui voit d’un mauvais œil cette intrusion d’un « étranger » dans le clan. Ange, lui, va rencontrer Clémence. Quant à Pia et Lucca, ils ont du mal à devenir parents et songent à adopter. Ce qui contrarie aussi Lisandra qui veut garder « le sang pur des Bartoli ».
Toute cette histoire tourne autour de l’hôtel et surtout autour de Lisandra qui se voit vieillir, qui a du mal à lâcher les rênes à ses enfants, qui sent que, petit à petit elle doit pourtant le faire et qui a surtout peur qu’à son départ, Orso, qu’elle couve, se retrouve seul, malgré tout l’amour que ses frères et sœur lui portent mais qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu.
C’est presque un huis clos que nous offre avec tendresse Françoise Bourdin, sous un décor de rêve, la mer et le soleil. Comme toujours, l’on s’attache à tous ces personnages qui ont tous une personnalité bien marquée. On apprend peu à peu à les connaître et à les aimer, sous la plume alerte et bienveillante d’une Françoise Bourdin qui nous raconte toujours de jolies histoires.
Pierre ASSOULINE : Le paquebot ( Ed Gallimard – 416 pages)
Jacques-Marie Bauer embarque à Marseille sur le Georges Philippar pour la croisière inaugurale de ce tout nouveau paquebot qui va aller jusqu’à Yokohama en passant par la Chine. Un paquebot c’est une mini société de la plus modeste à la plus aisée, c’est un huis clos où le temps se déroule différemment qu’à terre, des relations se nouent, et, éloignés du quotidien terrestre, les passagers se révèlent petit à petit.
C’est avec brio que Pierre Assouline traduit l’atmosphère internationale qui règne sur le bateau en 1932. Les évènements politiques qui remuent les chancelleries européennes et donnent voix à la montée du fascisme en Allemagne, font écho avec les premières petites alarmes électriques dans les chambres des passagers. Inquiétude, malaise, tout semble n’être que de petits incidents anodins, accidentels ou aléatoires. Ils ponctuent cependant les conversations de cette mini société de première classe, les langues se dénouent, les caractères s’affichent, une certaine surenchère de bons mots, de citations excitent ou effraient les habitués de joutes oratoires.
Les passagers profitent de la piscine, occasion rêvée pour observer et entendre en toute discrétion les conversations privées, et Jacques-Marie Bauer nous les fait vivre avec bonheur. Car que fait-il sur ce paquebot ? Simple touriste, espion, enquêteur ? Son aisance, sa perspicacité lui permettent de détecter en chaque interlocuteur la faille dans l’apparence. Il a pourtant fort à faire avec Rebecca la pertinent, voire impertinente petite-fille du propriétaire du paquebot. Ce monsieur Bauer vend des livres, des œuvres uniques pour collectionneurs disséminés dans le monde, il est secret mais curieux, il s’intéresse tout particulièrement à ce très grand reporter Albert Londres qui ramène un papier sur la guerre sino-japonaise. Mais les grésillements électriques évolueront en incendie et la croisière se terminera en tragédie. Un roman foisonnant d’anecdotes, de descriptions, de personnages atypiques, de citations littéraires, une véritable radiographie d’un monde englouti mais passionnant.
Un magnifique roman habilement construit avec une tension qui monte que ce soit dans les relations humaines, la politique ou la mécanique qui vacille.
Irène JOLIOT-CURIE: Ma mère, Marie Curie (Ed. Plon -100 pages)
Tendre confession d’une fille à sa célèbre mère Marie Curie.
Évocation de la mère à côté de la scientifique, celle qui sait innover dans l’éducation de ses filles, déployer son amour maternel en les éveillant à la découverte de la nature, du sport qui les rassemble ou de la politique en les faisant s’engager à œuvrer pour l’armée en temps de guerr,e sans oublier la poésie.
Tout révèle en cette femme attachante et innovante le personnage exceptionnel à côté du rôle primordial qu’elle a exercé pour la découverte du radium, du polonium et des applications très basiques comme conduire des ambulances se déplaçant auprès des blessés de la guerre.
C’est une reconnaissance et un amour qui se manifestent dans cet éloge de cette femme, de cette savante qui reste proche des mortels et l’humanise sortie de son cadre de scientifique inaccessible.
Très touchante et humaine, ce qui la rend plus belle encore
Christophe TISON : Le choix de Suzanne (Ed. l’arpenteur – 228 pages)
Suzanne mène une vie ordinaire, amoureuse de son mari avec lequel elle travaille dans leur entreprise de développement personnel. Mais le hasard d’une rencontre, avec Neil nouveau collaborateur, va bouleverser son quotidien bien réglé.
Des sentiments immédiats, irrésistibles vont s’imposer entre ses deux êtres, et Suzanne, qui ne se destinait pas à une double vie ne peut freiner cette passion et va être « déchirée entre l’amour et l’amour ». A l’occasion d’un week-end en montagne avec son mari et Neil elle va devoir choisir lequel sauver : soit couper la corde qui retient son mari suspendu au dessus du vide, soit couper celle de son amant.
Son geste va bouleverser définitivement son destin et s’en suventt des évènements, des bouleversements inattendus qui laisse le lecteur dans un réel suspens et en haleine jusqu’à la fin.
Écriture simple et agréable avec une description des sentiments amoureux d’une femme qui ne peut maitriser sa passion pour cet homme et la dépasser au point de changer profondément sa vie.
Jean Louis BANNALEC: Crime gourmand à Saint Malo – une enquête du commissaire Dupin ( Ed .Presses de la Cité – 394 pages)
Traduit de l’Allemand par Pierre Melherbet)
Ce neuvième roman du Commissaire Dupin toujours fidèle à la Bretagne se situe dans la pittoresque cité de ST Malo où il a été envoyé pour participer à un séminaire des Forces de Police bretonnes.
Au cours d’une déambulation au marché local il assiste soudain à un meurtre par une jeune femme sur sa propre sœur. Crime en direct qui va interpeler le commissaire et qui va le conduire dans le milieu de la gastronomie régionale, les dîtes-sœurs étant des cheffes étoilées. Bon plan pour notre homme qui s’engage sur le fil conducteur des grands chefs de cuisine à travers les méandres de la ville close et de ses alentours.
Au fil de ses rencontres nous allons visiter criques et petits ports, estaminets et crêperies.
A ceux qui attendent la découverte du pourquoi et par qui ce crime a été commis, il faudra passer par la découverte touristique de la région égayée de remarques amusantes et de cafés servis à tous les coins de rues.
Agréable à lire car bien écrit et bien traduit, pour les fans de tourisme, c’est bien mais pour les fans de frisson, il vaut mieux passer son chemin.
Michel IZARD : Le mystère de l’île aux cochons (Ed Paulsen – 319 pages)
C’est avec passion et lyrisme, fidèle à se reportages TV, que Michel Izard retrace sa découverte de l’île aux cochons dans les îles subantarctiques.
Il part en novembre 2019 sur le Marion Dufresne, le navire des terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, avec une équipe de chercheurs, biologistes, photographe, vétérinaires pour étudier un phénomène inquiétant, la diminution brutale du nombre de manchots royaux sur l’île aux cochons. Et dans des conditions aujourd’hui plus confortables que celles des premiers découvreurs de l’île, les équipes mesurent, prélèvent, posent des balises, répertorient. C’est un travail de professionnels conscients de l’importance de la tâche, du respect dû à ces animaux innocents, et un des derniers lieux encore intacts sur la planète. Bien sûr, c’est dû aux conditions climatiques et géographiques particulièrement difficiles car l’accès à l’île est dangereux et a occasionné de nombreux naufrages.
L’auteur relate les premières expéditions de Marion Dufresne, Crozet, La Pérouse, Cook, tous partis pour planter leur drapeau sur un territoire encore vierge. Des expéditions pour récolter l’huile tirée de la chasse aux éléphants de mer, de véritables carnages qui ont failli amener l’extinction de plusieurs espèces, mais des expéditions qui ont permis aussi de relever des échantillons de plantes, de faire des relevés de carte car le ciel étant toujours gris, pluvieux ou embrumé, les abords de l’île étaient périlleux.
Michel Izard rapporte, documents à l’appui, les terribles épreuves des hommes abandonnés sur l’île qui ont attendu jusqu’à deux ans le retour d’un bateau. C’est aussi les résultats de l’expédition de 2019 qui fait part de l’hypothèse d’une grippe aviaire et du phénomène d’El Nino qui auraient entrainé le déclin fulgurant des manchots.
L’auteur se veut optimiste grâce au dernier comptage des manchots, des manchots bien protégés sur cette île nimbée de mystère, qui se dérobe à la vue pour échapper aux regards des navigateurs, des explorateurs, des chasseurs, des pêcheurs.
Et pourquoi l’île aux cochons ? A vous de le découvrir en lisant cette découverte d’un monde extrême.
Leïla SLIMANI : Regardez-nous danser (Ed.Gallimard – 368 pages)
2° tome Suite du « Pays des autres »
Dans ce deuxième tome nous retrouvons la famille Belhaj, maintenant bien ancrée dans ce Maroc que Mathilde a adopté suite à son mariage avec Amine qu’elle a connu soldat en garnison en Alsace.
C’est à la famille qu’ils ont créée que nous allons nous retrouver, installée dans ce jeune Maroc indépendant déchiré entre archaïsme et modernité occidentale. Douze années ont passé et ce nouvel état post continental qui peine à se trouver une identité, servira de décor à ces personnages Aïcha et Sélim, les enfants Belhaj.
C’est cette confrontation entre destins individuels et destinée d’un pays qui est la plus convaincante, avec la question passionnante de l’identité. Les tensions entre modernité de la jeunesse et conservatisme des anciens restent le cœur du récit et montrent combien il est difficile de se forger une identité propre.
Ce roman exprime, expose nos joies et nos colères, mosaïque vivante de réussites ou de défaites, d’espérance ou de désespoir.
Belle mise en scène de cette femme qui écrit avec ses tripes, l’atmosphère de douceur perdue d’un pays fracturé et de renouveau qui peine à s’exprimer dans cette nation corrompue et répressive .
Dans l’attente du troisième tome.
Denis LACHAUD : Le silence d’Ingrid Bergman (Ed. Actes Sud – 294 pages)
C’est l’histoire de Lone, une adolescente danoise enlevée à 14 ans, violée et séquestrée en France pendant 40 ans, sa fille née en captivité, cloitrée pendant 35 ans.
Leur geôlier, Rolland qui idolâtre Ingrid Bergman exige que Lone change de prénom et lui dicte tous ses gestes quotidiens. Ingrid, donc, s ’adapte pour ne pas mourir car survivre c’est s’adapter. Elle ne s’autorise pas à penser à la possibilité d’une libération. Leur fille Rosalie reste un lien primordial de survie. A la suite d’une hospitalisation en urgence du geôlier, les deux femmes vont sortir de leur prison et se libérer de l’emprise du kidnappeur.
Elles vont faire l’expérience de l’autonomie, de la relation aux autres et faire la découverte progressive du monde réel.
Ce livre qui semble inspiré d’un fait divers nous plonge dans la tête et l’évolution mentale de ces deux femmes qui passent des contraintes de la séquestration à l’apprentissage de la vie normale et ainsi « effacer 40 ans d’aliénation à la folie possessive.
Histoire inquiétante, processus de l’emprise et de la reconstruction même si certains points sont à la limite du vraisemblable, le lecteur est captivé par le parcours de ces deux femmes qui passent du monde clos à la lumière et l’espoir d’une vie après un si long traumatisme.Hugo Hugo CAGNON : Ararora trail 1830 km à pied à travers le nord de la Nouvelle Zélande
(Ed .Maïa – 126 pages)
Le recit d’Hugo Cagnon, c’est l’histoire d’une marche à tout prix retranscrite au jour le jour, de façon succincte afin de nous faire partager l’effort déployé, la rage d’avancer, les épreuves surmontées, la mécanique du corps qui lâche, se reprend, se surpasse dans toutes les conditions.
Peu de sentiments sinon le courage de poursuivre, la survie du corps dans l’effort absolu, le tout en phrases très brèves, écrites au présent pour rester dans l’action.
Les trailers peuvent y trouver un intérêt, relatif au dépassement de soi, mais pour le commun des mortels, pour le lecteur lambda c’est peut-être un peu trop technique.
Germain LOUVET : Des choses qui se dansent (Ed Fayard – 232 pages)
Ça y est, il est danseur étoile de l’Opéra de Paris !
D’entrée de jeu, Germain Louvet nous fait entrer de plain-pied dans cette soirée unique où le stress, la joie, l’émotion se mêlent, où il perçoit des signes avant-coureurs de ce que sera la fin du spectacle : il se pourrait qu’il soit nommé danseur étoile. C’est donc la peur de faire une faute lors de la représentation, qui pourrait tout remettre en question, la joie d’entendre son nom et l’émotion qui lui fait revivre ces années de danse, de travail acharné, de pression pour arriver au but qu’il donné.
Car, comme il nous l’explique, si, lorsqu’on va voir un ballet, qu’on y trouve du bonheur, de la joie, avec des artistes magnifiques, des ballets et des musiques et des paillettes, on ne peut imaginer ce qu’il y a derrière cette beauté et cette perfection : pleurs, sueurs, doutes, solitude, sacrifices dès l’enfance, discipline, humiliations, déceptions, frustrations, violence…
Car ce n’est pas tout de lever la jambe et de tournoyer, il y a un immense travail de tous les jours , de tension, pour arriver au sommet.
C’est ce que nous explique Germain Louvet, fils de parents agriculteurs qui n’ont rien à voir avec ce métier mais, dès l’enfance, ont soutenu ce fils possédé par la musique et la danse.
« Je ne suis que pulsion et émotion » nous explique-t-il, où tout petit, il passe des heures devant la glace avec déjà cette passion, cette exigence et cet acharnement.
La danse est un univers impitoyable qui peut faire mal, physiquement et moralement et seul le désir d’y arriver est le moteur de cette passion.
Ainsi l’ado est-il devenu très vite adulte et il nous raconte ce parcours solitaire parsemé d’embûches pour atteindre ce nirvana, avec beaucoup d’émotion mais aussi de grande joie car sur cette route qui n’est pas un long fleuve tranquille, il découvre le travail, l’humilité mais aussi l’amitié, les encouragements de ses professeurs et de ces camarades, même si, quelquefois, ils sont concurrents.
Il nous explique aussi que cette passion est une force pour atteindre l’inaccessible étoile, où les plus grandes déceptions balancent avec les plus grandes satisfactions dans un métier qui peut très vite se terminer à cause de l’âge, de la fatigue, des accidents de parcours… Même s’il ne changerait sa place pour rien au monde.
Un livre magnifique, poignant, lumineux, à l’image de ce superbe artiste, l’un des plus beaux de sa génération.
Et en prime, il nous fait visiter l’Opéra Garnier de fond en comble, une belle promenade à travers l’un des plus somptueux monuments de Paris.
Orhan PAMUK : Les nuits de la peste (Ed Gallimard – 683 pages)
Traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes
Le prix Nobel de littérature Orhan Pamuk publie, sans l’avoir prémédité, un roman qui résonne avec notre actualité. Il souhaitait écrire sur les conséquences politiques d’une épidémie. C’est dans une île imaginaire de la Méditerranée, nommée Mingher, qu’il plante le récit se déroulant en août 1901 alors qu’une épidémie de peste ravage cet endroit paradisiaque. Mais attention la narratrice est une historienne du XXIème siècle qui entreprend de raconter les six mois denses qu’à vécu cette île, après avoir étudié les lettres envoyées par la princesse sultane Pahizé, troisième fille du sultan ottoman Mourad V à sa grande sœur Hatidje entre 1901 et 1913.
En effet la princesse récemment mariée au docteur Nuri Bey par son oncle le sultan régnant Abdulhamid II, débarque avec son époux sur cette île. Ils doivent enquêter sur la mort du chimiste Bonkowski, inspecteur général de l’administration sanitaire de l’empire ottoman, chargé d’enrayer l’épidémie de peste et qui est retrouvé assassiné le lendemain de son arrivée sur l’île.
Commence alors une longue fresque détaillant la tragédie sanitaire mettant à mal les relations entre turcs et grecs, musulmans et orthodoxes et provoquant une révolution amenant l’île à l’indépendance, après moult assassinats, complots et coups d’état. On trouve d’intéressantes réflexions sur le difficile respect des mesures sanitaires par les habitants, sur le nationalisme, sur l’obscurantisme religieux, sur les luttes sanglantes de pouvoir.
Mais ce roman pèche par sa longueur et par l’impossibilité de démêler le vrai du faux.
Michel RUFFIN : LAUZUN (Ed LBS – 341 pages)
Dans ce roman retraçant « l’histoire véritable du favori qui fascina puis défia Louis XIV », Michel Ruffin nous emmène à la cour du Roi Soleil avec lequel Lauzun tissa des relations complexes en l’état de sa personnalité étonnante. A 13 ans Antonin Nompar de Caumont, marquis de Puyguilhem (on prononce Peguilin) arrive à Paris chez son cousin le duc Antoine de Gramont qui le fait entrer dans son régiment de cavalerie.
Commence alors l’ascension d’Antonin qui a pour ambition de devenir l’ami du roi.
Pour cela il combat avec bravoure. Il est nommé colonel lieutenant des dragons dit « du bec de corbi »n en raison de la forme de la hallebarde qu’ils portent. Son courage à la limite de l’inconscience sert ses dessins. Son audace lui permet d’entrer dans les bonnes grâces du roi qui apprécie sa fantaisie et même son irrévérence.
Bourreau des cœurs, il saura faciliter son ascension grâce à ses conquêtes notamment Madame de Montespan puis Mademoiselle de Montpensier cousine du roi. Mais l’audace a des limites et Lauzun sera retenu à la Bastille pour avoir déplu au roi puis emprisonné de nombreuses années à la forteresse de Pignerol où se trouvait Nicolas Fouquet.
Libéré il redorera son blason par de nouveaux exploits que vous aurez plaisir à découvrir.
Un livre très documenté sur la vie rocambolesque de Lauzun.