PARIS, un triptyque aux éditions Plon
Paris sera toujours Paris et l’on ne compte plus les artistes qui ont écrit ou chanté la ville lumière.
Les éditions Plon nous offrent trois livres passionnants écrits par des auteurs à qui l’on ne présente plus la capitale. Trois petits pavés bien épais. Un seul problème : ces livres sont denses et écrits en petits caractères.
Régine DEFORGES : Le Paris de mes amours (512 Pages)
Pièce rapportée puisque née dans la Vienne, elle a fait de Paris «sa» ville qu’elle croyait bien connaître, tant elle l’avait adoptée et adorée, et il lui semblait facile d’écrire sur elle.
La tâche fut tout autre.
Elle a été bercée par nombre de chansons de Trenet, Colette Renard, Joséphine Baker, Tino Rossi, Guy Béart, Francis Lemarque et bien d’autres. Elle en avait d’ailleurs fait un album.
Mais dans ce livre, écrit en 2011, elle part sur les traces de ses fantômes, elle prend des chemins de traverse, va où l’instinct la porte, y découvre ou redécouvre ses ponts, ses statues, ses monuments, ses fontaines, ses bouquinistes, la Seine, des morceaux d’Histoire, les maisons de femmes et d’hommes célèbres, ses bistrots et ses restaurants, en se baladant de préférence dans les quartiers qui restent des villages, où n’a pas sévi le baron Haussmann. Elle fait des détours à travers les gares et les cimetières, ses pas la conduisent dans des ruelles, des impasses, des jardins et en chemin elle nous raconte plein d’anecdotes, de souvenirs, d’événements. Elle nous parle aussi avec humour des hommes nus et de leurs zizis érigés en statues (chassez le naturel !). Et bien sûr, en tant qu’écrivaine, elle évoque ceux qui l’ont marquée comme Aragon, Balzac, Piaf, Vian, Zola, Simenon…
Au hasard de ses promenades, nous baguenaudons avec elle dans des lieux surprenants et elle nous apprend plein de choses, jusqu’à l’étymologie du nom de certaines rues, de certains quartiers.
Une balade pleine de poésie, de connaissance que nous offre cette belle promeneuse qui nous a quittés en 2014.
Jean-Philippe SAINT-GEOURS & Christophe TARDIEU : L’Opéra de Paris, coulisses et secrets du Palais Garnier (550 pages)
Qui, mieux que ces deux homme, pouvaient parler de ce bel édifice parisien que Jean-Philippe Saint-Geours, qui en fut le directeur de 1983 à 1989 et Christophe Tardiau qui le fut de 2010 à 2014, dans ce que surnommait Noureev «Ce nid de serpents» qui a aujourd’hui 140 ans ?
Dans ce palais construit par Charles Garnier, tous deux y ont connu de grands bonheurs, de nombreux problèmes et vicissitudes en tous genres : politiques, états d’âme des «stars» de la danse et de la musique, jalousies entre les artistes de tous poils, de nombreux métiers qui régissent ce grand vaisseau, des histoires dans l’Histoire, les grands événements qui s’y sont déroulés…
Ils nous en parlent avec humour, évoquant leurs souvenirs et faisant revivre Claude Bessy, la Callas, Serge Lifar, Rolf Lieberman, Pavarotti et bien d’autres. Ils nous parlent de leurs peurs, de leurs doutes, de leurs caprices et nous racontent le quotidien de cette immense ruche où il faut être partout, de la scène à la salle, des coulisses aux cintres, où il faut gérer tous les corps de métiers, les problèmes, les aléas, les vols même, car il y en a et de tous genres… Ce n’est pas un travail de tout repos mais à côté de ça, il y a aussi de grandes joies, lors d’une première réussie, lors de la venue d’immenses artistes internationaux sous le plafond de Chagall, chef d’œuvre magistral.
L’Opéra reste un des plus beaux emblèmes de Paris incontournable et lorsqu’on y entre, on est sidéré par cet escalier monumental, promesse d’une soirée magique.
Nicolas d’ESTIENNE d’ORVES : Dictionnaire amoureux de Paris (685 pages)
«Hénaurme» pavé que signe l’écrivain Nicolas d’Estienne d’Orves», petit-fils du héros de la résistance prénommé Honoré et frère de Philippe qui a vécu à Toulon.
Heureusement, il a écrit sous forme d’abécédaire, ce qui fait qu’au hasard de la lecture, on peut choisir son chapitre. Car il balais Paris qu’il aime bien mais qu’il châtie aussi bien, griffant de temps en temps choses et gens comme l’accordéon, l’aéroport et autres.
Mais c’est toujours avec humour et tendresse et c’est surtout magnifiquement écrit.
J’ai donc flâné à travers les lettres et par exemple, à la lettre P, on y retrouve cette image populaire du poulbot, personnage donné par son auteur illustrateur Francisque Poulbot (1879-1946) que l’on retrouve d’ailleurs dans «Les misérables» de Victor Hugo. Ce même Hugo qui a écrit «Notre Dame de Paris» en 1831 monument emblématique de la littérature et monument de Paris dont la construction a démarré en 1163. Tellement emblématique qu’elle est aujourd’hui un joyau universel, malgré le drame qui l’a blessée mais aussi célébrée grâce à des cinéastes, des auteurs, des compositeurs qui continuent de la chanter.
A, comme Marcel Aymé, qui vécut sur la butte Montmartre, auteur entre autres de «La traversée de Paris» et du «Passe muraille» ce dernier évoqué par une surprenante sculpture à Montmartre… rue Marcel Aymé.
Un peu d’humour et de coquinerie à la lettre X. X comme… X ! où l’auteur évoque la ville des plaisirs, du stupre, des bordel, des premiers cinémas porno, le «Gai (ou gay ?) Paris, où a été créé le festival du film pornographique en 75, qui n’a connu qu’un épisode mais qui a fait un triomphe très au film très controversé «Le sexe qui parle» ! Sans compter le nom de certaines rues, aujourd’hui changé comme la rue Poil au con ou encore la rue Trace putain !
M comme métro, créé par la Cie du Baron Empin, inauguré en 1900 lors de l’exposition universelle et dont les films comme «Le dernier métro» de Truffaut ou encore «Zazie dans le métro» de Louis Malle, d’après le roman d’un auteur parisien, Raymond Queneau, lui rendent hommage.
Des bateaux-mouches au concours de garçons de café, du Music-Hall au jardin des plantes, là encore on visite Paris de fond en comble, on apprend plein de choses et le tout est égayé de nombreuses citations d’auteurs qui évoquent Paris, pas toujours positivement d’ailleurs. En voici quelques-unes : Paris, nymphe de la Seine (Racine), Paris féérique (Dorgelès) Paris, souvenir du bonheur (Aragon), Paris pas beau (Balzac), Paris, endroit où il pue et où l’on n’aime point (Chamfort), Paris ennuyeux (Dostoïevski)… Et il y en a bien d’autres !
Livre fleuve plein d’enseignement, que l’on a bonheur à lire… à petites doses !
Valentin MUSSO : Qu’à jamais j’oublie (Ed. Seuil – 320 pages)
Ce neuvième roman que Valentin Musso publie à ce jour impose encore plus ce jeune auteur de thriller psychologique plutôt que de roman policier.
L’auteur se glisse donc dans la peau du fils de cette riche veuve qui vient de tuer à l’arme blanche un des résidents qu’elle vient de croiser dans un hôtel du Sud de la France, sans raison apparente.
Mystère pour ce fils photographe réputé qui vit dans l’ombre de son père décédé et de cette mère mutique qu’il a du mal à comprendre. Alors que police et avocats piétinent, il se lance dans une vaste rétrospective afin de démêler le passé obscur de cette belle femme qu’ est sa mère, cette inconnue.
Ce sont ses recherches, à travers le passé trouble et confus de cette mère, que nous allons découvrir le personnage caché de son existence pleine de suspense et d’intrigues qui permettront d’en dénouer le fil.
Roman extrêmement bien construit, détaillé, émouvant, surprenant.
Nous y trouvons non seulement un excellent portrait d’une femme exceptionnelle mais aussi des détails historiques réellement troublants et inconnus comme ces maisons d’internement où l’on pouvait faire incarcérer les jeunes filles rebelles ou les fils dévoyés dont les familles ne voulaient plus entendre parler.
Excellent roman de fiction, qui repose néanmoins sur une terrible vérité historique.
Annabel ABBS : La fille de Joyce ( Ed Hervé Chopin – 411 pages)
Dans le monde littéraire du début du XXème siècle, James Joyce occupe une place prédominante depuis la parution de son chef d’œuvre « Ulysse » en 1922, puis de « Finnegans Wake ».
Ces œuvres si difficiles à lire, je dirais même à décrypter, n’auraient pu voir le jour sans la présence continue de Lucia, la fille de Joyce.
Annabel Abbs retrace avec beaucoup de délicatesse le parcours de Lucia entre 1928 et 1934, un parcours dirigé par le psychothérapeute Jung, sommité de l’époque, qui tente de soigner sa patiente en la forçant à se libérer de lourds secrets de famille.
Lucia a été internée de nombreuses fois, la première à la demande de son frère bien aimé, demande appuyée par sa mère, ombre persistante et maléfique. Mais qu’en est-il du père qui ne peut écrire sans sa fille, sa muse, auprès de lui, une jeune femme qui se perd dans des délires amoureux avec Samuel Beckett, puis le sculpteur américain Calder, une jeune femme qui veut être danseuse étoile et réussirait si bien aujourd’hui dans le domaine de la danse moderne !
Une biographie poignante qui entraine le lecteur dans le monde littéraire des auteurs nécessitant de généreux donateurs pour vivre, et le monde de la psychiatrie à ses débuts.
Une analyse pointue d’une famille où l’amour, l’obscénité et l’art sont intimement mêlés.
Pauvre Lucia, une jeune femme victime de sa maladie aujourd’hui détectée : la schizophrénie.
Renaud BLANCHET : Patricia (Ed Seuil – 457 pages)
C’est une biographie coup de poing, rigolote et pleine d’amour que Renaud Blanchet offre à sa mère Patricia. Oui, une Patricia combative, pleine d’ardeur, de détermination, qui ne baisse jamais les bras et sait saisir les opportunités quand elles s’offrent à elle.
Fille d’un couple travailleur (morceau d’anthologie quand la grand-mère travaille pour le couturier Dior, ou quand le grand-père démarre son entreprise de sabots !) Patricia rêvait d’être danseuse, elle sera marchande de chaussures.
Un grand amour avec Laurent Blanchet mais non pas Bleustein-Blanchet, un enfant, Renaud, qui survit à une « trrrrès » grosse bosse sur le crâne et aujourd’hui écrit ce roman, une vie à 300 à l’heure que rien n’arrête.
Surveillée par un père juif autoritaire qui parcourt la France et l’Italie pour développer son entreprise de chaussures, une mère qui crée sans cesse des vêtements originaux et d’avant-garde et se perd dans la boisson entre deux découpes de patrons, Patricia ne compte pas ses heures de travail, d’ailleurs lui arrive-t-il de dormir ?
Des moments succulents lorsque l’auteur rappelle les souvenirs de jeunesse avec Cohn Bendit, Jean-Luc Godard, Romain Goupil, déjà l’apparition de Gabriel Matzneff tombeur de très jeunes filles, puis beaucoup plus tard un épisode sulfureux dans Sequoia Park aux États-Unis où Patricia échappe à un violeur professionnel généreux en champignons hallucinogènes !
Impossible de raconter ce foisonnant roman, il y a du vrai, beaucoup d’exagération, mais surtout un vibrant hommage du fils à sa mère, un fils qui n’a pas choisi la filière de la chaussure mais qui réussit tout de même dans l’écriture puisque ce livre vient d’être édité.
Ne pas tout prendre au pied de la lettre bien sûr, mais suivez les aventures et mésaventures de cette famille animée par la joie et le sens du travail.
NB. Allez faire un tour sur le net voir les chaussures de Patricia Blanchet,ça vaut le détourle détour, elles sont très belles !
Meredith MAY : D’amour et de miel. (Ed Mazarine – 377 pages)
Traduit de l’américain par Alice Seelow
Ce livre est l’histoire vraie de l’auteure, petite fille, qui a été sauvée par la nature et par un des plus petits êtres vivants au monde : les abeilles.
Meredith, cinq ans, et son petit frère vivent très mal le divorce orageux de leurs parents… jusqu’au jour où le père part de l’autre côté du pays. Les enfants étant les vestiges d’une existence passée que leur mère veut effacer de sa mémoire, celle-ci s’accroche à son statut de « victime » à force de médicaments et d’autres abus.
Difficile de s’adapter à ses humeurs incontrôlées.
Tous trois vont se réfugier chez les grands parents maternels, des originaux. En rentrant pour la première fois dans le vieux bus aménagé par le grand père, un apiculteur excentrique, Meredith va découvrir les abeilles, leur fabuleuse organisation et leur vie incroyable.
Il lui montre les sacrifices que font celles-ci pour sauver leur colonie et les liens qui les lient avec leur apiculteur. Tout ce que Meredith n’avait jamais connu : cocon familial, courage, persévérance, compassion. En observant ces petits êtres, elle découvre l’amour inconditionnel.
D’une lecture fluide, c’est une belle histoire écrite par une auteure, journaliste, apicultrice (cinquième de sa génération!).
Ce livre illustre comment la nature, abeilles comprises, peut nous sensibiliser à l’écologie, nous éduquer et nous guérir.
Geneviève SENGER : le premier amour est il éternel ? (Ed Presses de la Cité – 267 page)
Nous faisons la connaissance d’une famille dont l’auteur nous décrit le portrait psychologique de chacun. On va deviner alors comment chacun peut réagir dans différentes circonstances, on Les personnages, sont tous assez attachant,s sauf le père, patriarche dominateur,à qui tout le monde doit obéir. Se calmera t il en vieillissant ?
C’est lui qui est à la naissance du roman.
Il a interdit à sa fille cadette Ariana, 15 ans, de poursuivre ce qu’il jugeait être une amourette avec un jeune homme syrien prénommé Mansour.. Les deux jeunes gens obéissent, chacun continue sa vie dont le lecteur est informé jusqu’au jour où, plusieurs années après, la grand-tante d’Ariana décède et lui lègue sa maison à Cahors, maison où Ariana allait souvent quand elle était enfant.
Aujourd’hui, Ariana est mariée à un médecin et a deux jeunes enfants. La famille vit à Paris, va-t- elle accepter de quitter cette vie là pour aller s’installer à Cahors ?
Et Mansour, où est il ? elle n’y pense même plus. C’est tout le sujet de la deuxième partie du livre
C’est un roman distrayant où on ne s’ennuie pas une minute!
William LEMERGIE : Mirebalais ou l’Amour interdit (Ed Albin Michel – 298 pages)
Le roman se passe sous Louis XV. Le mirebalais est un homme qui honore de sa fougue les dames délaissées par leurs nobles maris fatigués ou absents.
Le héros se nomme Maro Mortesagne.
Nous assistons d’ailleurs à quelques rencontres de ce type !
A cause de cela, il va se faire des ennemis, doit faire face à un duel pour lequel il est condamné au supplice de la roue (écartèlement) qui doit se dérouler le lendemain mais ses amis et acolytes sont là et le délivrent car il est très bien entouré.
L’épopée historique est bien légère, Mme de Pompadour n’apparaît qu’aux toutes dernières pages et n’apportera rien à la petite histoire ni d’ailleurs à la grande Histoire.
C’est un livre d’aventures.
Jean-Paul LEFAUCONNIER : La Mitterrandiade – tome 1 Ed Temporis – 471 pages)
Quoi de plus original que de célébrer le quarantième anniversaire de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, et le vingt-cinquième anniversaire de sa disparition qu’en écrivant une épopée en quatre volumes à sa gloire ?!
Dès les premiers vers, le ton est donné, Jean-Paul Lefauconnier chantera les combats d’un familier de la victoire dans un duo réjouissant entre la muse et le poète qui déclament leurs vers tout comme Voltaire dans « La Henriade ». La muse impose ses règles « Tu dois être documenté et du témoignage, hanté», et c’est parti pour 350 pages malicieuses, pertinentes qui raviront le lecteur, qu’il soit politiquement de droite ou de gauche.
Tout commence en 1940, notre héros va travailler pour l’Oréal, il faut bien gagner sa vie une fois marié. Les années de guerre lui permettent mille intrigues.
Ambition, intelligence, rouerie l’amèneront vers des postes ministériels toujours utiles pour avoir un pied, que dis-je, un œil sur l’information donc la censure, puis la politique en Afrique. Que de belles années à manipuler, flatter, exécuter sans remords, passer de la droite à la gauche sans hésiter !
La France doit sortir de sa guerre en Indochine, puis de celle avec l’Algérie et toujours notre héros se glisse là où le paysage politique est influent, avec toutefois une responsabilité dans les exactions bien coupables de nos dirigeants.
Jean-Paul Lefauconnier versifie joyeusement sur ces années 1940-1958, et entraine le lecteur dans ce tourbillon qu’est la vie de Mitterrand, et déjà c’est la dernière page de ce premier tome qui annonce le duel avec «L’homme de Londres, rude et tranchant comme l’épée».
Soyez patient, notre héros doit dormir et préparer le prochain volume.
Nous saurons attendre, prêts à savourer et nous délecter de ce travail merveilleux que nous offre l’auteur.
Françoise HARDY : Chansons sur toi et nous (Ed Equateurs – 430 pages)
Alors que ses signes de santé sont au plus bas, Françoise Hardy nous offre son dernier livre un livre fort original où, durant plus de 400 pages, nous retrouvons les paroles de ses chansons, signées d’elle ou d’autres auteurs, ce qui est déjà magnifique tant on se rend compte de la richesse de son œuvre, quoiqu’elle en dise Mais ce qui est aussi intéressant, c’est qu’elle les commente, les dissèque, nous en offre l’historique.
Ce qui est incroyable, c’est qu’au fil des pages on se rend compte de la mauvaise image qu’elle a d’elle, de son œuvre dont elle est très critique, et, dit-elle encore, elle a honte en partie. Eternelle insatisfaite, une minorité de ses chansons trouve grâce à ses yeux. Aussi bien celles qu’elle a chanté que celles qu’elle créées pour d’autres artistes.
Qu’elle trouve ses premières chansons maladroites et puériles, cela peut se comprendre mais il faut se remettre dans le contexte des années 60, de son jeune âge et se rendre compte déjà, de sa maturité. Sans compter qu’à l’époque où tous les chanteurs se contentaient d’adapter des chansons anglaises ou américaines, elle était la seule ou presque auteure, compositrice et il faudra attendre la venue de Véronique Sanson pour qu’elle ne soit plus seule dans ce cas !
Elle est tellement peu sûre de son talent qu’elle finira par arrêter de composer à cause de son ignorance musicale.
Elle dit être un peu maso et c’est le cas tant elle se demande ce que les gens peuvent lui trouver alors qu’elle a écrit des chansons qui sont entrées dans le patrimoine de la chanson française.
Elle est sans concession. Sa lucidité est au bord du dénigrement et elle s’étonnait que tant de gens aient eu envie de travailler avec elle. Que les gens l’admirent et l’aiment tout simplement. Pourtant, son talent, sa beauté, ont fait d’elle une icône internationale de son vivant, chose qui, loin de la flatter, la dérange, l’embarrasse !
Et ils sont nombreux, ceux qui sont venus vers elle, avec qui elle a collaboré et de plus, de toutes les époques : Jane Birkin, Etienne Daho, Julien Clerc, Henri Salvador, Guesh Patti, Mader, Patrick Juvet, Julien Doré, Calogero et même Alain Delon qui n’avait enregistré qu’avec Dalida.
Elle va laisser derrière elle une œuvre véritable et nombre d’auteurs et compositeurs ont écrit avec elle de très belles choses et non les moindres, de Louis Chedid à Michel Jonasz en passant par Catherine Lara, Wiliam Sheller, Michel Fugain, Michel Berger, Jean-Michel Jarre, Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc, bien sûr et bien d’autres.
Un caractère ambigu et à la fois paradoxal, la fait sans cesse douter d’elle.
Lorsqu’on lit ce qu’elle a écrit, on se rend compte qu’elle est une vraie poétesse, mais aussi une mélomane, quoi qu’elle en dise. On peut lire ses écrits comme des poèmes, mystérieux parfois, nostalgiques souvent et tout en les lisant la mélodie arrive aussitôt, accompagnant notre lecture, indissociable de l’œuvre.
Elle a souvent écrit dans la souffrance, elle pose un regard angoissant sur la vie d’aujourd’hui et constate qu’heureusement, il y a la musique et les chansons qui lui donnent des émotions : «Une grande chanson est intemporelle – écrit-elle dans ce livre – et j’ai toujours été en quête de mélodies qui me semblaient l’être. Le texte est aussi important que la mélodie mais il doit être à son service et non l’inverse. C’est le secret».
Ce secret qui lui a permis d’écrire et de chanter, durant près de soixante ans, des chansons qui resteront éternelles «longtemps, longtemps après que les poètes ont disparu»
A noter, en couverture, une très belle photo de l’ami Jean-Marie Périer son premier grand amour.
Isla MOSLEY : Le vallon des lucioles (Ed.Seuil – 475 pages)
Traduit de l’Anglais par Emmanuelle Aronson.
L’époque : 1937. C’est le début de l’histoire
Le lieu : Kentucky_ USA
Les personnages : Deux jeunes journalistes-photographes envoyés en reportage dans ce coin reculé des Appalaches.
L’intrigue : Enquête sur une étrange famille qui vit au cœur de la forêt.
L’ objet : Faire un reportage sensationnel car la splendide jeune fille est «bleue». sa peau est bleue ! Et comme tout ce qui n’est pas conforme fait peur elle incite au rejet et doit se cacher pour survivre.
Lancés dans l’aventure, ils vont vivre une histoire passionnante afin de l’approcher, de photographier ces étranges êtres repliés sur eux-mêmes, terrés, épiés par tout un chacun. Ce devrait être un « scoop » pour les deux journalistes.
Mais, l’histoire n’est pas si simple et leur aventure s’étendra sur des années jusqu’à nos jours où tout se dénouera à travers la passion, la violence, la discorde, dans une société américaine en proie au racisme et aux préjugés bien enracinés.
Avec ce roman d’amour tiré d’une histoire vraie, celle d’une magnifique jeune fille atteinte De méthomoglobinemie nous avons l’occasion de découvrir une fresque historique des USA aux temps tout proches, 1972.
Bouleversant.
Et tout cela au cœur d’une nature hostile qui s’oppose à l’arrivisme sordide de la recherche du scoop journalistique
Un excellent roman
Catherine CLÉMENT : Autoportrait de Calcutta (Ed du Seuil -206 pages)
Calcutta, fondée en 1690 sur le site de Kalikata c’est-à-dire la terre sacrée de Kali, mégapole à la densité de 24306 habitants par km², prend la parole et se raconte de façon non chronologique sous la plume de Catherine Clément.
Un récit dans lequel on se perd un peu tant il est varié mais qui intéresse de bout en bout.
Politique, géopolitique, histoire, cinéma, fêtes religieuses, anecdotes se succèdent agréablement car cette ville a de l’humour et aime à parler de ses habitants, morts ou vivants, illustres ou moins connus.
Patrick CHAMOISEAU : Le conteur, la nuit et le panier (Ed du Seuil – 260 pages)
Auteur martiniquais né en 1953, Prix Goncourt en 1992 pour son livre « Texaco », Patrick Chamoiseau poursuit dans cet essai sa réflexion sur les mystères de la création artistique et la créolité.
De par ses origines, l’auteur a été confronté au phénomène du conteur créole qui ne peut s’exprimer que la nuit, faute de se retrouver transformé en panier. Au XVIIème siècle, aux Antilles, la veillée mortuaire d’un esclave se faisait à la lueur des flambeaux, un vieil esclave devenait pour la nuit le « maître-de-la-Parole », discourant au son des tambours. Autorisé par le maître, cette assemblée appelée La Ronde, se faisait, selon l’auteur, alors que l’obscurité faisait oublier la domination esclavagiste et ouvrait au conteur un accès possible à la pensée du nouveau et lui permettait d’échapper au sortilège du panier qui l’aurait rendu impuissant à accéder à l’imaginaire.
Au cours de l’ouvrage, l’écrivain évoque le créole dite langue dominée par rapport au français, dite langue dominante. Il s’appuie sur les écrits d’Aimé Césaire, père du mouvement de la Négritude et d’Édouard Glissant visualisant chacun à sa manière la cale du bateau négrier et le déracinement des africains.
Un ouvrage dense, parfois redondant, qui nécessite une lecture concentrée et fait découvrir la vision de la complexité créatrice de l’acte dénommé « l’écrire » par Patrick Chamoiseau.
Santiago LORENZO : Les Dégueulasses (Ed du Seuil – 236 pages)
Traduit de l’espagnol par Lori Saint-Martin
Samuel, 27 ans, vit à Madrid.
Un travail inintéressant pour un opérateur de télécommunications, malgré son diplôme d’ingénieur, un logement dans un box avec toilette et lavabo tenu par un marchand de sommeil, pas d’amis, plus de relations familiales depuis qu’il a quitté ses parents, à l’exception de son oncle.
Tout bascule un après-midi de manifestation alors que Manuel pense avoir tué un policier croisé dans le hall de son immeuble. Avec l’aide de son oncle, il part se cacher dans un village abandonné au milieu du désert castillan.
Quelles seront les réactions de Manuel face à cet exil, le privant de confort matériel et de contact humain ? Ce refuge sera-t-il un petit paradis ?
Le récit, mené par l’oncle qui est le narrateur, est d’une veine comique qui réjouira le lecteur.
L’auteur, qui vit lui-même retiré du monde, livre une farce satirique de notre époque, engluée dans le superflu et nous interroge sur nos modes de vie contemporains.
Un bon moment de lecture.