Archives mensuelles : mars 2020

Six-Fours – Théâtre Daudet
Loïc BARTOLINI, aventurier, photographe et comédien !

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Aujourd’hui, il y a pléthore d’humoristes… Et tous sont loin d’être géniaux.
Les conférences-photos, c’est très vite soporifique, si les photos sont moyennes et le conférencier tout autant ennuyeux.
Et voilà qu’apparaît comme par magie (il est aussi magicien !), un garçon fort sympa qui a débuté comme comédien, qui s’est passionné pour les voyages et la photographie et qui a décidé de faire de ses passions un spectacle original mêlant ses souvenirs de voyages de façon humoristique, avec une volubilité incroyable, ponctués de ses propres photos, d’anecdotes drôlissimes, concluant par un très joli et émouvant monologue sur la vie, la solitude, le partage, le voyage intérieur et, dans une pirouette, nous faisant un tour de magie.
Cette pépite qui nous vient de Genève a été découverte par l’ami Jérôme Leleu, qui préside au programme du théâtre Daudet et qui a eu le coup de foudre pour Loïc Bartolini à Avignon où il présentait ce spectacle original… parmi 1570 spectacles !
Il a du flair, Leleu !
L’Ecosse, la Bolivie, l’Islande, la Chine (avant le virus, rassurez-vous !), la Norvège, l’Argentine, les Emirats, le Sri Lanka… Il n’a pas arrêté de voyager seul, avec son appareil photo, entre deux spectacles car il est toujours tiraillé entre ses deux passions qu’il a su si bien marier.

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«J’ai – me dit-il – découvert la photo voici huit ans, le théâtre depuis plus longtemps, la magie aussi, j’ai joué des pièces puis j’ai créé mon premier «One man chose» et j’ai souvent été tiraillé entre tout ça, mais j’ai trouvé un équilibre entre la scène où je rencontre beaucoup de monde et les voyages en solitaire.
La solitude est un peu le fil rouge de ma vie, je la trouve apaisante, quelquefois interrogative mais jamais pesante, même si aujourd’hui j’en ai fait le tour et je pars avec des copains, mes parents car c’est aussi le partage. Avant je ne partageais qu’à travers mes photos, aujourd’hui j’aime bien partager ces voyages. Mais  en voyageant seul j’ai toujours fait de belles rencontres, des gens qui voyagent, des personnes qui m’ont hébergé… Seul, on est ouvert aux autres.
Tu n’as pas eu de problème de langue ?
Avec l’Anglais on se débrouille partout… sauf en Chine où il fallait souvent se parler par gestes. Mais je suis toujours arrivé à me faire comprendre, surtout qu’aujourd’hui avec les applications, on peut avoir une traduction immédiate.
Comment as-tu eu l’idée de ce spectacle mêlant tes deux passions ?
Mais premiers one man show étaient plutôt des sketches mais j’ai toujours aimé raconter mes voyages, raconter des situations cocasses, j’aimais le faire avec humour, et j’ai vu que ça plaisait aux gens. Et puis, même s’il n’y a rien d’improvisé, je suis détendu sur scène, je joue en toute liberté et comme je raconte des choses qui me sont arrivées, si je me trompe je peux très vite me rattraper sans que le public s’en rende compte. D’autant que c’est moi, avec une petite boîte appelée télécommande, qui suis maître des images et du son. Je peux donc facilement me rattraper et faire participer le public sans problème.
Tu joues d’ailleurs beaucoup avec le public
Oui, souvent je prends une personne du premier rang que je ne lâche pas de tout le spectacle. Souvent aussi, lorsque je demande qui est allé dans tel ou tel pays, certains lèvent le doigt et je leur demande leur avis. C’est un peu risqué car quelquefois la personne commence à me raconter son voyage et je dois la maîtriser très vite. Mais c’est bon enfant et toujours sympathique.

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Que t’ont apporté ces voyages et le spectacle, qui sont deux mondes très différents ?
J’ai découvert ma sensibilité à travers les photos. Déjà même si j’aime les partager, je ne fais plus de photos pour les autres, je ne fais pas ce qu’ils peuvent attendre sinon je fais de la carte postale ! Aujourd’hui, je fais les photos que je ressens, je cherche à montrer autre chose qu’un reportage touristique. Je fais des milliers de photos mais je n’en garde en fait que très peu. Je fais un choix drastique.
Lorsqu’on est comédien, est-ce qu’on ne  risque pas de rater un projet ou de se faire oublier ?
Ca a toujours été le problème, c’est pour ça que mes voyages ne dépassent pas trois semaines, un mois. Mais aujourd’hui c’est plus facile car je n’attends pas un rôle puisque j’écris moi-même mon spectacle. Ce qui n’est pas si facile, entre le choix des photos, les choses que j’ai envie de raconter. Là encore j’ai un tri à faire car je pourrais en raconter durant des heures. J’ai mis deux ans et demi à écrire ce spectacle En fait, j’aime raconter des histoires… Je suis un conteur marrant et j’essaie de faire passer des messages.
Quant au comédien, il est là car en fait, je joue un rôle sur scène. Mais les deux sont complémentaires et j’en ai besoin.
As-tu envisagé de faire des expositions ?
J’en ai fait par deux fois mais les lieux étaient mal choisis. Aujourd’hui je me balade avec douze photos, douze petits formats, que j’expose dans la salle où je joue, et  je propose des cartes postales en fin de spectacle. Certaines personnes me commandent des grands formats que je fais à leur convenance, dans la dimension et sur le support qu’ils désirent.

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Quelle va être ton prochain voyage ?
J’aimerais découvrir l’Inde mais là, je vais être pris durant plus d’un an. Je crois que je vais avoir trois jours de congé ! Du coup, je pars moins et je vais en profiter pour visiter… la Suisse ! C’est mon pays et je me rends compte qu’il y a des paysages magnifiques que je n’ai jamais visités !

Propos recueillis par Jacques Brachet




Les chefs de Saint-Tropez fêtent les producteurs

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Le temps est maussade, il pluviote, et nous roulons direction Collobrières, sur une route sinueuse dont on ne voit pas la fin.
Ouf, une pancarte qui nous annonce la Bastide de la Cabrière, lieu de notre rendez-vous.
Comme son nom l’indique, nous sommes accueillis par un troupeau de chèvres et leur propriétaire, le comte Loïc de Saleneuve, qui, dans une autre vie fut rugbyman … et poète ! Il est aujourd’hui chevrier, éleveur, fromager, cultivateur… Bref, depuis 45 ans le comte est devenu paysan, par passion, pour le plaisir et tout aussitôt il nous présente ses chèvres, ses poules, son potager de légumes, de fraises, de framboises, ses plantations d’oliviers et de poiriers entre autres, dans une nature magnifique qui ne nous fait pas regretter les virages.
Comme nous le dit en riant son propriétaire : «Après 280 virages… ça se mérite !»
Avec son fils Geoffroy qui a pris le relais, il nous fait avec fierté visiter sa fromagerie… dont nous apprécierons un peu plus tard avec délice ses produits tout ce qu’il a de plus naturel et bio.

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Si l’on est aujourd’hui chez lui c’est qu’il y a réuni quelques paysans, artisans et restaurateurs de la région de Saint-Tropez où se déroulera, du 23 au 26 avril une superbe manifestation qui réunira chefs et producteurs de cette belle et célèbre région varoise.
Entre autres présents, Robert van Straeten de la Villa Belrose à Gassin, Eric Canino du restaurant la Réserve de Ramatuelle, Sébastien Rosella de l’hôtel Sezz à St Tropez, Philippe Colinet du Château la Gordonne,  Vincent Maillard, directeur de la restauration Lily of the Valley et quelques autres…
«Ce sera – nous confie Robert van Straeten – un événement exceptionnel afin d’honorer tous ces hommes, paysans, artisans, vignerons, pécheurs, chef, de notre région qui nous montreront
le fruit d’un travail acharné, authentique, un savoir-faire et nous révèleront les richesses, les trésors de notre terroir. Durant quatre jours, sur la place des Lices de Saint-Tropez, ce seront eux les stars»
Éric Canino poursuit : «Nous voulons montrer la face caché de notre travail, de notre savoir-faire, faire connaître nos histoires faites d’engagements et de passion. C’est une fête que tous méritent, un coup de projecteur à tous ces métiers, producteurs, cuisiniers, qui travaillent cachés et modifier une image quelquefois surfaite et fausse de Saint-Tropez»

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«En effet – poursuit Loïc de Saleneuve – nous voulons montrer que Saint-Tropez n’est pas que cette image mondialement connue d’une commune estivale et festive, un peu superficielle. Saint-Tropez l’hiver, c’est un petit port paisible, magnifique où les gens sont accueillants. J’y ai rencontré de belles personnes, de «vrais» chefs, comme Arnaud Donckele, chef de la Vague d’or, devenu mon frère, Vincent Duclos, maraîcher à Tourves… Tous ces gens qui ont une démarche d’authenticité, de simplicité, des hommes de passion car il faut imaginer l’énergie qu’il faut déployer, une constante remise en question et qui réalisent de belles choses».
Avant d’organiser cette réunion in situ, toute l’équipe est allée présenter cette grande manifestation à Paris, reçus par le chef des cuisines de l’hôtel Bristol, Éric Frechon qui est partie prenante, tout comme l’est Arnaud Donckele à Saint-Tropez, tous deux parrains de ces journées.
C’est donc en grande partie sur la mythique place des Lices, que, durant trois jours, se déroulera cet événement public afin de présenter tous ces métiers de bouche qui font la richesse de notre terroir autour de l’excellence, la sincérité, le partage, l’authenticité, la convivialité.
Quatre jours d’échanges, de partage, de transmissions et peut-être de secrets révélés autour des dégustations.
Le but est donc de célébrer tous ces artisans et producteurs, de faire découvrir une région autrement que par «le ciel, le soleil et la mer» et sa saison estivale mais aussi de faire découvrir, aux jeunes comme aux moins jeunes, toutes ces richesses d’un département magnifique.
Et Loïc d’ajouter : «Si vous prenez le temps d’écouter la vie des plantes, vous vous rendrez compte qu’on peut réaliser des choses extraordinaires»

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Et chacun nous le prouvera lors de ces journées, autour d’un programme festif où chacun trouvera son plaisir.
Les trois coups seront frappés le jeudi 23 avril à 18h avec l’accueil des chefs sur le port et un cocktail de bienvenue offert par la Mairie de Saint-Tropez dans les jardins de l’Annonciade.
Ouverture des réjouissances le vendredi 24 avril à 9h avec l’ouverture du Marché des Producteurs, place des Lices, des démonstrations culinaires avec la complicité du Collège Culinaire de France.
Un atelier de pâtisserie sera proposé aux  «pitchouns» à 16h, à 17h un concours incontournable de pétanque qui réunira des équipes de trois : un chef, un producteur, un invité. Cela se passera en musique autour de la dégustation de produits artisanaux.
A 20h, disséminés dans les établissements partenaires, vous seront proposés des repas à quatre, quelquefois six mains, les chefs se regroupant pour offrir des plats originaux.
Avec à peu près les mêmes animations, s’ajouteront, le samedi 25 avril, à 10h30, une course de garçons de café, tradition aujourd’hui hélas disparue. Le départ se fera place des Lices avec arrivée sur le port.
A 16h aura lieu un concours de pâtisserie où nous retrouverons les pitchouns pour un dressage qu’ils nous proposeront de déguster. Concours de  pétanque et « re-dîner » à quatre mains clôtureront la journée.
A noter que vendredi et samedi aura lieu, à 15h30 un tirage au sort des dîners offerts aux producteurs.
Enfin pour terminer en beauté ces journées gourmandes, un barbecue géant sera proposé le samedi midi sur la sublime et mythique plage de Pampelonne à Ramatuelle, en présence de tous les participants.
Quant à nous, malgré la pluie, nous avons passé un magnifique moment ensoleillé en dégustant quelques produits du terroir, dont la fameuse tropézienne et la bière de châtaignes de Collobrières mais aussi les fameux fromages de chèvre de Loïc et Geoffroy.
C’est vrai que ce lieu se mérite et qu’au bout de la route nous avons découvert un vrai coin de paradis.
Et inutile de vous dire que nous ne manquerons pas ces belles journées tropézienne qui vont nous faire découvrir toutes les richesses et les saveurs de notre Provence.

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Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta


Toulon – Pathé Liberté : «Petit pays», mais grand film

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Nous sommes dans les années 1990 au Burundi avant que n’éclate la guerre civile et le génocide des Tutsis au Rwanda.
Gabriel est un petit garçon de 13 ans, insouciant qui vit entre son père français, sa mère rwandaise et sa petite sœur. Jusqu’à ce qu’éclate, d’abord la séparation de ses parents puis la guerre civile, ce qui va le faire grandir, perdre son innocence et devenir un petit adulte qui essaiera de se reconstruire en France.
C’est le roman qu’a écrit Gaël Faye, jeune chanteur qui, avec ce livre, est devenu un romancier universellement connu avec un million de livres vendus et un nombre incalculable de prix et récompenses.
Et c’est ric Barbier qui vient d’en faire l’adaptation cinématographique en collaboration avec l’auteur.
Il est entre autres le réalisateur de «La promesse de l’aube», tirée d’un roman de Romain Gary et nous fait entrer de plain-pied dans cette histoire forte, poignante, bouleversante, histoire vue par ce petit garçon magnifique interprété par Djibril van Copenolle. A ses côtés, sa petite sœur Dayla de Medina, sa maman Isabelle Kabano et son père Jean-Paul Rouve, très loin du personnage des Tuche.
C’est à la fois un film vérité mais aussi une histoire romancée où la poésie est présente, le réalisateur ayant pris le parti de montrer, non pas les atrocités de la guerre qui sont  en fond mais l’histoire d’un petit garçon qui va grandir trop vite.
Le film est totalement maîtrisé, à la fois violent et poétique, chargé d’amour et de tendresse malgré ce que vit cette famille qui va se disloquer. Et les images sont magnifiques,
Le film se termine sur une chanson de Gaël Faye et nous laisse cloué dans le fauteuil d’émotion. C’est un grand coup de poing que l’on prend direct au cœur.
Eric Barbier et Isabelle Kabano sont venus présenter le film à Toulon.

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«Eric, comment êtes-vous venu à réaliser ce film ?
J’ai lu ce film grâce à ma fille qui l’avait lu pour le concours des lycéens dont il avait reçu le prix. J’ai été touché dès la première lecture par l’histoire de cet enfant qui assiste à la séparation de ses parents juste avant le génocide. Tout se passe à travers lui, sa famille, ses copains et c’est ça le vrai sujet dans ce livre. Gabriel est pris par la violence, d’abord de la séparation de ses parents puis, petit à petit, des événements qui se rapprochent. C’est ce qui permettait de filmer et de donner une unité au film. Je ne voulais pas aborder cette histoire de manière frontale.
Et vous Isabelle ?
C’est une drôle d’histoire car comme beaucoup de Rwandais, j’ai lu ce roman voici deux ans. Il a été traduit et bien sûr nous voulions tous savoir comment Gaël Faye avait abordé ce sujet qui nous touche. J’avais été très émue par cette lecture mais je n’avais alors jamais imaginé qu’un jour je tournerais ce film. Comme il y avait un casting, j’y suis allée sans trop y croire et un mois avant le tournage, Eric m’a appelée pour me dire que j’avais le rôle. J’ai dit oui sans hésitation avec des sentiments mêlés de joie et de peur. Mais j’ai aimé ce rôle car c’est un rôle ascensionnel. Il y a des moments de joie, d’extase puis des moments dramatiques. C’est magnifique à jouer.
– Je dois dire – précise Eric – que je n’ai pas eu à voir beaucoup d’actrices, cinq, six, pas plus et lorsque j’ai vu Isabelle je l’ai tout de suite repérée. Elle avait à la fois ce côté mondain, «bling bling» qu’elle joue au début du film, sa vie tourne autour de ses amies et son rêve est d’aller à Paris. Et puis j’ai vu cette profondeur dans son regard lorsqu’elle prend conscience du drame que vit son pays et dont elle en sera une victime lorsque l’histoire la rattrape.
Eric, vous avez tourné avec beaucoup de non comédiens ?
Oui, dont la grand-mère qui raconte l’histoire et qui est magnifique.
Durant cinq jours j’ai fait un casting et j’ai choisi les personnalités qui pouvaient donner quelque chose car je leur fait jouer une histoire qu’ils connaissent et ils apportent une vérité. Certains même ont vécu cette histoire, ce qui donne une vérité aux scènes. Beaucoup ont improvisé, faisant ressurgir des souvenirs, des imagent qui leur reviennent.

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Et pour les enfants ?
Je leur ai laissé beaucoup de liberté et ce n’est pas moi mais les adultes qui les dirigent. Je voulais qu’ils aient cette impulsion spontanée, cette fraîcheur, afin qu’ils n’aient pas l’air de jouer.
Par exemple, lorsque la petite fille téléphone à sa grand-mère, je ne lui avais pas dit que c’était sa vraie grand-mère qui allait lui répondre. Ce qui a donné cette surprise et cette joie naturelles.
Et pour cette scène poignante où la mère ayant perdu ses esprits, oblige sa fille à chanter ?
La gamine n’était pas avertie de ce qu’allait lui dire Isabelle. Et j’ai laissé Isabelle à mener cette scène où la gamine a peur et éclate en sanglots.
– Ca a été difficile – explique Isabelle – car elle appréhendait déjà cette scène mais ne savait pas la violence que j’allais y mettre. Ça l’a surprise et elle a vécu la scène comme une scène réelle, elle a eu une peur bleue et pendant quelque temps, elle ne pouvait plus m’approcher. Elle a eu du mal à supporter ça. Mais il fallait cette surprise pour qu’elle soit prise au jeu car on ne peut pas tourner dix fois une telle scène avec une petite fille.
Où en est la situation aujourd’hui ?
Isabelle : Depuis 25 ans, ça n’a pas changé même s’il y a un calme de façade, il y a une violence latente et ça n’a pas encore évolué. Les élections arrivent et on appréhende toujours ce moment.
Eric : Je veux préciser que ce n’est pas un film sur cette guerre, tout comme le livre c’est au départ l’histoire d’un petit garçon qui voit ses parents se déchirer, se séparer, qui perd son enfance à travers ce qui pour lui est le vrai drame plus que la guerre. Le cœur du film est ce paradis qu’il a perdu, cette enfance volée. Pour lui c’est une déflagration
Ce qui est formidable dans ce film c’est que chaque fois que l’histoire devient trop dramatique, il y a une scène poétique, presque onirique, qui vient la balancer.
C’est exactement ce que je voulais, d’abord parce que le pays est magnifique. Pour des raisons politiques, nous n’avons pu tourner au Burundi mais reconstitué les décors au Rwanda. Je voulais montrer cette belle vision de l’Afrique. Il y pleut beaucoup et le paysage est très verdoyant.
Et le but n’était de faire un film sur ce génocide. On doit bien évidemment l’évoquer mais ce n’était pas le sujet. C’est d’abord l’histoire d’un enfant qui découvre la violence, d’abord celle de la séparation de ses parents et puis, qu’est-ce que comprend un enfant entre toutes ces violences, cette absurdité du racisme de base ? C’est de là que vient la rupture avec l’enfance.

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Que pense Gaël Faye du film ?
Nous avons travaillé étroitement ensemble au scénario et bien entendu il a fallu adapter des situations, en enlever d’autres, beaucoup d’anecdotes qui, dans le livre, apportent cette nostalgie de l’auteur mais qu’on ne pouvait retracer à l’écran. Il a été satisfait de notre travail.
Est-ce que le film sera présenté au Rwanda ?
Isabelle : Nous y partons dans quelques jours pour le présenter en avant-première et c’est un moment très attendu là-bas !
Eric : Et en plus nous emmenons toute l’équipe, Gaël Faye compris ! Ce sera la première fois qu’on se retrouvera tous et surtout les enfants qui ont tissé de vrais lien et qui sont disséminés un peu partout. Je pense que ce sera une vraie fête et un grand moment d’émotion».

Propos recueillis par Jacques Brachet
Sotie du film : 18 mai



Hyères – Auditoriums du Casino
Erick BAERT, l’OVNI de l’imitation !

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Par OVNI, il faut lire : «Organe Vocal Non Identifiable» !
Cet OVNI se nomme Erick Baert et je l’ai découvert cet été, alors qu’il passait en première partie de Liane Foly sur la tournée Var Matin-Nice Matin.
Je dois dire – et je j’avais alors écrit –qu’il m’avait scotché par son talent, son énergie, sa voix exceptionnelle et sa façon de mêler les voix des autres aussi différentes que AC/DC et Farinelli, le fameux castrat, Johnny et Christophe, Mike Brant et Serge Gainsbourg, les Bee Gees et Edith Piaf, Joe Cocker et Céline Dion et… 130 autres voix !
Ebouriffant !
Et le public – chose rarement vue – lui faisant plusieurs standing ovations durant le spectacle. Après ça, il fallait du courage à Liane Foly pour passer dernière cette tornade !
Vue la foule qui, après le spectacle, s’agglutinait pour le rencontrer, on se doutait qu’on n’avait pas fini d’entendre parler de lui. Je me demandais même comment, alors qu’il a 40 ans passé, on avait pu aussi longtemps passer à côté d’un tel phénomène !
C’est ce que j’allais lui demander lors de son passage, samedi dernier à l’auditorium du Casino de Hyères qui affichait complet.

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Un grand sourire plein de simplicité nous accueillait et l’on voyait le bonheur sur son visage.
A ma question, il m’explique son cheminement :«C’est entièrement de ma faute car, dès le départ, j’ai travaillé avec des entreprises, j’ai fait des animations dans les casinos. C’étaient des concerts privés, j’y faisais le plein, ça marchait, je gagnais bien ma vie et ça me suffisait. J’ai enchaîné avec des animations de karaoké où je faisais des imitations sur des bandes orchestre.
Quand est-ce que ça a changé ?
J’ai fait l’émission «Graines de stars» que j’ai gagnée trois, quatre fois, je tournais alors avec cinq autres animateurs sous le nom des «Six clones». Là, Michel Drucker m’a remarqué et j’ai fait deux saisons avec lui.
Ça a dû te changer des entreprises ?
Pas tant que ça car avec elles, j’ai fait le tour du monde et j’étais à chaque fois reçu comme une vedette ! Je n’avais pas de rêve de gloire, je gagnais bien ma vie et j’avais créé une personnalisation d’entreprises…
Qu’est-ce que c’est ?
Durant deux jours, je m’immergeais dans l’entreprise avec laquelle je travaillais, je prenais des notes, je m’imprégnais de l’ambiance, des personnages clef et durant la soirée, je consacrais vingt minutes à celle-ci.
Après Drucker, il s’est passé quelque chose ?
Oui. J’ai été approché par Canal + pour les Guignols, par TF1, par «Rires et chansons»…
Et alors ?
Alors… j’ai refusé !
Pourquoi ?
Je ne me sentais pas au niveau, je n’ai pas osé… Ai-je eu tort ou raison ? En tout cas, d’autres ont profité de mes refus !

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Tu ne l’as jamais regretté ?
Non, car c’était mon choix, j’ai refusé en toute connaissance de cause, je ne me sentais pas prêt jusqu’au jour où j’ai enfin pris la décision de me produire seul sur scène. Durant quatre ans j’ai travaillé ma voix quinze heures par jour, toute la semaine. Du coup, j’ai gagné deux octaves et tout a commencé à changer pour moi.
Et tu as fait un carton tout l’été, durant quarante dates avec cette tournée !
Je dois tout à cette tournée. Quand j’ai vu la joie des gens, cet engouement, j’ai vraiment pris confiance en moi. J’ai été très heureux et j’avoue que certains soirs j’en ai pleuré de joie.
Ça a donc été un tournant !
Oui et pour beaucoup de raisons. J’ai compris que  là était ma place, sur scène, devant un public. J’étais mal entouré et j’ai fait le vide autour de moi, j’ai repris ma liberté, ma confiance en moi. J’ai tout changé, jusqu’à ma façon de travailler, de jouer avec le public. Et dans la foulée, j’ai récupéré les musiciens de la tournée qui sont fantastiques !
Donc, aujourd’hui tout va bien ?
Le mieux du monde ! Je suis heureux, je travaille avec ma femme, mes deux filles sont heureuses de ce que je fais… Que demander de plus ?
Tu fais quelques 140 voix, ce qui est déjà extraordinaire. Y en a-t-il qui t’échappent ?
Beaucoup de  voix de femmes car la mienne est très grave. Côté hommes : Freddy Mercury car il a une voix très lyrique, ce que je n’ai pas. J’ai bien essayé de prendre des cours mais d’abord, je n’ai aucune patience et si ça ne marche pas tout de suite, j’abandonne. Et puis, on me l’a déconseillé, au risque de perdre ma propre voix.
Mais bon, ça ne m’empêche pas de dormir, le plus important pour moi est de monter sur scène. Il y a toujours du stress, mais c’est du bon stress et c’est là que je suis heureux».

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Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier