Kaouther ADIMI : Les petits de décembre ( Ed : Seuil – 248 pages)
Tout semble bien tranquille dans ce quartier d’Alger, sur cette place du 11 décembre, souvenir du soulèvement contre le pays colon la France, soulèvement du peuple algérien scandant «Algérie indépendante» ou «Vive le FLN». Des enfants jouent au football sur un terrain abandonné, c’est le territoire de Jamil, Mahdi et d’Ines, c’est leur domaine réservé, on ne s’occupe pas de politique à onze ans. Pourtant lorsque deux généraux annoncent leur volonté de construire deux villas sur ce terrain, c’est l’indignation des enfants, ce terrain est à eux et le restera, qu’importe les hauts grades et les titres de propriété. Une empoignade dégénère, les enfants attaquent, la vieille moudjahidine glorieuse combattante de la guerre d’Algérie apporte son soutien aux enfants, un général est désarmé c’est le chaos, la panique et l’appel au secours à la sécurité.
Le système politique algérien est basé sur l’emprise des généraux sur la population, des généraux installés au pouvoir après avoir combattu le groupe islamique armé, des généraux qui enquêtent et détiennent des renseignements sur tout le monde. Aussi lorsque des enfants repoussent les généraux, c’est l’affront, l’offense étant aussitôt diffusée sur les réseaux sociaux.
Ce livre est l’espoir d’un peuple jeune et déterminé à aimer son pays mais surtout à se débarrasser de la pression des vieux généraux qui étouffent la génération montante. Le monde a changé, les téléphones, les vidéos circulent et si trois jeunes enfants de onze ans arrivent à déstabiliser la hiérarchie actuelle, c’est une immense vague d’espoir que Kaouther Adimi offre à son peuple.
Anthony COLETTE : Danse avec tes rêves (Ed Hors Collection – 142 pages)
Anthony Colette, c’est ce beau garçon au regard noir, à la mèche rebelle à l’élégance décontractée, qu’on a découvert dans l’émission «Danse avec les stars», en tant que danseur, chorégraphe et coach de ces stars qui viennent concourir sur un plateau autre que de théâtre ou de cinéma ou de spectacles mais sur un dance floor.
En deux ans, cet ancien footballeur-boxeur d’Aubagne est devenu plus star que certaines stars concurrentes et la coqueluche de ces demoiselles. Et pourtant, ce n’est qu’à 16 ans qu’il découvre la danse de salon grâce à sa copine de classe qui fait des compétitions. Ce sont deux coups de foudre : la danse et… Anaïs Riera. Lui le timide mal dans ses godasses, va se jeter dans cette passion jusqu’à gagner pas mal de concours car il est super doué.
Il a 20 ans quand, repéré par TF1, on lui propose d’être coach de DALS. Mais il refuse, ne sentant pas prêt. A la deuxième relance, deux ans après, il accepte enfin et il sera gâté par ses stars, deux magnifiques femmes, la comédienne Joy Esther (Nos chers voisins) et Miss Univers, Iris Mittenaere !
On ne pouvait pas commencer mieux.
Ce livre – précise-t-il – n’est pas une bio, ce serait un peu rapide pour ce «jeunot» et quelque peu présomptueux. Non, c’est un parcours de vie pour s’adresser aux jeunes et leur dire que lorsqu’on a une passion, il faut la vivre pleinement et faire tout pour y arriver.
Vivre de sa passion, quelle qu’elle soit, n’est-ce pas le plus beau rêve à réaliser ?
Il se dit impulsif, explosif, quelquefois caractériel mais toujours optimiste, positif et toujours prêt à apprendre, à connaître, à découvrir ce métier qu’il a choisi de vivre avec passion et tenter des expériences.
De ce petit sportif de Gardanne à l’étoile montante de la danse, il y a eu des moments de joie, de frénésie, de peur, de désespoir mais toujours avec un but : y arriver.
Ce livre est très touchant car Anthony est un être vrai, sensible, amoureux de la vie et du chemin qu’il a choisi. Agrémenté de mots d’amour et d’amitié de tous ces gens qui ont cru en lui : ses parents, son frère Nathan, ses profs, Marc Barbiéri, sa petite amie qui ne l’est plus mais reste son amie, ses amis Ariel et David, bien sûr Joy et Iris… Tous ont cru et croient lui et le soutiennent. Ils sont unanimes pour parler de sa gentillesse, de sa fidélité, de sa simplicité.
Anthony est une belle âme dans un corps de danseur de talent.
Ce livre en est le témoignage.
Julia DECK : Propriété privée (Ed. Minuit – 178 pages)
Petite chronique familiale et tranquille sur l’art d’habiter dans un quartier écolo nouvellement installé dans une banlieue parisienne. Un couple sans enfants. Elle, la narratrice, tranquille, chargée d’affaires navigant entre Paris et Rotterdam et son mari plus âgé, fatigué, un peu à l’écart à cause de ses traitements psy. Le ton est donné…
les voisins qui s’installent, chacun avec ses travers, communicatifs ou pas ; Les rencontres, les apéros, les petits tracas quotidiens et… l’intrigue se noue. La mort du chat des voisins puis la disparition de la voisine installent un climat de suspicion générale révélant le dessous des cartes.
Les personnalités se dévoilent, les fils se dénouent.
Un petit roman agréable, bien construit où l’intrigue pique la curiosité du lecteur et où tout s’explique sans heurt comme avec connivence avec le lecteur.
Romain DURIS : Féroce (Ed Noeve – 176 pages)
Que voilà un drôle de livre – d’album, devrais-je dire – qui m’a laissé quelque peu dubitatif.
D’abord il y a la surprise de découvrir que derrière un comédien de grand talent, se cachait un plasticien.
En fait, en dehors de l’école des Arts appliqués, il s’est dirigé vers la musique avant de bifurquer vers le cinéma.
Acteur original s’il en est, il n’est jamais là où on l’attend, il a une filmographie à nulle autre pareille, endossant des rôles très divers, quelquefois très particuliers, même dérangeant, des rôles inattendus qui surprennent mais ne laissent pas indifférents, passant de «Adolphe» à «L’auberge espagnole», «De battre, mon cœur s’est arrêté» à «L’homme qui voulait vivre sa vie» ou encore «L’exilé» ou «Molière»…
Il avoue pourtant que dès son plus jeune âge, il ne pensait pas au cinéma mais ne cessait pas de dessiner. Les hasards de la vie lui ont fait prendre divers chemins. C’est la galerie Cinéma, une galerie qui aime mêler des plasticiens à d’autres artistes et qui, découvrant ses dessins, lui propose de les exposer. S’en suivra donc cet album où, à part une préface de l’auteur lui-même, vous découvrirez ses œuvres toutes noires puisque faites au crayon gras ou à la mine de plomb. 35 en tout, choisies parmi 180 car il est un artiste prolixe.
Mais une œuvre assez inégale avec certains dessins (beaucoup de nus, de corps entrelacés, quelques portraits) très léchés, très aboutis et certains autres plutôt brouillons, plus des esquisses ou des travaux inachevés.
Le trait est incisif les portraits particulièrement réussis, les corps à la fois sensuels et dégageant une certaine violence.
C’est un monde à part que nous offre Romain Duris. Un monde qui n’est pas de tout repos et qui, comme son nom l’indique, est quelquefois féroce. Peut-être qu’il lui ressemble finalement mais comme c’est un homme discret… Va-t-on savoir ?
On le retrouvera sur France 3 jeudi 30 janvier dans «Un petit boulot» auprès de Michel Blanc
Jean-Michel JARRE : Mélancolique rodéo (Ed Robert Laffont – 380 pages)
Cette biographie est l’une des plus brillantes, des plus intelligente, des plus passionnée qu’ait pu écrire un artiste. Artiste mondialement connu, qui plus est, français, qui ne se prend à aucun moment pour une star, ce qui devient rare, mais qui est un vrai créateur.
Un musicien et compositeur hors pair, homme magnifique de simplicité, qui vit par et pour sa musique électronique, qui offre dans le monde entier des concerts pharaoniques inégalés, dans des lieux et quelquefois des pays improbables..
Il est le fils de Maurice Jarre, compositeur lui aussi connu dans le monde entier (Lawrence d’Arabie, Paris brûle-t-il ?, Docteur Jivago, Le cercle des poètes disparus…) aussi génial que son fils, humanité en moins, ayant abandonné femme et enfant et dont le courant n’est jamais passé entre eux, au grand désespoir de son fils qui en a gardé une plaie profonde. Ce qui explique sa mélancolie.
Entre Wagner et Géo Trouvetout, Jean-Michel a inventé la musique électronique et nombre de machines dont il est l’inspirateur. Il a toujours jonglé avec les notes, les mots, la technique pour se hisser au top de son art.
Il est à la fois connu du monde entier en tant qu’artiste et inconnu en tant qu’homme, tant il a toujours été simple, discret et ce gros livre de 380 pages nous fait découvrir un être attachant, passionné, sensible, toujours en questionnement sur la vie, sa vie, sa musique et les événements du monde.
Il a côtoyé les plus grand hommes politiques du monde entier, les plus grands artistes avec lesquels il a collaboré, sa vie est passionnante, curieux des gens, des rencontres, des musiques du monde et écrivant aussi «Les mots bleus» pour Christophe ou encore «Où sont les femmes ?» pour Juvet.
Eternel adolescent, physiquement et moralement, curieux de tout, sa vie est une épopée musicale universelle qui a rassemblé des millions de gens, ses œuvres, curieusement, étant souvent nées dans la solitude de la cuisine de ses maisons !
Son livre est superbement écrit, passionnant, même si quelquefois il est difficile de le suivre dans ses pérégrinations techniques pour des néophytes dont je suis !
Un seul petit bémol : les photos qui jalonnent le livre, petites, en noir et blanc, certes très symboliques mais on aurait aimé voir quelques photos en couleurs de ses concerts démesurés et explosant de couleurs…
Ce sera peut-être pour un autre livre !
Jean SICCARDI : Les dames du mardi (Ed Presses de la Cité – 346 pages)
Victor est un fils d’émigrés clandestins piémontés, venus se réfugier à Nice. Son père meurt à la guerre, sa mère se laisse mourir.
Le voilà tout jeune livré à lui-même, protégé par un curé, jouant les Robin des Bois, volant aux riches pour aider d’autres émigrés. Mais il finit par se mettre en danger et il part en cavale dans les montagnes. Il y rencontrera un vieux couple de fermiers sans enfants, les Cousin. Alors qu’il est sans papiers, ils l’adopteront et Victor s’occupera de la ferme. Dans ses pérégrinations, il découvrira un trésor de guerre et lorsque ses parents adoptifs meurent, il décide de revenir sur Nice sous le nom de Cousin de la Salèse, pour mener la grande vie.
Cependant, fréquentant la maison close de Juliette, il va tomber amoureux d’une jeune prostituée.
Une vie très superficielle dans laquelle il se fait une place. Mais y est-il vraiment à sa place ?
Jean Siccardi nous raconte là l’histoire et l’ascension d’un jeune italien issu de l’immigration comme il y en a eu beaucoup durant la première guerre, même si ses parents sont venus en France en 1907, ne pouvant plus vivre en Italie.
Roman magnifiquement documenté sur la vie entre l’Italie et la France de cette époque. L’histoire de ce jeune italien est une véritable épopée mais il y manque un souffle d’aventure et surtout un manque de repères par rapport à Victor car, sautant des années, l’on finit par ne plus savoir quel âge il a, son histoire quelque peu noyée par des descriptions, des tableaux de paysages, de l’époque, certes magnifiquement cinématographiques mais alourdissant l’histoire de son héros.
Quant au titre, il ne concerne que la troisième partie, lors de son arrivée à Cannes où il va fréquenter ce lupanar.
Notre ami Jean semble moins inspiré que d’habitude et ce roman nous laisse un peu sur notre faim.