Bertrand « Swann Arlaud) vit en toute liberté, sorte de gentleman cambrioleur, volant par-dessus les toits, s’introduisant chez des particuliers pour voler des tableaux ou arnaquant des gens cherchant un appartement dont il s’accapare les clefs pour les faire visiter et empocher la caution.
Même sa famille ne connaît rien de sa vie. Il vit sans principes, sans besoins urgents, sans obligations, sans états d’âmes, hormis son histoire d’amour avec Justine (Jennifer Decker) qui accepte cette façon de vivre.
Beffrois (Charles Berling) est un flic revenu de tout. Il est en train de tourner une page d’une vie sans exaltation : sa femme est décédée, ses fils quittent la maison, il prend sa retraite. Mais il la prend en laissant en suspens un vol de tableaux non élucidé, qu’il va continuer à creuser. Il finira par rencontrer Bertrand.
« Un beau voyou » (sortie le 2 janvier) est un film d’atmosphère et un thriller à la fois, qui fait penser à ces films de Chabrol où humour et suspense se mêlent habilement. Lucas Bernard, jeune réalisateur dont c’est le premier film, nous propose un film à la fois très maîtrisé, très original dans la construction, dans la finesse des dialogues et dont les personnages ont tous une certaine ambiguïté, un certain mystère, une certaine ambivalence.
Il nous offre de splendides images de Paris vu des toits et nous plonge dans une ambiance à la fois feutrée et intimiste en brossant le portrait magistral de deux hommes que tout sépare : l’âge, la façon de vivre, l’un sans toit ni loi, l’autre, au contraire, voulant vivre autre chose. Et ce conflit des génération qui pourtant va les rapprocher, donne un film à la fois sensible et percutant.
C’est avec plaisir que l’on rencontre Lucas Bernard et, Charles Berling venu en voisin (Il y a cent mètres entre le Théâtre Liberté et le Pathé Liberté !).
Après le frère… le frère, puisque nous étions, voici quelques jours avec Philippe Berling (voir rubrique théâtre)
Lucas, Charles, votre rencontre ?
Lucas : Au départ, je suis parti sur l’idée de ce jeune voleur détaché de tout puis en avançant dans l’écriture, le personnage du flic a pris de l’importance. J’ai commencé à chercher un comédien qui pourrait être crédible dans le rôle de cet homme qui attend la retraite. C’est mon producteur, Florian Môle qui m’a suggéré Charles. Au départ j’ai pensé qu’il serait trop jeune. Or, il a en fait l’âge du rôle.
Charles : Et c’est ainsi qu’il m’a appelé en essayant de me convaincre par cette phrase : « Vous avez pile l’âge du rôle » ! Ce qui m’a, je l’avoue, quelque peu sidéré car ce n’est pas vraiment l’argument qui me fait dire oui. Qu’est-ce que je m’en fous d’avoir l’âge du rôle ! Malgré tout j’ai voulu en savoir plus et j’ai lu le scénario.
Lucas : Je suis même venu voir Charles à Toulon et je me suis rendu compte qu’en fait ça faisait sens pour moi de le choisir car il n’a d’abord pas du tout l’air d’un retraité. Je gardais en souvenir l’image de lui dans « Ridicule » entre autres et quelques autres films de cette époque où il était chaque fois différent. Et je l’ai très bien vu dans ce rôle de cet homme un peu revenu de tout qui allait tourner une page en allant vers l’inconnu.
Charles : ce qui m’a aussi beaucoup plu c’est d’abord de rencontrer un mec plus jeune que moi mais peut-être encore plus perché que moi ! Et puis, j’ai peu tourné de rôles de flics et celui-ci était particulièrement original, avec un certain recul, de l’humour et un humour particulier, celui de Lucas. Le personnage est très fouillé, jusqu’au choix de ses chemises hawaïennes et puis on est dans un polar « Flic et voyou » avec un ton très particulier.
Aussi, entre Lucas et moi il y a une génération et il a écrit un film qui interroge ma génération. Il y a un rapport intergénérationnel très fort entre ce jeune qui n’arrive pas à s’inscrire dans la normalité et ce flic sans ambition. Enfin, il y a ce rapport avec l’Art puisqu’il l’a approché presque malgré lui, grâce à sa femme qui en était amateur et c’est peut-être par là qu’il connaîtra une renaissance. Pour moi, l’art n’est pas réservé à une élite, comme trop de gens le disent à tort, elle est à la portée de tous et pas seulement à une poignée d’intellos. L’art propose de l’irrationnel.
Lucas : D’ailleurs au départ, le film devait s’intituler « L’histoire de l’art ». Mais c’est malgré tout un polar et ça n’était pas très approprié au sujet, même s’il y a de l’humour.
Charles, tu as voulu jouer les Belmondo avec cette poursuite sur les toits ?
Ça m’a beaucoup amusé de faire ça, d’abord parce que vu des toits, Paris est magnifique et que Lucas l’a merveilleusement filmé, ce qui n’était pas des plus faciles et puis, tu le sais, j’ai toujours aimé prendre des risques, même calculés, comme ici et j’ai adoré faire le cascadeur !
Lucas, ça n’aurait pas été plus facile de tourner ces scènes en studio ?
J’avoue que j’y ai pensé. J’ai même fait des maquettes en pensant les tourner dans les studios de Besson. Mais c’était vraiment trop onéreux pour notre budget. Ce qui a été compliqué, c’est d’avoir les autorisations et tourner sans gêner les gens qui vivent au-dessous de ces toits !
Charles, qu’est-ce qui te plait chez Lucas ?
C’est un OVNI ! Lucas, c’est un vrai auteur, il a un style, une sensibilité et ça c’est rare, donc important. Il donne sa patte, son style, son humour et c’est ce qui m’a plu dans ce scénario. Et puis, faire le premier film d’un réalisateur, c’est aussi ce que j’aime quand je te dis que j’aime prendre des risques.
Je n’ai jamais fait quelque chose, au théâtre ou au cinéma, pour l’argent ou pour la gloire. Je n’ai pas de plan de carrière, de ça je m’en fous. Pour moi, la réussite n’est pas dans l’argent, ça a toujours été la passion qui m’a guidé.
Et sa passion en fait, je le lui ai déjà dit, un boulimique qui ne sait refuser les belles aventures. Il se partage aujourd’hui entre le Liberté et Chateauvallon en créant un trait d’union entre ces deux pôles culturels. Il vient de tourner « Trois jours et une vie » avec le réalisateur Nicolas Boukrieff, avec Sandrine Bonnaire et Philippe Torreton. Il va partir en tournée avec la pièce de Yasmina Reza « Art ». Il va mette en scène « Vivre sa vie » tiré du film de Godard, pour Avignon. Avignon où il sera aussi pour un projet européen. Et puis il a participé au dernier film d’Anne Fontaine « Marvin ou la belle éducation » avec Isabelle Huppert et au film d’Emmanuel Harmon « Exfiltrés » où il a retrouvé son beau voleur Swan Arlaud et enfin, il est en tournée-dédicaces avec son livre « Un homme sans identité » (Voir article rubrique « écriture »).
Quant à Lucas, quelque peu ébahi par tous ces projets de Charles, il nous avoue quand même avoir terminé deux scénarios qu’il cherche à monter. Il ne sait pas encore lequel prendra le pas sur l’autre.
A noter qu’il a tout de même écrit en 2006, un roman intitulé « Les lacets rouges ».
Quand deux générations font les beaux jours de l’art et de la culture !
Jacques Brachet