Archives mensuelles : mars 2016

Le Castellet
Entente cordiale… et chocolatée !

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En prélude à l’ouverture de la Route des Bannières et du Chocolat, avait lieu, ce samedi 26 mars dans le petit village ensoleillé du Castellet, une manifestation aussi chaleureuse que gourmande : la signature de la charte d’amitié entre cette petite commune varoise et le plus petit pays d’Europe : Sao Tomé & Principe.
Ce sont deux petites îles volcaniques situées sur la ligne de l’Equateur, dans le golfe de Guinée. Anciennes colonies portugaises, elles ont gagné leur indépendance en 1975 pour former l’un des plus petits états du monde.
S’étendant sur 1001 km2 pour 200.000 habitants, la capitale est Sao Tomé, petite ville de 53.000 âmes..
Ces îles ont été surnommées « les îles Chocolat » car, en 1822, des bateaux venus d’Afrique y ont fait escale avec une cargaison de fèves et de cabosses. Celles-ci se sont plues sur ce terrain, jusqu’à devenir, en 1913, le premier producteur mondial, hélas très vite rattrapé et dépassé par les pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique Latine, aux terres plus étendues.
Aujourd’hui encore, ce pays fournit 2000 tonnes de cacao sur une production mondiale de 4 millions de tonnes. Mais il donne un cacao réputé pour sa qualité et son originalité, le pays restant l’un des meilleurs terroirs de cacao au monde.
Cette sympathique manifestation vient s’insérer dans le projet européen « Chocolate heritage in European and Identity », aspirant à promouvoir le chocolat durable et réunissant des partenaires institutionnels des communes européennes italiennes, espagnoles, anglaises, belges, ainsi que le Musée du cacao de Strasbourg.

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Pour la circonstance, M Jean-Pierre Bensaïd, président de Mistral Voyages mais également Consul de ce pays à Marseille, vint donc signer cette charte avec Mme Nicole Boizis, Maire du Castellet, devant un public nombreux dont Mme Dominique Blanc, déléguée au Affaires Européennes, instigatrice de ce jumelage, Hélène Botasso, écrivain et animatrice de cette journée, M Bertrand Jacquet, Grand maître de la Commanderie du Rameau d’Argent, M Gilles Tissot, Président du Mouvement Européen du Var et nombre d’associations varoises comme l’Escolo de la Cadièro, groupe provençal, le Nat’Line Dance, association de danse Country de Sanary, l’association de théâtre amateur La Compagnie des Loups, qui, durant toute la journée, ont animé les places et les rues du village.
Après la signature officielle, tout ce petit monde se dirigeait vers la salle des Gardes où une exposition était proposée au public, où l’on pouvait découvrir les peintures d’Eduardo Malé et les sculptures sur bois de Celso da Fonseca, deux artistes venus tout droit de Sao Tomé & Principe, un historique de ce pays et le fameux chocolat que l’on put déguster avec ravissement.
C’est M Bensaïd et Mme Boizis qui coupèrent le ruban.

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Enfin, le grand maître de la Commanderie du Rameau d’Argent devait introniser trois personnalités.
La Commanderie du Rameau d’Argent est une association régionale, regroupant le Var, les Alpes Maritimes, une partie des Bouches du Rhône et des Alpes de Haute Provence.
Son but est la défense de l’olivier et de ses produits, l’olive et l’huile.
Cette défense prend plusieurs aspects: participation aux diverses manifestations folkloriques, bien sûr, mais également un travail permanent de sensibilisation à la protection de l’olivier, à la promotion de ses produits et à son développement
La Commanderie du Var comprend environ 150 membres.

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Ainsi furent adoubés Sandrine Ferraud, viticultrice, possédant le domaine viticole de l’Estagnol et bien sûr des champs d’olivier, Gilles Tissot, Président du Mouvement Européen du Var et bien évidemment l’invité d’Honneur Jean-Pierre Bensaïd qui devait préciser que la devise de son pays « Unité, Travail, Discipline » se rapprochait on ne peut plus et mieux que celle de l’Europe qui est « L’Unité dans la diversité ». et qu’entre l’olivier et le cacao, c’est une affaire de terroir, dont tout à fait en phase avec cette association qui l’intronisait.

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Puis, de l’Equateur à la Provence, en passant par le Far West, ce furent des animations dansantes, musicales et joyeuse durant cette exceptionnelle journée qui scellait une nouvelle amitié entre une île lointaine, Sao Tomé et un village varois, le Castellet.

Jacques Brachet
Photos Monique Scaletta

 

Ariane ASCARIDE
De passion et d’humilité

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Rencontrer Ariane Ascaride est toujours un grand plaisir car, en dehors du fait qu’elle est l’une de nos plus talentueuses comédiennes, c’est une femme avenante, d’une grande simplicité avec qui l’interview tourne très vite à la conversation amicale.
Venue jouer « Le dernier jour du jeûne » de Simon Abkabian, au Théâtre Liberté de Toulon, nous avons passé ensemble un joli moment ensoleillé.
Cette pièce est, à l’instar de Pagnol, ou de la Commedia dell’Arte une tragi-comédie qui se passe au soleil de la Méditerranée avec tout ce que cela implique de coups de tonnerre, de grandes joies, de petites tristesses., de rires, de drames.
Ce qui est étonnant c’est que la pièce glorifie la femme… et que c’est un homme, qui plus est méditerranéen, qui l’a écrite. Et c’est réjouissant. Ce que je dis à Ariane.

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En riant elle me répond :
« Et quel sacré bonhomme ! A la fois auteur, metteur en scène, comédien, il nous offre à tous – et surtout à toutes ! – des rôles magnifiques. Cela vient du fait qu’il a été élevé dans un milieu de femmes. Il les connaît bien, il connaît leur force, il les respecte et les aime.
Parlez-moi de Simon Abkarian
J’adore travailler avec lui car nous parlons la même langue. Nous avons le même regard sur le monde, sur la vie. La même envie de nous adresser aux gens de leur faire partager des choses qui resteront dans leur tête.
Je trouve votre rôle un peu ambigu car c’est une femme grande gueule, pleine d’énergie, une « mamma » très méridionale mais quand même une femme qui se plie à son homme qu’elle aime.
Vous trouvez ? Je ne le trouve pas si ambigu que ça. D’abord, elle n’est pas si soumise car elle ose élever la voix, oh combien ! Et puis, en fait, même si elle parait ainsi, la femme feint souvent pour mieux faire ce qu’elle veut faire ! Dans le foyer, c’est elle qui tient les rênes, qui est le cœur de la famille. Et ça a toujours été.
La pièce joue donc sur les drames, les problèmes, vus sous le soleil, comme le faisait Pagnol !
Un critique a dit : « C’est Pagnol chez Homère » et je crois que c’est ça, la tragédie désamorcée par l’humour. Et ça, c’est très ancré chez nous et chez Simon car cela vient de son enfance au Liban où l’on vit la tragédie au quotidien, on se bat contre la réalité avec une certaine sérénité, un certain fatalisme, de l’humour aussi puisque Simon dit « Si on ne rit pas des choses, on ne peut pas les supporter » et c’est ce qui fait la force de l’humanité. Cette pièce joue sur les deux tableaux : le côté noir, le côté ensoleillé.
Judith Magre, qui joue votre sœur, est une femme tellement libérée qu’on la prend pour une folle. Elle y est époustouflante… à 90 ans !
Oui, et c’est un exemple pour nous tous. Elle est d’une modernité inimaginable et ce qu’elle envoie est incroyable. Elle nous épate tous et l’on a tous envie d’être comme elle à cet âge là !

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« Le dernier jour du jeûne » (Photos Antoine Agoudjan)

Alors Ariane, vous avez débuté avec votre époux, le réalisateur Robert Guédiguian…
Je vous arrête ! (rires) c’est tout le contraire : mon mari a commencé avec moi car, lorsque je l’ai rencontré, j’étais déjà comédienne, j’avais déjà fait du théâtre et du cinéma et lui… n’avait encore rien fait !
Mille excuses ! Mais après, vous avez été de tous ses films. Cela ne vous a-t-il pas coupé d’avec d’autres réalisateurs ?
Ce qu’on a vécu et ce qu’on vit encore avec Robert, est une belle et passionnante aventure, même si, quelquefois, cela a été difficile. Et ça le reste. Mais vous savez qu’en France, on aime cataloguer les artistes. La France est le pays des cases… C’était donc à moi de provoquer l’envie et le désir d’autres auteurs, d’autres réalisateurs.
Je ne regrette donc rien et même, je souhaite à toutes les comédiennes d’avoir le bonheur de jouer des rôles comme les écrit Robert. Surtout lorsqu’on commence à prendre de l’âge, les rôles ne sont pas si nombreux que ça.
Tout s’est déclenché avec « Marius et Jeannette » en 1998, qui vous a permis d’avoir le César.
Oui, et c’est un film de Robert ! C’est arrivé au bon moment ! Vous savez, dans ce métier, on ne sait jamais comment ça va se passer, si ça va durer. Le hasard, la chance, les circonstances… Pour moi, ça a été ce film.
Avec un César… Sans compter trois autres nominations !
Oui, c’est vrai mais vous savez, même si je ne le renie pas, même si j’avoue que ça m’a fait plaisir, ça n’a pas changé ma vie ni ma façon d’appréhender ce métier. Et même si cela a changé le regard du métier. Je ne m’attache pas à ça. Comme a dit Léonardo di Caprio à la remise des Oscar, c’est un métier éphémère et il faut en avoir la conscience et l’humilité.

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Ariane, son mari, avec Macha Makeiëff, directrice de la Criée à Marseille, qui avait organisé un hommage au couple.

Pour vous, ça reste un métier compliqué ?
Oui, c’est un métier difficile où il faut sans cesse se remettre en question. Et ce n’est pas parce qu’on a eu un succès, que tout est gagné.
Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est la fausse image que l’on donne aux jeunes artistes de ce métier. Ils pensent qu’après avoir fait trois mois d’une télé-réalité, ils sont devenus des stars. Ils ont leur cour, leur agent, leur avocat, la limousine, les grands hôtels… Ils croient que c’est arrivé et très souvent ils déchantent. Ce métier est difficile, compliqué, jamais gagné et il faut avoir une sacrée santé mentale pour durer… et endurer ! Ils ne sont pas prêts à ça et la chute est souvent terrible.
Qu’est-ce qui fait qu’on garde les pieds sur terre ?
Savoir se remettre en question, rester lucide et surtout un bel entourage qui n’est pas là pour vous envoyer des fleurs ni pour profiter de la situation.
Justement, vous avez formé une vraie famille, vous et votre époux.
Oui, c’est vrai que Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Simon Abkarian font partie de notre famille. Nous avons toujours fonctionné comme ça. C’est très fusionnel entre nous et ça marche. Dans le prochain film que nous tournerons à la fin de l’année, les liens sont encore plus flagrant puisque nous allons jouer, Gérard, Jean-Pierre et moi des frères et sœur !
Lorsqu’on parle famille, il y a deux autres Ascaride : Gilles et Pierre, vos frères, avec qui vous avez travaillé.
J’ai mis Pierre en scène dans une pièce qu’il a écrite « Inutile de tuer son père, le monde s’en charge » en 2005. Et nous nous sommes retrouvés tous les trois sur scène pour une lecture d’un texte écrit par Serge Valletti « Moi, votre ami »….
Et une pièce tous les trois ?
Pourquoi pas ? Même si cela me paraît improbable vu le caractère fusionnel que nous avons tous les trois. On s’aime trop, on ne peut pas faire la part des choses; oublier qu’on est frères et sœur quand on joue ensemble me paraît impossible. Je crois que nous ne sommes pas assez vieux pour tenter la chose !

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Avec sa famille : Darroussin, Meylan, Abkarian et dans ce beau fil qu’est « Les héritiers »

Vous avez réalisé un film, mis en scène votre frère… Et l’écriture ?
J’écris. J’écris beaucoup même, et je suis aussi une grande lectrice. Mais écrire toute seule, je ne me sens pas légitime. Aussi, je travaille sur un scénario avec un écrivain, Kebir Mustapha Ammi, qui ne se sent pas plus légitime que moi pour écrire un scénario. Alors on s’épaule, on se donne mutuellement confiance. J’aime beaucoup cet échange de regards que nous avons l’un pour l’autre. L’histoire se passe dans un atelier de couture clandestin.
On verra où ça va nous mener… »

Propos recueillis par Jacques Brachet

Toulon – Palais Neptune
Un invité de marque : Hubert REEVES

Reeves-photo M.Pourny-ROC

Le mardi 31 mai à 20h30, le Festival de Musique de Toulon et sa région recevra Hubert Reeves pour une conférence-concert-film autour du thème « Mozart et les étoiles », au Palais Neptune.
Astrophysicien réputé, auteur de plusieurs travaux spécialisés, Hubert Reeves aime la littérature et la musique, faisant songer à ces esprits d’autrefois qui mariaient la science et l’art.
Le spectacle « Mozart et les étoiles » est conçu « à double voix » par Hubert Reeves et la musicienne Karine Lethiec. Il nous propulse dans un espace-temps entre création du cosmos et création musicale, où Hubert Reeves nous rappelle que nous sommes tous des « poussières d’étoiles » et nous fait prendre conscience du lien entre la création de l’univers et la création artistique.
Les chefs-d’œuvre du grand répertoire classique, de Mozart à Hersant, permettent d’illustrer les grandes lois de l’univers, sa structure, ses particules élémentaires, la vie des étoiles. Ensemble, musique et récit cosmologique nous amènent à réfléchir sur l’évolution de l’univers, « le hasard et la nécessité » qui le gouvernent. Au moyen de projections d’images du cosmos, Hubert Reeves et l’Ensemble Calliopée conjuguent astronomie et musique.
« Je ne puis penser sans émotion – écrit-il – au moment où Mozart, ayant tout juste terminé l’écriture de Don Giovanni, dépose sa plume et regroupe ses feuillets. C’est un temps fort de la vie de l’humanité et, par extension, de la réalité toute entière. Tous les créateurs, musiciens, peintres, poètes, ont ajouté à la beauté du monde. Ils ont enrichi notre vie en nous donnant accès à des moments de bonheur ineffables. Et, en généralisant, je pense que tout être humain, dans sa sphère d’activité, petite ou grande, peut être un artisan du huitième jour ».

Calliopée

Avec la participation de l’Ensemble Calliopée, composé par Maud Lovett, violon, Karine Lethiec, alto, Florent Audibert, violoncelle, Frédéric Lagarde, piano, qui interprèteront des oeuvres de Mozart, Brahms, Schumann, Fauré, Malher, Dutilleux, Hersant.

Film composé d’images du cosmos réalisé par Didier Bertrand, diffusé pendant tout le spectacle

 

Ballade aux Baux de Provence

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En ce début de printemps, l’on commence à avoir des envies de promenades et de respirer l’air qui commence à embaumer.
C’est pourtant avec un temps mi-nuageux, mi-ensoleillé, mi-pluvieux que nous avons choisi comme première destination les Baux de Provence.
Minuscule village perché au milieu du massif des Alpilles, dominant la campagne environnante, c’est encore, à cette époque, un lieu « presque » tranquille, qui se prépare à la folie estivale puisque, en deux mois, il reçoit un million et demi de visiteurs .
Pour l’instant, quelques promeneurs de la région se mêlent à une population de 380 habitants, dont seulement 35 vivent dans l’enceinte des Baux.

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Construit sur cet éperon rocheux, quelques maisons de villages, quelques murs en ruine à travers ces ruelles en pente dans lesquelles nichent quelques échoppes proposant savons, lavande, étoffes, huile, vin, biscuits… Tout se mêle dans un flot de couleurs et de senteurs entêtantes et agréables.
Au détour des ruelles, on découvre le château des Baux et son musée, le musée du santon, les chapelles Ste Catherine et St Blaise, datant du XIIème siècle, l’église St Vincent des Baux, en partie creusée dans le roc.

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Classé parmi les plus beaux villages de France, il sommeille au cœur des Alpilles, qui sont devenues le lieu de prédilection, le havre de paix de beaucoup d’artistes venus là se ressourcer dans des paysages de rêve. Ou s’inspirer des paysages pour nous offrir des oeuvres éternelles, comme Van Gogh, Dufy, Marie Mauron, Mistral, Cocteau…
Le terroir regorge de richesses, des champs de lavande aux champs d’olivier à l’huile renommée, en passant par les vignobles aux crus classés AOC, tout comme l’huile d’ailleurs.
Le nom du village vient de l’Occitan « Baues » que l’on peut traduire par « escarpement rocheux ». Au fil des décennies, il est devenu « Baou » puis Baus de Prouvenço » ou « Baux de Provence ». L’on retrouve cette étymologie dans la bauxite, minerai d’aluminium qui fut longtemps exploité. Et c’est le nom des Baux qui a donné le nom à ce minerai et non le contraire comme beaucoup le croient.

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Une plaque commémorative- au dessus d’un énorme rocher de bauxite en atteste.

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Les carrières de lumière

D’immenses carrières ont été creusées, durant des années, au pied du village. L’on y a extrait le calcaire blanc qui a été utilisé pour la construction du château et de la cité. Jusqu’à sa fermeture en 1935 où la carrière s’est endormie… puis réveillée par Jean Cocteau, qui, passant par là, découvre un lieu splendide et surréaliste et décide d’y tourner en partie « Le testament d’Orphée »

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Elle se ré endormira après le tournage jusqu’en 1975 où Albert Plécy, rédacteur en chef du Parisien Libéré, tombe en extase devant ce lieu et, un an après, il propose le premier spectacle audio-visuel qui s’étale partout sur ces immenses murs de calcaire immaculé de 14 mètres de haut. La cathédrale d’images est née dans cette carrière et chaque année, un nouveau spectacle est proposé aux spectateurs. Après Picasso, qui a attiré plus de 250.000 visiteurs, Gauguin, Van Gogh et les peintres de la couleur, ont fait l’objet d’un son et lumière unique en son genre, liant les œuvres des artistes à des musiques qui résonnent sous les voûtes géométriques.
Cette année, et jusqu’au 8 janvier de l’année prochaine, c’est l’œuvre de Chagall qui se déploie sur les murs asymétriques en enfilades et c’est absolument époustouflant de beauté et d’originalité. Vous parcourez ainsi des mètres et des mètres d’allées et de murs en découvrant l’œuvre magnifique de ce peintre surréaliste yiddish. Baignés de ses tableaux, du sol au plafond, c’est un voyage magique, hypnotique, prenant de beauté et d’émotion, oeuvres reliées entre elles par des musiques classiques, de jazz où venues de son pays.

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Par ailleurs, avant de quitter ce lieu incroyable, vous pourrez découvrir des extraits du « Testament d’Orphée » ainsi qu’un making off du film et une interview de Jean Cocteau par François Chalais, projetés sur ce mur de calcaire que l’on retrouve dans le film.
Mais depuis Cocteau, d’autres films ont été réalisés en partie dans ce lieu et dans les paysages alentours qui enchantent les réalisateurs. Ainsi y sont passés Michel Blanc avec « Grosse fatigue » Jamel Debbouze et le réalisateur Rachid Bouchareb avec « Indigènes », John Frankenheimer avec « Ronin » et même un jeu télévisé américain « The amazing race » y a été tourné.
A noter que, du 25 au 27 juillet, du 1er au 3 août et les 16 et 17 septembre, des nocturnes seront proposées autour de Monet, Renoir, Chagall, Michel Ange, Raphaël, Léonard de Vinci, Klimt, Chagall… De quoi redécouvrir tous ces merveilleux artistes de façon originale.

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Jacques Brachet

ART EN SCÈNE
Magnifique soirée pour une grande cause

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Vous parlez d’amateurs ?
Oui, c’est vrai, l’association « Art en Scène » regroupe des amateurs qui, sous la férule de Gisèle Bisogno-Bellanger, apprend à chanter, à bouger, à se mouvoir. C’est en fait une école de la musique, de la chanson et… certains qui se disent professionnels, devraient peut-être jeter un coup d’œil vers eux car le talent n’est pas réservé qu’aux professionnels. La preuve !

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A noter que chaque année Gisèle et « sa troupe » montent un spectacle dont la récolte va tout droit aider une association caritative. Cette année, le choix s’est porté sur l’ACAT, Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture et de la peine de mort dans le monde.
Du coup, le sujet a été trouvé. Sujet grave et qui aurait pu plomber la soirée puisqu’il porte sur LA guerre, toutes les guerres qui, depuis des siècles, n’arrêtent jamais, aucun pays n’ayant été épargné.

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« Ce spectacle, – nous dit Gisèle – se veut être un témoignage émouvant, mais jamais triste, de ce qu’ont vécu de part le monde, des milliers d’êtres humains, qui souhaitaient simplement vivre en paix, comme nous, avec leur enfants, leur famille, leurs amis sur cette planète magnifique, notre terre mère , que nous devrions partager, plutôt que de nous entretuer ».
C’est en fait un très beau spectacle portant sur l’espoir en la vie, la paix, l’humanité, porté par une trentaine d’artistes, chanteurs et danseurs et qu’à travers plein de chansons, nous font traverser le monde.
Le choix, s’il reste dans le droit fil du thème, a été judicieusement dosé de chansons anciennes comme « La Madelon », « Le déserteur », « L’accordéoniste », « Petit tambour », « Lili Marlène », « Nuit et brouillard », des plus récentes comme « Musulmanes », « Les Ricains », « D’Allemagne », « Che Guevarraa, « Gottingen » et d’encore plus récentes comme « Je suis un homme », »Je ne suis qu’un soldat », « Paris-Kaboul », « Je m’appelle Bagdad », « Anne, ma sœur Anne », « Diego », « Comme toi »….

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Un très bel éventail de magnifiquse chansons qui, par le talent de toutes ces voix – surtout chez les femmes – la mise en scène, les décors, les lumières et les costumes magnifiques en tout point de vue, nous donné un très beau spectacle plein d’émotion et de joie, le couleurs et de musique digne d’une compagnie aguerrie.
Le Théâtre Jules Verne de Bandol, prêté par son maire, Jean-Paul Joseph, était plein à craquer puisque, à chaque instant, l’on rajoutait des chaises pour les nouveaux arrivants !

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A noter aussi, tous les gens et associations qui sont venus renforcer l’équipe comme l’école de danse Allegria et l’Atelier 13 de la Ciotat, l’école de danse de Martine Bertonini de Bandol, qui nous ont offert de très beaux ballets, l’école de danse Yasmine qui a déployé ses fastes orientaux et charmé les messieurs entre autres, les danseurs de salons et l’ADF
Ce fut une grande et belle fête chargée d’émotion, de musique, de danses et l’on se prenait à repenser à une vielle chanson au titre éponyme du film de 1956 « Si tous les gars du monde… »

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En effet, si le monde cessait de se faire la guerre, pour quelque raison que ce soit, s’humanisait au lieu de se quereller, de s’entretuer, de s’égorger, de torturer, et essayait de comprendre, d’aider, d’aimer son prochain, ce monde, ne serait-il pas plus beau ?
Cela reste hélas un vœu utopique mais heureusement qu’il y a des associations comme l’ACAT qui luttent pour cela et « Art en Scène » qui les aident à mener leur croisade.

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En tout cas, ce fut un grand et beau moment ou l’amour de l’Art s’est associé à l’amour de la paix. C’est rassurant, même si ce n’est qu’une goutte d’eau dans un long fleuve rarement tranquille.
Mais ce sont, dit-on, les petits ruisseaux…..

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Jacques Brachet
Art en Scène se produira le dimanche 3 avril à 15h, Espace Malraux à Six-Fours pour un spectacle tout à fait différent puisque ce sera un spectacle burlesque !

Virginie HOCQ sur le fil de l’humour

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« Bon, eh bien, je suis ravie d’être dans le Sud ! J’avais apporté mes claquettes et mes lunettes de soleil… et je mets les bottes !
J’arrive de Bruxelles et Paris où il faisait soleil… J’espère qu’à Sanary il fera beau, sinon je repars chez moi ! »
Voilà le début de notre conversation avec la plus française de nos humoristes belges qui s’arrêtera le 8 avril au Théâtre Galli à Sanary.
J’ai nommé Virginie Hocq.
Parlez-nous de ce spectacle, Virginie…
Il s’intitule « Sur le fil » car, justement, je suis sans arrêt sur le fil du rasoir, « border line », comme on dit aujourd’hui. Je présente des portraits de femmes qui ont des problèmes, des malheurs, des névroses mais qui le vivent relativement bien, qui sont heureuses et positives.
Il y a des situations à double sens mais c’est toujours avec humour, même si quelquefois se cachent des détresses. Mais je ne heurte jamais les gens, il n’y a jamais un mot vulgaire, même dans les pires situations comme cette femme de qui le mari réserve une surprise : pour la remise à niveau de leur couple, il organise une partouze et la femme, voyant tous ces gens tout nus, se demande ce qui se passe !
Je joue sur les mots, sur les situations, sur l’imaginaire du public mais ce n’est jamais trivial.
Vous avez combien de one woman shows à votre actif ?
Cinq, dont trois seulement joués en France. Les deux premiers étaient des essais et n’ont pas beaucoup marché.
Alors qu’aujourd’hui vous remplissez des salles de plus en plus grandes !
Chouette non ? C’est rassurant, ça fait plaisir et c’est émouvant de rencontrer un public qui m’a découverte dans des salles minuscules et qui s’en souviennent.
Au départ, c’est ce que vous vouliez faire ?
Non, pas du tout. J’avais huit ans lorsque j’ai décidé de faire ce métier. J’ai été baignée dans la culture par mes parents mais eux ne faisaient pas de métier artistique. Ils n’ont jamais mis de barrière à ça et m’ont seulement dit de passer le bac. Ce que j’ai fait. Puis je suis entrée au Conservatoire Royal de Bruxelles où j’ai eu un prix de comédie.
Au départ ça a été difficile et alors mon père m’a dit : « Si tu veux faire ce métier, donne t’en les moyens, n’attends pas qu’on vienne te chercher ». C’est ce que j’ai fait en commençant à m’écrire des sketches.

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Être étiquetée « comique », est-ce que ça vous a donné une frustration ?
Ni frustration, ni complexe car j’adore faire rire De plus, j’écris sur des situations qui, au départ, ne sont pas particulièrement drôles, qui sont des choses de la vie. Et la vie n’est toujours rose. Mais j’écris avec le recul et avec l’humour. Je pense que, depuis le cordon ombilical, on a tous des petits fils de toutes couleurs au-dessus de la tête, que l’on tresse selon nos envie, nos humeurs. Les couleurs se mélangent.
Et puis aujourd’hui, ça commence à s’estomper. Passer du théâtre au cinéma ou à la télé ne me pose pas de problème.
Ça n’en a jamais posé ?
Quelquefois, lorsqu’un producteur ou un réalisateur sait ce que je fais sur scène, certains m’ont avoué qu’ils avaient hésité à me prendre. Mais pour les castings, si l’on ne me connaissait pas, ça marchait. Aujourd’hui tout va bien.
Vous avez, je crois, des velléités de réalisation ?
Oui, ça fait partie de mes projets. D’ailleurs, je suis en train d’écrire un scénario que j’espère réaliser, où je ne jouerai pas.
Pourquoi cette envie ?
Parce que j’aime travailler en équipe, former un groupe, que je m’intéresse à tous les métiers qui tournent autour du cinéma, que j’ai envie de composer avec eux, de raconter des histoires avec d’autres, que j’adore la photo puisque j’en fait, la lumière, la technique… Je crois que ça fait partie de mon cheminement. J’ai envie Alors, je ne sais pas si le projet aboutira mais je suis déjà très contente d’essayer. J’ai déjà écrit des capsules pour la TV sur des femmes qui ont marqué l’Histoire car c’est un sujet que j’aime particulièrement. Ça m’a beaucoup plu.
Vous disiez faire des photos ?
Oui, pour le plaisir. J’adore ça et j’ai même exposé grâce à un copain. Ça marchait puisque des gens voulaient m’acheter mes photos. Mais j’ai refusé car je ne me sentais pas légitime. Je n’en ai vendu que trois parce qu’une personne a insisté et m’a tannée jusqu’à ce que je dise oui. Alors elles sont dans ma cave. Peut-être qu’un jour je les sortirai. J’oserai les montrer et les vendre !
Vous avez fait la première partie de Lara Fabian… Surprenant, non ?
Oui, ça a été à la fois difficile et génial à la fois. On sait que lorsqu’on annonce une première partie, ça fait toujours ch.er les fans et j’ai donc eu l’idée d’être l’emmerdeuse qui fait languir le public, en faisant des fausses sorties, en disant au revoir, annonçant Lara, puis en ouvrant le rideau et criant « coucou, me revoilà ! ». Et ça a marché !
Et Lara ?
Elle a adoré. Elle avait vu mon spectacle et comme elle a beaucoup d’humour et adore rire, ça lui a beaucoup plu.
Vous avez fait de l’impro. Est-ce que là, c’en était ?
A, pas du tout, ce n’était pas le lieu. Nous étions à l’Olympia. C’était écrit, construit. Dans ce genre de situation, on ne peut pas se permettre d’improviser.
Ce spectacle « Sur le fil », vous le jouerez encore longtemps ?
Pour un bon bout de temps encore puisque je suis en tournée jusqu’au mois de juin puis je le reprendrai à Paris à la rentrée jusqu’à fin mars l’année prochaine.

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Et pendant ce temps, vous pensez déjà à un nouveau spectacle ?
Non. A force de jouer seule aussi longtemps, on prend des tics et on s’use un peu. Après ça, j’ai envie de me retrouver dans une équipe. J’ai besoin d’un nouveau texte, d’un auteur, d’un metteur en scène, d’un groupe autour de moi…
Ce sera quoi alors ?
Ça, vous ne le saurez pas… Ce sera la surprise !

Propos recueillis par Jacques Brachet

NOTES DE LECTURES
Par les Plumes d’Azur

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Olivier ADAM : La renverse (Ed l’Olivier)
La renverse c’est le moment entre deux phases de marée montante ou descendante durant laquelle le courant devient nul. C’est à ce moment que l’auteur situe le début du roman . Antoine la trentaine, s’est réfugié dans une petite station balnéaire bretonne et occupe sa vie entre une librairie où il travaille et sa petite amie sportive et sans problème. Soudain il apprend par un flash à la télé le décès d’un homme politique connu et c’est la renverse. Cet homme c’est celui qui a brisé sa vie et celle de sa famille. Il va donc par petites touches revenir sur son enfance dans une petite ville de banlieue parisienne où cet homme a introduit le scandale. Sa mère pour mettre fin à son oisiveté s’était lancée en politique, travaillait avec lui et s’était laissée entrainer dans un scandale sexuel qui a brisé le couple et la famille. C’est à partir de là qu’Antoine va évoquer son passé douloureux et destructeur tant pour son petit frère que pour lui même ou pour la fille du sénateur entrainés dans le désordre mental et le chaos. Mais c’est à partir de là aussi qu’il va se reconstruire par la fuite et l’oubli non sans essayer de nous faire partager le cheminement de chacun des personnages
L’auteur part d’un fait divers sordide pour sonder ses contemporains, pénétrer dans les contours de l’âme de chacun, comprendre cette société écrasante à travers ses médias et dont la rumeur bouleverse des vies. L’évocation des paysages marins est splendide, pour contrebalancer le sordide du fait divers sexuel déballé sans pudeur.
Ecriture riche, juste, émouvante mais qui aurait pu éviter la crudité de certains passages.

Philippe BESSON : Les passants de Lisbonne (Ed Julliard)
Rencontre providentielle d’un homme et d’une femme, jeunes, venus noyer leur désespoir à Lisbonne. Elle a perdu son mari dans le tremblement de terre de San Francisco, lui, a été abandonné par l’homme qu’il aime. Ils sont dans le même hôtel et vont unir leur solitude autour de cette absence qui les mine . Tous deux sont résignés à ne plus connaître qu’errance et solitude, mais la confiance qui s’installe entre eux, les conversations de plus en plus intimes, les promenades dans la ville au charme nostalgique, tout cela va les aider à accepter leur peine. Pas de mélo, pas de sexe ni même d’amitié, seulement les sentiments pudiques et profonds de deux êtres qui savent s’écouter.
Avec ce style agréable qu’on lui connait l’auteur nous fait entrer dans la tête de ses personnages en même temps qu’il nous ballade dans Lisbonne; La ville dont il traduit le charme envoutant est un personnage central de l’histoire.
C’est bien sûr un roman sur le deuil, mais qui se lit sans tristesse et nous propose un court et bon moment de lecture.

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Christophe BOLTANSKI : La Cache (Ed Stock – Prix Fémina 2015)
L’auteur, journaliste reporter, retrace le parcours d’une famille française, la sienne, riche, aisée, pingre, bourgeoise et bohême, intellectuelle et déscolarisée, juive et catholique.
Son livre suit le plan de la maison, un hôtel particulier de la rue de Grenelle. Chaque chapitre ouvre la porte d’une nouvelle pièce. On avance pas à pas vers le cœur du mystère, un faux palier dissimulant « la cache ».
De pièce en pièce l’auteur redonne vie à sa famille, sa tribu.
Le grand-père, médecin juif, catholique, qui avait déjà participé, incrédule à la grande guerre dans les tranchées et au déferlement de haine de la seconde guerre mondiale organise sa propre disparition. Il divorce, part une nuit en faisant beaucoup de bruit et se cache dans cette maison. C’est un univers clos, protégé, fortifié, dont les membres de la famille vivant dans la peur ne sortent que tous rassemblés. La grand-mère, figure centrale, frappée de poliomyélite s’appuie sur ses enfants qui n’appréhendent le monde extérieur qu’à l’âge adulte..
Ce roman – ou plutôt cette autobiographie – est remarquablement construit tel un jeu de Cluedo. L’écriture est agréable et fluide.
L’auteur est issu d’une famille d’intellectuels qui n’a cessé de s’illustrer depuis trois générations dans la littérature, les arts et la recherche. Son père Luc est un éminent sociologue. Son oncle Christian l’un de nos plus grands artistes contemporains.

Sylvie GERMAIN : A la table des hommes (Ed Albin Michel)
Au départ, un bombardement, une truie et sa portée sont pulvérisés à l’exception d’un seul. Contraint à la survie, il sait instinctivement que l’homme est son principal ennemi, mais, recueilli après son étonnante transformation en enfant sauvage par une vieille femme, puis par un clown, et finalement par une fratrie d’énergumènes anarchistes, il apprend la vie, guidé par une corneille, sentinelle bienveillante.
Jusqu’à la dernière page, cet être étrange aura raison de se tenir éloigné des hommes, des hommes pleins de haine, de désir de vengeance, « désir vite érigé en devoir de justice ».
Avec son talent habituel, son sens de l’humain et du mystère, l’auteure nous entraine dans une histoire où l’humain le dispute à l’extraordinaire. Le poète Tomas Tranströmer, cité par Sylvie Germain, conseille vigoureusement l’homme sage à monter dans son chariot de feu et de quitter le pays car la table est branlante.
Oui, la table des hommes est branlante, mais est-ce dans les pouvoirs de l’homme de la stabiliser ?

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Philippe JAENADA : La petite femelle (Ed Julliard)
Avec « Sulak », parcours d’un gentleman cambrioleur, l’auteur nous avait initiés à l’étude des rapports judiciaires et au travail d’enquête mené lors d’un procès Dans son dernier livre, il récidive brillamment avec l’affaire Pauline Dubuisson.
En 1953, cette jeune criminelle de vingt-six ans, vient d’être condamnée à perpétuité pour le meurtre de son ex fiancé ; il etait bien sûr jeune, beau, intelligent et romantique ; elle est trop belle, trop intelligente et trop émancipée. L’époque n’est pas favorable aux ravageuses…
C’est surtout cette atmosphère que l’auteur rapporte autour du travail d’enquête. La fille, élevée comme un garçon par un père nietzschéen et une mère inexistante, a couché avec l’Allemand, refuse les propositions de mariage, veut exercer une profession. La petite femelle dérange !
Philippe Jaenada reprend les témoignages, les rapports judiciaires, les rumeurs, les ragots. Le constat est sévère : lacunes, contradictions, partis pris, tout est mis en œuvre à l’époque pour charger l’accusée dans ce contexte d’après guerre. Tout au long des 706 pages, il analyse, dissèque les évènements, les comportements. Rien n’est laissé au hasard, on est passionné par cette histoire très lourde allégée par la plume agréable et quelquefois drôle de l’auteur mais Dieu que c’est long !!!

Gaëlle JOSSE : l’ombre de nos nuits (Ed Notabilia)
De nos jours, une jeune femme désœuvrée, entre deux trains, entre dans le musée de la ville Rouen. Elle est frappée par le tableau de Georges de la Tour : « Saint Sébastien soigné par Irène », peint en 1639 durant la guerre de Trente ans en Lorraine.
Ainsi commence le dernier roman de G.Josse qui alternera, chapitre après chapitre ,la naissance du tableau de Georges de La Tour et la déception amoureuse de cette femme contemporaine. Celle-ci n’échappera jamais complètement à l’emprise d’une passion pour un homme qui ne lui a jamais rien promis mais qu’elle a cru pouvoir enchaîner en s’effaçant toujours pour son bonheur. Une blessure d’amour insupportable lui permettra de se sauver de cet enfermement, véritable enfer sans issue
Par ailleurs les chapitres consacrés à l’élaboration du tableau de St Sébastien sont en eux-mêmes une peinture de l’époque. Etre comme le jeune Laurent apprenti auprès d’un si grand peintre c’est être effacé, modeste, silencieux ; c’est observer, travailler et encore travailler. Laurent connaît les secrets des uns et des autres, devine les déceptions et les contrariétés, les jalousies d’une famille unie mais, complètement sous l’emprise d’un peintre obsédé par ses toiles et son ambition folle d’offrir sa dernière toile au roi de France qui représentera ses sentiments les plus intimes (humilité et tendresse) ce qui n’est pas dans l’air du temps
De même que la jeune femme du musée n’a pas osé sa rébellion, l’apprenti, par ses réflexions et ses observations, traduit ce que la Tour et sa maisonnée n’osent exprimer.
Gaëlle Josse a un talent particulier, sobre et poétique, pour rendre vivants chaque personnage, les ombres et les lumières, surtout les demi-teintes soulignées par le reflet d’une simple bougie qui suffira à animer un regard ou décèlera un secret bien gardé.
C’est un roman assez court mais si riche en nuances où s’entremêlent sentiments de plusieurs histoires d’amour, l’analyse et la lucidité d’un échec amoureux ainsi que les tourments de la création picturale.

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Olivier BLEYS : Discours d’un arbre sur la fragilité des hommes (Ed Albin Michel)
C’est la fable du » pot de terre contre le pot de fer » revisitée par l’auteur, version chinoise contemporaine.
Dans la province de Liaoning au nord-est de la Chine, à Shenyang, une famille vit très pauvrement dans une petite maison où règnent les courants d’air et un froid terrible que Zhang, licencié de son usine, essaie en vain de combattre en chapardant des sacs de charbon. C’est une famille à l’ancienne avec les ancêtres à la maison, une femme courageuse et aimante et une jeune fille qui tente d’étudier au milieu de ces trois générations. Mais il est bien difficile de survivre aux temps modernes!
Dans la cour de leur maison ils ont un trésor: le dernier arbre à laque du quartier (un sumac), très vieux, souvent menacé, au pied duquel sont enterrés les membres de la famille. Même s’il s’étiole Zhang a juré à son grand oncle qu’il ne serait jamais abattu. Zhang poursuit un rêve : devenir propriétaire de sa masure délabrée avec son sumac. Le sort s’acharne sur ce pauvre chinois car un grand projet minier menace la famille d’expulsion. Après maintes tribulations et affrontements avec l’odieux propriétaire, il sera berné en devenant lui-même propriétaire d’une maison « clou » c’est-à-dire l’îlot d’irréductible qui n’a pas voulu vendre son terrain et se retrouve isolé, entouré d’excavations infranchissables. Une lutte inégale s’engage oçpposant l’humble famille aux représentants du puissant capitalisme chinois. Il gagnera mais dans quelles conditions!
L’auteur a pris comme toile de fond les transformations violentes de la Chine contemporaine avec cette histoire. Il a donné une âme à tous ses personnages mais le rouleau compresseur que sont le consumérisme et la puissance de l’argent semble être le fossoyeur des temps anciens.

Roselyne DURAND-RUEL : Les ailes du désespoir ( Ed Albin Michel)
Casablanca, début des années 80.
David Serfaty, onze ans, rencontre Alia, cinq ans. « C’est là que ma vie commence » nous dit le héros du roman .
En effet, tout le parcours du personnage principal des » Ailes du désespoir » se tisse autour de cette rencontre. Il est juif, elle est musulmane ; leur histoire se construit contre l’hostilité de leurs familles respectives. Le lecteur les retrouve étudiants à Paris, puis mariés à New York défiant les préjugés.
Un fil conducteur assez banal.
Puis le destin frappe : le 11 septembre 2011 Alia travaille dans une des tours jumelles; elle termine sa vie à trente six ans ! Un notaire révèlera alors l’existence d’une enfant, fruit du viol non dénoncé d’un de ses prétendants, Aziz.
Le roman prend de ce fait une dimension plus captivante d’autant que David réussit à arracher l’enfant aux paysans sans scrupules auxquels les parents d’Alia l’avaient abandonnée et à la confier à sa grand-mère maternelle accablée par le remords d’avoir maudit sa fille.
Dès lors David se consacre à sa vengeance contre les Salafistes et contre Aziz, le violeur : il infiltre les réseaux islamistes en se faisant passer pour un arabe avec l’aide de la CIA et s’il réussit à mener à bien ses projets il ne sort pas indemne de cette plongée dans l’intégrisme.
Si le lecteur résiste aux méandres de l’intrigue, à la diversité des lieux et à la présence de nombreux personnages, il appréciera ce texte particulièrement documenté sur les méthodes des services secrets, la grande connaissance du Coran et de la culture coranique ainsi que le récit d’une triste actualité.
Sentiment partagé donc en fin de lecture : si le roman reste banal, la connaissance approfondie des violences liées au djihadisme nous incite à considérer différemment le monde d’aujourd’hui.

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Thomas MORALES : Madame est servie (Ed du Rocher)
L’auteur nous présente ici son second livre, mettant en scène un privé pas comme les autres. Nous sommes donc sensés connaitre ce personnage de Joël Beaumont, flegmatique, nostalgique et plus très jeune, vivant dans un quartier populaire de Paris, entouré de comparses hors du commun.
L’affaire qui nous concerne se situe dans le monde du spectacle et plus précisément de la télévision. Une jeune actrice vient d’être sauvagement assassinée sur les lieux du tournage et tout ce petit monde est en émoi. C’est notre détective Joss qui va mener l’enquête à la demande de la famille. Et il va le faire un peu à la manière des vieux polars tranquilles des années 70/80.
A bord de son vieux break brinqueballant, il va sillonner l’Auvergne puis la Normandie et la Bretagne, tirant peu à peu les fils qui s’entremêlent mais qu’il va dénouer grâce à sa perspicacité et l’aide de ses assistantes, sa fidèle secrétaire nounou et sa maitresse avocate qui le tient sous son charme.
En fait nous voyons défiler les kilomètres de campagne et les maisons provinciales fleurant bon l’autrefois.et nous découvrons enfin la vérité, le tout réglé en deux pages
Mais ce n’est pas la jeune actrice assassinée qui est la vedette de l’histoire mais bel et bien notre héros détective, tout plein de ses souvenirs de vieilles bagnoles et de petits troquets de province.
Nostalgie, nostalgie quand tu nous tient ! mais quand à l’histoire… elle reste gentille

Olivier ROLIN : Veracruz (Éd Verdier)
Le dernier livre d’Olivier Rolin bouscule les codes du roman traditionnel.
Nous sommes à Veracruz à la veille d’un probable cataclysme. L’auteur/narrateur, invité à prononcer un cycle de conférence sur Proust à l’université d’État, termine une de ses soirées dans un bar, l’Idéal.
Entre tequila et mariachis Dariana parait ! Elle est de celles « qu’il suffit de voir une fois pour ne jamais l’oublier ».
Leur liaison va durer un temps puis la dame ne viendra plus, sans donner d’explication. Le conférencier l’attendra chaque soir à l’Idéal en vain.
Un pli parviendra cependant à son hôtel ne comportant aucun mot d’accompagnement. Il contient quatre récits.
Livrés au lecteur, ces récits, brefs et terribles, nous incitent à chercher des indices dans l’espoir de comprendre la situation.
Réunis dans une bibliothèque par ce soir de cyclone, trois hommes prennent la parole successivement : Ignace, homme de lettres, modèle de servitude et poète récite des sonnets; Miller se raconte et apparaît sous les traits d’un mari violent et mafieux; El Griego n’est autre qu’un père incestueux sans remords ! La dernière intervention est celle de Suzanne : elle se définit comme telle : « je suis deux choses, ma beauté et ma haine ». Elle donne sa version des aveux précédents mais il nous est bien difficile de la cerner. Nous sommes en plein roman d’espionnage. L’auteur le dit lui-même : « C’est en vain que je m’épuisais à cette recherche ».
Le huis clos dramatique se termine donc avec un dernier chapitre consacré à ce qui constitue une œuvre de fiction, ses rapports avec la réalité, et notre éternel besoin de donner un sens à tout.
Rencontre/disparition, vécu/écrit, lumière/ombre, réel/fictif…il n’y a pas de clefs, dit Olivier Rolin.
Et nous, avons-nous vraiment lu un roman ?

GOOD LUCK ALGERIA

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Un film de FARID BENTOUMI
AVEC SAMI BOUAJILA, FRANCK GASTAMBIDE, CHIARA MASTROIANNI ET HELENE VINCENT
Sortie le 30 mars

Sam et Stéphane, deux amis d’enfance fabriquent avec succès des skis haut de gamme
jusqu’au jour où leur entreprise est menacée.
Pour la sauver, ils se lancent dans un pari fou : qualifier Sam aux Jeux Olympiques d’hiver
sous la bannière du pays d’origine de son père, l’Algérie.
Au-delà de l’exploit sportif, ce défi improbable va pousser Sam à renouer avec une partie de
ses racines.

Entretien avec Farid Bentoumi
A l’origine de Good luck Algeria, il y a une histoire vraie : celle de votre frère.
Je voulais parler de cette situation complexe, rarement traitée et en même temps tellement
répandue d’être bi-national, entre deux pays, deux cultures. Mon producteur Frédéric Jouve et
moi avions envie de raconter une histoire positive sur l’immigration. Frédéric a grandi à
Marseille, avec beaucoup d’amis d’origine algérienne. A force de discussions, on a eu
l’évidence qu’il fallait s’inspirer de l’aventure de mon frère, qui a fait les Jeux Olympiques
d’hiver sous la bannière de l’Algérie à Turin en 2006. Son aventure symbolisait vraiment la
trajectoire qu’on voulait raconter : un franco-algérien qui habite en France et se lance dans un
défi qui va le rapprocher de ses racines.
Son père dit quelque chose de très beau à Samir : il ne s’est pas battu pour l’intégration
mais pour que ses enfants aient le choix.
Oui, et quand le choix de son fils est de monter sa boîte et non de planter des oliviers en
Algérie, il ne peut que le soutenir jusqu’au bout et l’aider. Ce père a un côté très parfait ! Pour
lui, l’important est l’ascension sociale, pas l’intégration proprement dite dans une culture
française. D’ailleurs, le débat actuel sur l’identité nationale est aberrant. Mon père est venu
d’Algérie pour travailler dans les mines de Saint Etienne, il a creusé le tunnel du Mont-
Blanc… N’a-t-il pas lui aussi construit la France ?
Dans ce débat, on oublie l’humain. Moi, j’ai grandi en France, j’y ai construit ma famille, mes
projets, je suis français. Mais je suis aussi algérien, et très fier de cette bi-nationalité. Good
luck Algeria est comme une réponse à tous les Algériens ou descendants d’Algériens qui se
demandent s’ils doivent renier leur culture algérienne pour s’intégrer. Et le racisme n’a jamais
déterminé mes choix ni ne m’a freiné. Je trouvais important que ce soit la même chose pour
mon personnage. Le fait que Samir fasse les JO sous la bannière algérienne pour sauver sa
boîte qui fait des skis cent pour cent français est un pied de nez à tous les débats sur
l’identité nationale !

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Samir a épousé une Française d’origine italienne…
A la façon dont la mère de Samir a appris l’arabe et vit en Algérie, on sent qu’elle a plein
d’amour pour son mari et elle demande à ses enfants de l’accepter tel qu’il est, de le
comprendre. Elle est comme une traductrice entre lui et eux, entre les deux cultures que
portent leurs enfants. L’ouverture qu’a connue Samir grâce à ses parents ne pouvait donc que
rencontrer une autre ouverture culturelle dans son couple à lui. Et puis ça permettait aussi de
faire la différence entre les français d’origine algérienne et les français d’origine italienne,
auxquels on ne demande plus leur origine. Mais je pense que dans trente ans, on ne le
demandera plus non plus aux Maghrébins.
Le passage de la France à l’Algérie est comme un second souffle dans le film.
La première heure du film se passe sur trois mois environ alors que cette demi-heure en
Algérie raconte une journée et demie. J’avais vraiment envie que ce personnage acharné à
faire du sport, à courir pour sauver sa boîte, dans un rythme d’action à l’occidental,
expérimente soudain cette dilatation du temps propre au pays. Les Algériens prennent le
temps. Le temps de se retrouver en famille aussi. Là-bas, on peut ne pas s’être vus pendant
vingt ans, on reste cousins. Le lien du sang est très puissant. Je voulais qu’on ressente ce lien
familial, que Samir lui-même l’éprouve, qu’il soit marqué par ce voyage. Lorsque le cousin de
Samir lui montre les photos de ses enfants et lui dit que sa fille s’appelle Jihad et son fils
Oussama, tout est dit sur la différence de vie et de culture entre eux mais le lien du sang reste
très fort.
Pourquoi n’avez-vous pas tourné en Algérie ?
Trois semaines avant qu’on demande les autorisations, un Français s’est fait égorger dans les
Aurès. Nous n’étions pas prêts à amener une équipe française là-bas. Les assurances ne
l’auraient même pas permis. Nous avons donc tourné les scènes dans Alger sur place, mais les
autres scènes ont été tournées au Maroc, chez les Berbères. Du coup, les enfants ne parlaient
pas arabe, on n’avait pas l’ambiance algérienne des femmes qui chantent dans les champs ou
blaguent dans la cuisine, des hommes qui discutent au milieu des oliviers pendant la récolte…
Heureusement, on a rajouté ensuite des ambiances sonores, des discussions en arabe algérien,
que j’ai enregistrées dans ma famille en Algérie ou extraites de mon documentaire.
Pourquoi le choix de Sami Bouajila pour jouer Samir ?
Sami Bouajila a une palette de jeu très large, de l’humour à l’émotion la plus forte. Il se bat en
permanence pour son rôle, il est à deux cent pour cent, du matin au soir. Son énergie est
incroyable. J’ai vraiment écrit pour lui. Sa ressemblance avec mon frère est frappante, ils ont
le même âge, sont tous les deux grenoblois… Quand il accepté le film, j’étais vraiment
heureux, je ne sais pas comment j’aurais fait autrement.

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Comment avez-vous trouvé Bouchakor Chakor Djaltia, qui interprète le père de Samir ?
Je cherchais quelqu’un comme mon père, un algérien qui a vécu à la montagne, qui fait du ski
et des raquettes, qui marche dans la neige… Tout cela forge une façon de parler, de s’habiller
et d’être. Cela donne un corps totalement différent de celui de quelqu’un qui a travaillé et
vécu en banlieue parisienne. Du coup, Antoine Carrard, mon directeur de casting, est
descendu à Grenoble et a trouvé Bouchakor dans une association de vieux Algériens. Cet
homme a eu une vie étonnante. Il a tenu un cabaret à Marseille dans les années 50, est reparti
en Algérie en 1964, où il a vendu des coquillages sur la plage, a joué Shakespeare à Oran –
quand je l’ai rencontré, il m’a cité Shakespeare en arabe ! Et puis il est revenu en France dans
les années 90. Et là, il vit entre la France et l’Algérie. A quatre-vingt deux ans, il a encore une
énergie incroyable et un regard plein d’enfance. Pour lui, ce tournage a été miraculeux, une
expérience folle qui lui a permis d’aller en Autriche, au Maroc, en Italie…
Ces scènes de neige sont à la fois réalistes et poétiques.
Le ski de fond est un sport très exigeant physiquement. On a tourné avec des vrais champions
autrichiens et on était tous épatés de les voir presque s’envoler au-dessus de la neige. A
l’image c’est un sport très dur, mais qui peut paraître lent, étiré, et je voulais qu’on sente la
compétition, que Samir doit relever un défi, mener un combat pour se qualifier. Là encore, on
a fait un gros travail au son pour rajouter des bruits de ski et de respiration. Je voulais donner
du rythme et de l’enjeu dans ces scènes mais tout en préservant le silence et la poésie de la
nature. La première fois que Samir est perdu au milieu des montagnes, il retrouve une seconde
jeunesse. Il pousse un cri, traverse l’immensité du paysage, puis disparaît à l’horizon… On
éprouve soudain un sentiment de petitesse et d’humilité.

Propos recueillis par Claire Vassé

Sergi LOPEZ, hasards et rencontres

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Il a une stature imposante qui contraste avec son regard rieur, ses yeux qui pétillent… et une volubilité toute méditerranéenne. Normal, Sergi Lopez est Catalan et en plus d’une approche on ne peut plus chaleureuse, il vous offre en étrenne, l’accent qui se promène du côté de l’Espagne.
Partis pour un moment d’interview au Théâtre Liberté où il se produisait avec la pièce qu’il a écrite avec son comparse Jorge Pico « 30/40 Livingstone », nous sommes restés une heure ensemble… et l’on aurait pu continuer sur la lancée !
« Sergi, parlez-nous d’abord de ce complice qu’est Jorge Pico…
Nous nous sommes rencontrés au Teatre del Tret, une école internationale en Espagne où des jeunes venaient de tous les pays. La langue nous a rapprochés. Puis chacun est reparti de son côté, lui avec la Cie de Philippe Gentil, moi faisant du cinéma.
Nous nous sommes retrouvés en France chez Jacques Lecoq qui a été notre maître.
Cette école espagnole, c’était une école de théâtre ?
Pas vraiment, plutôt une école d’interprétation, d’improvisation. Nous étions une cinquantaine venant du monde entier, d’où la difficulté de se comprendre ! Mais ça m’a illuminé et ça m’a fait croire que, même moi, j’étais capable d’inventer, d’avoir des idées. Ca m’a donné beaucoup de confiance en moi. Moi qui avais toujours peur qu’on me prenne pour « un faux », j’ai commencé à croire que c’était possible.
Alors la France : Comment et pourquoi ?
Comme souvent, les hasards de la vie. Jorge voulait aller en France mais moi, je n’avais pas d’argent. J’ai donc dû travailler durant deux ans et faire des économies. J’y suis arrivé en 1990 et j’ai rencontre Jacques Lecoqn, qui a été un maître pour moi, avec qui j’ai travaillé, et j’ai retrouvé Jorge. C’était gonflé de vouloir jouer en France car alors, je ne parlais pas un mot de Français ! Mon expérience en Espagne m’a aidé car on travaillait beaucoup sur le geste, le mouvement, le regard, l’expression, qui sont des langages universels.
Et le cinéma ?
Toujours le hasard puisque le réalisateur Manuel Poirier cherchait un comédien espagnol pour son film « La petite amie d’Antonio ». C’était en 92… C’est tombé sur moi et, malgré les difficultés pour comprendre l’histoire, les dialogues et parler Français, on y est arrivé, non sans peine et sans quiproquos car souvent je prenais un mot pour un autre… C’est difficile de jouer sans pouvoir s’accrocher à la langue, aux mots. Il faut alors être inventif. Avec Manuel ça a fonctionné et on travaille toujours ensemble.
Puis il y a eu « Harry, un ami qui vous veut du bien » avec le festival de Cannes et le César du meilleur comédien… français, en 2001 !
(Rires) Oui ! Pour les dialogues, c’était assez simple car je ne parlais pas beaucoup et j’avais beaucoup de gros plans. De plus, il y avait cette atmosphère pesante et ambiguë qui passait beaucoup par le regard. Je jouais beaucoup là-dessus. Le scénario était réglé comme une horloge suisse.
Quant aux César, en recevant le mot de la Ministre de la Culture, Catherine Tasca, j’ai évidemment été très étonné. Mais ça a été une fierté et une reconnaissance. Et ça a accentué ma confiance. Même si je n’étais pas super heureux, j’étais très fier.

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Dirty En amont
La petite amie d’Antonio – Harry, un ami qui vous veut du bien
Dirty Pretty Thing – En amont du fleuve

La liste des films que vous avez tournés en France est impressionnante !
Ca me fait rigoler car il n’y a rien d’impressionnant : dans certains film j’ai deux, trois scènes et j’avais autant de jours de tournage, comme dans « Potiche » de François Ozon. Mais c’est vrai, je suis au générique !
Justement, pour 2016, vous êtes au générique de trois films : grand rôle ou panouille ?
Pour « En amont du fleuve » de Marion Hänsel, je partage le premier rôle avec Olivier Gourmet qui joue mon fère. Un frère que je n’ai jamais rencontré.
Dans « Perfect day, un jour comme un autre » de Fernando Leon de Araona, je n’ai que deux scènes mais quelle expérience de jouer aux côtés de Benicio del Toro ! Il porte bien son nom car c’est un animal impressionnant.
« Orpheline » d’Arnaud des Pallières est un film très particulier de 90′ où je joue avec un gamin de 8 ans, qui a été tourné en cinq jours. Un film très onirique, poétique, assez surréaliste… qui passera sur une chaîne télé à minuit !
Vous avez tout de même tourné avec Stephen Frears !
Oui, « Dirty Pretty Things » en 2003. Hasard encore.
Je devais aller passer le casting et j’y vais en compagnie d’Amira Casar. Lorsque nous rencontrons Stephen Frears, je lui dit d’abord que je baragouine en Anglais et de plus, lorsqu’il me donne les dates de tournage, je suis déjà pris pour un film en Espagne. Je refuse donc le rôle qui doit se tourner en septembre à New-York… Et le 11 septembre 2001, il se passe ce que l’on sait. Du coup, le tournage est repoussé et en 2003… il m’appelle car il me veut toujours, malgré mon accent déplorable !
Finalement, le même handicap que vos débuts, avec la langue française !
Exactement ! D’autant plus handicapant que Stephen Frears arrivait tous les matins avec des dialogues qu’il avait changés dans la nuit ! J’avais donc un coach qui me soufflait les mots dans l’oreillette. Pour la première scène, il se faisait quand même un peu de soucis. Mais je l’ai dite parfaitement et il a été soulagé. Quant à mon accent, je l’ai et je le garde, en quelque langue que je joue !

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Alors, revenons à cette pièce « 30/40, Livingstone ».
C’est la deuxième pièce que j’écris avec Jorge. Dans la première, je jouais seul. Là, il joue
avec moi mais je parle tout le temps et lui ne dit pas un mot ! Nous l’avons joué en Catalan, en Anglais, en Français.
C’est une pièce très difficile à raconter, je crois qu’il faut la voir. C’est une sorte de mélopée surréaliste où se mélangent la vraie vie, le rêve, le passé. Je parle avec mon père qui est représenté par un fauteuil, avec un homme aux bois de cerf. dont on ne sait s’il est réel, si c’est un fantôme ou un fou, les souvenirs se mêlent au présent… C’est vrai qu’à raconter, ça ne dit pas grand chose mais c’est une comédie pleine d’humour où, comme à mon habitude, je parle beaucoup !
En fait, chaque spectateur peut se faire sa propre idée de la pièce, sa propre histoire. On est beaucoup dans l’imaginaire ».

En tout cas, c’est une belle performance scénique, tant par le talent de Sergi qui balance son texte sans temps mort que par celui de Jorge Pico qui saute, court, danse, mime avec une folle énergie.
Un grand moment, un moment original de théâtre !
Si vous avez raté la pièce, vous pouvez vous rattraper en allant à Marseille, Théâtre des Bernardines, du 15 au 19 mars.

Jacques Brachet

Toulon : PRÉSENCES FÉMININES 2016

Présences

Du 15 au 20 mars
La création musicale des femmes… Festival dédié aux compositrices, interprètes, muses, mécènes…présentes tout au long des siècles.
Claire Bodin – Directrice artistique
Titulaire de deux premiers prix, clavecin et basse-continue du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, ainsi que du Certificat d’Aptitude à l’enseignement du clavecin, c’est d’abord en tant que claveciniste que Claire Bodin s’engage dans la voie musicale.
En 2011, elle crée le festival Présences Féminines ayant pour objectif la mise en valeur des femmes au travers de l’histoire de la musique.
C’est à cette vaste entreprise qu’elle consacre aujourd’hui une grande partie de son temps. Claire Bodin a co-écrit avec la comédienne Anna Veyrenc plusieurs textes consacrés à des compositrices, ou destinés à accompagner leur musique, notamment la pièce « Petite Mademoiselle Jacquet » sur la vie d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, un scénario « Les sept rêves de Mel Bonis » sur la compositrice Mel Bonis, scénario qu’elle a mis en scène en mars 2014, « Airs coquins et à boire », spectacle créé en mars 2015 sur des airs à boire de compositrices des 17ème et 18ème siècles.

Claire Bodin

Quarante-huit heures après l’horreur qui a frappé la France dans la nuit du 13 novembre…
« Rédiger cet éditorial me semble particulièrement difficile, à la fois vain et absolument fondamental. Vain, parce qu’écrire ces quelques lignes, organiser un festival et se battre au quotidien pour qu’il existe encore sont des actes infimes face à l’immensité de la détresse humaine. Fondamental, parce que face à la perte de sens qui nous guette dès lors que nous prenons conscience du dérisoire de notre existence, ce qui nous grandit c’est peut-être
de continuer d’avancer. A chaque pas que nous faisons il nous est donné la possibilité d’espérer et de transmettre l’espoir. C’est presque inconcevable… et merveilleux !
Ces pas que nous faisons avec Présences Féminines sont des jalons vers un équilibre et une alliance durable entre les femmes et les hommes, qui passent par la nécessaire prise en compte des créatrices qui ont été malmenées par des siècles de non-considération. Mes pensées vont vers celles qui sont encore les prisonnières d’une pensée archaïque.
Voyageant « D’hier à aujourd’hui », pour reprendre le titre du premier concert qui témoignera de la pratique des femmes aux claviers, cette sixième édition sera souvent chantante, naviguant sur les mers du nord avec la soprano Karen Vourc’h ; inattendue, en images et résolument contemporaine avec « Un chemin de sable blanc » de la compositrice Marie-Hélène Bernard ; riante et caustique grâce à la soprano Anne Baquet, absolument fantastique
avec la harpe de Maureen Thiébaut, orchestrale et paritaire avec un programme compositrices-compositeurs de l’orchestre symphonique de l’Opéra de Toulon ; enfin riche en échanges autour de « Femmes en mots et en notes ».
Entre deux concerts ou conférences nous vous invitons à vous promener et à découvrir quelques-unes des richesses de notre territoire. La nature y est belle, le patrimoine riche, l’humain aussi, dans sa diversité et son multiculturalisme.
Nous espérons votre venue ! »
Claire Bodin

van rhijn gentet
Marie van Rhijn (clavecin) – Maroussia Gentet (piano)

Programme à Toulon
Mardi 15 mars, 20h30 – Opéra de Toulon (Foyer Campra)
Concert « D’hier à aujourd’hui : compositrices et femmes interprètes aux claviers »
Vendredi 18 mars, 10h30 et 14h – Auditorium Robert Casadesus CNRR
Interventions scolaires « Être une femme et créer », par Anna Veyrenc, comédienne et art-thérapeute.
Vendredi 18 mars, 17h – Auditorium Robert Casadesus CNRR
Conférence « Corée entre tradition et création », avec la compositrice Marie-Hélène Bernard
Vendredi 18 mars, 20h30 – Musée National de la Marine
Concert « Compositrices d’Europe du Nord ».
Samedi 19 mars, 10h30 et 16h30 – Théâtre Liberté
Journée de rencontres « Des femmes en mots et en notes ».
Samedi 19 mars à 17h30 – Dimanche 20 mars à 16h – Théâtre Liberté (Salle Fanny Ardant Concert « Un chemin de sable blanc », de Marie-Hélène Bernard.
Programme complet
06 61 55 35 79 – www.presencesfeminines.org