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DAVE : « Je n’ai pas à me plaindre »


Avec Dave, c’est une rencontre qui date de son premier énorme succès qu’est « Vanina ».
Nous nous sommes souvent croisés sur la route des tournées qui, à l’époque, duraient trois mois d’été. Je l’avais même invité aux journées culturelles que j’organisais à la Foire de Toulon qui a aujourd’hui disparu.
Puis nous nous sommes retrouvés sur les tournées « Age Tendre » où, en
coulisse, retrouvant tous les artistes de ces années-là et plus, nous nous marrions bien !
Mais le covid est venu et l’on n’a plus vu personne.
Aujourd’hui chacun reprend sa route et comme tous les artistes, Dave retrouve le chemin des scènes.
Le voici au Pradet où je ne pouvais pas le rater. Une interview ? Non, plutôt une conversation complice que nous retrouvons aussitôt.
Même si nous avons quelque peu vieilli, je retrouve avec plaisir son humour, sa gentillesse.
La première question et de savoir comment il va car on se souvient qu’il a eu un grave accident en chutant dans ses escaliers en 22.

« Eh bien écoute, ça ne va pas trop mal depuis cette petite – non, disons grosse – chute. Je me suis remis mais le problème est que je n’ai plus récupéré le goût et l’odorat et qu’à mon âge – j’ai 79 ans – le plaisir physique se faisant rare (enfin, presque !) il ne me restait plus que le plaisir de manger et ça, ça me pénalise vraiment. Manger et boire deux fois par jour, c’est très désagréable de ne plus avoir ce plaisir. Sinon, il reste de beaux moments d’oubli comme la lecture, les voyages, les rencontres et surtout retrouver la scène et le public qui est toujours sympa. Ça reste de beaux moments à vivre. De toute façon, comme on sait comment ça va se terminer pour tous, c’est bien de vivre ces moments-là.
Et tu as une longue tournée cet été !
Oui. Après deux ans de confinement, je suis heureux de repartir sur les routes, de retrouver la scène et le public. Tous mes copains, chanteurs ou comédiens, comme mon ami Daniel Auteuil, sont restés sans travailler durant deux ans et nous aimons tous notre travail, qui n’est pas un travail comme les autres. On ne pense jamais à partir à la retraite. On n’arrête pas… Tu connais ça toi aussi même si, à côté de moi, tu es un gamin !
Je te signale qu’on n’a que deux ans de différence !
Mais c’est énorme ! Si l’on avait été à l’école ensemble, avec deux ans de moins que moi je ne t’aurais même pas parlé… Même si depuis on s’est rattrapé !


Bon, alors, cette tournée. Comment se passe-t-elle ? Tu sautes toujours autant sur scène ?
Mais oui, je continue à sauter… Mais je saute doucement, disons que je sautille mais je vais toujours dans le public… Tout en regardant où je mets les pieds afin que ça ne se termine pas mal !
Tu sais, lorsqu’on est sur scène on est envahi par quelque chose et parfois on ne fait pas attention à ce qu’on fait. Je ne vais pas demander un escalier comme Line Renaud. Mais elle, elle est âgée !!!
Tu parlais de Daniel Auteuil. Le vois-tu toujours ? Que penses-tu de sa « carrière » de chanteur ?
Eh oui, aujourd’hui il fait carrière de chanteur ! Depuis la fin du confinement il commencé une nouvelle carrière. Je devrais dire « recommencé » car nous avons débuté ensemble  dans une comédie musicale « Gospel » fin 71… Mon Dieu que c’est loin ! Puis il a eu sa carrière d’acteur et a toujours regretté de ne plus avoir le temps de chanter. C’était toujours dans sa tête et il réalise un rêve. Mais il n’a pas arrêté son métier de comédien. D’ailleurs il prépare un film produit par une de ses filles et il jouera avec une autre de ses filles… C’est rigolo !
Figure-toi que j’ai découvert que tu avais failli représenter ton pays à l’Eurovision… Je ne le savais pas !
Là aussi, il y a très… très longtemps !
On m’avait demandé de représenter mon pays et au premier tour je me croyais bien placé et je pensais que les jurés étaient tous pour moi… Mais c’est une fille qui a gagné.
Alors qu’on a été concurrent, se retrouver animateur de ce concours, qu’est-ce que ça fait ?
On m’a proposé ça en 2003 et c’est là que j’ai eu la joie de rencontrer Olivier Fogiel. Nous avons réitéré l’année d’après puis on nous a virés car nous disions trop de conneries !
Dommage car c’était d’autant plus drôle que, avouons-le, le concours est plutôt…
Oui, je vois ce que tu veux dire ! Mais ça n’a pas plu à tout le monde, c’était pour certains un peu trop caustique… Un peu beaucoup, même, je l’avoue.
Mais j’étais avec Marco tout-à-l’heure. Il était de passage avec son compagnon et ses deux enfants. Il partait en Sicile chez ses beaux-parents. Ce qui est drôle avec lui, c’est que, pendant qu’on parle, il ne quitte pas son Iphone. Il est directeur général de BFM TV et il est occupé 24 heures sur 24.

Avec Pascal Campens, adjoint au Maire du Pradet

Tu es un des rares chanteurs de ces années 70 à ne pas avoir eu de trou dans ta carrière…
Non, j’ai eu, comme tous les chanteurs, de moments, disons, de calme. Je ne suis pas toujours resté au premier plan. Ce qui m’a sauvé c’est qu’on aimait m’inviter par ce que j’étais spontané, je faisais rire et du coup, je n’ai pas trop à me plaindre. Mais pour les nouvelles générations, je suis plus un animateur qu’un chanteur, ce qui est normal. Ils connaissent tous « Vanina » parce qu’à chaque fois on me demande de la chanter. Mais à mon époque, quand je voyais Tino Rossi, je me demandais ce qu’il foutait là !
Donc, la roue tourne ! »

Et le voici sur scène avec toujours la même pêche, le même rapport avec le public qui a vieilli avec lui. C’est vrai, il saute moins haut, ce qui ne l’empêche pas de sauter au milieu du public… Avec un peu de difficulté pour remonter !
Il est magnifique, la voix est toujours là et il enchaîne tube sur tube : « Sugar baby love », « Mon cœur est malade », « Dansez maintenant », « Du côté de chez Swann », « La décision », adaptation d’une musique de Brahms, « Est-ce par hasard ? », « Lettre à Hélène », « Allo Elisa »…
Pas de « Vanina » à l’horizon ?
Mais si, bien sûr car après une fausse sortie ou le public le rappelle et scande le titre de la chanson, le revoici qui vient la chanter avec toujours cette haute voix que lui seul peut donner. Et il enchaîne avec la chanson de Piaf-Aznavour « Jézabel » pour terminer avec l’Ave Maria de Schubert, superbement soutenu par l’orchestre de Richard Gardet.
Le parc Cravero était plein à craquer et l’Ami Dave a prouvé que, comme le chantait « presque » Brassens, le temps ne fait rien à l’affaire, quand on est bon… on est bon !

Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier

DORIAND : Parolier cœur fidèle


Il se nomme Laurent Lescaret, se prénomme Dorian mais, afin qu’on ne l’appelle « Doriann » il a ajouté à son prénom un D, devenu son nom d’artiste « Doriand ».
Sur la couverture de son livre « Un homme de paroles » paru aux éditions Léo Scheer, il apparaît en dandy mâtiné Gainsbourg, regard sûr de lui, presque arrogant.
Dans la vie c’est tout autre : timide, peu sûr de lui, doutant sans arrêt.
Parolier talentueux, homme de l’ombre, il eut aimé être chanteur dans la lumière mais l’auteur a pris le pas sur le chanteur qui a écrit avec bonheur et succès pour Lio, Etienne Daho, Julien Doré, Héléna Nogueira, Camélia Jordana, Sylvie Vartan, Mika, Michel Polnareff, les L5…
La chance et le hasard vont lui faire se rapprocher de ses idoles : Lio, qu’il adore tout jeune, qui possède ses poster dans sa chambre et qui, par miracle va venir s’installer près de chez lui. Il ira sonner à sa porte et elle le recevra en toute simplicité, alors qu’elle n’a pas la réputation d’être simple ! Il adore Daho et a beaucoup de points communs avec ce chanteur qui, découvrant une de ses chansons; lui laisse un message… sans coordonnées. Et voilà qu’un peu plus tard il se retrouve à ses côtés dans un bar ! Au fil du temps, il deviendra l’un de ses plus fidèles amis. Pareil pour Bashung, pour Mika, pour Polnareff !
Ce dernier tient tête depuis 20 ans à sa maison de disques pour finir un album. Alors que nombre d’auteurs se sont fait virer, on l’envoie à Palm Spring se frotter à lui… Et c’est la chance. Outre qu’il ne se fait pas virer, il va travailler avec lui et devenir son ami ! N’oublions pas sa rencontre avec Karen Ann avec qui il collabore depuis des années, complice et amie. Et ça dure !
Si Doriand a une carrière en dents de scie en tant que chanteur, qu’il doute toujours autant de lui et de son talent, il se rend compte de la chance qu’il a eu de rencontrer de beaux artistes avec qui il a collaboré.
Malheureux en amour, heureux en amitié. Malheureux en chanteur, heureux en parolier, un métier qui se perd aujourd’hui.

Aujourd’hui il nous raconte cette vie d’artiste dans ce livre à la fois drôle et émouvant, évidemment superbement écrit où il nous parle de ses rencontres, ses chemins de traverse, ses joies et ses peines, ses succès et ses déceptions, avec une certaine naïveté, car il est resté fan et est à la fois surpris, heureux de ces rencontres, lui le « petit parolier de l’ombre » qui est si rafraîchissant, si étonnant, si détonnant dans ce show biz sinistre, superficiel et sans pitié.
A le lire, on a comme Mika, Michel, Etienne et les autres, très envie d’être son ami.
D’autant qu’après avoir écrit, il accepte qu’on en parle.

« Alors, cette couverture « à la Gainsbourg », pourquoi ?
(Il rit) Vous n’êtes pas le premier à me le dire et pourtant, lorsqu’on l’a fait, on n’a pas du tout pensé à Gainsbourg mais à… Lucky Luke ! Au départ il avait une cigarette mais il dû la changer pour une paille et moi je l’ai transformée en stylo, ce qui me représente mieux. Et quoique j’adore Gainsbourg, ce n’est pas un hommage !
Sur les photos ou les pochettes de disques, vous ne souriez jamais… Pourquoi ?
Et pourtant je crois sourire souvent et même rire mais sur les photos… Je souris intérieurement ! Ce n’est pas si facile de sourire devant l’objectif. Disons que je suis le nouveau Sardou ! (Et là il rit carrément !)
Bon, vous êtes timide mais vous osez quand même aller frapper chez votre idole : Lio. Et en plus, elle vous reçoit !
Je crois que lorsque je suis motivé, j’ose, je ne veux passer  à côté de ce que j’ai envie de faire. Je crois que c’est une force qui me pousse malgré ma timidité et la situation complexe. J’avais passé une heure  et demie de route en voiture, j’étais devant la porte et je ne pouvais plus reculer. On était en pleine campagne, ce qui est déjà plus facile que de trouver une maison dans une ville. Par contre j’étais dans le froid et la neige, on se serait cru dans un film suédois ! Au départ ce n’était pas gagné mais je crois que Lio et son mari ont eu pitié de nous. Le rêve se concrétisait et finalement je n’étais pas plus surpris que ça et ce qui m’a fait le plus plaisir c’est que je sentais que j’existais dans leurs yeux.
La chance est avec vous puisqu’à la sortie de votre premier disque c’est Etienne Daho « in person » qui vous téléphone pour vous dire qu’il a aimé !
Daho faisait aussi partie de mes idoles et, alors que j’étais absent de chez moi, il me laisse un message sans laisser ses coordonnées. Ça a été un grand regret. Trois semaines plus tard, je monte pour la première fois à Paris avec deux copains, nous allons boire un verre aux Folies Pigalle… et je tombe sur Daho ! Pourquoi on est venu là ? Le hasard, la chance… La vie vous attend quelque part !

Encore une chance : On vous envoie à Palm Spring essayer de convaincre Polnareff de finir l’album que sa maison de disques attend depuis… vingt ans ! D’autres auteurs se sont fait virer, vous, vous vous installez chez lui et vous terminez ce disque !
C’est vrai que je pratique un métier de l’ombre, que je manque souvent d’assurance mais quand je veux quelque chose, je m’accroche. Ça devient pour moi un défi, je ne laisse pas ma place. J’avais décidé !
Facile de travailler avec lui ?
C’est un peu comme les montagnes russes, un jour tout va bien, le lendemain tout est à refaire. Mais si ce n’est pas toujours simple, c’est envisageable ! Sans compter que si j’aime l’artiste, l’homme me touche. Il faut faire le dos rond, mettre son égo dans la piscine et comme elle est à 50°, on n’a pas froid !
Alors que dans ce métier on se tutoie très facilement, vous vous êtes toujours vouvoyés. Pourquoi ?
Ça vient surtout de moi, j’aime qu’il y ait une distance, ça m’est plus facile pour travailler. Je veux garder mon espace, mon territoire et rester « moi » dans une relation.
Alors que votre talent est reconnu et pas par les moindres, vous avez toujours l’air surpris qu’on s’intéresse à vous !
C’est vrai que je suis toujours étonné qu’on s’intéresse à mon travail. Comme je suis timide, j’ai toujours peur qu’après une rencontre, les gens ne se souviennent pas de moi. Mais malgré mon manque d’assurance, mes doutes, j’aime répondre aux défis.
Vous avez fait de belles rencontres mais il y a eu quelques loupés. Comme Camélia Jordana.
Ce n’est pas un loupé puisque sa première chanson, que je lui ai écrite  « Non, non, non (écouter Barbara) » a été son premier tube. Mais son succès a fait qu’on ne parlait pas de l’album et elle a fait un rejet et n’a plus voulu la chanter. C’est souvent le cas lorsqu’un premier succès est trop envahissant qu’il occulte tout le reste. Il n’y a que le temps qui fera qu’un jour elle pourra la rechanter.


Et Françoise Hardy ?
C’est une de mes chanteuses préférées et, là encore, le jour où j’ai entendu sa voix au téléphone, ça m’a paru bizarre tellement c’était intime. C’était perturbant. Elle m’appelait après avoir entendu la chanson de Julien Doré « Les bords de mer » et voulait que je lui écrive un texte sur une musique d’Alain Lubrano. Elle a aimé le texte mais Lubrano n’aimait plus sa musique et a refusé de la lui donner. Du coup, ça ne s’est pas fait et c’est un grand regret car je crois que le texte lui allait bien. Mais ce sont les aléas du métier.
Alors, que voilà un drôle de trio : Philippe Katherine, Mika… et vous !
C’est une drôle d’histoire. Avec Philippe on se connait depuis vingt ans et pour rigoler on écrit un jour une chanson marrante « Danser entre hommes ». Que Barclay refuse, c’était trop rigolo pour lui ! Vingt ans après, on reparle de cette chanson, Mika était là et on décide de l’enregistrer tous les trois !
Vous êtes très éclectique, passer de Françoise Hardy aux L5, de Polnareff à Sylvie Vartan, de Lio à Bashung…
Pour moi il n’y a pas de différence tant que c’est de la chanson pop, que ça n’est pas de la variété, ça reste dans mon domaine et que ce soit au second degré si possible. J’ai aimé écrire « Toutes les femmes de ta vie » pour les L5 tout comme j’ai aimé écrire « Elle me dit » pour Mika ou encore « Nos âmes à l’abri pour Bashung…
Et votre rencontre avec Emmanuelle Seigner ?
Une très belle rencontre. J’avais écrit « Dingue » avec Karen Ann et il se trouve qu’Emmanuelle adore et décide de faire tout un album avec nous. On l’écrit entre Paris, Barcelone, Tel Aviv, on l’enregistre et au moment de sa sortie l’affaire Polanski éclate et il est arrêté en Suisse. La presse s’emballe et plus question de sortir le disque. Un an de travail, un an de notre vie. Il ne sortira que six mois après mais les radios sont frileuses, elles ont peur de prendre parti. On a eu seulement quelques beaux articles. Plus tard, Dani a repris « Dingue ». Ça a été son dernier enregistrement.
Alors, avec tout ça, où en est le chanteur ?
Il chante toujours ! Il reste stable, dans l’ombre ! Pour moi qui suis très discret c’est un confort de ne pas avoir la notoriété d’un chanteur, je ne le supporterais pas. J’aime faire des disques pour les autres et quelquefois j’en fais un pour me faire plaisir. Le 31 août sortira un single inédit « Himalaya » écrit avec Karen Ann au piano, qui parle de la froideur de l’amour. Mais j’ai toujours besoin des deux. Un jour Etienne Daho m’a dit : « N’oublie pas pourquoi tu es monté à Paris ». Je ne l’oublie pas ».

Nous nous sommes donné rendez-vous, non pas dans vingt ans, ce serait trop pour moi, mais un jour dans le Midi, d’autant qu’il a de très beaux souvenirs de ses premières vacances… à Six-fours !


Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Audoin Desforges
Photo couv : Ludovic Sarmento

Solliès-Pont – Festival du Château
Sofiane PAMART, un pianiste venu d’ailleurs


Il y a longtemps que l’on avait vu une salle déchaînée comme celle qui accueillait le prodige pianistique qu’est Sofiane Pamart.
Mais avant la venue de la star, apparaissait sur scène Anabelle, issue de l’émission « La nouvelle star ».
Sculpturale et belle, elle déboule avec de l’énergie à revendre, le rythme dans la peau, la voix superbe et elle accroche tout de suite le public tant elle est souriante et a le contact immédiat avec lui. Avec ses immenses tresses dont elle joue lascivement, elle nous chante la lune et le soleil, soleil qu’elle est elle-même.
Il faut savoir happer le public lorsqu’on démarre un spectacle alors qu’il fait encore jour et qu’il est venu pour un autre artiste. Mais sa voix, sa beauté, son sourire, ses chansons qu’elle compose sur un rythme très actuel et surtout son dialogue avec le public nous ont séduits, totalement charmés.
A suivre… De très près !

Et puis vient Sofiane Pamart qui semble arriver de la plage avec son bob, ses lunettes de soleil et sa chemise hawaïenne. Il s’avance lentement, sourit sous les applaudissements déjà bien nourris.
Il s’assied au piano et, dès les premières notes, c’est l’enchantement. Ses doigts glissent sur le clavier, comme une caresse, avec légèreté et une grande dextérité. C’est du « classique » pur jus et l’on est déjà sous le charme.
Mais alors qu’on se laisse bercer par sa musique intimiste, un coup de tonnerre explose et le batteur nous annonce une autre musique et piano et batterie mettent aussitôt le public en transe. Une orgie de rythme, nous submerge, appuyée par des images qui nous laissent voir « de près » ses mains qui dansent sur les notes, entremêlées de celles du batteur et d’images animées oniriques et superbes.


L’ensemble nous entraîne dans un autre monde. C’est de la haute voltige et il nous fait passer du romantisme au hip hop, du rap à la musique arabisante, il nous fait voyager et le public le suit avec bonheur.
Sans dire un mot de tout le spectacle, il se lève, fait lever le public qui n’attend que ça et qui tape frénétiquement dans les mains avec lui, totalement subjugué.
C’est presque irréel et on est totalement sous le charme de cet artiste hors du commun qu’on ne veut plus laisser partir.
Une voix s’élève : « Reviens, on n’en a… pas marre !!! »
Il y a longtemps que je n’avais vu un tel engouement pour un artiste qui ne chante pas et l’on se dit que, lorsque le talent est là, un piano et une batterie… Ca suffit largement !
Un moment magique : lorsque, du piano, il s’installe au synthétiseur et nous joue une partition qui semble émaner de Brahms… Impressionnant !
Ce fut une soirée à laquelle il y a longtemps que je n’avais participé, pleine de talent, d’énergie et de folie, à l’unisson d’un public déchaîné.
Un pianiste venu d’ailleurs dont on se souviendra longtemps.

Jacques Brachet

Festival de la Collégiale
Un anniversaire frénétique !


Déchaîné !!!
Notre ami Jean-Christophe Spinosi était déchaîné pour fêter ce dixième anniversaire du festival de la collégiale !
L’ayant rencontré la veille, tout à son excitation il m’avait résumé ce concert mais c’était au-delà de ce qu’il m’avait raconté.
Tout d’abord il arrive sur scène après que tous ses musiciens se soient installés et c’est déjà une ovation d’un public qui a investi le lieu. Souriant, sautillant, on le sent prêt à nous proposer un spectacle incroyable, original, avec tous les invités qu’il a réunis.
Il a décidé de nous offrir un voyage à travers la France, l’Italie, l’Egypte, l’Argentine, Cuba…
Bien sûr Haendel et Vivaldi, ses compositeurs de prédilection, ne seront pas oubliés, interprétés par son orchestre et la voix ample et généreuse de Margherita-Maria Sala qui va jouer un duo d’amour et d’humour avec le maître, s’envoyant des œillades, se frôlant, s’embrassant. On sent entre eux une complicité incroyable. Il ira jusqu’à lui faire chanter du Monteverdi… en salsa ! Fallait oser !


Mais les surprises s’enchaînent car il a invité deux musiciens qu’il a connus en Egypte avec qui il a joué : Mohamed Abozeky qui joue de l’oud et John Samir qui joue du ney. Tous deux, accompagnés au violon par Jean-Christophe, nous emmènent aux fins fonds de la naissance de la musique, sur des rythmes arabisants ensorcelants. N’oublions pas le flûtiste Jean-Marie Goujon, qui nous a offerts de brillants solos.Parmi les surprises, notons aussi une très belle version de « The girl from Ipanema » que Margherita-Maria chantera sur des rythmes brésiliens avec des poses et des regards langoureux. Autre moment inattendu que celui où il interprète un extrait des « Quatre saisons » de Vivaldi … sur des rythmes cubains. Encore un très beau moment de communion avec le public lorsque Jean-Christophe entame au violon, accompagné de l’accordéoniste Alexis Lambert, la chanson éternelle de Prévert et Kosma « Les feuilles mortes » et qu’il fait chanter la salle qui connait cette chanson par cœur. Et il terminera sur un débridé « Joyeux anniversaire le festival de la Collégiale » qui fera lever tout le public sous une standing ovation bien méritée.

Après cette performance, on retrouvait le maître autour d’un somptueux gâteau, avec le maire, Jean-Sébastien Vialatte, l’adjointe à la culture Fabiola Casagrande, que Jean-Christophe coupa et distribua lui-même.
Puis ce fut la ruée, d’une part sur le buffet, comme toujours pour certains, mais aussi autour de Jean-Christophe qui aime ce moment de communication avec ce public qu’il aime et qui le lui rend bien.
On se souviendra longtemps de ce moment suspendu dans la chaleur de l’été.
Et on est prêt pour dix ans encore à venir !

Jacques Brachet

Six-Fours – la collégiale
Margherita-Maria SALA : « Je ne me ferme aucune porte »


Une voix, une énergie… et un accent italien marivigiloso !
Elle dit parler « un po » en français, tout en s’excusant et,  avec cet accent chantant qui est déjà musique, on la comprend parfaitement.
Elle est toute joie, tout sourire et, à l’ombre de la Collégiale, elle nous parle de sa vie qui n’est que musique. « Je viens, comme vous l’avez compris d’Italie, née dans une famille musicienne, mon père étant pianiste et chanteur et ma mère musicologue. Donc difficile de ne pas aimer la musique et de ne pas chanter !
Je suis la quatrième de cinq enfants et les trois premiers sont aussi musiciens. Le cinquième viendra plus tard.
J’ai commencé à chanter à 5 ans, Avec mes frères nous avons joué dans des opéras en tant qu’enfants, dans « Tosca » et dans « Werther ». Chanter, c’était pour nous très naturel.. Nous avons même créé un groupe vocal où nous chantions du classique, du jazz, des variétés comme les Beatles. Ca dépendait du contexte !
Comment êtes-vous devenue soliste ?
Nous avons d’abord chanté comme choristes, entre autre dans les chœurs de la Fenice à Venise.
Puis, j’ai voulu devenir soliste. Je me suis présentée au concours de musique baroque d’Innsbruck où j’ai gagné le premier prix et le prix du public. L’on m’a engée au Concert House de Vienne.
Vous avez découvert la musique baroque ?
Oui, au départ j’étais alto et j’ai trouvé plus de choses à chanter en tant que contralto dans la musique baroque. C’était plus facile pour moi de trouver un répertoire qui s’adaptait à ma voix. Mais j’ai toujours aimé varier les plaisirs, je ne me ferme aucune porte et c’est ce qui me fait être en progrès continu. Je suis curieuse de savoir ce que l’avenir m’apportera.

Votre rencontre avec Jean-Christophe ?
Tout simplement parce qu’il a appelé mon agent car il cherchait une interprète pour un programme qu’il avait choisi. Je ne connaissais pas les œuvres qu’il voulait que je chante mais j’ai étudié son programme et ça a été le début d’une collaboration intense car depuis, nous avons fait beaucoup de choses ensemble dont, l’an passé, un concert dans un festival de jazz.
Vous êtes donc multiple !
(Elle rit) Oui car j’aime toutes les musiques. Bien sûr, le baroque est la musique de prédilection de Jean-Christophe et j’ai beaucoup chanté du Vivaldi, du Haendel… Nous nous sommes vraiment trouvés, nous sommes devenus complices et c’est toujours un grand plaisir de travailler avec lui.
Et en dehors de lui ?
Je chante lorsqu’on m’appelle et d’ailleurs plus en France qu’en Italie.
Pourquoi ?
Je travaille un peu en Italie mais pas comme en France, en Allemagne, en Autriche où la musique baroque est plus jouée qu’en Italie où elle reste un peu confidentielle, même si ça commence à changer. Les Italiens préfèrent les grands opéras classiques romantiques comme Verdi ou Puccini. C’est plus traditionnel.
Alors, votre prochaine aventure ?
Je suis rentrée ce matin d’Innsbruck  où je suis en pleine répétition de concerts qui auront lieu les 2, 4, 6, 8 août. C’est une nouvelle production. C’est difficile mais c’est très excitant. Et puis, je retrouve Innsbruck que j’adore, où tout a commencé, où j’ai trouvé une vraie famille, une vraie amitié avec les musiciens et je vais tous les ans avec plaisir y travailler
Mais vous reviendrez chez nous ?
Bien sûr, avec grand plaisir, si Jean-Christophe me le demande ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier  

10ème anniversaire du festival de la Collégiale
Jean-Christophe SPINOSI :
« Un moment essentiel de ma vie d’artiste »


10 ans … Déjà 10 ans que Jean-Sébastien Vialatte (au prénom prémonitoire !) le maire de Six-Fours a décidé de créer ce festival dans un lieu magique : la Collégiale. Et Jean-Christophe Spinosi et son ensemble Matheus s’y est lové, y a fait sa maison, comme il aime à le dire, et chaque année nous avons la joie de l’y retrouver avec des concerts magnifiques.
Avec les années, nous sommes devenus amis et j’ai toujours un grand plaisir à retrouver ce grand musicien, aussi simple que talentueux, souriant, énergique, toujours tellement amical. Et très volubile tant il est passionné par son métier.
Il regarde le superbe panorama que nous avons de cette Collégiale qu’il aime :

« Lorsque j’arrive ici, je suis heureux. Je suis amoureux de ce lieu, de ce paysage et je ne remercierai jamais assez le maire de m’avoir offert « ça » ! Dans une vie de musicien, c’est tout simplement merveilleux.
Alors, Jean-Christophe, résume-moi ces 10 ans !
(Il rit) Ça ne nous rajeunit pas mais ça nous fait de beaux souvenirs !
Justement, quels souvenirs en as-tu gardés ?
Je ne pourrais pas vraiment dégager de meilleurs souvenirs, tant ils sont nombreux. Plus le temps passe, plus cela prend une valeur profonde à mes yeux. Chaque année est pour moi un moment essentiel, un privilège, tant sur le plan musical qu’amical, la joie de l’échange qui se fait avec les musiciens, le public, tous les gens qui travaillent à ce festival. J’ai l’impression de prendre chaque fois un peu plus de hauteur, d’être toujours un peu plus près du ciel à chaque année qui passe…
Avec les initiales de ton prénom, c’est évident !
(Il rit) Si, dans une autre vie, j’arrive à monter jusqu’au ciel, j’avoue que je suis de plus en plus profondément ému à l’idée de « monter » à la Collégiale. Cette ascension me fait monter de plus en plus haut et ça me rapproche de plus en plus des gens.
La musique est pour moi de plus en plus importante vu l’état du monde qui est compliqué en ce moment. Elle nous protège, elle nous défend, elle nous répare et nous lie les uns aux autres. Elle nous fait communier.
Et ça te rend heureux ?
Bien sûr et ce qui me rend aussi très heureux, c’est cette volonté de l’équipe municipale d’avoir voulu et pu offrir aux gens ces moments de convivialité, des concerts qui ne se ressemblent pas qui, je l’espère, sont pour moi et pour le public, des moments incroyables qui se font dans un esprit de simplicité. Les discussions que nous avons avec le public après le concert sont des moments de grâce et c’est pour moi le but ultime de la musique.
C’est peut-être aussi le lieu qui veut ça ?
Oui, c’est la spiritualité de ce lieu à la fois plein de gravité, de joie, de lumière. C’est pour moi un acte spirituel que de venir y jouer car c’est un lieu d’échange, un acte d’amour avec le public car plus les années passent plus il y a de proximité. C’est une profession de foi et rien que d’en parler ça m’émeut. La collégiale est pour moi l’un des plus beaux endroits du monde.

Tu as dû pourtant en voir, de beaux endroits !
Oui, c’est vrai, c’est le privilège du métier de musicien d’aller un peu partout dans le monde et de découvrir des lieux magnifiques. Mais je reviens à la collégiale comme si je revenais à la source. Il y a tout ce parcours avec le public, l’organisation, la mairie. C’est comme construire une œuvre d’art depuis dix ans. Dix ans, c’est peu de temps par rapport à celui qu’il a fallu pour construire la collégiale mais ça s’inscrit dans la temporalité. C’est un lieu apaisant qui apporte la sérénité et en même temps, il y a une grande énergie qui s’en dégage.
Le programme de cet anniversaire est-il particulier ?
Pour ces dix ans, j’ai souhaité offrir au public à la fois des pièces nouvelles mais aussi revenir sur des choses que nous avons faites car ces dix ans ont été des rencontres musicales qui ressemblent au lieu. Il me semblait tout à fait logique d’inviter Margherita Maria Sala avec qui j’ai beaucoup travaillé dans différents pays. Elle est la gentillesse, la simplicité, l’originalité, elle n’a pas peur d’aller dans l’impro. Elle est une des plus grandes chanteuses de sa génération de l’opéra baroque. C’est l’artiste « multi-genres » qu’il nous fallait pour représenter l’histoire de la musique traditionnelle, de l’opéra, de la musique populaire.
Mais je voulais aller au-delà et c’est pour ça que j’ai invité Mohamed Abozekry, qui joue de l’oud et John Samir qui jouer du ney. Deux musiciens que j’ai rencontrés en Egypte, avec qui j’ai joué. Nous allons donc remonter aux sources de la musique car on vient tous de là.
Les deux autres concerts sont un hymne à la nature !
Le 18  nous proposons « Les quatre saisons » de Vivaldi et le 19 « La symphonie pastorale » de Beethoven. Ce sont deux œuvres qui  m’ont toujours accompagné, deux œuvres qui se rapprochent de la nature, on pourrait dire deux œuvres qui parlent d’écologie avant l’heure à travers la musique, qui véhiculent l’émotion et sensibilisent les gens aux problèmes de la planète. On y voit la nature en cinémascope !
Ça me permettra également de présenter notre académie Haendel-Hendrix…

Raconte
C’est une académie que nous avons créée pour les jeunes musiciens venus de toute l’Europe, sortant du conservatoire, ce qui nous a permis d’aller jouer à Hambourg, à Amsterdam au Parlement Européen à Bruxelles. Elle a été créée pour aider les futurs musiciens qui sont prêts à être professionnels, afin de leur donner une plus grande fantaisie que ce qu’ils ont appris au conservatoire, un esprit d’aventure qu’ils apporteront partout dans des lieux différents, pas que dans des théâtres ou des festivals mais là où l’on peut faire de la musique, afin que la musique survive. Afin aussi de leur donner une autonomie, un sens de l’improvisation…
En fait, c’est la relève !
Exactement ! »

Propos recueillis par Jacques Brachet
Photos Patrick Carpentier et Jacques Brachet

Bandol – Hôtel la Farandole
Lilya : Méditerranée my love


Des vagues qui viennent mourir sur la plage, dans un mélange bleu d’azur et sable aux camaïeux de beige. Des dentelles d’écumes qui viennent s’alanguir, portées par les vagues.
C’est ainsi que Lilya Pavlovic Dear voit cette Méditerranée qu’elle a découvert et dont elle est tombée amoureuse. Et elle nous l’offre dans ses reflets dorés, comme le chantait Trenet. C’est une peinture joyeuse, pleine de sérénité et l’on y sent tout l’amour qu’elle porte à cette mer qui, dit-elle, est la plus belle du monde.
Et pourtant Lilya en a vu des mers et des paysages, allant exposer un peu partout dans le monde, de Paris à Venise, de Washington à Xi’an en Chine, de Londres  à Belgrade, et à Paris, Strasbourg et Bandol.

Et la voici installée jusqu’au 13 août dans ce merveilleux cadre qu’est l’hôtel la Farandole de Bandol, face à la mer, reçue par Olesya Sudzhan, définitivement installée dans ce lieu idyllique.
Elle est toujours soutenue par Georges Klimoff, ce russo-seynois passionné par le cosmos, qui a vu cet hôtel sortir de terre et qui est toujours présent à l’appel d’Olesya. Celle-ci ayant dirigé une galerie en Russie, a décidé de continuer d’aider les artistes, de quelque endroit qu’ils viennent, en organisant des soirées musicales et des expositions.
« L’eau éternelle » est le thème de cette dernière exposition, qui ne pouvait que plaire à Georges lorsqu’il s’agit de terre, de mer, d’espace.
Quant à Lilya, elle nous offre tout ce qu’elle ressent devant cette mer qui l’a adoptée et qu’elle a adoptée.


« Lilya, pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Je suis d’origine yougoslave, je suis née à Belgrade en Serbie, j’ai suivi des cours à l’Académie des Arts de Belgrade puis au Chelsea College of Art et Design de Londres.
Mon mari travaillant aux Etats-Unis, j’ai enseigné à l’Université de Los Angeles en Californie puis nous sommes rentrés à Paris en 1978.
A partir de là, j’ai continué à peindre et exposer un peu partout dans le monde en Allemagne, à la Biennale de Venise, j’ai été invitée quatre fois en Chine où l’on m’a remis le Golden Price. J’ai à mon actif une soixantaine d’expositions sans compter les expositions de groupe, entre autres au Grand Palais à Paris.
Votre rencontre avec la Provence ?
L’effet du hasard : Mon mari, qui travaillait dans une entreprise américaine, a été muté en France et nous nous sommes installés à Paris. Nous avons décidé de partir en vacances dans le Midi. Nous avons fait Paris-Marseille puis toute la côte, Sanary, Bandol… Je suis tombée amoureuse de la Méditerranée qui est pour moi la plus belle mer du monde ! Pourtant, nous en avons connu des mers, jusqu’en Indonésie, à Bali, qui est magnifique mais c’est moins beau et pittoresque qu’ici. Alors nous avons décidé de nous installer à Bandol.
Pour moi, ce n’est pas étonnant que toutes les grandes cultures soient issues de la Méditerranée.


Comment avez-vous découvert la Farandole ?
J’ai déjà fait trois expositions au centre culturel de Bandol, la troisième… avec les masques ! C’est une amie qui m’a amenée à une exposition à la Farandole. J’ai rencontré Olesya Sudzhan qui a voulu voir ce que je faisais et cela lui a plu. Elle m’a proposé de venir exposer là.
Pensez-vous encore exposer dans la région ?
Je voudrais bien mais d’abord je me partage entre Bandol et Paris, je ne connais pas les lieux d’exposition par ici, je manque donc de contact et monter une exposition est un long processus qui se fait sur la longueur.
Mais je ne désespère pas ! »
En attendant, la voici installée jusqu’au 13 août à la Farandole et je vous conseille d’aller découvrir « sa » Méditerranée joyeuse, poétique et belle.

Jacques Brachet

Six-Fours – Nuits du Cygne
Daniel FRAY-Chiara MUTI : Duo de charme franco-italien

Ils forment ; à la ville comme à la scène, un couple magnifique… le pianiste David Fray est Tarbais, la comédienne Chiara Muti est florentine.
Ce n’est que la deuxième fois qu’ils se retrouvent ensemble sur scène pour un « presque » duo piano voix, chacun jouant à son tour.
C’est donc une chance que tous deux viennent à Six-Fours dans le cadre des Nuits du Cygne avec un programme Schubert-Liszt pour lui et des extraits de « La divine comédie » de Dante, pour elle.
Après avoir ouvert avec Schubert (Klavierstrücke N°2) David Fray nous offre des extraits des « Années de pèlerinage » de Liszt.  Il s’agit de trois impromptus que Liszt a écrit durant ses voyages en compagnie de sa maîtresse, la femme de lettres Marie d’Agoult. Le premier voyage était en Suisse, le second en Italie, inspiré des œuvres de Pétrarque et de Dante.
Pétrarque dont Chiara Muti emprunte des extraits de « Pace non trovo et non o da  far guerre » et de Dante « La divine comédie » qu’elle nous offrira dans sa langue maternelle.
Ce n’est donc pas un vrai duo mais la musique de Liszt répond au texte de Dante et tous deux nous offrent un moment en suspens où l’amour, la mort se répondent dans une parfaite osmose.

Les rencontrer est une chance et un réel plaisir tant ils sont tous deux en symbiose, souriants, rieurs même, volubiles et parlant quelquefois ensemble, mariant le français de l’un, l’Italien de l’autre. On est sous le charme.
David, vous avez commencé à jouer du piano à quatre ans. Peut-être sous l’influence de votre mère qui enseignait la culture musicale allemande ?
Peut-être… C’est même certain car c’est cette musique qui m’a très vite attiré et que j’aime certainement le plus.
Vous avez très vite joué et reçu de nombreux prix…
C’est-à-dire que j’ai eu la chance de pouvoir jouer dès mes quatorze ans et de ne pas passer par une école ou un conservatoire. Donc les prix et les médailles je ne les ai pas obtenus en fin de classe.
Quant à vous, Chiara, vous avez un père, Riccardo Muti, qui a une impressionnante carrière de musicien et chef d’orchestre… Et vous partez dans le cinéma !
Il se trouve que, si j’ai joué du piano dès six ans, j’étais d’abord attirée par l’opéra car, au-delà de la musique, j’aimais les mots. Je suis allée à Milan à 18 ans où j’ai eu la chance d’avoir pour professeur Georges Strehler, puis j’ai débuté dans le cinéma.
Votre rencontre ?
David : j’ai joué sous la direction de Riccardo Muti et j’ai rencontré Chiara.
Chiara : Je suis venue en France pour quelques mois afin d’apprendre cette langue…
David : Et elle n’en ai jamais repartie !

C’est la première fois que vous jouez ensemble sur scène ?
David : C’est la seconde mais c’est vraiment la première fois que nous faisons un spectacle ensemble. Et vous en avez eu la primeur ! C’était une envie de le faire autour de la musique de Liszt et de l’écriture de Dante car le musicien a été obsédé par l’œuvre de Dante et nous avons eu l’idée de les réunir côte à côte. Ça nous semblait intéressant.
Chiara : La musique de Liszt est basée sur l’image et l’imaginaire de Dante et en tant que comédienne, ces images me viennent comme elles ont dû venir à Liszt. C’est pour cela que je dis le texte en italien. C’était pour moi une évidence.
David : On entre dans une spirale qui va de l’enfer au paradis en passant par le purgatoire. Les mythes de Minos, de Sémiramis… Mais Dante a étudié le terreau de la culture occidentale et il a été inspiré des troubadours qui chantaient en langue provençale. Les deux langues se rejoignent.
Chiara : la langue provençale a été le premier ralliement de toutes les langues des provinces italiennes.
David, vous êtes déjà venu à ce festival et vous, Chiara, vous le découvrez.
David :
Oui, et je suis heureux de le retrouver car l’accueil y est chaleureux.
Chiara : C’est vrai et le cadre est si beau ! Je m’y suis tout de suite trouvée comme en vacances et j’y ai retrouvé l’air de la  maison !

Propos recueillis par Jacques Brachet




Six-Fours – Nuits du Cygne
Ouverture en majeur avec Renaud Capuçon

Paul Zientara – Stéphanie Huang – Renaud Capuçon – Guillaume Bellom

On ne pouvait avoir meilleure ouverture et meilleure clôture du festival qu’avec les frères Capuçon. Ouverture avec Renaud les 27 et 28 mai, clôture avec Gautier les 17 et 18 juin, avant de passer au festival de la Collégiale avec le fidèle Jean-Christophe Spinosi.
Fidèles aussi les deux frères qui sont aujourd’hui devenus les parrains du festival et qu’on retrouve chaque année avec le même plaisir.
En cette ouverture, Renaud a choisi de nous offrir une soirée Mozart avec deux de ses quatuors.
Qui dit quatuor dit… quatre !

Il était donc cette année, accompagné par son pianiste et ami de longue date, Guillaume Bellom qui, longtemps, balança entre violon et piano. Et c’est le piano qui l’emporta en étant la révélation soliste aux Victoires de la Musique en 2017. Depuis, entre enregistrements et concert, il est souvent fidèle au poste, aux côtés de Renaud.
A leurs côtés, Stéphanie Huang, violoncelliste  qui, depuis ses débuts à 12 ans, le grand prix qu’elle a obtenu au concours national de violoncelle à Porto en 2015 et la révélation Adami en 2021, a déjà reçu de nombreux prix et suit une route magnifique, croisant ainsi Renaud Capuçon.
Enfin, Paul Zientara, violoniste  qui fit ses débuts à 7 ans, qui reçut le prix de la révélation classique Adami en 2021 et a rencontré Renaud Capuçon la même année, celui-ci faisant appel à lui pour interpréter, un an plus tard, « La symphonie concertante » de Mozart… déjà, avec l’Orchestre du Capitole de Toulouse.

A droite : Fabiola Casagrande, adjointe à la Culture et Stéphanie Guillaume, adjointe à la santé,
entourant Renaud Capuçon

Comme on le voit, notre ami violoniste a su s’entourer du fleuron de la musique classique pour cette soirée de fin de printemps, dans ce lieu idyllique (Si ce n’est la présence des moustiques !) qu’est le jardin de la Maison du Cygne.
Brillante soirée hélas trop courte (1 heure) car le public en aurait redemandé. Mais il pouvait se rattraper le lendemain  avec presque les mêmes musiciens Manon Galy , révélation des Victoires de la Musique 2022, remplaçant Paul Zientara et uissi Violaine Despeyroux, alto. Pour une soirée Brahms.
Belles soirées donc pour l’ouverture d’un festival aujourd’hui reconnu et de plus en plus couru.

Jacques Brachet

Notes de musiques

PILC MOUTIN HOENIG : You Are The Song (Justin Time Records)
10 titres enregistrés à Brooklyn le 11 juin 2022.
Ce trio fondé à New York (où résident les trois musiciens) en 1995 revient au disque en beauté sur une majorité de standards complètement métamorphosés. De la virtuosité et de l’exubérance mises au service de la musique. Jean Michel Pilc  est un pianiste prolixe et féroce (écouter « Impressions ») qui sait aussi être sobre et  exquis, exemple « The Song is You ». Le contrebassiste François Moutin possède un gros son avec des notes bien rondes, il est le centre d’équilibre. Ari Hoenig joue de la batterie comme on n’entend plus guère aujourd’hui, il assure le tempo, la relance, s’insère dans la musique du soliste. On ne s’étonnera pas que ce trio brille dans la liste des grands trios piano-basse-batterie, avec une personnalité certaine. « Straight No Chaser » ou encore « Bemsha Swing » de Monk sont la démonstration parfaite du partage et de l’intrication entre les trois voix. A goûter un « After You’ve Gone » grand crû classé.
Un trio remarquable, ce que le jazz d’aujourd’hui offre de meilleur et de plus rare.
Robin Mc KELLE : Impression of Ella (Naïve / Believe – 11 titres)
Elle s’est entourée de la Rolls des trios de jazz. Kenny Barron est l’un des grands pianistes de cette musique, il a joué avec tout le Gotha du jazz. Idem pour le contrebassiste Peter Washington qui fut un temps bassiste des Jazz Messengers, et pour le batteur Kenny Washington, le roi du Chabada.
Robin Mc Kelle n’est pas à priori une grande chanteuse de jazz ; alors réunir un tel trio et se confronter à Ella Fitzgerald, il y a de quoi rester baba. D’autant que je l’avais entendue dans un festival il y a pas mal d’années et je n’avais pas été emballé.
Alors écoutons. Je commence par le tube de la « First Lady of Jazz », « How High The Moon » ; aïe ! un peu laborieux. Je passe sur un tempo lent « April in Paris », surprise : belle expression des sentiments de la part de Robin, et délicat solo de piano. Puis « Lush Life » de Billy Strayhorn, l’alter ego du Duke ; très beau, de délicieux graves, très intimiste, et un subtil solo de contrebasse. Je suis conquis. La voix a muri, plus grave, plus charmeuse, plus intériorisée et plus de force expressive.
Un très beau « Robbin’s Nest », en conversation avec la contrebasse, et là elle se risque au scat avec succès. A noter un savoureux duo avec le grand Kurt Elling sur « I Won’t Dance ». Le trio fait merveille tout au long du disque ; quel écrin !
Avec ce disque Robin McKelle entre dans le club restreint des vraies chanteuses de jazz. Il faut l’écouter pour elle-même, sans faire de comparaison avec Ella.
BURIDANE : Colette Fantôme (Pluie Vaudou & Silbo Records – 10 titres)
Colette Fantôme, oui car on ne voit pas beaucoup le rapport avec Colette, l’écrivaine. Mais qu’importe le prétexte à créer, ce qui compte c’est la réussite, et elle est bien là.
Buridane possède une voix au charme pimpant, légèrement voilée, avec du grain. Elle chante délicieusement. Une vraie chanteuse en pleine possession de ses moyens, avec une technique parfaite, sachant varier les styles, les climats, les émotions.
Ses jolies mélodies sont entourées par des arrangements subtils et différents pour chaque chanson, chacune ayant son atmosphère propre, réalisés par Féloche. Les thèmes sont variés, l’amour bien sûr, l’enfantement, les choses de la vie. Pour se faire une idée, écouter « Slave » ou encore « Pourquoi tu m’fais pas », mais tous les morceaux sont chouettes. Voici une chanteuse qui devrait être en haut de l’affiche.

Serge Baudot