Archives pour la catégorie Ecriture

Notes de lectures

Jean-Pierre CABANES : L’annonce faite à Goering (Ed Albin Michel – 395 pages)
L’auteur a écrit un superbe roman, extrêmement bien documenté sur la seconde guerre mondiale.
En prenant pour sujet « L’annonce faite à Marie » de Vermeer, imaginée par un faussaire de génie Han van Meegerer, l’auteur retrace le parcours d’un jeune allemand, Werner, terminant une thèse sur les faux dans la peinture européenne. L’art du roman est de croiser des personnages fictifs avec des hommes et des femmes ayant réellement vécu la période 1938-1946
Le lecteur côtoiera Hitler, Mussolini, Ciano, Ribbentrop, Goering et tant d’autres
Jean-Pierre Cabanes colle à l’Histoire, rapporte les éléments historiques vérifiés et vérifiables, il a un talent merveilleux pour faire rebondir ses personnages, notamment la sœur de Werner, interprète d’italien-anglais, donc espionne en puissance en temps de guerre.
C’est un roman haletant, le lecteur qui connait bien sûr le déroulement de l’histoire en apprendra sûrement sur Ciano, le gendre de Mussolini, sur Rose Valland qui a sauvé tant d’œuvres d’art destinées à être détruites, sur le procès de Nuremberg.
En moins de quatre cents pages, le lecteur vivra des temps forts de l’Histoire, les rebondissements sont nombreux, acrobatiques parfois mais ne ménageons pas notre plaisir de lecture.
Laurent SCALESE : A nos jours heureux (Ed Plon – 332 pages)
Judith est éditrice.
Elle vit avec sa fille Chrystal, ado rebelle, et son nouveau compagnon Sébastien. Sa vie est heureuse mais tout bascule quand elle apprend qu’elle a un cancer du sein. Le combat contre le « crabe » qui s’est installé dans son corps commence.
Auprès de qui trouver le réconfort alors que Sébastien la quitte suite à cette nouvelle ? Ce sera auprès de ses compagnons d’infortune rencontrés lors des séances de chimiothérapie
L’auteur nous emmène avec beaucoup de délicatesse et de vérité dans ce monde des crânes rasés suite à leur chute de cheveux. Tristesse, humour, amour, amitié, rémission, fin de vie, espérance, suicide assisté sont évoqués.
Oui, « c’est quand la mort frappe à notre porte qu’on comprend que la vie est un miracle ».

Muriel AUDURAND : Trois jours (Ed Plon – 185 pages)
Muriel Audurand écrit un premier roman plein de promesse.
Le lecteur est immédiatement pris dans les turbulences d’un avion qui perd dramatiquement de l’altitude. Réussira-t-il à se redresser avant la chute finale?
Dans cet avion une femme se rappelle sa mère qui a organisé avec sérénité sa fin programmée de vie en Suisse, sa vie de femme mariée puis quittée par un mari volage, une vie professionnelle de professeur d’anglais qui ne tiendra pas sa promesse de passer son agrégation, une femme qui désormais mène sa barque avec ses enfants et les hommes qui désormais entreront dans sa vie. Oui, les minutes de la chute d’un appareil font ressortir l’essentiel d’une vie et l’essentiel se résume à l’amour et dans ce cas particulier l’amour de ses jeunes enfants.
Un roman attachant, mené avec habileté jusqu’à une fin à choisir selon que vous êtes pessimiste ou optimiste.
Oui cette jeune femme doit vivre, nous raconter la suite de sa vie dans un prochain livre, une manière d
d’encourager Muriel Audurand à reprendre la plume.
Frédéric GRANIER : Imagine (Ed Perrin – 359 pages)
Frédéric Granier est journaliste, il écrit pour le magazine Géo mais, passionné de rock, il a déjà écrit plusieurs livres sur cette musique, particulièrement sur les Beatles qui restent son groupe préféré.
Dans ce livre « Imagine » (tiens donc !) sous-titré « 12 chansons qui ont fait l’histoire », il nous raconte par le menu l’histoire de chansons et de chanteurs qui ont marqué l’histoire de la musique. Son histoire en fait et la nôtre puisqu’il s’agit de John Lennon et « Imagine », Scott McKenzie et « San Francisco », Abba et « Waterloo », Queen et « Innuendo » et quelques autres groupes et chanteurs américains. Un seul français dans cette litanie américaine : Serge Gainsbourg  avec « Aux armes etc ». Dommage pour les français !
Mais le bougre maîtrise bien ses sujets car, de la création d’une chanson à sa parution, il nous offre, avec une précision d’horloger, le pourquoi du comment est née la chanson, dans quel contexte l’artiste a conçu un tube universel et c’est passionnant,
On raconte aussi The Cranberries et « Zombie », Bruce Springteen et « The rising » et quelques autres qui nous rappellent automatiquement des souvenirs.
12 chansons incontournables, tout autant que les chanteurs, auteurs, compositeurs qui les ont créées, qui font à tout jamais partie de l’Histoire avec un grand H de la Musique avec un grand A.

Philipe DELERM : Les instants suspendus (Ed.Seuil – 105 pages)
Quarante trois petits contes que l’écrivain nous livre  tout à trac, passant d’une  pensée, d’un coup d’œil qui capte un moment, un objet, remplit le temps du rêve, de la réflexion fugitive, d’un lieu  qu’on entrevoit, d’un objet qui nous captive.
Il nous fait toucher du doigt toutes ces choses qui nous habitent, des plaisirs qui nous ravissent un instant et qui fuient comme un rêve.  
C’est par ces petits mots pleins de poésie que l’auteur nous fait partager sa quiétude et sa sérénité.
Tout son art est de réveiller chacun en douceur et d’aimer la quiétude, la simplicité, le vide de l’âme
Anne Le MAITRE : Le jardin nu (Ed.Bayard – 120 pages)
Autrice, illustratrice, aquarelliste, Anne le Maitre a publié des carnets de voyages et participé à un collectif d’auteurs influencés par la religion et la méditation. Dans ce court ouvrage elle se livre  et ouvre son  cœur après la perte de l’homme qu’elle aime.
Elle est alors poussée par un impératif : trouver un lieu nouveau pour s’installer et soigner son chagrin alors que la vie s’est arrêtée. Et c’est dans l’immobilité et le silence qu’elle va trouver l’apaisement auprès d’un cerisier peuplé d’oiseaux, une promenade enchanteresse en terre de silence.
En petits paragraphes de quelques lignes parfois ou de quelques pages, elle s’extasie sur les arbres, les fleurs, les oiseaux qui l’entourent, baignant dans la quiétude et le ressourcement après la lourde peine du deuil.
D’une écriture d’aquarelliste elle brosse des petits paysages plein de quiétude et de poésie. A garder en livre de chevet pour les jours sombres.

Thomas GUNZIG : Rocky, dernier rivage (Ed Au Diable Vauvert – 358 pages)
Que faire quand l’avenir est sombre, le monde devient fou, que c’est l’escalade de l’horreur ?
Le père de famille a la chance d’être multimilliardaire, d’avoir acquis une petite île dans l’océan Atlantique et d’y avoir fait construire par une société spécialisée une maison à l’abri de toute attaque, des réserves de nourriture, d’eau, d’alcool, d’électricité pour un avenir illimité.
Mais que devient l’avenir pour cette famille heureuse avec deux enfants, et qui aujourd’hui ne se parle plus ? Que sont devenus les deux domestiques qui du jour au lendemain ont changé d’attitude et pioché dans les réserves de grands crus ? Que devient une fillette qui veut retrouver le temps d’avant, vivre quoiqu’il en coûte avec des jeunes de son âge ?
Et Rocky, pourquoi Rocky ? C’est le clin d’œil amusant de Thomas Gunzig, un Rocky qui rassemble la famille malgré lui.
Un roman qui se lit facilement et il faut sourire que ce roman soit édité par la maison d’édition Au Diable Vauvert.
Paulina PONASSENKO : Tenir sa langue. (Ed l’Olivier – 186 pages)
C’est le récit d’une jeune fille, née le 3 mars 1969 à Moscou. Sa famille lui donne le prénom de Polina
Elle arrive à St Etienne à la chute du mur de Berlin . Son enfance se déroule en France, mais ce n’est pas facile, car elle ne parle que le russe !
Il faut s’adapter dit elle.
Elle voulait garder son prénom de Polina sans le modifier mais elle n’y réussira que vingt ans après en entamant une action en justice. Pour  s’adapter elle se « dédouble », elle se dit russe à l’intérieur et française à l’extérieur, russe à la maison, d’où Polina orthographié Po et française à l’école : Pauline, Pau… Son histoire familiale juive  est riche, elle a l’expérience de l’exil.
L’auteure vit actuellement à Montreuil, c’est au tribunal de Bobigny que se déroule cette histoire.
Ce livre est son premier roman, il a reçu le prix Fémina des lycéens en 2022, elle est à la fois écrivaine, traductrice et comédienne !
Le roman est drôle, le style est vif, humoristique, inventif, il faut le lire avec attention.

On lirait le Sud

Du 2 au 30 juin 2023, « On lirait le Sud » revient pour sa troisième édition dans toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. À cette occasion, plus d’une centaine de librairies, éditeurs et médiathèques s’allient pour mettre à l’honneur les acteurs du livre de toute la région Sud autour de rencontres et d’animations gratuites.De nombreux événements sont ainsi organisés sous la bannière « On lirait le Sud »pour valoriser le travail des maisons d’édition et des auteurs en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Des rendez-vous à ne pas manquer pour promouvoir le circuit court du livre et faire briller les talents littéraires du territoire de Marseille, Nice, Toulon, Antibes, à Grasse, Aix-en-Provence, Salon-de-Provence, en passant par Hyères, Avignon, Gap, Aubagne, Orange, Briançon…
Parmi les quelque 50 rendez-vous proposés, le public pourra rencontrer des auteurs et autrices de romans, de livres jeunesse, de textes engagés ou de poésie, comme Marcus Malte, Françoise Laurent, Dominique Sigaud-Rouff, Elsa Valentin, Erika Nomeni, Daphné Ticrizenis ou encore Monique Grande et Mo Abbas, ainsi que les illustratrices Maguelone Du Fou, Amélie Jackowski, les éditrices Juliette Grégoire et Mathilde Chèvre, l’explorateur Raphaël Sané, le plongeur Samuel Jeglot ou la journaliste œnologue Romy Ducoulombier….
En plus de ces nombreuses rencontres, ateliers et dédicaces, 50 libraires feront découvrir leurs coups de cœur parmi une sélection unique d’ouvrages « 100% local ».
Porté par Libraires du Sud, Éditeurs du Sud, Jedi Sud et l’Agence régionale du Livre Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces temps forts littéraires entièrement gratuits sont réalisés sous l’égide de la Région Sud, avec le concours du dispositif Sofia/Fill Territoires du Livre.

Notes de lectures

Janine BOISSARD : « Elle parlait aux fleurs » (Ed Fayard – 336 pages)
Un nouveau roman de Janine Boissard est toujours synonyme de moments de lecture pleine d’émotion et de beauté. Loin des polars, des violences qu’on nous assène tout au long de l’année. On y retrouve l’amour, l’amitié, la fraîcheur des sentiments et des histoires de familles comme celles que  l’on retrouvait dans les films de Claude Sautet car ce sont souvent des histoires chorales.
Et « Elle parlait aux fleurs » est dans le droit fil de l’œuvre de la romancière.
Elisa est une jeune femme qui a perdu son mari voici deux ans, qui élève ses deux enfants entourée de l’amour de ses parents, de l’amitié de Claude, son amie d’enfance et de l’affection de Thomas, son beau-frère qui veille sur elle et les deux enfants qui l’aiment comme il les aime. Seule ombre au tableau : sa belle-mère qui n’a pas supporté que son fils, issu d’un milieu bourgeois ait pu s’amouracher d’une jeune femme « pas digne de leur rang ». Elle est à tel point horrible qu’elle a été surnommée Folcoche. Ce qui n’empêche personne de vivre, surtout Thomas qui se rapproche de sa belle-sœur, d’abord dans l’affection puis dans l’amour réciproque qui va peu à peu se développer.
Comment Folcoche va-t-elle le prendre ? Comment son amie va-t-elle vivre ce bonheur qu’elle, aisée mais malheureuse, lui envie et surtout les enfants qui vont voir peu à peu s’installer leur oncle au foyer ?
On suit l’aventure d’Elisa qui, plus que tout, adore les fleurs, les cultive et leur parle avec amour.
Encore une belle histoire sur laquelle flotte la bienveillance, l’amour, la joliesse des sentiments (sauf chez une !), dans laquelle on se glisse jusqu’à la fin qui arrive trop tôt et dont on aimerait suivre le voyage… Ça mériterait une suite !
Laurent SEKSIK : Franz Kafka ne veut pas mourir. (Ed Gallimard – 330 pages)
Le livre commence par la fin de vie et le décès de Franz Kafka à Kierling près de Vienne, le 3 juin 1924 à l’âge de 31 ans, des suites d’une laryngite tuberculeuse diagnostiquée en 1917. Il est inhumé à Prague. Puis, de 1923 à 1972 tous les chapitres s’entrecroisent pour nous faire découvrir les destinées de trois personnes très attachées et admiratives de Kafka, au point de le faire vivre au-delà de sa mort en le sortant de l’anonymat. Il s’agit de Dora Diamant sa jeune et dernière compagne de confession juive,
Ottla, sa sœur cadette et confidente bien aimée, la famille de Kafka étant profondément liée au judaïsme.
Enfin, Robert Klostock, un jeune étudiant en médecine et ami rencontré lors de son dernier séjour au sanatorium, de confession juive lui aussi.
Chacun va, à travers ses parcours de vie tragiques, nous rappeler l’époque turbulente du nazisme, de l’antisémitisme, des purges staliniennes mais tout au long de leur vie mouvementée ils continuent à penser et défendre l’œuvre et la mémoire de Kafka. Ainsi nous découvrons la personnalité de l’homme, fragile, terrassé par l’angoisse, chétif et taciturne, ses difficultés relationnelles avec son père à qui il écrit une lettre que sa mère ne remettra jamais au destinataire. Nous découvrons aussi les œuvres au travers des témoignages des trois admirateurs de l’écrivain dont une partie a été conservée grâce à Max Brod, son exécuteur testamentaire, à qui il avait demandé de brûler ses manuscrits à sa mort et qui n’a pas respecté la volonté du défunt.
Ce livre riche, dense qui nous fait partager une époque dramatique de l’histoire et qui nous dévoile en filigrane la vie et l’œuvre de Kafka est une incitation à le lire.
Le titre est surprenant : D’une part, Kafka demande à son ami Robert Klostockd’augmenter la dose de morphine et lui déclare : « tuez-moi sinon vous êtes un assassin ». Dora  qui dit que « l’ homme qui ne voulait plus en finir, désirait enfin et farouchement vivre »laisse entendre que Kafka tenait à la vie, mais la force d’une œuvre et d’une pensée perdure au-delà de la mort et c’est en quoi Kafka  ne veut pas mourir et cela explique probablement le titre du livre.

Roland PORTICHE : L’homme qui ressemblait au Christ
(Ed Albin Michel/Versilio – 361 pages)
Nous sommes en 1291, Alister Durward, jeune noble écossais qui s’était mis au service des Templiers à Saint-Jean d’Acre, disparait. Sa sœur Sybille part à sa recherche avec un gentilhomme écossais et l’écuyer de celui-ci.
Commencent alors de rocambolesques aventures sur fond de références historique relatives aux croisades et au trafic de reliques chrétiennes et qui emmènent les protagonistes en Haute Galilée, à Bagdad et dans l’empire mongol du grand Khan de Perse.
L’auteur a beaucoup d’imagination mais l’histoire manque de crédibilité et les héros se sortent de leurs ennuis comme par miracle.
Cependant ce roman d’aventures qui se lit facilement pourra faire des lecteurs heureux.
Anne-Lise BROCHARD : Séraphine ne sait pas nager (Ed.Plon – 254 pages)
Séraphine est une jeune femme heureuse, entourée d’un mari aimant, d’une petite fille tendre et complice qui s’octroie chaque soir des points bonheur pour se récompenser d’une vie aussi harmonieuse. Mais ceci n’est que la face visible de son existence. Elle a aussi une face cachée, celle d’une seconde vie enfouie dans le déni et le silence : Elle a un frère Paul, incarcéré pour cause de vols, à qui elle va rendre visite en cachette à la prison tous les mercredis, comme les enfants qui vont à la piscin . C’est un mensonge par omission puisqu’elle s’est annoncée fille unique à son époux, mensonge qui l’oblige à des contorsions dans son emploi du temps. Elle vit sur le fil du rasoir, surtout à partir du jour où le dit-frère bénéficie d’une sortie de prison ! Patatras ! Comment sortir de ce dilemme ? Dans vingt-cinq semaines il sera dehors alors que personne ne connait son existence et qu’il compte sur sa sœur bien-sûr. Comédie-drame… Voilà où mène le mensonge .
Nous suivons donc les affres de cette comédie dramatique
Une écriture enjouée, de l’humour, beaucoup de tendresse, l’auteure nous offre des moments pleins de malice et de profondeur à la fois.

AndreÏ MAKINE : L’ancien calendrier d’un amour (Ed Grasset-195 pages)
C’est dans le cimetière sur les hauteurs de Nice qu’AndreÏ Makine amène le lecteur à la rencontre de Valdas Bataeff. En 1913, il a quinze ans, passe ses vacances au bord de la mer de Crimée dans la belle maison de son père, auprès d’une jeune belle-mère passionnée de théâtre ; un monde de pouvoir, de séductions et de mensonges. Un milieu qu’il fuit un soir et surprend le transfert de ballots de contrebande. Pris entre les policiers et les trafiquants, il est brutalement jeté à terre et protégé sous la cape d’une femme, TaÏa qui, au fil des pages et des années, restera son unique et véritable amour. Pour Valdas désormais sa vie sera la guerre puis la fuite, une fuite jalonnée de bons moments tout de même, de nombreuses femmes, mais les décennies n’effaceront jamais les journées ensoleillées en compagnie de Taîa qui lui a rappelé que désormais pour renouer avec « le temps dans lequel vivaient les pays civilisés », les Rouges ont imposé de passer du calendrier julien au calendrier grégorien. Une Taîa morte depuis longtemps qui n’existe plus pour personne, une Taîa qu’il revoit donc dans ce cimetière, une Taïa, sa véritable patrie intérieure qui lui a fait découvrir les champs des derniers épis de blé.
Un très beau roman sur l’amour, l’errance, le souvenir des jours anciens, heureux et enfouis au fond de la mémoire, une nouvelle facette du talent de conteur d’Andreï Makine qu’on lit avec toujours le même immense plaisir.
Pamela ANDERSON : « Love Pamela » (Talent Editions – 326 pages)
Qui ne connaît cette sculpturale naïade en maillot rouge, arpentant les plages de Malibu dans une série aujourd’hui devenue culte « Alerte à Malibu » ?
Pamela Anderson doit sa célébrité à cette série et il est dommage qu’elle ne soit surtout connue que par celle-ci et surtout sa vie mouvementée, ses frasques qui faisaient les choux gras de tous les paparazzis du monde entier.
Il est vrai qu’elle fut à bonne école avec des parents on ne peut plus rock’n roll, un père qui buvait et pouvait devenir violent malgré l’amour qu’il portait à sa femme et sa fille.
Qui aussi pourrait penser qu’elle fut une fille timide et mal dans sa peau lorsqu’on voit la superbe femme qu’elle est devenue ?
C’est grâce à l’équipe du magazine « Play Boy » qu’elle a pu devenir une sex bomb alors qu’elle voulait simplement devenir star. Devenir une Brigitte Bardot américaine. Brigitte qu’elle admirait et avec qui elle lutta – et le fait encore – pour la cause animale. Autre point commun : son amour pour Saint-Tropez.
Si l’on sait aussi qu’elle a toujours eu le chic pour rencontrer des mauvais garçons, (Les hommes sont ma perte, avoue-t-elle) dont son mari Tommy qui était un homme violent, avec qui elle a vécu une folle et scandaleuse vie, ce que l’on apprend dans ce livre c’est qu’elle fut victime d’un viol, ceci expliquant peut-être cela.
Ce que l’on sait moins c’est qu’elle a toujours aimé la nature et les animaux, qu’elle est à la fois naïve et romantique, qu’elle est cultivée car elle a beaucoup appris par les livres et écrit des poésies qu’elle nous offre dans ses mémoires.
Sexy, sensuelle, sexuelle… C’est l’image qu’on se fait de cette femme qui n’a pas toujours eu une vie facile, qui a pourtant magnifiquement élevé ses deux enfants, qui œuvre pour de nombreuses organisations humanitaires, pour les enfants, les malades, les réfugiés, les animaux. Elle a même créé la Fondation Pamela Anderson.
Bref, en lisant ce livre, on découvre une femme attachante, émouvante, aussi belle de l’extérieur que de l’intérieur.
André DUBUS III : Une si longue absence (Ed Actes Sud – 447 pages)
Roman traduit de l’anglais (Etats-Unis) par France Camus-Pichon
C’est un livre dans lequel l’auteur explore les sentiments des membres d’une famille dans laquelle le mari Daniel Ahead tue sa ravissante épouse Linda devant sa fille Susan, âgée de 3 ans. Alors que quarante ans plus tard, Daniel est sorti de prison et qu’il sait qu’une maladie va bientôt l’emporter, il décide de faire mille kilomètres pour aller voir sa fille dont il a retrouvé les traces et lui envoie une longue lettre avant de la rencontrer. L’auteur donne la parole tantôt au père, tantôt à la fille, tantôt à la grand-mère maternelle qui a élevé Susan. Chacun fait son introspection. Comment le père peut-il chercher à s’excuser de s’être laissé envahir « par le serpent noir du soupçon », peut-il prétendre à demander à redevenir un père et à revoir sa fille ? Comment Susan a-t-elle vécu ce drame ? Comment peut-elle accepter de revoir le meurtrier de sa mère et peut-elle pardonner ?
Ce beau roman, à l’écriture dense, interroge avec finesse sur les drames familiaux, l’impossible pardon, les blessures inguérissables mais avec lesquelles il faut continuer à vivre.

Rachel CUSK : La dépendance (Ed Gallimard – 201 pages)
Tout commence par la rencontre d’un peintre, L, que la narratrice va inviter à participer à sa vie, ou plutôt son environnement  particulier, un marais vu « comme le vaste sein nébuleux de quelque dieu ou animal endormi, mû par le lent et profond mouvement d’une respiration somnambule. »
Jeffrey sera l’oreille tranquille et silencieuse à qui s’adresse la narratrice tout au long du récit. Il apprendra donc que ce grand peintre accepte l’invitation mais arrive accompagné d’une ravissante jeune femme. Une vie étrange s’installe, un jeu de cache-cache car L ignore son hôtesse, semble même la fuir puis très vite, L exerce un phénomène de pulsion-répulsion au point de déséquilibrer son ménage. Et au fil du temps, L perçoit «  le message du marais environnant, l’illusion, le mélange d’une phase de construction de la vie qui n’est en fait qu’une construction mortuaire, oui une dissolution ayant l’apparence de la mort mais qui en réalité est son contraire. »
Tous les personnage créés par Rachel Cusk pourraient être les acteurs d’une pièce de théâtre classique avec les trois règles d’unité de temps, lieu et action, les rôles principaux seraient tenus par la narratrice et L, les autres étant cependant indispensables au déroulement du récit. Toute l’introspection de la narratrice se confiant à Jeffrey exerce une sorte d’enfermement, de dépendance du lecteur.
Ce roman est addictif et alors qu’on a de la peine à se laisser aller au plaisir de la lecture au début, il faut reconnaître que Rachel Cusk réussit à nous rendre dépendant de son roman.
Un véritable coup de chapeau.
Bernhard  SCHLINK : La petite fille (Ed Gallimard – 338 pages)
Kaspar est un allemand de l’Ouest. Il aide Birgit, sa future femme à passer à l’Ouest en 1965. A sa mort, il apprend, par le journal intime qu’elle lui a laissé, qu’elle a eu un bébé avec un autre homme, avant son mariage, mais qu’elle l’a abandonné à sa naissance, en Allemagne de l’Est, en le confiant à une amie. Kaspar quitte Berlin pour aller à sa recherche. Il finira par retrouver cet enfant qui, maintenant, est devenue une femme.
Elle se nomme Svenja, la ressemblance avec Birgit, sa mère est frappante. Elle est restée en Allemagne de l’Est et a épousé un néo-nazi. Elle a eu une fille : Sigrun qui a quatorze ans. Des relations très fortes vont naître entre cette « petite fille » et ce « grand- père »  qui ne l’est pas  vraiment. Adolescente, elle va très vite poser beaucoup de questions, auxquelles  il va lui être difficile de répondre ; il l’emmène à Berlin, chez lui, où il est libraire. Les relations familiales vont devenir difficiles et franchement insupportables, surtout avec le père néo-nazi, méfiant et haineux.
Kaspar est cultivé, désintéressé et attachant, il va lui faire découvrir beaucoup de choses qu’elle ne connaissait pas et qui lui apporteront un  bonheur personnel tout au long de sa vie.
Ce roman est magnifique, le récit passionnant et poignant, le style clair et fluide, on voyage à travers l’Allemagne et à travers le temps. K
Kaspar est encore jeune, Sigrun a tout l’avenir devant elle.

Serena GIULIANO : Un coup de soleil (Ed Robert Laffont – 226 pages)
Eléonore, française 40 ans,  mère de jumeaux ado, vit à Salerne.
Elle s’occupe seule de ses enfants depuis son divorce  et fait des ménages chez des particuliers pour assurer le quotidien. Elle bosse rêve et souffre  depuis sa rupture avec son amant marié.
Le roman est construit sur cinq semaines pendant lesquelles Eléonore nous fait découvrir, au rythme de chaque  jour, l’intimité et l’environnement de ses employeurs, au nombre de six, leur personnalité ,leurs habitudes, leurs petits arrangements avec la réalité.
Elle nous raconte dans un langage simple sa vie quotidienne et nous fait partager l’ambiance chaleureuse et ensoleillée de l’Italie.
Ce livre distrayant, drôle, qui aborde  des sujets de société tels que la précarité, les réseaux sociaux, l’amour, la violence… Il n’est jamais larmoyant il est au contraire émouvant, sensible, généreux, et nous laisse à penser qu’il faut toujours croire en ses rêves.
Armel JOB : Le meurtre du Docteur Vanloo (Ed. Robert Laffont – 332 pages)
Ce vingtième roman de cet célèbre auteur belge est un thriller psychologique rural de haute voltige.
On y trouve la Terre, la langue, le clergé, les édiles de ce petit village tranquille jusqu’au jour où le cadavre du Docteur Vanloo, chirurgien exerçant au Luxembourg, est découvert par sa femme de ménage dans le presbytère où il réside. Homme discret d’apparence mais véritable bourreau des cœurs toutes les possibilités sont permises. Le commissaire Demaret envoyé sur les lieux, confronté à une jeune magistrate face à son premier cas, va prendre l’affaire en mains. S’en suivent  un tas de fausses pistes, de faux-semblants et de non-dits où chacun semble avoir eu l’opportunité ou la bonne raison de supprimer le déduisant docteur. D’où le suspense provoqué par la mise en lumière de chaque « criminel » possible, l’abandon, ou pas, et l’émergence du possible meurtrier.
Très belle ambiance feutrée du lieu, abondance des personnages, des coups de théâtre avec quelque traits d’humour noir. Ce qui en fait un roman prenant, évoqué d’une plume élégante et d’un réalisme, tant dans la procédure que dans le réalisme.

Notes de lectures

Claire DELANNOY : Wanted (Ed Albin Michel – 123 pages )
Ancienne éditrice, Claire Delannoy est auteure de plusieurs romans. Celui-ci porte sur le bandeau la mention « la cavale d’une icône du terrorisme ». Nous découvrons une femme âgée, qui vit seule dans une maison dans la forêt. Elle reçoit un homme plus jeune, Anton, qui vient régulièrement pour l’interroger sur son passé. Au fil des pages, Elsa raconte son passé, sa jeunesse alors qu’elle était étudiante en médecine, son engagement révolutionnaire, son arrestation puis sa longue cavale à travers le monde. Que cherche Anton ? Q u’a vraiment fait Elsa ? Nous ne le saurons qu’à la fin du roman après de multiples chapitres mettant en scène le face à face des deux protagonistes.
Jacqueline TAÏEB : Je chante si on me donne des chocolats (Auto édition – 146 pages)
Milieu des années 60… Une toute jeune fille au regard aussi noir que la frange qui les balaie, vient avec une énergie et un culot grimper dans les hit parades avec « 7 heures du matin » le premier rap qu’on n’appelait pas ainsi puisque c’était alors un OVNI. Sans compter que c’était une femme qui l’assenait !
De sa toute petite enfance elle a voulu chanter et sa guitare, un cadeau de son père, a tout déclenché.
Elle a 20 ans et le monde lui appartient. Mais, si elle est toujours restée dans le métier, elle n’a pas eu le succès que d’autres ont eu et qui n’étaient pas plus talentueuses qu’elle. Malgré ça, si elle a toujours travaillé entre ombre et lumière cette battante d’origine tunisienne n’a jamais baissé les bras, a toujours enregistré des disques, écrit, composé pour elle et pour d’autres comme Jeane Manson, Michel Fugain, Maurane qui s’appelait encore Claude Maurane, Yves Montand, ces trois derniers collaborant à une comédie musicale pour enfants « La petite fille Amour chez les cousins de miel ». C’est elle qui a écrit « Les Sud-Américaines » à Fugain. C’est elle qui découvre et produit Dana Dawson, hélas trop tôt disparue. Son seul et unique tube a fait le tour du monde, souvent employé dans des pubs ou dans des films. D’autres pubs aussi dont elle signe la musique (Lolita Lepimka, Axe, Les 3 Suisses…)
Contre vents et marées, trahison et ingratitude des gens du métier mais aussi de sa famille, elle a toujours débordé d’énergie. Elle s’est toujours relevée de tout et a continué en trouvant des chemins de traverse mais toujours dans la musique qui est et reste sa seule passion.
Elle écrit comme elle parle, sans tabou, sans langue de boit, appelant un chat un chat, un con un con, un salaud un salaud.
Remerciant ses père et mère elle n’oublie pas ses profs de math qui l’ont tellement gonflée qu’elle a pu écrire ses chansons pendant leur cours !
Ses amis, ses amours, ses emmerdes… elle déballe tout avec une sincérité et un humour confondants.
Quel plaisir de la retrouver !
Peter D. MASON : Destins mortels à Chamonix (Ed Paulsen – 173 pages)
Gabriel Santonini, 28 ans, vient de perdre son père, juge d’instruction. Il trouve un dossier non résolu par celui-ci, concernant un mafieux franco-serbe de la pègre de Chambéry. Il décide de se transformer en justicier et devient tueur à gages. Et voici le lecteur parti dans des aventures rocambolesques toutes aussi improbables que drôles.
Un roman policier très réussi. On attend avec hâte le suivant.

Zoé BRISBY : LES MAUVAISES ÉPOUSES (Ed Albin Michel – 335 pages)
Dans le désert du Nevada, pas très loin de Las Vegas vivent très confortablement des jeunes femmes dont les maris travaillent sur la base militaire qui étudie la bombe atomique. Cela se passe en 1952.
La jeune femme profitant du soleil dans une piscine sur la page de couverture du livre serait-elle une de ces mauvaises épouses que l’auteure veut nous faire rencontrer ? Ces mauvaises épouses vivent dans des maisons alignées toutes identiques, leur seule occupation étant le prochain cocktail ou barbecue qu’elles qualifient d’atomiques pour singer la profession de leur mari. Tout le monde connaît tout le monde et rien ne doit transpirer d’une maison à une autre sauf les cris étouffés qui parviennent de la maison de Charlie. Sa gentille voisine Summer, découvrira la sauvagerie de son mari et s’émancipera à son contact. Rien ne doit troubler les explosions qui malgré tout provoquent des saignements de nez et troubles divers, la vie est réglée pour que les femmes vivent en vase clos avec leur cachoteries, leurs manigances, leurs mesquineries, leurs transgressions, tout est fait pour la gloire de cette fameuse bombe qui éliminera ces affreux communistes.!
Un roman qui replace bien le mode de vie de ces jeunes femmes dans une base militaire. Ce n’est pas caricatural, heureusement ces temps ont changé pour les femmes. L’auteure a voulu pimenter  son histoire en y ajoutant des amours transgressives, ce n’est pas le plus intéressant.
Etienne de MONTETY : La douceur (Ed Stock – 267 pages)
Le narrateur se présente dès la première page comme un journaliste ayant travaillé vingt-cinq ans dans les services « Arts de vivre » de magazines hauts de gamme. Il part en Australie à Constantia pour la Convention Internationale de la Rose, toujours mieux qu’un salon de la voyance pense-t-il, mais ce sera l’occasion de rencontrer une pétillante consœur allemande, Barbara et surtout la merveilleuse May de Caux, présidente de cette vingt-troisième convention. Une femme élégante, racée, distinguée qui écoute, sourit délicieusement et ne répond qu’aux questions relatives aux roses. Il y a pourtant derrière cette façade une femme cachée et le journaliste fera tout pour découvrir ce qu’elle ne veut pas révéler. Il ne sera pas facile de briser le silence de cette aristocrate élevée dans un milieu privilégié.
La persévérance, la correction, la patience amèneront May de Caux à confier les notes secrètes  écrites au fil des ans depuis sa libération du camp de Ravensbrück. L’horreur des camps ne s’oubliera jamais, d’ailleurs May a besoin de retrouver ses amies de camp, celle par exemple qui lui a mis du rouge à lèvres, donné un semblant de bonne mine alors qu’elle avait le typhus. Au fil des ans, malgré les épines de la vie  c’est la douceur qui dominera sa vie, notamment avec les roses.
Ce livre est dédié à Lily de Gerlache, figure de la résistance en Belgique, qui s’est efforcée de faire reconnaitre la place des femmes dans la lutte de celles-ci contre le nazisme.
Le titre choisi par Etienne de Montety montre la dignité face à l’horreur de la guerre, un titre malheureusement toujours d’actualité.



Notes de lectures

Florence AUBENAS : Ici et Ailleurs (Ed de l’olivier- 355 pages)
Florence Aubenas , reporter- journaliste nous restitue un compte à rebours des évènements majeurs de la période 2015 à 2022 soit sept années.
Son livre est un recueil de reportages issus de son activité professionnelle de journaliste. Elle nous fait retourner sur notre époque avec des témoignages tous empreints d’une grande réalité sur le monde.
Les thèmes abordés tour à tour ne peuvent nous laisser indifférents et leur diversité nous montre un monde qui bouge : On passe, de l’engagement de deux jeunes gens en Syrie, du confinement à l’Ephad, de la police aux gilets jaunes, de la fermeture de la sucrerie de Toury, de la mort tragique d’un jeune agriculteur puis à la guerre en Ukraine…
Le livre révèle l’humanisme de Florence Aubenas, ses compétences à écrire avec simplicité la vie quotidienne de gens dans des situations personnelles exceptionnelles qui montrent l’évolution du monde.
Elle fait parler ses témoins en restant au plus près de la réalité des faits.
Livre intéressant, facile à lire mais à aborder en plusieurs étapes car chaque chapitre présente un sujet différent qui interpelle et questionne le lecteur.

Gérard ESTRAGON : « Cellou » (Ed l’Harmattan  – 283 pages)
Mais qu’est-ce qu’il nous fait, notre ami toulonnais Gérard Estragon ?
Est-ce l’âge qui exacerbe sa libido ?
Voilà qu’il nous offre un roman très particulier, non pas par l’histoire assez intéressante, mais chargée d’expressions égrillardes, de mots grossiers et crus, où « la baise » est à tous les étages, avec des filles plus que légères, ouvertes – dans tous les sens du terme – à des hommes chargés de testostérone !
C’est l’histoire d’une compagnie théâtrale médiocre, avec entre autres une  jeune comédienne, Germaine, au talent incertain mais avec une plastique qui fait chavirer les mecs, d’une liberté totale, passant de l’un à l’autre avec gourmandise et de quelques mec « queutards » qui en profitent largement. Sauf Marcel, dit Gilou, amoureux fou mais, à l’inverse de Germaine, timoré, terne et n’arrivant pas à exprimer son amour.
Georges, dit Jo, comédien de la troupe, en profite tout en lutinant Séraphine, autre comédienne de la compagnie, fille exaltée et anarchiste qui en fera un militaire révolutionnaire. Fait prisonnier il se retrouvera envoyé en Nouvelle Calédonie… Ou comme par hasard la compagnie ira en tournée. Sur un bateau où il se passe plein de choses dans les cabines et sur mer, durant plus de dix semaines, jusqu’à un incendie et après de multiples aventures, les voici donc, même lieu, même pomme. Et que pensez-vous qu’il arriva ?
Pendant que Celou est resté chez lui dans son magasin, s’organisant une petite vie plan plan, c’est Robert qui devient l’amoureux transi, pendant que Germaine couche avec tout ce qui bouge.
Et tout le monde couche avec tout le monde dans une folle liberté.
Mais que vient faire Celou, qu’on retrouve à la fin,  dans cette galère ?
Gérard Estragon, au contraire de ses autres romans dont « Frère Jean », « L’illusion du châtiment » et autre « Du sang dans le maquis », livres forts et sérieux, a l’air de s’être amusé à écrire ce roman aussi léger que ses personnages avec une totale liberté d’expression.
Venant de lui, un livre qui détonne et nous étonne. !

Charles-Henry CONTAMINE : La mort est derrière moi (Ed. Plon – 288 pages)
Ce roman est le roman du deuil.
Pierre apprend soudain le suicide de sa compagne qu’il adorait. Que comprendre alors qu’on  pensait tout savoir d’elle. ! La souffrance de l’amant est pire, du fait de ne pas l’avoir pressenti. Terrible échec qui l’amène à tourner la page de sa vie antérieure : travail, famille, amis il tire un trait sur son passé. Ne plus savoir, ne plus chercher, ne plus faire que ce que son instinct lui dicte : une rencontre inopinée le tirera de son marasme !
La vie est un éternel recommencement ! L’homme fort et fragile à la fois va se reconstruire au lieu de sombrer.
Belle étude des sentiments qui gouvernent la vie, écriture vive et sensible même si   l’on se sent parfois dans la démesure .  
Laurent ESNAULT : Parce qu’ils sont là (Ed Sixième(s) – 351 pages)
Un père avec deux fils, Romain l’ainé et Hadrien, celui qui malheureusement n’a jamais connu sa mère morte juste après l’accouchement.
Ce père est merveilleux, il élève magnifiquement ses deux garçons à Toulon, il jongle bien sûr avec les horaires, les enfants sont responsables mais le père est bien obligé de remarquer que Hadrien est très souvent absent et surtout trop silencieux. Que se passe-t-il dans sa petite tête ? Il cache manifestement quelque chose à son père qui avec beaucoup d’amour arrive à lui faire dire qu’il voit réellement sa mère, qu’elle lui parle, mais qu’il voit aussi d’autres personnes aujourd’hui décédées.
Ces manifestations se répètent, aussi le père décide de se faire aider par un ou une psychologue qui s’engage à suivre Hadrien. Et c’est là que le roman dérape vers ce monde des disparus.
Charlatans, attrape gogo ? Que répondre à un enfant ou un père éprouvé par un deuil ? Où se situe la vérité ? Comment trier le vrai du faux ? Faut-il laisser croire à la communication entre les vivants et les morts ?
Rien ne dit qu’il n’y a rien après la mort mais rien ne dit non plus qu’il y a quelque chose.
Un roman toutefois qui se lit avec plaisir. Mais le lecteur doit rester conscient qu’il ne s’agit que d’un roman.

Jean-Noël FALCOU : Cultiver des agrumes bio (Ed Terre vivante – 189 pages)
Tout, tout, tout… Vous saurez tout sur les agrumes…
Les citronniers, les limetiers, les combavas et les kimquats
Les orangers, les cédratiers, les clémentines et les yusus…
Dans notre région ensoleillée et peu pluvieuse, les agrumes poussent sans difficulté et ce livre signé de Jean-Noël Falcou, qui est agrumiculteur à Golfe Juan, les cultive sur 7.500 mètres, nous propose, de tout connaître sur ces beaux fruits jaunes et oranges gorgés de soleil et l’on est surpris de découvrir le nombre de variétés existantes.
De leur histoire à leur récolte en passant par leur plantation, leurs soins, le tout agrémenté de magnifiques photos, après avoir lu ce livre, on n’a qu’une envie : en planter soi-même dans un pot ou dans un jardin.
On apprend de plus à les traiter, les arroser car les agrumes sont un monde complexe et fascinant à ses yeux mais qu’il faut apprendre à planter, où et quand, à les tailler et à les récolter, à les protéger des intempéries, des maladies et des ravageurs.
Grâce à ce livre, Jean-Noël Falcou nous fait faire le tour du monde et l’on découvre la genèse de chaque agrume dont certains d’entre eux ont plus de cent mille ans.
Il nous apprend à aimer ces beaux fruits du soleil et en lever les mystères.
Un bel album tout autant instructif qu’artistique.
Arnaud ROZAN : Mémoires de maisons blanches (Ed Plon – 222 pages)
Après son premier roman « L’Unique goutte de sang » l’auteur offre au lecteur un livre étrange. Immédiatement le titre vous fait penser à la résidence du président des États-Unis à Washington, et les mains croisées sur la première page du livre sont bien celles d’une vieille femme…
Aurait-elle un lien avec le président actuel Joe Biden ?  Car il s’agit bien de Joe Biden, un président qui gravit les marches de sa résidence, mais aussi d’un homme qui a eu un fils, Beau, qui est né le même jour qu’un enfant dont la mère a supplié du regard ce président, alors seulement préoccupé par ses ambitions politiques et prétendant au siège de sénateur du Delaware.
Ce fils souffrira d’une tumeur au cerveau et avec un sang-froid, une dignité extraordinaires, il voudra jusqu’à son dernier souffle suivre l’évolution de son mal. Les deux enfants auront des destins tragiques, l’un par la maladie, l’autre car héritier de cette longue lignée d’esclaves venus du Ghana, enchainés encore aujourd’hui dans une société raciste.
L’auteur remonte à la création de la ville de Washington avec cartes à l’appui, le traçage exact du périmètre et les tractations entre George Washington, Alexander Hamilton et Thomas Jefferson, sans oublier les cales toujours remplies d’esclaves noirs. Et parmi ces esclaves, ceux qui n’auront pour seule richesse qu’une demi-calebasse décorée d’un crabe bleu, à eux de retrouver l’autre moitié pour construire leur histoire.
Ce livre est une plongée dans l’histoire des États-Unis, un état construit avec la sueur des esclaves, un passé qui hante encore aujourd’hui l’histoire de ce pays. Joe Biden a tant à accomplir mais pour cela il lui faudra tenir compte de cette déchirure, de cet arrachement, de cette mémoire qui fait le présent de la Maison Blanche.

Cécile David-Weill  la Cure (Edi Odile Jacob – 324 pages)
Dernier livre de l’auteure franco  américaine, qui nous raconte un séjour en cure d’amaigrissement dans une station du sud de l’Espagne ; elle y rencontre quatre personnes : trois femmes et un homme. Détail amusant parmi d’autres : l’auteure est dans la vie chroniqueuse gastronomique. On lit beaucoup de détails sur les différents menus et aussi sur le jeûne, moins on mange et plus on paie ! On a le droit de changer son choix en cours de cure.
Tout le monde vit en huis clos, d’où certains problèmes qui prennent des proportions  importantes. Des amitiés se créent,  d’autres se dénouent, on suit les évènements au jour le jour, la cure dureantdouze jours, chaque jour donnant lieu à un chapitre  nouveau. Ces problèmes sont souvent causés par les femmes et résolus par elles,
Par moments, cela paraît un peu long. Le texte se veut humoristique  et ironique, c’est vraiment un livre d’aujourd’hui . A chacun de le lire et de se faire une opinion !
Samuel DOCK : L’enfant Thérapeute (Ed Plon – 334 pages)
Récit autobiographique, inspiré de faits réels écrit par Samuel Dock, docteur en psychopathologie exerçant dans la protection de l’enfance.
Ce livre est construit en 3 parties :      
La première raconte des retrouvailles familiales pour fêter Noël.
Elle illustre des relations pathologiques ou la mère surprotège excessivement sa fille, droguée et fragile mentalement. Samuel, l’auteur, lui, est en quête de l’attention et de l’amour de sa mère. Il remémore des souvenirs de son enfance et s’adresse par la pensée directement à sa mère comme dans un face à face et nous fait partager toutes ses souffrances mêlant colère, culpabilité et besoin malgré tout de réparer, de sauver cette mère.
La deuxième partie constitue le journal écrit tardivement à 68 ans par la mère, après qu’elle ait fait une psychothérapie. Elle décrit son enfance maltraitée, les sévices physiques, et psychologiques qu’elle a subi par un père violent, elle, la dernière enfant d’un fratrie de quatorze enfants.
La troisième partie, c’est le temps de la résilience et la parole devient remède. L’auteur renoue des liens  différents avec sa mère, de plus en plus sereins. Samuel l’entend, la comprend et ils se découvrent.
Ce livre amène réflexion et plusieurs enseignements : le renoncement à secourir l’autre pour se sauver soi-même; faire le deuil de son enfance impliquant de faire celui de l’enfance de sa propre mère; la parole salvatrice.
Ce livre sur les violences familiales, d’une grande profondeur et d’une grande densité sur l’enfance maltraitée, ne peut laisser le lecteur indifférent émotionnellement.
L’analyse des relations familiales, très finement décrite et écrite rend ce livre poignant.

STONE : sa vie dans tous les sens

Ma première rencontre avec Annie Gautrat, (alias Stone) remonte à la tournée “Inventaire 66” qui réunissait Hugues Aufray, Michel Delpech, Pascal Danel, mais aussi Pussy Cat,  Karine, Noël Deschamps, les Sharks (Que sont-ils devenus ?). Ils en étaient tous à leur première tournée et Aufray, Danel, Delpech et Stone et Charden ont fait le chemin que l’on connaît.
De ce jour, on n’a jamais cessé de se croiser,de  se rencontrer, de se voir en tournées

Autre tournée mémorable de rires et de folie avec C Jérôme et Michel Jonasz et un Charden au pied plâtré mais chantant quand même. Il y a eu aussi une tournée avec CloClo et Topaloff qui n’était pas triste non plus.
Si, avec Charden, ce ne fut souvent pas très sympa, avec Annie ça a été l’amitié « A la vie à la mort »… Et ça continue !
Et si, depuis longtemps, c’était terminé avec Charden, on a continué à se voir, car Annie n’a jamais cessé de travailler, devenant comédienne, écrivant une biographie de cette période Stone-Charden qui, en fait, n’a duré que quatre années intenses avec retrouvailles du couple sur les tournées « Âge Tendre ».
Et la voilà qui s’est piquée au jeu de l’écriture et qu’elle nous offre sa « Vie dans tous les sens » (Editions Champs-Elysées) où elle nous parle de beaucoup de choses plus intimes, de sa vie de femme, de mère et pas du tout de sa vie d’artiste.
Elle vit aujourd’hui avec le comédien Mario d’Alba… que j’ai très vite adopté car il est, lui, sympa et drôle. Je les avais d’ailleurs invités à Saint-Raphaël pour « Stars en cuisine », où ils vinrent cuisiner un plat végétarien pendant que je cuisinais de mon côté avec Fabienne Thibeault.
Bon, le livre sorti, il fallait qu’on en parle !

« Alors Annie, tu t’es prise au jeu de l’écriture ?
Au départ, ce n’est pas voulu. C’est durant le confinement que je me suis remise à écriture. Petite déjà, j’écrivais mon journal intime. Je l’ai d’ailleurs retrouvé en rangeant des affaires. J’ai fait ça durant des années et en le relisant j’ai trouvé ça sans intérêt. Mais c’était enfantin et je racontais tout ce qui m’arrivait !
Ce que tu as fait là !
Oui, en écrivant au jour le jour ce qui me passait par la tête, comme ça venait, ce que je vivais avec ma famille, ma mère, ma belle-mère mais aussi mes souvenirs d’enfance et en parlant de plein d’autres sujets. Voilà pourquoi le titre « Ma vie dans tous les sens » !
Par contre tu nous parles de ta vie personnelle et pas de ta vie d’artiste !
Non, je l’ai déjà fait dans mon premier livre, ça n’avait plus d’intérêt d’y revenir.
Par contre au départ, je n’ai pas écrit pour en faire un livre. J’ai toujours aimé écrire et je le faisais pour le plaisir. J’adore aller dans les fêtes de livres pour y rencontrer les auteurs que j’aime. A la Fnac de Montluçon j’ai rencontré Dominique Filleton qui est écrivain et éditeur. Nous avons discuté et il m’a proposé de m’éditer. Ça s’est fait tout naturellement. Et puis, j’ai rencontré une responsable d’un salon animalier et comme j’ai toujours aimé et eu des animaux elle m’a suggéré de parler d’eux. Dominique a trouvé l’idée sympa et ce sera mon prochain livre !
Et écrire des chansons ?
Je n’ai jamais pu. J’ai essayé mais c’était lamentable ! Je suis juste arrivée à écrire un conte pour enfants.
Comment écris-tu ?
Comme je te dis, au jour le jour. Il me vient une idée, un souvenir et j’écris. C’est comme ça que j’ai écrit notre bio même si là, il fallait tout de même écrire dans l’ordre des événements que nous avons vécu.
Mais j’écris toujours sans aide d’ordinateur, je ne sais pas faire. Et c’est ma fille qui s’en occupe !

Dans ton livre, tu ne ménages ni ta mère, ni ta belle-mère !
Même si j’ai de bons souvenirs d’elles et surtout de ma maman adorée, elles ont fini très vieilles et malheureusement dans un triste état. A la fin, elles n’étaient plus les femmes qu’elles ont été et de les voir dépérir ainsi, perdre la tête, se faire dessous, engueuler tout le monde, ne pas vous reconnaître, on finit par espérer qu’elles disparaissent. Aussi bien pour elles que pour nous. Et en fait d’espérer cela, ça nous permet de rendre leur disparition moins cruelle.
Lors d’une des nombreuses discussions que nous avons eues, tu m’avais annoncé ta mort prochaine aux alentours de tes 70 ans… Tu les as passés… Et tu es toujours là !!!
(Elle rit) Oui et j’en suis très heureuse. C’est une voyante qui me l’avait prédit et je l’attendais sereinement ! Je suis ravie qu’elle se soit trompée.
Mais tu sais, dans ma famille, il y a toujours eu des médiums… Dans le Berry on les appelait des sorcières. Et ma grand-mère a été médium. Elle a même vu des choses qui se sont réalisées et elle me les a racontées. Ma mère, qui pourtant, était cartésienne, a été confrontée à des entités. Elle n’en parlait pas de peur de passer pour une folle.
Et toi ?
Moi ? Rien ! Ca a sauté une génération car il est arrivé à ma fille plein de choses étant adolescente. Je m’y suis faite, c’est une vieille habitude dans la famille !
Par contre, je suis persuadée qu’il y a autre chose après la mort et ça, ça vient de l’influence de ma mère. Comme celle de vivre et de manger bio. Déjà, elle tenait une boutique diététique, même si on ne parlait pas encore de bio. D’ailleurs, je n’ai plus jamais mangé de viande depuis quarante ans ! Et je ne m’en porte pas plus mal.
Une chose qui, dans ton livre, m’a fait marrer : ta nuit de noces avec Eric Charden… qui n’a pas été consommée !
Oui parce que, sa mère, qui était très excessive, ne supportait pas de le voir épouser une saltimbanque et le persuadait en même temps de quitter ce métier qu’il pratiquait aussi. Elle lui avait bourré le crâne. D’ailleurs elle s’enfuit juste après le mariage, sans rester au repas, et, se sentant coupable il a passé sa nuit… Dans la salle de bain à pleurer… Charmante la nuit de noces ! Déjà qu’il n’avait pas voulu me toucher avant le mariage… Ca faisait beaucoup. D’autant qu’il ne se gênait pas pour aller batifoler ailleurs ! Enfin, après, on s’est rattrapé !
Tu écris aussi une phrase incroyable : « Il faut que l’Homme disparaisse de la surface de la terre… » Ce n’est pas un peu excessif ?
(Elle rit encore) Je dis l’Homme en général peut-être pas tous les hommes parce qu’en fait, on a besoin d’eux pour la reproduction… Même s’ils peuvent aussi faire des garçons !
C’est un cercle vicieux  ton affaire !
C’est vrai  mais depuis toujours, l’Homme est tout-puissant, la femme est toujours derrière. Tous les malheurs de la terre viennent de l’Homme. OK, aussi de quelques femmes… C’est difficile tout ça !

Aujourd’hui s’est passé un triste événement : l’accident de Pierre Palmade qui, sous l’emprise de la drogue, a blessé et tué. Qu’en penses-tu, toi qui racontes avoir touché à la drogue ?
C’est terrible, ce qui s’est passé, monstrueux ! C’est vrai nous avons pris de la drogue et j’avoue que j’y ai pris du plaisir car on est déconnecté de la réalité, on est dans un trip agréable. Mais d’abord, le peu de fois qu’on l’a fait, on l’a fait à la maison et il n’était pas question de sortir, de prendre un volant. Ce peut être une expérience sympa à condition que ça ne devienne pas une habitude, que ce soit occasionnel car ça devient très vite un piège. C’est comme de boire trop. Prendre une cuite de temps en temps OK mais attention à l’addiction car alors ce peut être terrible. C’est ce qui s’est passé avec Pierre Palmade »…

Je vais laisser ma belle amie à ses chats et ses chiens… En attendant qu’elle continue à raconter longtemps d’autres histoires avec son humour et sa joie de vivre… Puisque la date de sa mort annoncée est passée !!!

Propos recueillis par Jacques Brachet


Notes de lectures

Gilles KEPEL : Enfant de Bohême (Ed Gallimard – 399 pages)
Il faut s’enfoncer très profondément dans les forêts de Bohême où l’on chassait les sangliers pour comprendre la destinée du grand-père puis du père de Gilles Kepel. L’aïeul Rodolphe, arrivé en France s’installera à Paris dans le quartier Montparnasse, il fréquentera  Apollinaire et traduira ses poèmes, il sera proche des peintres tchécoslovaques Mucha et Kupka, une petite colonie d’artistes venus également à Paris.
Il se mariera, aura deux enfants Milan, père de Gilles Kepel et une fille. Milan réfugié en Angleterre pendant la seconde guerre mondiale sera élevé dans une école religieuse  puis au lycée français de Londres et n’aura de cesse de vouloir faire du théâtre et mettre en scène « Le brave soldat Svejk » de Iaroslav Hasek.
En déterrant les souvenirs d’un père atteint de la maladie d’Alzheimer, de vieux documents, de photos, Gilles Kepel raconte avec fierté le parcours difficile, souvent désargenté de sa lignée paternelle. Il y ajoute les éléments constitutifs de la Tchécoslovaquie actuelle et la pensée communiste de son père.
Un livre émouvant sur des hommes bousculés par les guerres, attachés à leurs racines et malgré tout devenus cosmopolites.
Cependant l’abondance de détails très ou trop personnels peut lasser le lecteur.
Lars MYTTING : L’étoffe du temps (Ed Actes Sud – 438 pages) <br> traduit du norvégien par Françoise Heide
Quel plaisir de découvrir la suite du livre « Les cloches jumelles » publié en 2020 par Lars Mytting !
Nous retrouvons au début du XXème siècle le village de Butagan en Norvège, ses habitants et son pasteur Kai Schweigaard. Il pèse toujours sur le village le souvenir des sœurs jumelles siamoises Helfrid et Gunhild Hekne, habiles tisseuses dans les années 1600 et dont une mystérieuse tapisserie reste introuvable. Astrid Hekne est morte en couches lors de la naissance de jumeaux. L’un de ces enfants, Jehans a été confié au pasteur mais il se brouille avec celui-ci.
Qu’adviendra-t-il de la quête de la tapisserie et de celle de la cloche engloutie dans le lac proche du village dont la tradition dit qu’elle ne pourra être repêchée que par deux frères ?
Dans cette superbe fresque romanesque, l’auteur nous raconte l’évolution de la paysannerie norvégienne, l’amélioration de la vie dans ces villages reculés grâce aux apports des techniques. Des personnages fiers et volontaires, des paysages grandioses, des légendes, un peu d’histoire font de ce roman un ouvrage que ceux qui ont apprécié le premier tome liront d’une traite.

Dolly PARTON & James PATTERSON : « Run, Rose, Run » (Editions l’Archipel – 418 pages)
Dolly Parton est la papesse de  la musique country pour les amateurs du genre.
James Patterson est « l’écrivain aux 370 millions de thrillers vendus ».
L’association de l’icône de la country et de l’empereur des polars ne pouvait que faire des étincelles.
Leur roman à quatre mains a d’ailleurs été en quelques semaines le N°1 des ventes aux USA.
Voici que le roman sort en France sous le même titre qui signifie « Court, Rose, court »
Un livre qui mêle la musique à un thriller haletant dont on ne connait la vraie histoire qu’au dernier chapitre.
AnnieLee Keyses est une toute jeune fille qui ne rêve que de chanter et qui débarque à Nashville avec rien qu’un sac en bandoulière. On ne sait pas d’où elle vient mais on se rend très vite compte qu’elle cache un drame. La chance veut qu’elle se propose de chanter dans un pub qui se trouve appartenir à Ruthanna Ryder, idole country qui s’est retirée de la scène mais qui la découvre grâce à un de ses musiciens, Ethan Blake. Lui, en tombe amoureux, elle flashe sur sa voix et sur les chansons qu’elle écrit et compose. Ils vont la prendre sous leurs ailes mais la jeune femme est sauvage, et elle est à plusieurs reprises agressée. Un mystère plane autour d’elle, dont elle se refuse à parler.
Mais peu à peu la menace se rapproche, se concrétise même et…
Et il faudra lire quelques 400 pages pour en connaître le dénouement !
Dans le portrait de Ruthana, il semble que Dolly Parton ait servi de modèle, l’ambiance de Nashville est superbement décrite, l’héroïne est très attachante, l’histoire palpitante et pleine de rebondissements.
Bref, les amateurs de thrillers et de musique vont être heureux.
A noter que le livre va faire l’objet d’un film dont les chansons seront signées… Dolly Parton of course ! Le CD est déjà sorti… « Run, Rose,Run », un livre à lire, un CD à écouter et un film à voir bientôt.
Marie-Virginie DRU : Regarde le vent (Ed Albin Michel – 268 pages)
Dans ce second roman, Marie-Virginie Dru, qui est aussi peintre et sculpteur, évoque le thème de l’amour et de l’influence des ancêtres dans nos vies. Cette réflexion se fera avec Camille, guide conférencière, mariée à Raphaël, journaliste au Monde, mère de Louise, ado rebelle de 14 ans et de Jeanne 12 ans, future danseuse.
Alors que Camille aide sa mère et son oncle à vider l’appartement de sa grand-mère qui vient de décéder, elle trouve des albums de photos parfois anciens. Elle décide d’écrire un livre racontant la vie de ses aïeules, une dynastie de femmes depuis Henriette son arrière-arrière-grand-mère née en 1879 à Alger, puis Odette, puis Annette et enfin Mathilde sa mère. Des femmes qui selon Camille furent « des guerrières et des amazones », émancipées et libres dans leurs amours.
Parallèlement à ce travail d’écriture, la vie quotidienne se poursuit pour Camille qui évolue dans sa situation de mère et d’épouse.
Dans une écriture fluide, le roman nous fait vivre par chapitres distincts les vies passées des ascendantes de Camille et leurs secrets, la vie de Camille, celle de Jeanne par le biais de son carnet intime et le comportement troublant de Raphaël. Un livre agréable à parcourir.

Robert COLONNA D’ISTRIA : La maison (Ed Actes Sud – 146 pages)
Auteur d’essais, Robert Colonna d’Istria publie son premier roman.
Le sujet réside dans le titre, mais il faudrait y ajouter « sur l’île « ». En effet c’est sur l’île où, enfant, elle passait de merveilleuses vacances dans la maison de sa mère, que J, une femme dont on ne saura pas plus que la première lettre de son prénom, veut avoir elle aussi une résidence. C’est son frère qui a hérité de la maison familiale .J doit donc chercher à acheter ou à faire construire une maison.
Sur un terrain dominant la mer du haut d’une falaise, une vieille bicoque à retaper fera l’affaire. Avec l’aide de Simon, son compagnon et de Robert, un homme à tout faire ingénieux mais procrastinateur, J commence la création de sa maison.
Ce sera un chemin semé d’embuches qui mettra à mal l’obstination de J. Mais ce chemin de croix deviendra un chemin de vie, menant à un aboutissement heureux même si ce n’était pas celui attendu. Un roman bien écrit qui s’apparente à un conte philosophique.
Michèle LESBRE : La Furieuse (Ed Sabine Wespieser – 120 pages)
Qui est donc cette furieuse qui fait le titre du dernier ouvrage de Michèle Lesbre ?
Ne vous laissez pas dissuader par ce titre, au contraire laissez-vous glisser doucement et non pas furieusement au fil des pages. La Furieuse existe, c’est une petite rivière du Doubs, affluent de l’Allier, et elle s’écoule comme la vie de Michèle Lesbre, quatre-vingt-trois ans, et une longue vie de lectures, de découvertes qu’elle nous fait partager. Il a des anecdotes, des souvenirs, des citations que tout lecteur voudra retenir ou souligner.
Le sous-titre « rives et dérives » correspond exactement à ce mouvement perpétuel de l’eau, parfois tranquille, parfois bouillonnante  comme toute vie. La Furieuse où se baignait Courbet jusqu’à la fin de sa vie replace le texte dans la fin du XIXème siècle, Michèle Lesbre s’autorise à vous présenter ses grands-parents Léon et Mathilde qui ont vécu, eux, au bord de la Loire, autre fleuve parfois tranquille parfois furieux, des tableaux champêtres d’un monde révolu qu’évoque l’auteur.
On n’arrête pas une rivière, on n’arrête pas les souvenirs, Michèle Lesbre dit feuilleter sa vie et nous donne la possibilité de découvrir ou redécouvrir les textes qui l’ont marquée, ce livre est un immense cadeau fait à la lectrice qui l’en remercie.

Laurent MALOT : « Mathilde Mélodie » (Ed XO – 308 pages)
Mathilde, 38 ans, a été chanteuse avec son mari musicien. Jusqu’au jour où trompée par son mari, elle part en voiture avec sa fille, a un accident qui coûte une jambe à cette dernière.
Rogée de culpabilité, pour vivre elle entre dans une matelasserie, vivant chichement avec sa fille.
Jusqu’au jour où la musique la rattrape : Un concours national de talents est organisé pour toutes les entreprises avec à la clef un million d’euros… Pas pour le talent gagnant mais pour l’entreprise qu’il représente.
Au départ elle n’est pas d’accord mais c’est sa fille qui vend la mèche au patron car circulent encore des images de sa mère sur les réseaux sociaux. Obstinée elle refuse de chanter mais le patron lui met le marché en main : où elle chante, ou elle est virée.
Contre mauvaise fortune bon cœur elle se résout à chanter. Avec la complicité de sa fille, elle rencontre un musicien mexicain exilé et sans papier, avec qui elle va travailler. Peu à peu, elle repend goût à la musique.
Va-t-elle repiquer au jeu ?
Vous le saurez en lisant ce roman plein de tendresse signé d’un écrivain qu’au physique on verrait plus écrire des polars. Mais il est aussi scénariste et ça se sent car ce livre est conçu comme un scénario de film et pourrait faire l’objet d’une série télévisée, tant ses personnages sont attachants et l’histoire et jolie… Ce qui nous change de tous ces romans démoralisants qu’on peut lire aujourd’hui.
Vincent BAGUIAN : Que celui qui n’a jamais tué me jette la première pierre (Ed Plon – 219 pages)
Vincent Baguian fut chanteur un temps, auteur de chansons dont des comédie musicales comme « 1789, les amants de la Bastille » ou encore « Mozart, l’Opéra-rock ».
Le voici qui nous offre son premier roman, une sorte de thriller fort original, l’histoire d’un homme bien sous tous rapports, Victor, médecin apprécié mais qui s’avère être aussi un tueur en série.
Un tueur pas comme les autres puisqu’il a commencé à 7 ans en poussant sa mère dans les escaliers, une mère revêche, sévère, violente, castratrices. Ce n’était en fait que justice qu’elle disparaisse !
Le meurtre est parfait, jamais on n’a pu suspecter un si petit enfant qui plus est inconsolable.
Devenu médecin il a comme patience Framboise, une femme magnifique mais une femme battue et violée dont il tombe amoureux. Quoi de plus normal que de faire disparaitre ce salaud ?
Ainsi vit-il très vite avec elle et de leur amour naîtra Gabriel qu’ils idolâtrent.
Là encore, aucun doute ne plane sur lui.
Du coup, prenant confiance en lui, va-t-il continuer son « assainissement », supprimant des prédateurs, des personnes nuisibles à son environnement. Jamais suspecté… Jusqu’au jour où…
C’est en fait un roman mi thriller-mi polar-mi comédie que nous offre l’auteur, un roman très immoral écrit d’une plume alerte, avec juste ce qu’il faut d’humour pour qu’on trouve son Victor charmant et bien sympathique !
Immoral dites-vous ? Certes mais, éliminer des gens coupables, blâmables, qui méritent un châtiment, est-ce vraiment condamnable même si la justice le réprouve ?
En fait, peut-on condamner cet homme ? Oui, bien sûr, mais on s’y attache et tout au long on espère qu’il s’en sortira.
A vous de lire… Et de juger !

Roselyne BACHELOT : « 682 jours » (Ed Plon – 279 pages)

Ça balance pas mal chez Rosy… Ça balance pas mal !
Roselyne Bachelot c’est la femme intègre, énergique, qui ne mâche pas ses mots, au désespoir de ces messieurs les politiques qui ne supportent pas certaines vérités… Surtout venant d’une femme.
Elle est aussi une femme étonnante, passant de la politique à l’humour avec une facilité et une maestria déconcertante.
Elle a connu plusieurs présidents de Chirac à Macron en passant par Sarkozy.
Elle est passée du sport à la santé pour finir à la culture, en tant que ministre.
C’est pourtant la Culture qu’elle a toujours brigué et dans laquelle elle excelle car, en plus d’être intelligente, elle est cultivée… Et en plus elle est drôle !
C’est trop pour une femme et on le lui a fait payer par des sarcasmes de tous bords, des empêchements de tourner en rond, quoiqu’elle fasse ou dise, jusqu’à ses toilettes qui firent les choux gras de certains tabloïdes… et on en passe !
Mais, toujours bien dans ses bottes, elle a continué sa route contre vents et marées tout en tirant à vue lorsqu’il fallait car elle ne s’est jamais laissé marcher sur les pieds.
Aujourd’hui, libre de toute politique, elle peut écrire, avec l’humour et le bon sens qu’on lui connaît, sans acrimonie ni vengeance personnelle tout ce qu’elle a sur le cœur. Et elle raconte toutes les bassesses, les hypocrisies, les bâtons qu’on lui a mis dans les roues, que ce soit dans quelque ministère où elle ait agi. Elle parle aussi des ronds de jambes auxquels elle a eu droit et de la mémoire courte de certains qui oublient vite dès qu’ils n’ont plus besoin de vous.
Mais elle n’a jamais été dupe, sachant que lorsqu’on est dans les projecteurs, en mal ou en bien, il faut que ça chuchote, que ça parle dans le dos, que ça critique.
Dommage qu’elle soit arrivée à la Culture avec le Covid car elle avait tant d’idées, tant de projets.
Aujourd’hui, sereine, avec ce livre elle met les choses au point avec son franc parler et c’est avec un vrai régal qu’on la lit car elle écrit comme elle parle, avec un langage châtié, des mots précis et sans langue (ou plume) de bois !
KarineTUIL : Kaddish pour un amour (Ed Gallimard – 123 pages)
Le kaddish, c’est la prière pour les morts dans la religion juive.
C’est à travers des poèmes que Karine Tuil dit adieu  un amour, un amour qui a grandi, a été l’enfant du couple, un amour qui n’a malheureusement pas été compris.
L’auteur s’adresse à celui qui a aimé l’amour mais n’a pas su voir le vrai du faux. Cet amour est perdu, il y a donc un deuil de l’amour, un amour qui retournera à la poussière.
Le kaddish permet l’espoir car un jour l’amour sera sanctifié, il renaitra et mourra avec nous.
Karine est familière de la poésie, elle est toujours à l’aise dans cette expression, ce rythme. Il y a beaucoup de sensibilité et une certaine distance face à cette réalité douloureuse. Les poèmes scandent une histoire qui ne sera plus, il y a de l’originalité dans la présentation de la versification c’est un bel exercice d’écriture qui montre un talent supplémentaire à l’auteur des « Choses humaines » et de la « Décision », une réussite émouvante.



Notes de lectures

Antoine franceschi

Amélie ANTOINE : Aux quatre vents (Ed. XO)
1985 : la vie dans un petit village du Nord de la France où les gens sont installés depuis longtemps, où d’autres arrivent apportant leurs histoires, c’est le tableau que nous brosse l’auteure. A la suite du décès des propriétaires, le petit château est repris par un étrange personnage que nul ne connait et qui, non seulement achète l’édifice  mais aussi toutes celles qui se libèrent en faisant enlever portes et fenêtres. Un étrange climat s’instaure, Pourquoi ces mutilations ? Qui est ce curieux acheteur ? Pourquoi  ce comportement ? mystère!
L’angoisse s’installe.
Non, pas tout à fait car retour en arrière : 1942 : c’est la guerre. L’auteure réveille alors les souvenirs enfouis, les drames familiaux quotidiens. Qui est qui ? Que s’est-il-passé alors ? Elle va tirer le fil et détricoter l’histoire qu’elle pressent, entretenant le suspense et dévoilant les petits secrets enfouis au fond des mémoires. Bien sûr à travers la reconstitution du passé du village, l’énigme sera résolue.
Le roman se termine sans réelle fin laissant au lecteur le soin de continuer l’histoire.
Bien écrit, bien reconstitué quant à l’époque. Tout y est. Le suspense est maintenu. Un bon moment de lecture
Patrice FRANCESCHI : Patrouille au Grand Nord (Ed.Grasset)
L’auteur, écrivain de marine aux nombreux récits d’exploration, reprend du service en nous conviant à un merveilleux voyage à bord d’un patrouilleur de la Marine pour une mission au Groenland. il y retrouve un jeune officier qui a naguère fait ses débuts avec lui à bord d’un vieux gréement. On découvre tout au long de ce périple, le rude quotidien de ces hommes, tout petits devant l’océan déchainé.
Nous assistons aux manœuvres, aux prises de quarts comme à la découverte de la vie de ces peuplades du grand Nord, prises entre coutumes ancestrales et ravages de la modernité. Il nous dépeint les paysages majestueux et grandioses, les fjords gigantesques et les tempêtes effrayantes, le tout dans un univers d’hommes vivant dans un espace réduit, où la solitude laisse le temps à la réflexion et l’observation de ces paysages somptueux ;
Très bien rendu par une sobriété de mots, de phrases courtes. Un récit vibrant et poétique  à la fois

legardinier vadon

Gilles le GARDINIER : le secret de la Cité sans soleil  (Ed. Flammarion)
Ce livre est-il un roman d’aventures, un livre historique ou un thriller ? Un peu des trois.
L’auteur avait écrit ce roman il y a trente ans, il a fait aujourd’hui un gros travail de réécriture, en réactualisant l’histoire.
Tout se passe dans les sous- sols du château cathare de Montségur,
L’intrigue est la recherche du trésor des Templiers protégé par une société secrète, religieuse  prête à donner sa vie pour le conserver. Les frères vivent dans des cavernes, des grottes sombres (d’où le titre du livre), sous le château de  Montségur. On y rencontre des rivières souterraines qui tombent dans des gouffres sans fond. Il faut résoudre des énigmes concernant ces rivières. Où vont-elles ? De tous ces chemins qui se croisent, lequel choisir ?
Ils sont deux amis qui vont ne jamais se quitter  tout le long de l’histoire et nous les suivrons jusqu’au bout. L’inconnu fait peur, il faut construire des murs, en casser d’autres, se « camoufler » sans cesse, car leurs ennemis sont tout proches.
Dans le groupe des érudits, règne une véritable amitié, une vraie fraternité ; le roman est un peu moraliste, les bons gagneront  in extrémis, mais nous savons bien que rien n’est ni complètement noir, ni complètement blanc.
Catherine VADON : Les rusés des récifs (Ed Quae)
Un livre fascinant que l’auteure Catherine Vadon, océanographe de formation offre au lecteur curieux et très vite passionné par ce monde sous-marin extraordinaire.
Des photos à couper le souffle qui interceptent l’œil du lecteur et l’incitent à lire le texte qui complète la vie de tous ces animaux ou végétaux marins. Pour la plupart, ils vivent dans l’Océan Pacifique et se fondent avec les algues ou les coraux pour mieux se cacher des prédateurs ou au contraire pour mieux saisir leur proie. Il faudrait citer chaque animal car ils sont tous merveilleux, leur couleur, leur forme leur permet de se fondre dans cet univers aquatique, c’est une féérie sans fin au gré du mouvement des plantes sous-marines.
Vous découvrirez l’oursin fleur, le poisson scorpion, le crabe arlequin, le poisson crocodile pour n’en citer que quelques-uns. Feuilleter ce livre ne suffit pas, il faut le lire avec attention et remercier le travail de Catherine Vadon  qui offre en couverture ces fameux rusés des récifs que sont ces deux minuscules hippocampes du détroit de Lembeh en Indonésie.
Un pur enchantement.

jobic zeitoun

Yves JOBIC (avec la collaboration de Frédéric Ploquin) :
Les secrets de l’antigang, flics, indics et coups tordus (Ed Plon)
Yves JOBIC, sorti major de sa promotion de l’École Nationale de la Police, a pris sa retraite en mars 2022 après quarante et un ans de bons et loyaux services dans la police nationale. Quelques mois plus tard, il publie ce livre de souvenirs dans lequel il raconte son parcours au sein du 36, quai des orfèvres. Il a été un des derniers commissaires de la police judiciaire parisienne à avoir pratiqué le renseignement opérationnel impliquant de recourir à des informateurs.
Une pratique délicate mais qui aura permis de résoudre de nombreuses affaires. Jobic nous raconte le grand banditisme parisien, le proxénétisme, les braqueurs de banque et de transports de fonds, les saucissonneurs de milliardaires. Il relate également son incarcération pendant 17 jours en 1988 puis le procès qui a suivi alors qu’il était accusé faussement de proxénétisme et de corruption par des prostituées et leurs souteneurs, assoiffés de vengeance après les coups que Jobic avait portés à leur business. Il ne manque pas de critiquer les diverses réformes intervenues qui scotchent les policiers dans leurs bureaux à faire de la procédure judiciaire au lieu d’enquêter efficacement grâce à leurs sources.
Frédéric ZEITOUN : Fauteuil d’artiste (Ed L’Archipel)
Pour Frédéric Zeitoun… Ça roule !
Et pourtant, il avait tout pour que… ça ne marche pas puisque qu’il nait avec les forceps et dès le départ on savait qu’il ne marcherait pas. Comme il le dit avec humour, pour les claquettes, c’était raté ! Mais ce « petit juif à roulettes », comme il se surnomme, n’avait rien pour réussir : un physique ingrat caché derrière des hublots et ce maudit fauteuil.
Et pourtant… Pourtant, il a en a dû en franchir des obstacles ! Mais il l’a fait avec l’amour de sa mère, avec son humour et son autodérision, véritables boucliers pour ne pas sombrer. Et puis, l’amour des mots, l’amour de la musique, l’amour de la chanson… Tout cela a été salvateur.
« La chanson est la colonne vertébrale de ma vie » avoue-t-il. Ce parcours du combattant, il l’a vécu, il le vit encore quelquefois car même aujourd’hui, monter sur un trottoir ou des escaliers, franchir une porte très étroite, c’est toujours hélas d’actualité. Et Dieu sait s’il s’insurge encore et n’a pas peur d’aller frapper aux portes de qui veut bien l’écouter.
Cette « situation de handicap », comme il l’appelle, il la vit toujours, même si, devenu célèbre, il est peut-être plus aidé que d’autres… Et encore.
Sa vie, c’est aimée et défendue. Et puis, cette envie d’écrire et de chanter qui lui tient au corps et au coeur et qui a fait qu’à force de persévérance, de talent bien sûr, de passion, il est le seul chanteur à chanter sur une scène avec son fauteuil ! Il a su et sait se faire entendre et comme il le dit « Chanter c’est ma vie ».
Une vie qui l’a sauvé de tout avec, à ses côtés, Sabrina, la femme de sa vie et Simon ce petit garçon venu de loin, qui est devenu leur fils.
Frédéric Zeitoun, c’est un fonceur, un optimiste né, un battant et un amoureux de la vie, partagé entre amour et humour.
Je me souviens de deux jours passés à ses côtés à la fête du livre de Toulon où, attendant « le client », nous avons parlé chanson, amour que je partage avec lui, nous avons ri car il a l’humour à fleur de lèvres. Et je l’ai retrouvé sur la tournée « Age Tendre » qu’partageait avec ces artistes qu’il aime et qu’il aimait.
Tout au long de sa vie il a fait de belles rencontres comme Gérard Davoust, fidèle ami de plus de tente ans, Charles Aznavour avec qui il a écrit et chanté,, Michel Drucker, Jacques Martin qui lui ont offert ses premières chances, et bien d’autre.
Personnage attachant, émouvant et drôle Frédéric Zeitoun est vrai, il détonne presque dans ce milieu du show biz qui n’est ni vrai, ni tendre.
« Un honnête homme » comme on disait au XVIIIème siècle !

Notes de lectures

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Stéphane BERN : Les secrets de L’Elysée  (Ed Plon – 240 pages)
Après les secrets d’histoire Stéphane Bern s’attache aux lieux de pouvoir à travers le monde avec l‘ouverture des secrets du palais de l’Élysée en nous dévoilant  les confidences des locataires ou propriétaires successifs de cette vitrine de la France.  Le palais édifice hors du commun, entouré d’un magnifique parc de deux hectares en plein Paris, voisin des célèbres Champs Elysées, fut le point de rencontre d’un nombre incalculable de personnages célèbres, depuis les 24 présidents de la République, les princes et  les empereurs, souverains étrangers ou simples locataires,
Le  tout impliquant transformations architecturales, aménagements locatifs ou festifs, drames familiaux, spectacles, conférences de presse.
Qui n’est pas passé par là ?
C’est une valse d’évènements toujours rigoureusement évoqués par l’auteur toujours avide de grandes et petites histoires qu’il nous livre au coin de l’oreille.
De belles illustrations éclairent les différentes époques  aussi bien en tableaux qu’en photographies émaillant le texte de touches d’authenticité.
Olivier MERLE : Le manoir des sacrifiés (Ed XO – 410 Pages)
Des meurtres successifs avec le même rituel et mode opératoire ; des hommes assassinés dont un des yeux est arraché sont dans une étrange position devant un meuble sur lequel se trouve à chaque fois un crane Néandertal. Leurs épouses sont introuvables.
Le commandant Grim, chargé au départ de l’enquête a une histoire personnelle avec l’une des femmes disparues ; ce qui complique les investigations …
L’histoire de l’humanité, des hommes préhistoriques mêlés à des meurtres étranges et des disparitions surprenantes ne peuvent que séduire les amateurs de thrillers.
Le thème rassemble tous les éléments inhérents aux thrillers (assassinats, atrocité, rebondissements, conflits dans l’équipe d’enquêteurs) pour finalement une conclusion d’investigation inattendue.

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Marie LARREA : Les gens de Bilbao naissent où ils veulent ( Ed Grasset – 222 pages)
Avec beaucoup de finesse et d’intelligence, l’auteure aborde le sujet de l’adoption d’un enfant, sujet d’autant plus personnel qu’elle est elle-même une enfant adoptée. Et comment l’enfant tente désespérément de retrouver ses parents.
Cette quête, véritable travail de détective a été celle de Maria Larrea. Le lecteur souffre avec elle à chaque butée dans sa courageuse remontée dans le temps et dans les secrets familiaux. En effet pourquoi un enfant va-t-il  être abandonné par sa mère ? Tous les scenarios s’offrent à l’auteur puis petit à petit une ouverture, un espoir, une parole suffisent à relancer avec encore plus de force la recherche de la vérité sur sa naissance.
Ce roman séduit par sa force, sa dignité. Il y a de la souffrance chez toutes les femmes ayant abandonné leur enfant de leur plein gré ou malgré elles, mais cette souffrance existe aussi chez l’enfant et bien sûr les pères. Un roman  d’autant plus émouvant qu’il faut aussi lire les remerciements de l’auteur à ses familles d’adoption, ses amis adoptés à qui elle rappelle qu’ils sont libres.
Eric Le NABOUR : Cruels sont les rivages (Ed Terres de France – 381 pages)
Comment vivre lorsque son mari policier tué en mission réapparait pour être cette fois-ci réellement abattu froidement ?
C’est maintenant à Laura Delgado son épouse de reprendre son rôle de policière qu’elle avait abandonné pour s’occuper de ses filles et vivre loin du drame en Bretagne. Il va lui falloir enquêter, remonter les pentes, retrouver d’anciens collaborateurs.
Une histoire confuse à laquelle l’auteur ajoute les bons sentiments d’une mère auprès de ses deux filles, un grand-père ancien flic rejeté par sa fille mais qui en sait long sur la mort de son gendr, et une histoire d’énormes intérêts financiers liés à l’amant de Laura Degado.
Un roman qui se lit facilement mais laisse peu de souvenirs au lecteur.
Jennifer EGAN : La maison en pain d’épices (Ed Robert Laffont – 390 pages)
Traduit de l’anglais (États Unis) par Sylvie Schneiter
Auteur américain qui a obtenu le prix Pulitzer en 2011, Jennifer Egan vient de publier ce nouveau livre en France.
Elle imagine un monde s’écoulant de 2010 à une date ultérieure inconnue, dans lequel un homme Bix Bouton a fondé une entreprise nommée Mandala. Il commercialise avec succès un cube de conscience dans lequel on revoit ses souvenirs même oubliés : Own Your Unconscious. Puis il va créer d’autres fonctions notamment celle de télécharger tout ou partie de sa mémoire sur un serveur collectif permettant en échange un accès proportionnel aux pensées et souvenirs anonymes de ceux qu,i vivants ou morts, ont fait la même chose.
Dans ce drôle de monde, l’auteur met en scène la famille de Bix, celle de Miranda Kline qui étudie les affinités entre les êtres humains et les met en algorithmes, et celle de Christopher Salazar, qui a crée un organisme concurrent sans but lucratif, qui défend la liberté face à ces cyber identités.
Le roman est très dense, trop même car le lecteur se perd dans les personnages, les époques mélangées. L’auteur adopte des formes littéraires variées qui pourront également déstabiliser le lecteur.
Bref, un roman curieux qui pourra plaire à certains, déplaire à d’autres.

René FREGNI : Une vie de baroudeur et d’écrivain

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Minuit dans la ville des songes (Ed. Gallimard – 255 pages)
Roman autobiographique de cet auteur pudique qui nous livre ici ses pensées dans le grand voyage de la vie qui l’a amené à se débattre avec ses grands problèmes : l’autorité, l’obéissance, les règles sévères quand on nait à Marseille dans une famille modeste où il faut s’affirmer  même face à la discipline qu’il a du mal à observer, des règles quand lui-même prône la liberté, l’espace, quitte à avoir du mal à s’insérer.
Un brin rebelle, un peu marginal, il affronte l’existence par la fuite en avant, plein de fougue et d’espoir assumant sa différence qui le propulse vers d’autres horizons, d’autres régions, toujours guidé par l’amour qu’il  voue à sa mère, son point d’ancrage existentiel.
Nous traversons sa vie un livre à la main, les yeux ouverts sur ses paysages méditerranéens qu’il affectionne. De sa plume délicate il nous promène dans sa Provence ensoleillée où dans la Corse de son exil nous faisant partager son amour des livres et de l’écriture et sa façon de   vivre comme un loup solitaire mais plein de sensibilité et d’amour de  la vie, et toujours de sa mère.
Il a reçu le prix des lecteurs du Var 2022.

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Rencontre
C’est, depuis des années, un plaisir de rencontrer René Frégni car s’il est un romancier de talent, il est aussi un conteur plein de charme, d’humour, de poésie. C’est un homme vrai qui, malgré son succès, a su rester un homme simple, attaché à sa terre varoise, assez solitaire mais aimant rencontrer les gens.
Nous revoici à la Fête du livre où il signe son dernier roman qui en fait n’est pas un roman mais, pour la première fois, une biographie. Le titre : « Minuit dans la ville des songes » (Ed Gallimard). Pourquoi ce titre ? C’est ce que je lui ai demandé :
« C’est parce que j’ai peur de mettre les mots sur une page blanche et que je les mets la nuit sur mes paupières, lorsque je suis au lit, sans peur du lendemain. Le lendemain qui me permet de retranscrire ce que j’ai écrit dans mon subconscient. Je revois toutes les scènes.
J’écris toujours avec un stylo. J’écris, je peaufine. C’est ensuite ma femme qui retranscrit sur l’ordinateur.
Pour une fois, ce n’est pas un roman !
Disons que c’est une bio que j’ai un peu romancée. Il parle de mon enfance, de ma vie de marginal, de ma vie de voyou, de déserteur, de mon premier amour, de la beauté des filles, de tout ce que j’ai vécu, des paysages que j’ai sillonnés en France et ailleurs… De ma région aussi.
C’est à la fois un livre d’aventures à la José Giovanni car tu en as vécu beaucoup et une ode poétique à ton pays à la Jean Giono, puisque tu vis à Manosque.
Il a des deux car c’est vrai que j’ai fait pas mal de conneries dans ma jeunesse, que j’ai fait de la prison, que je me suis évadé et que j’ai passé un certain temps à me cacher et à vivre sous un faux nom… Mais c’est aussi l’amour de ma région qu’en dehors de ces années d’errance, je retrouve toujours avec le même bonheur, que j’y vis et qui est mon havre de paix.
Pour en revenir à Giono qui vivait comme toi à Manosque, tu as failli le rencontrer mais tu n’es pas allé jusqu’au bout. Pourquoi ? Aujourd’hui le regrettes-tu ?

J’avais 20 ans, je savais où il habitait et j’ai voulu aller le voir. Et puis j’ai hésité car c’était un homme d’un certain âge. Je ne suis pas allé le voir car d’abord j’avais peur de le déranger et puis en fait, ses livres parlent pour lui et je me suis dit que l’œuvre d’un tel écrivain et plus grande que l’homme qu’il pouvait être. J’ai préféré plutôt le lire que de le rencontrer. Ca fait quarante ans que je lis ses romans. J’ai dû tous les lire entre cinq et six fois ! Et je ne regrette pas ce rendez-vous manqué.

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Tu as vécu une vie incroyable, quelquefois difficile mais il semble qu’à chaque fois il y ait eu quelqu’un pour t’aider à t’en sortir.
C’est vrai, j’ai rencontré des gens qui m’ont fait confiance, qui m’ont apporté tendresse, humanité : Ange-Marie avec qui j’ai fait les quatre cents coups, que j’ai retrouvé en prison. Il m’a présenté l’aumônier qui m’a fait découvrir la lecture. Je lisais presque un livre par jour. Le premier d’ailleurs a été « Colline » de Giono dans lequel je me retrouvais. Dominique Raffali m’a permis de vivre en Corse alors que j’étais déserteur. Durant un an j’ai fait danser le be-bop à des filles magnifiques dans sa boîte de nuit. Maître Comte qui m’a sorti du pétrin… J’ai partagé avec eux une forme d’humanité.
Et ta mère !
Ma mère a toujours été le soleil de ma vie. Pas un jour je n’ai cessé de penser à elle, même aujourd’hui qu’elle est partie. Elle m’a apporté une tendresse infinie malgré toutes les peurs que je lui ai fait subir. Sa pensée m’a toujours aidé à être positif à chaque fois que je bifurquais. Elle m’a aidé à aimer la vie et si tu aimes la vie, la vie t’aime.
Sais-tu pourquoi tu as toujours été un rebelle ?
Ca a démarré tout jeune. Je portais des lunettes et on s’en moquait. C’est de là qu’est née ma rébellion. Mais en fait, être marginal, ça me plaisait. J’ai toujours été révolté et j’ai toujours aimé la transgression même si je n’ai jamais été un grand voyou !
Te sens-tu plus lecteur ou plus écrivain ?
J’ai été lecteur à 19 ans, donc plus longtemps qu’écrivain car je reste un grand lecteur aujourd’hui. Et si je suis devenu écrivain c’est grâce à toutes les lectures que j’ai faites durant ma vie. C’est à cause de ces lectures que j’ai eu envie d’écrire.
Tu es quand même resté un loup solitaire !
En dehors des fêtes du livre où je rencontre beaucoup de gens et où j’y prends plaisir, je suis heureux de retourner chez moi, dans ma maison, dans mes paysages où je passe mon temps à regarder, à rêver, à respirer. J’écris en marchant et je passe mon temps à admirer un ciel bleu, des feuilles d’or qui, en ce moment, se détachent des arbres… On est quand même mieux qu’enfermé dans une banque !
Ici, je n’ai pas besoin de grand-chose : un gros pull, des chaussures de marche, un cahier, un stylo… Ça me suffit. C’est ça la vraie richesse.
Il y a un proverbe indien que j’aime : « Lorsque l’homme aura coupé le dernier arbre, pollué la dernière goutte d’eau, tué le dernier animal et pêché le dernier poisson, alors il se rendra compte que l’argent n’est pas comestible ».

Propos recueillis par Jacques Brachet.